L’utilisation de produits chimiques marquants pendant les manifestations: quelle légalité pour les PMC ?

19-03-2019

Le marquage chimique constitue-t-il la nouvelle arme absolue pour assurer la protection des biens pendant les manifestations et identifier les fauteurs de troubles ?

Le Premier ministre Edouard Philippe semble le croire puisqu’à l’issue d’une réunion de crise à Matignon, suite aux exactions des casseurs lors de l’acte 18 des Gilets Jaunes de samedi 16 mars dernier, il a été annoncé une stratégie renforcée contre les black blocs avec des interdictions de manifester dans les quartiers les plus touchés (Champs-Élysées, la place Pey-Berland à Bordeaux, place du Capitole à Toulouse) et l’utilisation de moyens supplémentaires comme des drones de surveillance ou ces fameux produits marquants (PMC)

L’utilisation la plus ancienne et familière pour le grand public est celle de l’encre de maculage, ce marqueur coloré indélébile dispersé sur les billets de banque les rendant inutilisables en cas de vols ou tentatives de vols dans les distributeurs automatiques de billets ou lors des convoyages de fonds, largement popularisée dans les films policiers.

Mais à côté de ce type de système spectaculaire, se développent désormais des “produits de marquage codés” ou PMC bien plus discrets, qui sont des dispositifs chimiques indétectables à l’œil nu, inodores et incolores permettant le marquage des biens, des personnes et des lieux.

Initialement développés dans le cadre de la lutte contre les contrefaçons, les PMC ont vu leurs domaines d’application se diversifier pour devenir des outils à la fois dissuasifs et discriminants dans la lutte contre les atteintes aux biens, mais aussi à destination des particuliers souhaitant protéger leurs biens.

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Cette technologie, qui équivaut à un véritable ADN de synthèse, permet par exemple de marquer les objets de valeurs et ainsi d’identifier l’origine de la propriété d’un objet volé en reliant l’auteur au délit.

Les PMC confèrent à tout support marqué une identification par un code unique. Associées au déploiement de ces dispositifs, les forces de l’ordre interviennent prioritairement aux étapes cruciales de révélation du marquage et de décryptage du code associé. Seule la police ou la gendarmerie, équipées de lampes à ultraviolet, peuvent contrôler ce marquage et être ainsi garantes de la qualité de la preuve matérielle qui résulte de leurs actions.

C’est ainsi que la municipalité d’Aubagne, en proie à la délinquance itinérante, a distribué en 2015 près de 700 kits à ses concitoyens https://www.lci.fr/france/ladn-chimique-la-nouvelle-arme-anti-cambriolage-1522920.html

A Marseille, de nombreux commerces et centres commerciaux sont équipés de ce système. En cas de braquages, des brumisateurs cachés diffusent le produit.

Le déclenchement de ces systèmes dispersifs est géré de façon automatique à l’aide d’une centrale d’alarme, d’un radar de présence ou de façon manuelle à distance.

Les installations de systèmes dispersifs au sein des commerces poursuivent un double objectif :

– dissuader les délinquants de passer à l’acte par l’apposition massive et visible de la signalétique adéquate aux abords de la zone protégée

– établir un lien entre les faits criminels ou délictuels et un individu mis en cause par la révélation de produit de marquage codé sur sa personne ou ses vêtements.

Le coupable peut en effet alors se faire repérer à tout moment, lors d’un banal contrôle routier ou en discothèque, sur projection d’une lumière ultra-violette. Sa peau est imprégnée pour plusieurs semaines, ses cheveux pour six mois, et les habits sont marqués à vie !

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D’un dispositif anti-agression à la base, la technologie PMC s’est élargie à d’autres marquage, comme celui des câbles électriques ou des œuvres d’art et les véhicules. Les sociétés productrices garantissent l’unicité du code associé au produit de marquage. Par interrogation de la base de données détenue par les fournisseurs, un objet marqué, signalé volé, peut être restitué à son propriétaire par la mise en évidence du produit de marquage codé et ce, même après plusieurs années.

En attendant l’application de la loi anti-casseurs votée la semaine dernière et devant la recrudescence des exactions pendant les manifestations, ce sont les Produits de Marquage Codés qui vont donc également devenir l’arme anti black blocs privilégiée. Les forces de police envisagent en effet désormais l’utilisation de ces marqueurs chimiques pour identifier les casseurs par pulvérisation pendant les défilés et les suivre ainsi à la trace !

Les PMC permettent donc de relier un individu et/ou un objet à la commission d’une infraction. L’unicité des codes confère à cette technologie un caractère particulièrement discriminant qui contribue à élever les PMC au rang des preuves matérielles lors d’une procédure pénale. Comme tout autre élément de preuve, il se doit nécessairement d’être corroboré par les autres indices et données de l’enquête.

Se pose en effet bien entendu la question des clients de magasins, témoins du braquage, ou de paisibles manifestants malencontreusement situés à proximité d’émeutiers engacoulés, qui seraient marqués par inadvertance par la pulvérisation indiscriminée de cette substance et qui porteront sur eux une donnée personnelle bien indésirable et détectable sous une lampe à ultra-violet les rendant présumés suspects d’un délit.

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Une technologie certes innovante, mais dont l’utilisation dans le procès pénal peut s’avérer problématique, notamment dans le cas de brumisation non ciblée du produit marquant.

A suivre donc à l’usage…

(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)

Source : Thierry Vallat, 19-03-2019

 

https://www.les-crises.fr/lutilisation-de-produits-chimiques-marquants-pendant-les-manifestations-quelle-legalite-pour-les-pmc/