L’OMS: dans les griffes des lobbyistes ?

Sous-financée, dépendante de donateurs privés dont Bill Gates, l’OMS peut-elle encore assurer ses missions au service de la santé publique ? Une solide investigation sur les conflits d’intérêts qui entravent son efficacité.

Pandémies, grippes virulentes ou maladies consécutives à un accident nucléaire : l’OMS (Organisation mondiale de la santé) doit intervenir sur tous les fronts de la planète pour prévenir et guérir. Mais cette institution de l’ONU, créée en 1948, dispose-t-elle encore des moyens suffisants pour assurer ses missions, au-delà de ses succès incontestables, en matière de vaccination notamment ? Financée, dans les années 1970, à 80 % par les contributions de ses États membres et à 20 % par des entreprises et des donateurs privés, elle voit aujourd’hui cette proportion s’inverser, alors que le tout-puissant Bill Gates participe de plus en plus au financement de l’OMS par le biais de sa fondation. Les faits s’accumulent : complaisance troublante envers le glyphosate – molécule active du Roundup cher à Monsanto –, que l’OMS a déclaré sans danger en dépit des victimes de l’herbicide, aveuglement face aux conséquences de la pollution liée aux compagnies pétrolières en Afrique, minoration des bilans humains des catastrophes nucléaires, de Tchernobyl à Fukushima, et des désastres de l’utilisation de munitions à uranium appauvri en Irak ou dans les Balkans. L’indépendance de l’organisation est compromise tout à la fois par l’influence des lobbies industriels – dont celle des laboratoires pharmaceutiques – et par les intérêts de ses États membres. L’institution de Genève, qui avait sous-estimé la menace Ebola (plus de onze mille morts), est de surcroît accusée de gabegie et de négligence vis-à-vis des maladies tropicales, au profit de marchés plus juteux.

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Privée d’autonomie
Entre analyse d’experts, détracteurs et défenseurs, langue de bois de son porte-parole Gregory Hartl et reportages sur le terrain, cette enquête livre une édifiante radiographie de l’OMS. Sans sombrer dans le réquisitoire, les auteurs dressent le portrait d’une structure fragilisée, soumise à de multiples conflits d’intérêts et étrangement liée à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) – avec laquelle elle a signé une convention… Menée avec rigueur, une ambitieuse investigation qui montre combien les intérêts privés dominent désormais les enjeux de santé publique. Passionnant et glaçant.