Monika Karbowska – Faire la lumière pour gagner la bataille : Qui sont les proches de Julian Assange ?

L’été est fini et avec lui le silence assourdissant autour du prisonnier politique le plus emblématique d’Europe s’estompe un peu. Un bruit médiatique fait de concerts, rallyes, visuels « je suis Assange » de triste mémoire des attentats de 2015-2016 monte doucement. Sortir Julian Assange de prison le plus vite possible, le protéger et le conduire en lieu sûr devrait être l’objectif de tous militants pour les droits humains, et en réfléchissant à la stratégie la plus rapide et la plus efficace, je suis tombée sur un de mes documents « mapping » du temps de la répression que j’ai traversée moi-même en tant que militante syndicale européenne.

Qui sont mes vrais amis ?

J’avais dénoncé en 2007-2009 avec des amies syndicalistes grecques, polonaises et bulgares l’exploitation des migrants est-européens, travailleurs détachés esclaves d’agences de vente de main d’œuvre à 400-600 euros pour 15 à 18 heures de travail par jour sur les sites touristiques grecs. Nous avions lancé une campagne pour les droits de ces travailleurs migrants européens, imprimé un tract multilingues et mon article sur le sujet, signé de mon nom, fut publié dans la presse de gauche grecque et polonaise et sur les sites altermondialistes français et allemands (1). Mal m’en a pris. Alors que mon amie la syndicaliste bulgare Konstantina Kouneva était vitriolée dans une rue d’Athènes en décembre 2008, en aout 2009 je fuis enlevée la nuit par la police grecque de mon domicile sur l’ile touristique ou je travaillais et accusée par deux accusateurs complices de vol avec effraction sur un scénario aussi rocambolesque que celui qui fut écrit par la militante social-démocrate officière de police pour poursuivre Julian Assange pour viol. Lire la production romanesco-policière de Irmeli Krans (2) m’a fait irrésistiblement penser à ma propre affaire, par le choix des protagonistes et la sexualisation insidieuse de la situation destinée à me faire taire par le biais de la honte. J’ai été ainsi poursuivie pendant 5 ans pour cette chose que je n’avais pas commise et menacée dans une procédure ubuesque d’être livrée à la police grecque par un mandat d’arrêt européen suite à un procès truqué ou juges, avocats, procureurs, policiers et patronat local faisaient partie de la même famille. Lorsque j’ai pu organiser la défense efficace qui m’a fait gagner, j’utilisais donc ce document de mapping intitulé « Qui sont mes vrais amis dans cette affaire ». Sur la feuille de papier à côté de moi se trouvait ma mère, à gauche et à droite quelques amis personnels de différents pays, en bas les actions à mener et les financeurs de celles-ci. Mes avocats, mes médecins et mes soutiens moraux et politiques étaient indiqués tout autour.

Le jugement qui m’innocentait en Grèce en 2013

Je doute que le pauvre Julian Assange soit en état d’écrire un document semblable pour luimême alors que ce genre d’examen est absolument nécessaire quand tu es un dissident pourchassé par le système capitaliste et que tu veux sauver ta peau. Tant pis si ta feuille est clairsemée, ce qui compte est la fidélité et la solidité des vrais soutiens. Il se peut même que plus tu t’approches du but de ta libération, plus tu as éliminé les gêneurs qui te font perdre une énergie précieuse et accaparent ton temps dans un storytelling stérile. Tu ne peux plus te permettre cela, il y va de ta vie, désormais. J’ai donc réfléchi à comment Julian Assange pouvait répondre à cette question, « qui sont mes vrais proches ». Et comme une association de défense des droits humains a pour vocation de protéger les droits de ceux qui sont trop faibles pour se défendre eux même, je vais tenter d’aider Julian Assange, par-delà les murs du trou noir ou il se trouve, à démêler les vrais des faux.

Plus je me plongeais dans les documents multiples qui jalonnent la « saga » européenne de Julian Assange depuis dix ans, plus je découvrais que le storytelling officiel colporté par les médias et les blogs recouvrait des réalités très différentes. J’ai dû donc ajuster mon mapping à une situation changeante. J’éliminais tout de suite les personnes qui furent les plus proches de Julian mais qui ont disparu, sont injoignables et en tout état de cause ne le défendent pas : Sarah Harrison que même mes amis de la gauche berlinoise ayant pignon sur rue n’ont pas pu retrouver, Jacob Appelbaum, le véritable héros du film « Risk » et génial concepteur du moteur de recherche Tor ne communique plus depuis (3) ans, depuis qu’il a été forcé de quitter le projet Tor. Je ne compte pas Madame Renata Avila parce qu’il est vrai qu’en tant qu’Européenne de l’Est dont le pays a été profondément détruit et « remastérisé » par les organisations de Soros je ne peux faire confiance à quelqu’un qui est salarié dans une association financée par le même.

Le « Director »

De toute façon j’ai compris que ces anciens proches ne figureraient pas au centre du tableau de la « famille de cœur » du prisonnier politique Julian Assange. Au centre trônerait le « Director » comme le nomme certains médias lors de son décès en 20163, celui qui est associé avec Kristinn Hrafnsson à la direction de l’organisation financière probable de Wikileaks, Sunshine Press Production, société de droit islandaise crée le 8 octobre 2010 (4) au moment ou Julian Assange est accaparé par les accusations suédoises : Gavin MacFadyen. Ce dernier est tellement proche de Julian Assange depuis au moins son arrivée en Europe en 2009 que certains le présentent comme le véritable fondateur de Wikileaks en 2006, le mentor de Julian Assange, son seul et meilleur ami. Il faut dire que les quelques photos sur lesquels ils figurent ensemble montrent une certaine tendresse (5), sentiment renforcé par le fait que Julian Assange lui rend hommage à son décès par un message twitter original du fond de son ambassade prison alors qu’il ne communique rien sur le décès de son grand-père maternel Warren Alfred Hawkins ou de son père social, Brett Assange en 2012 (6). Le rôle de Gavin MacFadyen dans la saga Wikileaks et dans le sort personnel de Julian Assange doit être vu comme central et historique. Militant soixante-huitard de la 4ème Internationale trotskiste, du Socialist Workers Party, réalisateur, journaliste, MacFadyen a probablement mis ses réseaux politique d’extrême gauche à disposition de son fils spirituel car Wikileaks devait être un prolongement, un aboutissement du Centre du Journalisme d’Investigation crée en 2003 au plus de la guerre de Bush et Blair contre l’Irak (7). Le Centre pourvoit ainsi Julian Assange en collaborateurs proches (Sarah Harrison, Renata Avila, David Farrell) pour la mise en forme des grandes révélations de 2010 : Afghan et Irak logs, télégrammes diplomatiques américains. MacFadyen crée un comité qui récolte des fonds pour la défense de Julian Assange et probablement gère cet argent. Peut-être que c’est ce « legal defence fond », aujourd’hui dirigé par Susan Benn, la veuve de MacFadyen, qui a choisi la Doughty Street Chambers et suggéré les G. Robertson et J. Robinson comme avocats de Julian Assange (8).

Table syndicale à Santorin en 2007

Certes, je n’ai aucun souvenir de l’action de CIJ alors qu’au plus fort de la résistance européenne contre la mondialisation et l’impérialisme des dizaines de milliers de militants politiques de gauche débattaient dans les centres culturels et les squats lors du Forum Social Européen de Londres en octobre 2004. Les jeunes et bouillonnant militants britanniques du mouvement Agir Contre la guerre « Stop the War » ont réussi à rassembler 100 000 personnes pour la grande manif finale finissant à Trafalgar Square le 18 octobre 2004. De mon point de vue de militante européenne engagée, Wikileaks fut en 2010 l’aboutissement et non le point de départ des luttes contre l’invasion guerrière états-unienne en Irak (9).

La place de MacFadyen est vide sur la « carte du réseau de résistance» car le père spirituel (appelé aussi « maître » per certaines sources) de Julian Assange décède d’un cancer en 2016. J’hésite à placer Madame Susan Benn parmi les amis proches de Julian Assange non seulement à cause de l’absence de la moindre preuve de cette proximité, mais aussi parce que l’action des avocats cornaqués et payés ( ?) par son fond de soutien ne me semble pas efficace et pertinente. Mon affaire grecque a duré 5 ans et tant que je payais des avocats politiquement douteux je perdais mes procès les uns après les autres et je perdais la visibilité de la stratégie nécessaire pour gagner. Dans le droit européen, en tant qu’accusé je suis responsable de ma propre défense, de ma liberté et de mon honneur. C’est pour cela que l’accès à mon dossier et la traduction des pièces dans la langue que je comprends le mieux est mon droit absolu. Parce qu’avant tout je suis une citoyen.ne dotée de droits inaliénables et les avocats ne peuvent se substituer à mes droits. Ils ne sont qu’une aide que je peux changer à tout moment une fois que je les ai payés sur présentation de facture légales ou sur la base d’une aide juridique que me procure mon pays de résidence.

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Qui profite de l’argent de Wikileaks ?

De nombreux articles ont démontré l’inanité depuis des années de la stratégie de Jennifer Robinson qui n’a entrepris depuis avril 2019 aucune action pour faire libérer Julian Assange en raison de sa mauvaise santé et s’est abstenue de déposer le recours en appel de la détention pour violation de la liberté sous caution. (10) Je peux d’autant moins lui faire confiance en tant que citoyenne européenne et militante souverainiste communiste polonaise que Jennifer Robinson passe tout l’été à soutenir activement le séparatisme d’une organisation de la région indonésienne de Papouasie Occidentale, contribuant ainsi aux divisions et tensions à l’intérieur de l’Etat d’Indonésie au moment ou celui-ci tente de protéger ses ressources naturelles en les nationalisant (11). Dans ces écrits et ses discours Julian Assange n’a JAMAIS promu l’immixtion impérialiste dans les conflits d’autres peuples et Etats, il n’a jamais soutenu les révolutions de couleur visant à des « regime change » au profit de forces politiques pro-occidentales. Il ne me semble pas exagéré de demander que l’avocate d’un prisonnier politique devrait aussi partager un minimum les valeurs que celui-ci représente (12).

Concernant les financements de Wikileaks de nombreuses zones d’ombres demeurent sur les financeurs comme sur les récipiendaires des fonds et ce n’est pas nouveau. La Fondation Wau Holland de droit allemand qui récolte les fonds, le rôle de l’entreprise Sunshine Press Production islandaise de même que la structure juridique de Wikileaks méritent plusieurs analyses (13). Mais ce qui compte c’est l’homme Assange dont on s’aperçoit aujourd’hui qu’il n’a jamais profité de la manne financière de son organisation, qu’elle soit sous forme de bitcoin mythiques ou vérifiable sur le bilan financier d’une entreprise avec siège en Europe. Cet état de fait grève lourdement sa situation concrète de prisonnier aujourd’hui. Déjà en août 2010 Julian Assange se trouve démuni sans argent en Suède, à la merci d’âmes charitables pour son appartement, sa nourriture (sic) : – et ses crédits téléphoniques alors qu’il est déjà poursuivi par les services secrets américains et que l’armada judiciaire européenne se met en route pour l’immobiliser et l’extrader aux Etats Unis (14). Question de migrante et militante prolétaire : pourquoi personne de Wikileaks, du CIJ, de sa famille ne lui a envoyé dans les deux heures qui suivirent le blocage de son compte un mandat Western Union ? En décembre 2010 la justice britannique considère l’homme Assange comme un indigent, car il n’a ni adresse, ni appartement, ni biens, ni rien. C’est pour cela qu’elle lui refuse la libération sous caution, puis une fois la caution exorbitante payée par la gauche socio-démocrate riche, le cloître dans la maison d’un homme qui se porte garant de la bonne conduite du prisonnier, le lie au lieu par un bracelet électronique contrôlé nuit et jour, lui impose un couvre-feu de nuit et l’oblige à pointer quotidiennement à la police locale. Depuis 9 ans, l’homme Julian Assange est dépendant des personnes de son entourage pour les actes les plus quotidiens de sa vie. Au passage, quel crédit accorder à tous ce storytelling foisonnant sur internet sur l’homme Assange dirigeant son organisation comme un chef impitoyable, licenciant son collègue Daniel Domscheit Berg ou utilisant sans vergogne les compétences informatiques de mineurs de 17 ans qu’il lâche lorsque la CIA s’y intéresse (15), alors que nous venons de comprendre que c’est Gavin MacFadyen qui est aux commandes de Wikileaks -avec Kristin Hrafnsonn présent en arrière-plan – et que Julian Assange n’a qu’un poste honorifique dans l’organigramme, tel un stagiaire de luxe dans un projet associatif typique de la décennie des ONG altermondialistes?

En effet, en tant que Français, incorrigibles dans la défense des conquis sociaux, on ne peut s’empêcher de s’interroger : Julian Assange a-t-il un contrat de travail avec l’organisation Wikileaks, une sécurité sociale, des cotisations retraite ? Ces questions sont d’importance lorsqu’on subit la répression capitaliste qui vous traite différemment si vous êtes un bénévole sans revenu ou un salarié inséré et payant des impôts. J’oubliai le détail qui est primordial pour les migrants hors Union Européenne : lorsque vous travaillez, vous possédez une carte de séjour mentionnant votre adresse et votre profession. Si Julian Assange avait une carte de séjour portant la mention « journaliste », personne, jamais, n’aurait pu lui contester cette qualité. Mais il n’a pas de carte de résident au Royaume-Uni, son adresse est probablement celle d’une poste restante en Australie et la Suède lui refuse la carte de travail qu’il demande alors qu’il séjourne dans l’appartement de l’accusatrice Anna Ardin. Dans le chapitre finances, personne de proche ne semble se soucier du statut social, des cotisations maladie ou retraites de Julian Assange qui, après tout, est un étranger sur le sol européen et aurait évité bien des souffrances si une association d’aide aux salariés migrants l’avait judicieusement conseillé.

Des années plus tard le problème ressurgira lorsque Julian Assange aura épuisé ses ressources physiques et mentales, enfermé dans les locaux de la mission diplomatique équatorienne. Le rapport médical de 2015 établi par trois médecins londoniens mandatés par l’Etat de l’Equateur suggère que l’impossibilité de le soigner dans les locaux de la mission est lié, outre à la question sécuritaire, à la problématique de « qui paye » ? (16) Julian Assange apparaît alors comme quelqu’un dont la mission diplomatique paye les frais de vie, mais il n’a toujours aucun contrat de travail ni aucune sécurité sociale, qu’elle soit britannique, équatorienne ou une autre sous statut de travailleur détaché ! J’ai été choquée découvrant cela, moi qui ai 30 ans au compteur de militantisme social auprès de migrants à qui j’ai passé des années de bénévolat à expliquer la nécessité de régulariser leur situation avec un contrat de travail ! En 2015 Julian Assange a 44 ans, il est peut-être fatigué de cette vie de sans-papier alors que diverses maladies commencent à le miner. Aujourd’hui dans la seule lettre un peu détaillée qui nous soit parvenue en juin dernier il se plaint du prix des communications téléphoniques en prison. En prison tout s’achète. Si tu ne peux pas acheter, c’est que toi et tes proches vous n’avez pas d’argent. Prolétaire précaire depuis trois décennies, je ne peux rester insensible face à cet appel au secours.

Julian Assange en captivité

Le terrible chapitre londono- équatorien

Le chapitre de l’ambassade équatorienne mérite une place spéciale pleine d’interrogations dans mon « mapping de résistance ». Il est factuellement faux de dire qu’il est impossible de soigner une personne sur le territoire d’une ambassade. L’ambassade, tout comme la résidence de l’ambassadeur, les locaux consulaires et les appartements des membres de la mission et de leurs familles sont inviolables et jouissent de l’immunité diplomatiques. L’inviolabilité du lieu signifie que l’Etat de résidence ne peut pénétrer dans les locaux que avec l’accord du chef de la mission, c’est-à-dire avec l’accord du gouvernement de celui-ci. L’inviolabilité der la personne détendeur du passeport diplomatique signifie qu’elle ne peut être arrêtée et détenue et ni poursuivie par un juge car il s’agit d’une « immunité absolue » selon la Convention de Vienne, ou plutôt l’usage qui est fait de cette Convention dans la pratique des relations diplomatiques depuis 1961 (17). Quiconque a vécu en tant que membre d’une famille de diplomate, comme moimême j’y ai passé ma jeunesse, sait combien il est difficile de punir les violences intrafamiliales dans ce genre de système car la protection des mineurs du pays d’accueil ne peut agir et celle du pays d’origine est loin. Cela veut dire donc que l’Etat est souverain en toutes choses dans sa mission diplomatique. Il peut choisir et accréditer des médecins de l’extérieur, les faire venir du pays, les salarier. Pour la petite histoire, la République de Pologne possède, héritage de la bonne gestion communiste, un cabinet médical dans son ambassade parisienne, ainsi qu’un excellent médecin appointé qui soigne environ 150 personnes de la mission, un cabinet dentaire équipé ou un dentiste officiait en permanence du temps de la Pologne Populaire… La Pologne est un petit pays, mais nul doute que la Russie et les Etats Unis possèdent des hôpitaux de campagne entiers dans leurs principaux locaux (18). L’Equateur n’est pas un pays riche mais je refuse de croire qu’il était impossible d’installer un équipement mobile de médecine dentaire dont se servent les organisations humanitaires ou de faire à Julian Assange une radio de son épaule par le même procédé. Si cela n’a pas été possible c’est que le problème était ailleurs. De même, l’Etat peut agrandir les locaux de sa mission. Acheter une maison entière dans laquelle le « prisonnier » aurait été plus à l’aise, racheter l’immeuble, le couloir, l’escalier, le palier, accéder par la propriété à la sortie de secours que l’immeuble comportait par la force des choses… Et si la Grande Bretagne était déterminée à piétiner 500 ans de tradition de réciprocité diplomatique et détruire la Convention de Vienne, il était envisageable politiquement de rompre les relations avec ce pays, saisir le Conseil de Sécurité de l’ONU, l’Assemblée Générale de l’ONU, rameuter les pays amis des BRICS très soucieux de respect de la souveraineté de l’Etat et de droit international… Pour Julian Assange le chapitre Equateur est clos et cette expérience a été dévastatrice pour sa santé et sa situation personnelle. Je pense que « la carte des amis proches » peut difficilement comporter des personnes liées à cette période de sa vie.

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La carte des proches apparaît donc terriblement vide et Julian Assange profondément seul. Nous devons alors nous pencher sur sa famille. Dans mon cas personnel, ma mère figurait juste à côté de moi en tant que personne indispensable. Agée de 70 ans, ne soutenant pas mes combats, elle a néanmoins rassemblé toutes les ressources matérielles possibles pour payer les frais de la répression que j’ai subie, et régulièrement je lui confessais honteuse et terriblement reconnaissante, l’avancement de mon dossier et les actions entreprises par mes amis politiques pour me sortir de cette cabale mortelle. Aujourd’hui ma mère est amie avec une des militantes clé de mon sauvetage.

La famille

Je n’ai pas pu connaitre Madame Christine Hawkins Assange car mes appels, twitts et messages sont restés sans réponse, je ne veux surtout pas l’accabler mais au contraire lui soutenir le moral en montrant que la vie de son fils prisonnier politique nous tient à cœur, nous citoyens de l’Europe. Je comprends qu’elle soit épuisée par dix ans d’emprisonnement et d’une défense stérile alors que la situation de son fils se dégrade constamment Je comprends même qu’elle ait cessé de twitter et qu’elle ne soit pas venue en Europe joindre ses forces à celle des comités citoyens pour forcer la porte de la prison et faire connaitre urbi et orbi le scandale de la détention de son fils mourant. J’ai pris connaissance de son passé de femme victime de violences conjugales de la part d’un homme membre d’une secte extrêmement dangereuse, comme Julian Assange l’a précisé dans ses textes autobiographiques (19). Je comprends donc qu’elle soit trop fragile pour cette bataille contre un système politique mondial guerrier et impérialiste dont le fonctionnement en ramifications de réseaux d’intérêts fait effectivement penser à l’organisation d’une une secte. La CIA, MI5 et 6, la SAPO suédoise, le BND allemand avec leur obsession de capturer son enfant, de le torturer, de se livrer à des expériences sur lui doivent la traumatiser au plus haut point lui rappelant ce que la secte d’Anne Hamilton Byrne faisait subir aux enfants qu’elle enlevait aux mères célibataires australiennes du début des années 60 jusqu’à 1987, date du démantèlement du « Lebensborn » d’enfants (20). Je compatis car Christine Ann Hawkins a probablement beaucoup souffert en tentant de protéger son fils ainé et son deuxième fils né de Leif Meynel, membre de la secte. De cette vie de fuite se dégage une impression terrifiante de surveillance totalitaire, bien plus terrible que ma vie d’enfant de diplomates communistes constamment surveillée et entravée par les services secrets de la Pologne populaire et de l’Union soviétique dans les années 80, au plus fort de la phase finale de la guerre froide. J’ai une certaine lucidité ou paranoïa liée à mes origines, mais au moins je sais que l’Etat populaire croyait bien faire en protégeant les rejetons de son élite des tentatives d’achat et d’abus de la part de puissances hostiles.

Cependant son absence empêche notre action d’être efficace car elle est la seule famille connue de Julian Assange que lui-même a présenté comme proche de lui dans le film « Risk » et qui apparaît dans les reportages de Russia Today en 2012 (21). De plus, l’absence de Madame Christine Assange n’est pas tout à fait compensée par l’activisme de John Shipton. Cet homme se présente comme le père biologique de Julian Assange ayant réussi à lui rendre visite deux fois à Belmarsh, début juin et début août dernier. Ainsi, des centaines de militants des comités de défense, en l’absence de toute communication de la part des avocats, restent suspendus aux déclarations alarmantes mais succinctes de cet unique interlocuteur. Où est Julian Assange ? A Belmarsh dans une cellule ou dans le quartier médical ? Peut-être est-il dans un endroit spécial de la prison, une cellule d’isolement pour terroristes, un « dark place » (comme il l’écrivait récemment dans une lettre qui nous a été communiquée) « un lieu sombre » comme l’ont été les prisons secrètes de la CIA dans les pays de l’Est ? Est-il vivant, si oui, quel est son état de santé exact ? Est-il capable de coordonner sa défense et ses soutiens politiques ou est-il mourant ? John Shipton n’a jamais été clair sur la date et la durée des entretiens, sur le lieu exact où il aurait vu Julian Assange, sur la nature personnelle ou politique de leurs échanges, sur la capacité même de Julian Assange de s’exprimer, sur sa capacité à vivre au quotidien (se lever, marcher, manger, penser et parler…), la video fuitée par un codétenu en juin n’ayant jamais été ni datée ni authentifiée ni expliquée ni par Shipton, ni Madame Assange ni par les avocats. Les militants français expérimentés qui ont passé leur vie à tenter de sortir Nelson Mandela de prison et qui luttent au quotidien pour les droits des prisonniers politiques palestiniens restent sur leur faim concernant la fiabilité des informations fournies par John Shipton. Un prisonnier politique veut toujours parler, faire passer un message à l’extérieur pour continuer son combat, sa santé même est un enjeu de combat. Si Julian Assange ne dit rien c’est que peut-être que sa santé est trop altérée pour parler ? Alors pourquoi le cacher et ne pas lancer immédiatement la procédure de demande de dispense de peine pour raisons de santé ? Tout se sait en prison, même dans une prison de haute sécurité comme me disait Mateusz Piskorski, militant politique souverainiste polonais qui vient de passer trois ans en détention arbitraire pour « espionnage pro russe ». Il est étonnant et effrayant qu’aucune information ni message de Julian Assange n’aient été rapportés par les familles des codétenus de Belmarsh, prison tout à fait classique du système capitaliste néolibéral britannique.

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John Shipton apparaît tardivement dans l’entourage de Julian Assange, en 2013 lorsque celuici est déjà enfermé dans la mission équatorienne. Assange dit dans ses écrits et ses entretiens avoir rencontré ce père biologique à l’âge de 25 ans et n’explique jamais la nature de leur relation. Ce qu’on peut apprendre en tant qu’observateur extérieur est que Shipton apparaît publiquement en tant que membre dirigeant du Wikileaks Party et entraîne son fils dans une campagne électorale pour les élections sénatoriales australiennes (22). La notoriété personnelle de Julian Assange se conjugue ainsi avec les relations politiques de longue date que John Shipton possède dans le mouvement de la paix australien ou au sein du Socialiste Equality Party, parti trotskiste actuellement pilier de la quatrième Internationale et participant activement aux comités de soutien (23). Cependant le témoignage de Daniel Mathews, un ami d’études de Julian Assange qui quitte finalement la structure montre un Julian Assange ne dirigeant pas le Wikileaks Party et participant à peine aux réunions virtuelles (24). Certes, tout réfugié politique qui a quitté son pays plus de 5 ans sait qu’il est difficile de reprendre pied dans une société qui évolue et lui échappe. Mais Julian Assange paraît bien seul et bien plus préoccupé par son travail de sauvetage d’Edward Snowden que par les calculs politiciens nécessaires au montage de coalitions électorales de minuscules partis d’opposition dans une Australie qu’il a quitté depuis 14 ans et où il n’a jamais voulu revenir.

Toutes ces raisons et certainement d’autres mènent à l’échec du Wikileaks Party qui récolte en décembre 2014 0,66% de voix. Mais si Julian Assange ne mentionne plus jamais l’aventure électorale, John Shipton dirige jusqu’à aujourd’hui une structure par laquelle il s’assure d’une certaine notoriété. Politiquement, sa visite au président syrien Bachar Al-Assad en décembre 2013 (25) lui vaut des attaques médiatiques alors que les tabloids ne se privent pas de gloser sur sa fortune personnelle et sur la vente de sa maison d’architecte située dans une banlieue chic de Sydney pour plus d’1 million (26) de dollars australiens. Récemment John Shipton a présenté un autre témoin de l’inquiétante dégradation de la santé de Julian Assange : Gabriel Shipton, producteur de films et fils de John Shipton et de Catherine Ann Barber Shipton. Ce jeune homme s’est présenté lui-même le 2 septembre dernier comme le demi-frère de Julian Assange qui ne « l’a pas vu depuis des années » et qui « l’a peut être vu pour la dernière fois ». (27) Les liens biologiques ont beau avoir toujours leur importance dans notre société occidentale permissive et libérée, l’administration pénitentiaire britannique ne privilégie pas forcément la « famille biologique » dans l’attribution du droit de visite. Le « guide à l’usage de la famille et des amis des prisonniers », à télécharger sur le site de la prison (28) ainsi que les documents qu’édite le consulat, par exemple polonais (29), à l’attention des proches des citoyens polonais purgeant des peines en Grande Bretagne prouvent plutôt que ce sont les prisonniers qui choisissent le nom des proches et qu’il n’y a pas de privilèges accordés aux liens de parenté biologiques. Par ailleurs, dans le cas de Julian Assange, il aurait fallu prouver, en l’absence de lien social et administratif entre John Shipton et Julian Assange ces liens par un test ADN ! Cela explique qu’il est fort probable qu’aux yeux de l’administration de la prison Monsieur Shipton a autant de droit de rendre visite au prisonnier au numéro d’écrou A9379AY que Madame K. ou tout autre militant d’un comité de soutien. Julian Assange a-t-il choisi en toute conscience et de son plein gré Gabriel Shipton qu’il n’a pas vu depuis des années pour exercer son droit de visite et faire sortir des messages politiques à l’extérieur?

Au-delà de la question épineuse de la paternité biologique, si j’étais emprisonnée pour mes activités politiques, et cela peut encore m’arriver, cela me gênerait personnellement de voir le fils ou la fille de la maîtresse de mon père débarquer dans ma cellule en priorité sous prétexte de gènes paternels communs. Je demanderais à des amis personnels solides et éprouvés de venir pour transmettre mes messages au monde et pour mettre en place ensemble la stratégie pour gagner le combat. Mais Julian Assange dont tant de droits personnels ont été violés, a-t-il encore le choix ? Est -il seulement apte à remplir de son plein gré un document administratif de dossier de visite ? Il est très angoissant de ne pas le savoir, d’autant plus qu’en cas de décès se seraient alors Gabriel et John Shipton qui identifieraient le corps et leur annonce serait un verdict sans appel pour tous les militants dévoués de tous les comités de soutien politiques.

Créer une coordination des mouvements citoyens

Dans ce paysage marqué par la mise à l’isolement, un seule personne se détache : John Pilger, journaliste de gauche connu et militant anti-impérialiste qui connaît Julian Assange depuis 2011 et bénéficie de la confiance de la majorité des militants politiques de gauche. Cependant Pilger étant âgé de 80 ans, il est difficile de lui demander de diriger une telle bataille. Nous souhaitons vivement l’aider dans cette tâche et pour cela organiser au plus vite une rencontre de coordination européenne des Comités de Défense de Julian Assange. La rencontre pourrait avoir lieu à Londres ou à Berlin. Mon expérience d’organisatrice de Forum sociaux et autres rencontres européennes me permet d’affirmer que je suis prête à me charger immédiatement de l’organisation de cette rencontre et qu’il est possible de la mettre en place d’ici fin septembre 2019. Je souhaite donc prendre le plus vite contact avec M. John Pilger. Il est certain que lui aussi appréciera le dynamisme, l’expérience et la radicalité des mouvements sociaux qui forment le coeur des Comité de soutien de Julian Assange et également du Comité français Wikijustice issu du mouvement populaire des Gilets Jaunes (30).

Toutes les pages des sites internet cités on été vérifiés le 8 septembre 2019

Also read https://blogs.mediapart.fr/edition/liberez-assange-ethiques-et-medias/article/090919/la-fibre-federatrice-de-julian-assange


1 http://amitie-entre-les-peuples.org/Travail-capitalisme-et-migration

https://wolnemedia.net/wyzysk-pod-akropolem/

file:///C:/Users/Ikaria/Documents/Documents/Monika/Politique/Europe/Οι%20σκλάβοι%20του%20Αιγαίου.ht m https://de.indymedia.org/2007/06/183992.shtml

2 http://www.nnn.se/nordic/assange/docs/protocol.pdf

3 https://www.youtube.com/watch?v=J33qDyAkkk4

https://www.nytimes.com/2016/10/28/business/media/gavin-macfadyen-dies-wikileaks.html

https://www.theguardian.com/media/2016/nov/06/gavin-macfadyen-obituary

https://www.muckrock.com/news/archives/2017/apr/24/fbis-long-obsession-gavin-macfadyen/ https://www.thetimes.co.uk/article/gavin-macfadyen-5sm355v99

4 https://fr.scribd.com/document/341479410/Sunshine-Press-Productions-Ehf-private-limited-company-akaWikileaks

5 https://www.nytimes.com/2016/10/28/business/media/gavin-macfadyen-dies-wikileaks.html

6 https://www.northernstar.com.au/news/julian-assanges-grandfather-dies-in-victoria/1572359/ https://twitter.com/wikileaks/status/790278989596295170/photo/1

7 https://www.opendemocracy.net/en/shine-a-light/gavin-macfadyen-1940-2016-why-investigativejournalism-matte/

8 https://www.bbc.com/news/uk-18648922

https://www.gettyimages.co.nz/detail/news-photo/susan-benn-representative-of-the-julian-assange-defencenews-photo/147408599?adppopup=true

9 https://www.theguardian.com/politics/2004/oct/18/eu.world1

https://www.indymedia.org.uk/en/actions/2004/esf/

10 https://blogs.mediapart.fr/edition/liberez-assange-ethiques-et-medias/article/220819/les-avocatsfantomes-de-julian-assange

11 https://www.insideindonesia.org/resource-nationalism-as-imperialism-3

12 https://twitter.com/suigenerisjen https://twitter.com/suigenerisjen/status/1166468348781178880

13 https://fr.scribd.com/document/341479410/Sunshine-Press-Productions-Ehf-private-limited-company-akaWikileaks

14 Déposition de Julian Assange du 2016 contre l’accusation de Sofia Wilem https://www.les-crises.fr/accusations-suedoises-deposition-de-julian-assange-14-15-novembre-2016-textecomplet/

15 https://www.wired.com/2010/09/wikileaks-revolt/ https://www.wired.com/2013/06/wikileaks-mole/

16 « One of Mr. Assange’s colleagues commented that there had been many difficulties in finding medjcal practitioners who were willing to examine Mr. Assange in the Embassy. The reasons givert were uncertainly over whether medical insurance would cover the Embassy {a foreign jurisdiction )»’- dossier médical du 11 décembre 2015 après la visite deux trois médecins mandatés par l’Ambassade de l’Equateur. https://file.wikileaks.org/file/cms/Psychosocial%20Medical%20Report%20December%202015.pdf

https://www.rt.com/news/359425-assange-mental-physical-health/

17 https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19610070/index.html 

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1961_num_7_1_1076 file:///C:/Users/Ikaria/AppData/Local/Packages/Microsoft.MicrosoftEdge_8wekyb3d8bbwe/TempState/Downl oads/RODELYS_Elza%20(1).pdf

18 Entretiens avec Adam Karbowski, Ewa Zaleska, et Halina Matejczuk; Halina Matejczuk „Bylam konsulem PRL”, Fundacja Konstantego Ostrowskiego, 2015, Bialystok https://www.youtube.com/watch?v=SF9Gjl_uNc4

19 https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/books/features/julian-assange-we-just-kept-moving2359423.html

20 https://en.wikipedia.org/wiki/The_Family_(Australian_New_Age_group)

https://www.thefamilysect.com/ http://rescuethefamily.com/

https://en.wikipedia.org/wiki/Sarah_Moore_(The_Family)

https://www.theage.com.au/national/victoria/i-m-still-alive-cult-survivor-speaks-about-life-beyond-annehamilton-byrne-20190614-p51xx5.html

21 https://www.youtube.com/watch?v=u68nLqjm9TM&t=1520s

https://www.rt.com/news/christine-assange-interview-julian-659/

22 https://www.abc.net.au/news/2013-10-28/wikileaks-party-members-prepare-for-electioncampaign/5050316

https://www.wikileaksparty.org.au/about/national-council/

https://infogalactic.com/info/The_Wikileaks_Party

23 https://socialequality.com/ https://www.wsws.org/fr/articles/2019/06/28/sydn-j28.html

24 https://www.danielmathews.info/2013/08/21/statement-of-resignation-from-wikileaks-party-nationalcouncil/

25 https://www.theguardian.com/world/2014/apr/04/wikileaks-party-returns-to-syria-in-mission-to-helpordinary-people

26 https://www.dailymail.co.uk/news/article-2981095/As-Wikileaks-founder-Julian-Assange-seeking-refugeEcuador-father-selling-home-1milion.html

https://www.dailymail.co.uk/news/article-3021390/Julian-Assange-s-father-sells-quirky-Sydney-home-142million.html

https://www.dailytelegraph.com.au/realestate/news/sydney-nsw/the-home-of-julian-assanges-father-fails-tosell-at-auction/news-story/86d2c63a0780436b62fc50a490efa154

27 https://www.rt.com/news/467835-assange-brother-prison-hell/

28 https://www.justice.gov.uk/contacts/prison-finder/belmarsh/visiting-information

https://www.prisonadvice.org.uk/hmp-belmarsh – la liste précises des vêtements donnée par ce site et que l’on a le droit d’amener au prisonnier le laisse songeuse. Il y a-t-il quelqu’un qui amène des choses indispensables à Julian Assange sachant que toutes ses affaires ont été séquestrées par l’Etat de l’Equateur ?

29 https://manchester.msz.gov.pl/resource/5add3b87-a90b-48cb-8a3a-01fd69721ce4:JCR