Par Olivier Petitjean
Le Dakota Access Pipeline, d’une longueur de 1800 kilomètres, doit servir à transporter le pétrole de schiste extrait dans le Dakota du Nord vers l’Est et le Sud des États-Unis et, au-delà, vers le reste du monde. Les Sioux de la réserve de Standing Rock s’opposent au passage de cet oléoduc sur leurs terres ancestrales, au bord de la rivière Missouri (lire le témoignage de Winona LaDuke que nous avions publié à ce sujet). Ils ont obtenu le soutien de nombreuses autres tribus des États-Unis et bien au-delà, ainsi que des militants de la justice climatique. Face à un gouvernement local totalement acquis au projet et à une administration Obama divisée [1], l’une de leurs principales cibles sont les grandes banques internationales qui financent le projet et les entreprises qui le portent.
Plus d’un milliard de dollars des banques françaises
Selon les chiffres compilés par l’ONG Food and Water Watch, les banques françaises sont engagées à plusieurs niveaux dans le projet du Dakota Access Pipeline, pour des sommes dépassant le milliard de dollars. Crédit agricole, Natixis et Société générale figurent parmi les banques qui ont accordé un prêt de 2,5 milliards de dollars spécifiquement dédié au financement de la construction de l’oléoduc.
BNP Paribas, Crédit agricole et Natixis financent en outre les deux firmes qui portent le projets, Energy Transfer Partners et Energy Transfer Equity. Total de l’exposition financière des banques françaises : près de 450 millions de dollars pour BNP Paribas, près de 350 millions pour le Crédit agricole, 180 millions pour Natixis et 120 millions pour la Société générale.
Une coalition d’organisations écologistes comme Greenpeace ou les Amis de la terre a adressé une lettre officielle à l’association des « Principes de l’Équateur » – un groupement de banques vantant leur responsabilité sociale et environnementale – pour s’étonner que leurs membres soient engagés dans un projet aussi problématique pour l’environnement et pour les droits des indigènes, en contradiction totale avec leurs engagements. Toutes les grandes banques françaises adhèrent officiellement aux Principes de l’Équateur. Seules deux des principales banques impliquées dans le projet, Citigroup et la norvégienne DNB, ont officiellement réagi à ces critiques, la première en assurant qu’elle incitait Energy Transfer Partners à dialoguer avec les Sioux, la seconde en annonçant qu’elle allait reconsidérer ses financements [2].
Les banques sont aujourd’hui sous pression des ONG environnementalistes qui mènent campagne pour les inciter à se désinvestir du charbon, la plus polluante des sources d’énergie fossiles. À l’occasion de la 22e Conférence climat à Marrakech, Crédit agricole, Société générale et BNP Paribas ont à nouveau fait des annonces sur leur retrait du charbon et leurs engagements pour le climat. Ce mouvement ne concerne pas du tout le pétrole et le gaz, même lorsqu’il s’agit de projets particulièrement problématiques ou polluants.
« Nous avons souffert sous tous les présidents américains »
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis n’est pas des plus réjouissantes pour les Sioux de Standing Rock et les autres opposants à l’oléoduc. Le nouveau président a en effet des liens financiers étroits avec Energy Transfer Partners et Phillips 66, deux compagnies derrière le projet, qui l’ont soutenu dans sa campagne. Et son nouveau Secrétaire à l’Énergie pourrait bien être Harold Hamm, le patron de la firme pétrolière Continental Resources, très implantée dans le gisement de pétrole de schiste de Bakken et donc hautement intéressé à son exportation. Les revendications des Sioux risquent de ne plus être entendues du tout à Washington.
« Je sais qu’il y en a qui sont inquiets à cause du nouveau président, a réagi l’une des militantes de Standing Rock, mais je vous rappelle que nous avons souffert sous tous les présidents américains depuis l’établissement même de l’Amérique… Nous devons continuer à résister et à défendre notre droit à la vie. »
Dans de telles conditions, la pression sur les banques n’en devient que plus nécessaire.