Rapport choquant sur la Grèce : les indicateurs macroéconomiques sont trompeurs car les conditions de vie continuent à se dégrader
4 février
par Confédération hellénique des cadres, artisans et marchands
La société grecque est en déclin économique : trois personnes sur quatre sont des chômeurs de longue durée. 51% des ménages dépendent des retraites. Un ménage sur cinq a peur de perdre sa maison. 70 % des jeunes Grecs veulent chercher un travail à l’étranger. 16,3 % disent ne pas pouvoir couvrir une dépense extraordinaire de 500 euros.
Ces données choquantes sont tirées d’un sondage d’opinion mené par GSEVEE, la Confédération hellénique des cadres, artisans et marchands. Le sondage a été réalisé en collaboration avec Marc sur un échantillon de 1006 ménages entre le 15 et le 21 novembre 2017.
Les données de l’enquête confirment que malgré l’amélioration des indicateurs macroéconomiques, les « fruits de l’austérité et des réformes » n’ont pas atteint le Grec moyen.
L’élargissement des disparités entre les bas et moyens revenus menace le modèle de développement communautaire selon les résultats de l’enquête sur le climat économique menée par le GSEVEE.
Malgré les signes d’amélioration des indicateurs macroéconomiques, trois éléments importants montrent que l’amélioration n’a pas atteint le Grec moyen :
70 % des jeunes veulent chercher du travail à l’étranger,
51% des ménages dépendent des retraites malgré les coupes que celles-ci ont connues
3 chômeurs sur 4 sont en chômage de longue durée.
« La bombe qui menace les fondements de la cohésion sociale, c’est qu’un ménage sur cinq craint de perdre sa maison », a déclaré le président du GSEVEE, Giorgos Kavvathas, lors de la présentation du rapport.
Un ménage sur quatre est incapable de remplir ses obligations.
Revenu – Situation économique des ménages
Une amélioration marginale est observée en termes de mobilité du revenu. Plus d’un ménage sur trois (34,2 %) déclare vivre avec un revenu familial annuel qui les place dans la tranche la plus basse sur l’échelle des revenus (jusqu’à 10 000 €).
· 62,4 % des ménages ont déclaré en 2017 un revenu inférieur à celui de 2016
· un taux croissant (35,6 % contre 22,2 % dans l’enquête de 2016) indique une stabilisation de leur revenu.
La baisse globale des revenus se reflète également dans les chiffres annuels publiés dans le système public ERGANI pour 2017 : le salaire mensuel moyen brut s’élevait à 1021,13 €, légèrement inférieur à celui de 2016 (1057,21 €).
Il y a une nette tendance à l’élargissement de l’inégalité en faveur des groupes à revenu élevé (la catégorie des plus de 30 000 € a augmenté de 14,1 %). Les ménages avec un membre du ménage sans emploi sont particulièrement vulnérables.
· Seulement 3,1% de la population parviennent à économiser de l’argent.
· Dans une étude récente de la Banque de Grèce (juillet 2017), il est noté que les ménages grecs ont perdu 26 % de leurs revenus et 37,5 % de la valeur de leurs actifs depuis le début de la crise.
La pauvreté
14,6 % des ménages indiquent que leur revenu est insuffisant pour subvenir à leurs besoins de base, une constatation associée au taux d’extrême pauvreté dans le pays (fixé à 40 % du revenu médian, ELSTAT). Selon les données officielles de l’enquête Eurostat sur le revenu et les conditions de vie, le seuil de pauvreté relative est passé de 7 178 euros en 2010 à 4 500 euros en 2016, ce qui indique une réduction significative des revenus moyens. En prenant le seuil de pauvreté de 2010 comme mesure de comparaison, environ la moitié des ménages seraient considérés comme pauvres aujourd’hui (48 %).
Le phénomène de la pauvreté monétaire apparaît systématiquement élevé.
· En ce qui concerne la possibilité d’un paiement extraordinaire de 500 euros : 16,3 % ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas se le permettre, tandis que 52,2 % couvriraient cette dépense avec beaucoup de difficultés.
Plus de 6 ménages sur 10 (61,1 %) sont obligés de faire des coupes pour assurer le strict nécessaire. Il est à noter que les grands ménages (plus de 5) et les ménages avec les chômeurs sont confrontés à un problème plus sérieux de satisfaction des besoins fondamentaux.
Attentes
Les attentes des ménages pour 2018 sont restées négatives :
· 63,6 % en 2017 (73,5 % en 2016) anticipent une dégradation de la situation économique.
· 27,9 % croient qu’elle restera stable
· 5,1 % s’attendent à une amélioration du potentiel économique
Ces résultats sont liés aux prévisions des ménages quant à leur capacité à faire face aux engagements actuels et futurs, ainsi qu’aux faibles espoirs d’amélioration des finances des ménages.
Les retraites alimentent des familles entières
La pension de retraite demeure la principale source de revenus pour plus de la moitié des ménages, malgré des coupes individuelles. Elle continue à rester comme substitut à l’État providence et à la protection sociale.
· Sans les pensions, le taux de pauvreté serait de 52,9 % de la population.
Activités commerciales
Les ménages déclarant que le revenu d’une activité commerciale constitue leur principale source de revenu restent à un taux très bas de 5,9 %, ce qui suggère que les ménages grecs sont incapables de développer des activités commerciales viables et rentables dans l’environnement économique actuel. Il est évident que pour une grande partie des ménages, la création d’entreprise constitue un moyen supplémentaire de revenu (sous la forme d’une allocation).
Emploi – Chômage
29,9 % des ménages, soit environ un million de ménages, comptent au moins un chômeur dans la famille. Le taux de chômage de longue durée est de 83,5 %. Pour tous les membres du ménage sans emploi, l’allocation de chômage est limitée à 7,3 %.
Près de 3 chômeurs sur 4 sont en situation de chômage de longue durée, ce qui menace de déprécier le tissu productif et le capital humain du pays.
La marginalisation économique concerne non seulement la population au chômage, mais aussi les groupes de travailleurs.
· Plus d’un ménage sur cinq (21,5 %) a un membre de la famille qui travaille pour un salaire inférieur au salaire minimum, officiellement fixé à 586 euros (490 euros net).
Migration économique
9,0 % des ménages déclarent avoir au moins un membre ayant migré à l’étranger pour trouver du travail. Ceci est lié à un changement dans les conditions de vie de plus de 400 000 familles.
Selon les données officielles des services statistiques, on estime à plus de 710 000 les citoyens grecs ayant émigré depuis le début de la crise (2010-2016).
La tendance à la poursuite du phénomène est préoccupante, le flux migratoire ne semblant pas maîtrisé.
40,1 % des ménages envisageraient sérieusement d’émigrer s’il y avait des possibilités de trouver un emploi.
Chez les jeunes de 18 à 34 ans, ce chiffre atteint 72,3 %.
Il est caractéristique que les groupes les plus riches et les plus éduqués de la société sont les plus susceptibles d’émigrer.
Obligations financières
19,6 % des ménages ont des dettes en souffrance au fisc, alors que 55,6 % de ces débiteurs ont été en négociation avec les services fiscaux, indiquant que la plupart des débiteurs sont dans une situation d’endettement permanent et cherchent des solutions en leur allongeant les délais de remboursement.
Comme les dispositifs mis en place pour les ménages en 2015 ne sont plus en vigueur, le pourcentage de citoyens ayant des arriérés de dettes devrait augmenter.
31,1% (contre 27,3 % en décembre 2016) des ménages endettés ont des dettes en souffrance auprès des banques (environ 450 000 ménages). Le problème est accentué pour les ménages les plus pauvres et les célibataires (avec des taux supérieurs à 40 %).
Un ménage sur quatre pense qu’il ne sera pas en mesure de respecter ses obligations fiscales l’an prochain
14,8 % des ménages possédant leur propre propriété déclarent ne pas être en mesure de payer des impôts sur leur propriété (ENFIA).
20,2 % des propriétaires sont deux fois redevables pour leurs biens : en plus du paiement d’ENFIA, ils doivent également rembourser le prêt hypothécaire.
32,2 % pensent qu’ils ne seront pas en mesure de faire face à leurs obligations de dette l’année prochaine.
Consommation – Qualité de vie
Malgré l’amélioration relative de certains indicateurs de consommation, la tendance à la baisse de la demande intérieure se poursuit pour un large éventail de biens et de services. En ce qui concerne les tendances de consommation, une grande partie de la population a enregistré des baisses des dépenses de chaussures (61,3 %), de loisirs (48,3 %), de produits alimentaires (40,2 %) et d’articles ménagers (40,1 %). A cela s’ajoute l’achat de produits de qualité inférieure.
Pour la quatrième année consécutive après les soi-disant « réformes » des soins de santé qui ont effectivement réduit les dépenses publiques pour ce secteur depuis 2012, le nombre de ménages ayant déclaré avoir augmenté leurs dépenses privées de santé et de soins pharmaceutiques a augmenté. Tout comme le nombre de ceux qui ont augmenté leurs dépenses de chauffage (une taxe spéciale sur le mazout a été imposée en 2012).
Cette constatation souligne la nécessité d’une activation immédiate du programme de soins de santé primaires nouvellement établi pour l’ensemble de la population, ainsi que du rétablissement de la confiance du public dans les structures de santé publique. Cette tendance à la hausse des dépenses privées pour garantir les besoins sociaux comme les soins de santé et le chauffage a un effet dissuasif sur le bien-être social en général.
· 47,8 % des ménages ont déclaré avoir reporté ou retardé l’obtention de conseils et de traitements médicaux en raison d’une faiblesse économique.
Plus d’un ménage sur trois a retardé la réparation d’un appareil électroménager ou l’entretien de la voiture.
Plus d’un ménage sur quatre est en retard pour payer les services publics et l’entretien des maisons.
Sur la base des statistiques ELSTAT, les ménages des tranches de revenus les plus faibles ont augmenté leurs dépenses de 17 % pour les services publics et de 25 % pour les transports depuis 2009.
Dans l’ensemble, les citoyens approuvent le soi-disant dividende social ou excédent social pour les groupes vulnérables de la société, comme les chômeurs et les personnes à faible revenu.
La première priorité des citoyens est que les impôts fonctionnent « mutuellement », en particulier dans le secteur des soins de santé (73,2 %), dans l’éducation (45,8 %) et dans les mesures visant à stimuler l’emploi et l’investissement (40 %).
PS : Pour chaque citoyen moyen vivant en Grèce, cette enquête confirme simplement notre réalité grecque quotidienne.
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Revue de presse hellénique 02/02/2018
133 milliards d’euros (soit 74 % du PIB) : c’est le montant des dettes cumulées des contribuables envers l’État dont 101,8 milliards envers le fisc et 31,28 milliards envers les caisses d’assurance. Pour la seule année 2017, le montant des impôts impayés s’est élevé à 13 milliards d’euros (Kathimerini, Le Journal des Rédacteurs, Avghi).
Source : Confédération hellénique des cadres, artisans et marchands
cité en anglais par le site Keep Talking Greece
Traduction de l’anglais par Claude Quémar pour le CADTM.