20.août.2024
Une étude de cas sur la Nouvelle Banque de Développement des BRICS
Il est désormais largement admis que les institutions de l’économie mondiale sont, à un degré ou à un autre, en crise. A différents niveaux, qu’il s’agisse du FMI, de la Banque mondiale ou de l’OMC, ces institutions ont des difficultés croissantes à s’adapter à un monde en évolution rapide et à une situation géopolitique instable. L’une des principales raisons de cette situation est l’émergence d’un groupe important de pays qui remettent désormais en question le modèle de gouvernance mondiale et les équilibres établis à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’émergence des BRICS, et depuis janvier 2024 des BRICS+, est le résultat cumulé d’une longue histoire d’insatisfaction à l’égard du fonctionnement de ces institutions de l’économie mondiale. Les BRICS+ pourraient-ils développer de nouvelles institutions capables de défier ou de remplacer les institutions mondiales issues du cadre de Bretton Woods ? Il s’agit d’une question importante découlant de l’importance croissante des BRICS.
Le rôle croissant des BRICS en tant que groupe visant à établir des règles de gouvernance régionale voire mondiale marque un changement substantiel dans notre compréhension du système international[1]. Deux possibilités clairement divergentes existent. La première voit les BRICS+ œuvrer pour une redistribution du pouvoir au sein de la gouvernance mondiale, sans changement majeur dans les règles du jeu. Dans ce cas, nous pourrions voir les BRICS soutenir simplement les valeurs et les normes occidentales, mais chercher à exercer une influence croissante dans leur mise en œuvre. La seconde voit les BRICS+ remettre clairement en question les valeurs et les normes occidentales et tenter de faire dominer leur propre ensemble de valeurs et de normes. Le passage de la première à la seconde attitude pourrait bien être le fait déterminant de ces dernières années.
Il y a depuis plus de dix ans un débat dans le monde académique qui porte soit sur le rôle des BRICS+ dans la transformation de la hiérarchie de l’ordre mondial mais dans une logique où ces pays jouent le jeu établi, soit qui se concentre sur les sources nationales de formation des préférences des nations qui forment BRICS, ce qui implique une analyse de la position des différents États dans ce jeu global et leur possibilité d’en modifier son contenu et sa forme.
Le présent texte se concentrera sur le pouvoir structurel, qu’il soit potentiel ou réel, des BRICS+ à « changer les règles du jeu ». Il examinera spécifiquement comment la Nouvelle Banque de Développement (NBD) créée par les BRICS, jusqu’à présent la principale tentative des BRICS en matière de renforcement institutionnel, pourrait remettre en question, ou de compléter, les institutions mondiales existantes, à titre d’étude de cas. Il s’organisera en une première partie, examinant la crise – latente ou ouverte – des institutions économiques internationales (FMI, Banque Mondiale et OMC), puis, dans une deuxième partie, on examinera la montée en puissance des BRICS et leur transformation en BRICS+.
Une troisième partie mobilisera alors les théories du pouvoir structurel de Susan Strange et de l’articulation entre les logiques de « voix » et de « sortie » (ou défection) de Hirschman, et s’intéressera à leur pertinence quant à notre objet. Enfin, la quatrième partie examinera en quoi la création de la NBD constitue à la fois une application de la logique de « sortie » et peut aussi s’analyser dans les termes du pouvoir structurel, et en quoi cette NBD est différente, et peut-être représente une alternative, aux institutions financières internationales existantes.
- Les institutions de l’économie mondiale en crise
Les institutions censées gouverner l’économie mondiale, issues de Bretton Woods pour certaines, comme le FMI et la Banque mondiale, ou de l’hégémonie américaine comme l’OMC, traversent une période prolongée de crise et d’incohérences[2].
La crise des organisations économiques internationales a commencé il y a environ 25 ans, lorsque le FMI s’est montré incapable d’arrêter la crise coréenne puis asiatique de 1997[3]. Le rejet par les États-Unis de la proposition japonaise de créer un « Fonds monétaire asiatique » ne s’est pas accompagné d’un renforcement de la capacité d’action du FMI[4]. Si cet échec démontrait à l’époque la faiblesse des capacités institutionnelles non américaines, il montrait aussi que le mécontentement à l’égard du fonctionnement « occidentalo-centré » du FMI était important. L’incapacité renouvelée du FMI à empêcher l’extension rapide de la crise de 2008 (crise dite des « subprimes » [5]) a confirmé la crise de la gouvernance dans le monde financier mondial[6].
Cette crise se double paradoxalement d’une crise latente du dollar engendrée par les États-Unis eux-mêmes et résultant de la mise en œuvre très politique de mesures, telles que le Foreign Corrupt Practices Act[7] et le Foreign Account Tax Compliance Act[8] et de la décision des autorités américaines de considérer que toute utilisation du dollar ferait tomber automatiquement les sociétés étrangères sous le droit américain. Un rapport parlementaire français rédigé en 2016[9] montre que le principal problème vient du fait que les transactions doivent nécessairement passer par une banque américaine pour « acheter » des dollars, tombant ainsi sous le coup du droit américain. Ces mesures ont donc accéléré le phénomène de crise des institutions de gouvernance internationale.
Le FMI était historiquement clairement l’institution la plus exposée aux critiques[10]. Il est notoire que les politiques d’ajustement structurel ont suscité beaucoup de colère et de mécontentement dans de nombreux pays[11]. Cela a commencé dans les années 1980[12] et s’est poursuivie sans relâche jusqu’à aujourd’hui. Les politiques du FMI reflètent une continuité rhétorique et politique substantielle avec le néolibéralisme[13], même si on peut noter – mais essentiellement pour des pays européens des discontinuités discursives prononcée dans ces deux domaines[14]. Mais le FMI peine aujourd’hui à maintenir sa capacité à mettre en œuvre des politiques d’ajustement structurel et à rester la référence dans de nombreux pays[15].
La question d’une éventuelle réforme du FMI est devenue centrale depuis la crise des « subprimes » [16] et la montée en puissance des pays émergents, dont la Chine mais aussi l’Inde. Cependant, les tentatives de réforme de cette institution sont restées limitées[17]. Le résultat final est que, dans le « Sud global », la légitimité du FMI s’est considérablement érodée et la demande d’une organisation alternative est devenue de plus en plus évidente. Il est vrai que les analystes soupçonnent depuis longtemps que la politique intervient largement dans les opérations de prêt du Fonds monétaire international[18] et que cette organisation pourrait être largement influencée par le Trésor américain[19]. Une telle hypothèse n’a certes pas été suffisamment précisée, mais elle serait largement cohérente avec la notion d’«hégémonie » [20]. De toute évidence, l’alignement politique sur les États-Unis, la plus grande puissance du FMI, augmente la probabilité d’un pays de recevoir un prêt du FMI[21], ou celle de bénéficier de clauses de conditionnalité plus favorables[22]. On aurait pu penser que la fin de la guerre froide aurait apporté un changement sur ce point. Il n’en fut rien et ce serait une erreur que de penser que le FMI serait devenu moins politisé depuis la fin de la guerre froide[23]. En fait un travail suggère que l’influence du politique s’est en réalité accrue depuis 1990[24]. Le comportement des organisations multilatérales reste toujours déterminé par les intérêts politiques de leurs États membres les plus puissants.
La Chine a tenté d’accroître son influence au sein du FMI[25] et a réussi, dans une certaine mesure, à y parvenir. Un bon exemple d’une telle collaboration est l’entrée du Renminbi (RMB) dans le panier des Droits de Tirage Spéciaux en 2016[26]. Tout comme les États-Unis et d’autres économies occidentales développées, la Chine a également pris des décisions concernant sa collaboration avec les institutions financières internationales (IFI) en fonction de ses propres intérêts et objectifs concernant des questions économiques et politiques clés, avec un projet à long terme d’internationalisation de se monnaie[27]. En fait, lorsque les intérêts et les objectifs de la Chine convergent avec ceux du FMI, sa collaboration avec le FMI tend à engendrer un résultat qui répond aux besoins de la Chine. Cependant, si la Chine et le FMI ont des intérêts et des objectifs divergents, le résultat de leur collaboration, ou plus précisément de leur non-collaboration, peut s’avérer nettement déstabilisant[28].
Les relations de la Chine avec le FMI en réalité dépendent fortement de ses relations avec les États-Unis[29]. Depuis le deuxième mandat d’Obama et la présidence de Trump, la dégradation de ces relations a rendu les relations avec le FMI de plus en plus problématiques. Cette tendance s’est poursuivie sous la présidence de Biden[30]. Pourtant, le FMI reste chargé de réguler, pour le meilleur ou pour le pire, les finances et les dettes mondiales. Malgré le fort mécontentement qu’il a suscité, aucune nouvelle institution n’a jusqu’à présent émergé pour remettre en cause sa domination. Cela pourrait cependant changer avec la création de la Nouvelle Banque de Développement.
La Banque mondiale est également confrontée à de profondes critiques depuis les années 1990[31]. Le désenchantement à l’égard des politiques de la Banque mondiale n’est pas nouveau[32], pas plus que les appels à la réforme de l’institution. Son alignement avec la politique américaine a été un des points que de nombreuses critiques ont relevé.
Pendant la majeure partie de la période d’après-guerre, la Banque a joui d’un quasi-monopole dans deux domaines : le financement et la connaissance des problèmes et des processus de développement. Même si la Banque Mondiale conserve son importance en matière de connaissances sur le développement, le secteur du financement du développement est devenu plus compétitif grâce à la création d’une série de nouvelles institutions par les pays émergents[33]. Le risque que la Banque mondiale ne devienne simplement une autre agence d’aide gérée par les pays riches pour venir en aide aux pays les plus pauvres a été clairement identifié[34]. Certains géants nationaux appartenant à l’État, tels que la Banque chinoise de développement et la China Exim Bank[35], auraient (au moins certaines années) accordé plus de prêts à l’Afrique que la Banque mondiale. Cette situation soulève évidemment des questions embarrassantes.
La crise du COVID-19, qui est désormais considérée comme l’un des signaux d’alarme les plus évidents du point de vue de la survie du multilatéralisme, n’a fait qu’ajouter à cette pression[36]; les pays riches canalisant leurs ressources et leur attention vers l’intérieur plutôt que d’afficher une volonté particulière de lutter contre la pandémie à l’extérieur de leurs frontières[37]. En fait, la Banque mondiale a du mal à trouver une réponse à la remise en cause de sa légitimité et à la crise de non-pertinence qui la hantent depuis des années. De toute évidence, la Nouvelle Banque de Développement (NDB) des BRICS pourrait être l’un des acteurs possibles pour contester la suprématie de la Banque Mondiale[38].
Ensuite, il y a aussi l’OMC qui est arrivée au bout de son potentiel comme on l’a vu avec l’échec du « Cycle de Doha »[39]. Au moment de sa création en 1995[40], deux des principales fonctions de l’Organisation mondiale du commerce étaient de « fournir un forum de négociation entre ses membres concernant leurs relations commerciales multilatérales[41] » et «d’administrer le Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends des disputes » [42]. Cette dernière fonction a été assurée par l’Organe de règlement des différends (ORD), décrit comme le « joyau de la couronne » et le « pilier central du système commercial multilatéral » [43].
Mais très vite, les pays dits « en développement » ou « émergents » ont de plus en plus eu le sentiment qu’ils étaient les perdants du Cycle de l’Uruguay, qu’ils avaient obtenu un mauvais accord et qu’ils avaient dû donner beaucoup pour une récompense trompeuse. Par exemple, ils se sont vite rendu compte que l’accord sur l’agriculture et l’accord sur le textile et l’habillement étaient loin de leur donner accès au marché des pays développés, ce qui était d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ils ont adhéré à l’OMC[44]. La tentative de lancement du « Cycle de Doha » s’est donc soldée par un échec cinglant. Dans l’ensemble, les négociations ont été si conflictuelles et si infructueuses qu’il est désormais courant de parler de la « mort du cycle de Doha ». En réponse, de plus en plus d’États se sont tournés vers des partenariats économiques bilatéraux et régionaux. La conclusion récente de tels accords, également appelés « accords de nouvelles générations », comme l’Accord de partenariat transpacifique ou le malheureux CETA ou Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, ainsi que la longue Les négociations durables sur le Partenariat économique régional global mené par la Chine et incluant 16 États d’Asie et d’Océanie[45], sont probablement les meilleurs exemples de cette tendance.
Il est désormais clair que les institutions de l’économie mondiale sont en crise, qu’elle soit ouverte ou latente. C’est, à la fois, le produit de la crise du « Consensus de Washington » auquel le FMI et la Banque Mondiale ont été associés[46], le résultat d’un changement radical dans l’équilibre des pouvoirs économiques depuis les années 1990, de réformes prolongées ou trop tardives et de l’émergence d’un nouvel acteur collectif, les BRICS. Cet acteur est désormais suffisamment puissant pour apporter des changements importants dans la structure de gouvernance de l’économie mondiale. Dans la lutte pour une réforme radicale des institutions économiques mondiales, elle pourrait demander soit une plus grande part des institutions existantes, soit un changement complet des règles et normes définissant ces institutions. En fait, les deux directions provoquent une crise majeure des institutions existantes. Mais une crise ne se termine pas d’elle-même.
En effet, l’effondrement des institutions datant de la période de domination de « l’Occident collectif » ne sera pas complet tant que de nouvelles institutions ne seront pas créées pour remplacer les anciennes. En fait, ce que nous appelons une « crise » est le laps de temps qui s’écoule entre l’incapacité des anciennes institutions à jouer leur rôle habituel et l’émergence de nouvelles institutions qui pourraient les remplacer[47]. Il faut ensuite se pencher sur les schémas possibles de création institutionnelle, et notamment sur le cas de la Nouvelle Banque de Développement.
- Des BRIC aux BRICS+ : deux décennies de progrès
L’émergence des BRIC, puis des BRICS+ a été très certainement l’événement le plus important de ces vingt dernières années[48]. L’adhésion de 5 nouveau pays en 2023, et les probables adhésions dans les prochaines années, montrent le dynamisme et le pouvoir d’attraction de cette organisation[49]. Nous devons donc examiner les progrès des BRICS au cours des 15 dernières années pour comprendre les courants sous-jacents qui ont mis à rude épreuve les institutions de l’économie mondiale.
L’acronyme BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine – a été introduit dans notre langage populaire par Jim O’Neill, économiste chez Goldman Sachs il y a vingt ans[50]. Son article analysait la croissance économique spectaculaire que ce groupe de pays allait connaître, ainsi que les implications de ces tendances futures pour l’économie politique internationale. Un processus qui a débuté en 2006 aux côtés de l’Assemblée générale de l’ONU et a été institutionnalisé en 2009 lors de la première réunion à Ekaterinbourg.
Graphique 1
Source : FMI
Mais, au cours de ces trois années fatidiques, le monde a été confronté à une crise financière majeure, dite « crise des subprimes », que ni les États-Unis ni le FMI n’ont pu gérer ni même contrôler[51]. Rétrospectivement, il est clair que cela a suscité la volonté des quatre pays d’essayer d’organiser un meilleur système de gouvernance de la monnaie et du commerce[52]. En 2011, l’Afrique du Sud a rejoint ce groupe de pays en tant que pays le plus performant économiquement dans les pays du Sud, amenant les BRIC aux BRICS. Avec cet ajout, les pays BRICS représentaient 26% de la masse continentale mondiale et un total du PIB mondial (en PPA) passant de 25,6% en 2009 à 32,2% fin 2023. L’affirmation que les BRICS représentent les intérêts de la « majorité mondiale » gagne en crédibilité[53].
La création des BRIC, puis BRICS, a été accueillie à la fois avec un certain scepticisme et un enthousiasme prudent suivant les opinions des différents auteurs, étant diversement décrite comme une sorte d’« association lâche », de « village Potemkine » [54] pour certains, ou de « club de coïncidences d’intérêt » [55]. Cependant, avec le temps, ce groupe a considérablement gagné en influence.
Il s’agit sans aucun doute de pays ayant des aspirations économiques communes et des idées similaires sur le type de multilatéralisme et les changements dans l’économie politique mondiale qui seraient nécessaires pour y parvenir. Ce sont ces aspirations économiques sous-jacentes qui ont servi à revigorer les flux de capitaux au sein et entre les pays des BRICS dans un contexte de vide financier dans un monde post-crise financière[56]. En fait, les BRICS se sont développés, attirant de plus en plus de pays. En 2023, lors du 15e sommet, l’organisation décide d’admettre 6 nouveaux pays. Même si seulement cinq de ces pays ont accepté (pour des raisons politiques, l’Argentine a décliné l’invitation), les BRICS se sont transformés en BRICS+ au 1er janvier 2024 avec un PIB commun (en PPA) de 36,2 %. Les BRICS sont devenus l’égal du G7, et les BRICS+ ont réduit l’écart avec ce que l’on peut aujourd’hui appeler « l’Occident collectif ». L’adhésion de l’Arabie saoudite et de l’Iran a naturellement une signification politique, mais aussi commerciale importante[57].
Entre-temps, il était clair que la « mondialisation » était entrée dans une crise profonde[58], une crise qui a été reconnue même dans les organisations de Bretton Woods. Carmen Reinhart, l’économiste en chef de la Banque mondiale, est allée jusqu’à dire que la pandémie de COVID-19 était le « …dernier clou dans le cercueil de la mondialisation » [59]. Les BRICS sont alors devenus un bloc ambitieux avec sa propre dynamique interne qui organisait des sommets annuels, avait des ambitions diplomatiques, s’engageait dans des projets d’infrastructures à grande échelle à l’intérieur de leurs frontières nationales ainsi que dans des projets transnationaux dans leurs régions. Les BRICS ont déployé leur puissance économique en créant une nouvelle institution de prêt – la Nouvelle Banque de Développement qui a admis les pays non encore membres des BRICS[60] – et en remettant en question l’hégémonie des pays européens et nord-américains dans la finance internationale. Cette création a été très importante. Il s’agit de la première création institutionnelle dans ce domaine extrêmement sensible non générée par les pays occidentaux.
De toute évidence, les aspirations économiques sous-jacentes des BRICS portaient en elles la remise en question, voire le remplacement, des institutions de Bretton Woods. La NBD a servi à revigorer les flux de capitaux au sein et entre les pays des BRICS dans un contexte de vide financier dans un monde post-crise financière. En 2017, près d’une décennie après la crise financière de 2008, les BRICS représentaient 19 % des flux d’investissement mondiaux[61]. Une grande partie de ces flux financiers a été canalisée vers des projets d’infrastructures à forte intensité de capital. Le rôle régional des BRICS est désormais évident[62] et il s’étend lentement vers un rôle mondial[63].
Les pays des BRICS ont toutefois connu une transformation radicale de leur structure politico-économique depuis les années 1990. Un dénominateur commun entre les expériences hétérogènes de développement économique de ces pays et leur position de pays économiquement performants a été la façon dont l’État a activement pris des mesures politiques pour mobiliser les ressources, les politiques commerciales, les marchés publics, la promotion de la demande publique et la fourniture d’un soutien financier[64].
Le rôle de l’État dans le développement économique a pris différentes formes dans les pays qui composent les BRICS[65], mais il a été, et reste, incontestablement important. Par cette dimension dans leur développement ces pays lancent désormais un défi à la fois implicite et explicite aux institutions économiques mondiales crées par et orientées vers l’Occident. Un tel défi doit cependant être défini. Sera-t-il de nature adaptative ou radicale et comment s’adaptera-t-il à la puissance structurelle croissante des BRICS ?
- Pouvoir institutionnel et renforcement institutionnel
Quelle est donc la véritable nature du défi que représentent les BRICS (et maintenant les BRICS+) ? Pour comprendre les dynamiques en jeu, il convient de reprendre ici des éléments théoriques de l’Économie Politique Internationale mais aussi d’autres théories.
Les BRICS et BRICS+ sont à la fois un groupement politique et un groupement économique. Le pouvoir économique et politique de ce groupe s’est accru ces dernières années, mais plus précisément depuis 2020 et la crise du COVID-19. Symboliquement, et dans une certaine mesure, ils peuvent être considérés comme représentatifs de ce que l’on appelle le « Sud global » [66].
C’est dans ce contexte que la création de la Nouvelle Banque de Développement doit être appréciée. On aurait pu penser que la NBD serait une sorte d’arrangement interne visant à favoriser les investissements et les échanges au sein du périmètre des BRICS[67]. Mais les membres des BRICS ont décidé d’emblée de faire de la NBD une institution multilatérale capable d’opérer au-delà du périmètre des BRICS. Cette décision a changé la signification de la création du NBD. La NBD a ensuite développé des partenariats avec différents États et institutions financières, mais sur une base très pragmatique[68], visant à étendre progressivement son rayonnement. Elle a développé un programme spécifique pour la transition écologique et a ensuite concurrencé directement la Banque mondiale[69].
La création de la NBD a donc été la première tentative, et jusqu’à présent la plus importante, de renforcement institutionnel des BRICS. On peut affirmer que le NBD est à la fois un symptôme et une source de pouvoir structurel pour les BRICS. Cela implique d’abord de revoir ce qu’est le « pouvoir structurel » et comment ce concept doit être utilisé.
Le pouvoir structurel[70] est généralement considéré comme le pouvoir situé parmi ses dimensions obligatoires, institutionnelles et relationnelles inhérentes à « une structure sociale au-delà de tout exercice conscient » [71]. Ce pouvoir structurel contraste fortement avec le pouvoir relationnel, qui souligne les efforts visant à maximiser les valeurs au sein d’un ensemble donné de structures institutionnelles. Le pouvoir structurel met l’accent sur un méta-pouvoir qui fait référence aux efforts visant à changer les institutions (ou à changer le jeu). Il est clair que les BRICS+ tentent ici de remettre en question, de modifier et peut-être même de changer la gouvernance mondiale[72].
Susan Strange est certainement l’auteur qui a consacré le plus d’efforts à réintroduire la notion de pouvoir dans l’économie internationale et elle a contribué à la création de l’Économie Politique Internationale[73]. Mais si elle a soutenu, à juste titre, que le pouvoir était et reste central dans l’économie politique internationale[74], elle a également tenté de définir et d’affiner la notion de « pouvoir ».
Susan Strange définit, elle, le pouvoir structurel comme le pouvoir de façonner et de déterminer les structures de l’économie politique mondiale au sein de laquelle d’autres États[75], leurs institutions politiques et juridiques, leurs entreprises économiques interagissent. Cela peut être compris comme le pouvoir de définir les règles du jeu ou les normes explicites ou implicites de comportement. Strange identifie alors quatre structures clés de pouvoir dans l’économie mondiale qui sont (1) la sécurité, (2) la production, (3) la finance et (4) la connaissance. Parmi celles-ci, elle a défini la structure financière comme le noyau de la gouvernance économique mondiale, d’où la pertinence des marchés financiers internationaux (qui peuvent acquérir leur propre dynamique[76]) et d’une banque multilatérale de développement comme la NBD, d’autant plus que cette dernière n’a pas été créée par Puissances occidentales. Ceci est particulièrement important si l’on considère que le « pouvoir structurel » a un lien étroit avec le concept d’«hégémonie» [77]. Elle soutient aussi que la structure financière de l’économie mondiale repose sur deux piliers, les structures de l’économie politique à travers lesquelles le crédit est créé et dans lequel le pouvoir est partagé par les gouvernements et les banques, et un deuxième pilier constitué de systèmes monétaires nationaux créant la superstructure globale[78].
Mais l’analyse de Susan Strange n’est pas sans soulever un certain nombre de questions. La première est qu’une telle approche a un caractère non-intentionnel. Cela signifie que les différentes stratégies des acteurs ou les projets à long terme ne sont pas pris en compte. La deuxième est qu’elle est trop étroite et exclut la capacité de façonner les institutions commerciales internationales. La troisième se concentre sur une explication théorique insuffisante des mécanismes causals du pouvoir structurel.
Pourtant, la notion de « pouvoir structurel » revêt une importance centrale, d’autant plus si l’on se souvient que Strange l’a défini comme le pouvoir de façonner et de déterminer les structures de l’économie politique mondiale, un pouvoir qui est aujourd’hui plus crucial que jamais. Les problèmes évoqués concernent sans doute plus d’une forme d’incomplétude de la théorie développée par Susan Strange. Ils ne remettent pas en question l’importance centrale du concept de pouvoir structurel.
Ce qui est réellement important pour nous, c’est de comprendre comment la création de la NBD par le « pouvoir structurel » des BRICS a affecté la structure financière visible dans le passage du « pouvoir d’influence » au « pouvoir de nuisance ».
Nous sommes confrontés depuis 15 ans à une superpuissance en déclin (les États-Unis) qui tente de maintenir une capacité résiduelle d’influence sur les décisions internationales, soit en unissant ses forces avec d’autres pays occidentaux, soit par des actions unilatérales. D’un autre côté, nous avons des puissances contestataires, les pays de BRICS, qui sont progressivement passés d’une forme de compatibilité relative, qui n’est pas une identité, avec l’ancienne vision de superpuissance à une incompatibilité évidente et même à l’expression d’opinions ouvertement contradictoires. C’est ce conflit, ou du moins cet affrontement d’intérêts divergents, qui est important ici.
Personne ne contesterait que les États-Unis et, à l’échelle mondiale, ce que l’on appelle « l’Occident collectif » disposaient, et disposent encore, d’un pouvoir structurel fort, bien qu’érodé, qui leur est propre, en particulier en ce qui concerne les structures financières qu’ils étaient habitués à dominer complètement. Il reste à voir si les pays des BRICS ont atteint le point où, eux aussi, disposeront d’un pouvoir structurel important dans ce domaine avec la capacité de contester l’hégémonie occidentale. Le fait que la Russie ait décidé en juin 2024 de choisir le Renminbi convertible pour ancre de son marché des changes, même si cette décision est le résultat des sanctions occidentales, pourrait annoncer de nouveaux changements. La Russie avait déjà décidé de coter officiellement le Renminbi au début de 2015 et d’organiser un marché spécifique de cette monnaie à la bourse de Moscou. La décision de juin d’abandonner les monnaies occidentales (Dollar et Euro) comme ancre du marché des changes apparaît ainsi à la fois comme une mesure d’opportunité en réaction aux sanctions financières et une mesure s’inscrivant dans une perspective bien plus large. Elle témoigne de l’affaiblissement du pouvoir financier de « l’occident collectif ».
Sans conteste, la montée en puissance des BRICS dans le domaine du financement du développement a été significative[79]. Comme décrit ci-dessus, la NBD a développé différents types de partenariats, sur différents domaines, et a acquis un niveau de compétence et de crédibilité extrêmement important. Cela implique un degré de confiance jamais connu auparavant par les pays qui tentent de défier le (ou les) pouvoir(s) hégémonique(s) de l’Occident. Cela montre que les nouveaux acteurs ne voient plus la compatibilité des intérêts et des idées avec les anciens dominants.
Il s’agit d’un développement nouveau et important. Deux des principaux pays des BRICS, la Chine et l’Inde, semblaient partager des idées et des représentations avec la « puissance occidentale » dans les années 1990 et au début des années 2000[80]. La même chose peut être dite pour la Russie, au moins jusqu’à la crise financière de 2008-2010. Quel que soit le conflit d’intérêts qui avait pu exister dans d’autres domaines (et l’un des plus importants fut la guerre civile en ex-Yougoslavie et la question du Kosovo en 1998-1999), la Russie avait accepté l’hégémonie financière américaine et avait essayé d’en faire le meilleur usage. Mais après la « crise des subprimes », la situation a commencé à rapidement changer. Un auteur s’est intéressé aux conseils prodigués par le FM lors de la crise de 2008-2010 pour expliquer qu’un conflit aurait pu alors éclater et que cela pourrait expliquer le passage de la compatibilité à l’incompatibilité[81].
En réalité, le conflit entre la Russie et le FMI est bien plus ancien que cela et remonte au krach financier russe de 1998[82]. Mais, ce conflit n’a pas empêché la Russie, une fois sa situation stabilisée, de recourir aux marchés financiers mondiaux et, d’une manière générale, de jouer le jeu de la mondialisation financière du moins jusqu’en 2010/2012. C’est donc bien de la « crise des subprimes » que date une prise de conscience de l’incompatibilité des intérêts de la Russie avec l’hégémonie exercée par les États-Unis dans les domaines financiers et commerciaux. Il faut ici reprendre les raisons possibles pour une politique de « rupture », nous l’appelleront plus bas de « sortie », de la part des pays des BRICS.
- Une explication possible réside dans l’échec des États occidentaux, et en particulier des États-Unis, à faire face à cette crise. Cette évaluation aurait pu être partagée au moins par la Chine, l’Inde et la Russie, et aurait pu convaincre la Chine de construire ce que l’on a appelé la « Grande Muraille de l’Argent » [83]. Cela fut remarqué dans une certaine mesure par B. Bernanke lui-même[84].
- Une autre explication possible pourrait être la tendance à une politisation croissante de l’économie, devenue évidente depuis 2014-2016, d’abord avec la mise en œuvre des sanctions contre la Russie (2014), l’Iran, puis avec la tendance à l’utilisation unilatérale de la position du dollar par les États-Unis qui a été décrite au début de la première partie de ce texte.
Quelle que soit la cause dominante, et il ne faut pas oublier que les deux peuvent se combiner, le changement est désormais évident. Même si nous sommes encore assez loin des discours sur la « dédollarisation » et de la création d’une « monnaie commune des BRICS » [85], il est clair que les pays des BRICS ont assumé une position offensive contre l’ordre mondial post-Bretton Woods.
L’approche du pouvoir structurel de Strange se concentre sur la détermination des capacités sociales des différents acteurs. Cette approche, lorsqu’elle est complétée par une approche constructiviste des structures normatives internationales, peut s’avérer très utile lors de l’examen du nouveau rôle des BRICS dans la gouvernance mondiale. On peut voir un pas vers un bon indicateur institutionnel de la performance des BRICS en matière de gouvernance économique mondiale.
Pourtant, analyser pleinement l’émergence des BRICS dans la gouvernance mondiale nécessite une nouvelle approche structurelle du pouvoir. Il faudra ici mentionner Douglass North qui pourrait nous donner quelques indices sur l’arbitrage qui sous-tend le processus de création d’une nouvelle institution par rapport au processus de tentative de changement, ou de faire évoluer, l’institution existante[86]. Mais il est encore plus fructueux de s’appuyer sur le concept d’Alfred Hirschman de « pression à la sortie contre l’utilisation de la voix », où le couple sortie-voix[87] implique que le coût de la sortie d’un groupe est évalué à la hauteur d’un risque d’une situation de multilatéralisme fragmenté, et où le coût d’une « voix » est quant à lui évalué aux capacités insuffisantes à à influencer les principes et les procédures du financement du développement, puis à accepter des décisions qui ne sont pas bonnes pour ses propres intérêts.
Ce couple se met en place lorsqu’un membre à une revendication pour un pouvoir de décision accru et est prêt à en assumer le coût en augmentant les ressources qu’il met dans le système tout en étant autorisé à le faire par les acteurs dominants (ici « l’Occident collectif »). Dans le cas présent des BRICS, leur revendication d’un pouvoir décisionnel accru au sein des institutions de gouvernance mondiale a augmenté leur mécontentement latent dans la mesure où les pays dominants semblaient de pas vouloir écouter leur « voix ». Cela a conduit à la recherche de moyens alternatifs pour renforcer leur pouvoir en créant des institutions parallèles aux institutions établies, dirigées et engendrées par l’Occident.
La Nouvelle Banque de Développement, vu sous cet angle, peut être perçue comme une matérialisation de l’option de « sortie ». Les pays des BRICS ont choisi une option alternative plutôt que d’essayer d’influencer – par la « voix » – les institutions existantes. Mais ils l’ont fait au prix d’un multilatéralisme fragmenté. Ce qui est alors intéressant, c’est pourquoi les pays BRICS ont choisi cette option et l’ont approfondie au cours des dernières années. Au cours de la phase initiale d’existence des BRICS (2006-2012), il semble qu’ils aient tenté de se faire écouter par les pays occidentaux. En fait, ces demandes n’ont pas été prises au sérieux, du moins au début.
Une interprétation possible pourrait être que, voyant leurs revendications pour plus d’égalité au sein des institutions internationales globalement rejetées ou ignorées et d’un autre côté l’incapacité des États-Unis et d’autres pays à calme et contrôler la « crise des subprimes », les pays des BRICS ont délibérément fait le choix d’une stratégie de sortie. Même après avoir fait ce choix, ils ont essayé de présenter la NBD comme complémentaire des institutions financières existantes[88], comme une sorte de stratégie mixte combinant « voix ET sortie », au moins jusqu’en 2016/17, avant de s’en détourner et de commencer à les contester directement. Cela pourrait prouver que les pays des BRICS ont fait preuve d’un degré considérable de prudence et n’ont décidé d’une stratégie de « sortie » complète qu’après avoir été convaincus qu’aucune autre option n’existait. Cela pose aussi la question de comprendre pourquoi les pays de « l’Occident global » n’ont ni su ni voulu entendre les revendications des ces pays et se sont enfermés dans leurs certitudes de pouvoir toujours disposer des moyens de contrôle sur l’économie globale.
- A quoi sert la NDB ?
Il nous faut alors passer progressivement de l’économie à la politique, plus ou moins sur le même chemin que Susan Strange avait décrit. La NBD est-elle vraiment différente dans sa structure et ses pratiques de l’institution internationale engendrée par « l’Occident collectif » et représente-t-elle une réelle alternative[89] ? En d’autres termes, la différence se limite-t-elle au fait que la NBD soit une institution « non occidentale » OUla NBD est-elle également différente parce qu’elle s’appuie sur des règles différentes, et peut-être plus favorables aux pays émergents ?
Les institutions de Bretton Woods ont clairement été créées sous l’hégémonie américaine. Même si c’est moins clair pour l’OMC, on peut dire que l’influence américaine a été extrêmement forte dans le passage du GATT tel qu’il existait au début des années 1960 et l’OMC. Leur poids fut très fort dans l’établissement de règles internes de l’OMC. Cela n’est pas surprenant si l’on considère l’équilibre des pouvoirs en 1944 ou au début des années 1980. Il ne faut pas oublier l’importance du « Consensus de Washington » dans l’élaboration des décisions du FMI et de la Banque mondiale dans les années 1990. Cela a eu de graves conséquences, notamment en Russie[90]. Mais la création de la NBD s’est faite dans un contexte très différent et il faut remonter à la création de la NBD et à son développement.
Comme nous l’avons déjà dit, la création d’une Nouvelle Banque de Développement a été envisagée pour la première fois par les pays BRICS en 2012, mais l’accord formel ne fut signé qu’en 2014 à Fortaleza et la réunion inaugurale du conseil d’administration a eu lieu le 7 juillet 2015[91]. La NBD est devenue opérationnelle en 2016 avec son siège à Shanghai[92]. Elle a ouvert ses premiers bureaux régionaux, le premier dédié à l’Afrique, en 2017[93], suivis d’un deuxième bureau régional en 2019 à São Paulo, puis d’un autre bureau en Inde et en Russie. En 2021, elle a accueilli deux membres supplémentaires (Bangladesh, Émirats arabes unis) et un troisième en 2023 (Égypte). À cette époque, ces nouveaux membres n’étaient pas membres des BRICS. L’Uruguay a également eu le statut d’un « membre potentiel », qui a été admis par le Conseil des gouverneurs de la NDB et deviendra officiellement un pays membre une fois qu’il aura déposé ses instruments d’adhésion[94]. La NBD dispose d’un capital autorisé initial de 100 milliards de dollars, divisé en un million d’actions d’une valeur nominale de cent mille dollars chacune.
Les membres fondateurs de NBD ont procédé à une souscription initiale de cinq cent mille actions pour un total de 50 milliards USD, dont cent mille actions correspondant à un capital libéré de 10 milliards USD et quatre cent mille actions correspondant à un capital appelable de 40 USD milliards. Le capital initial souscrit était réparti également entre les membres fondateurs. L’adhésion à la Banque est ouverte à tous les membres des Nations Unies, ce qui signifie que la banque s’attend à un grand nombre d’adhésions futures. La stratégie de la banque a été rapidement définie et des objectifs ont été fixés pour les années à venir[95]. Elle a signé son premier prêt fin 2016[96] et son portefeuille de prêts s’est rapidement enrichi avec le développement des prêts souverains et des prêts avec garantie souveraine[97]. L’accent a été mis sur le développement national et le partenariat avec d’autres institutions financières[98]. Nous sommes donc en face d’une institution qui a pour vocation à être réellement internationale (non limitée aux membres des BRICS) et qui, du moins dans ses textes, ne se pose pas en alternative, même si elle commence, dans la réalité, a en constituer une.
Il reste à voir maintenant quelle est la diffusion du pouvoir à l’intérieur de la NBD. On peut penser que la diffusion du pouvoir de cette nouvelle institution pourrait être conditionnée à deux facteurs principaux : d’abord la taille des actionnaires (la Chine pouvant apparaître comme la puissance dominante) et ensuite les relations entre emprunteurs et prêteurs[99]. Mais si ces critères doivent être appliqués à la NBD, on constate que la composition de la banque a une perspective beaucoup plus multilatérale que celle du FMI ou de la Banque mondiale. La répartition de l’actionnariat, initialement à égalité entre chaque membre des BRICS, en témoigne. De plus, il existe un critère de communauté qui s’inscrit bien dans la perspective d’une économie de marché émergente. Le fait qu’il n’y ait pas d’actionnaire principal et que le pouvoir de la NBD ne s’exerce pas dans une seule région commune en est l’une des preuves[100]. La NBD se présente comme un cas unique parmi les organisations financières internationales car elle n’est pas polarisée, ni formellement ni informellement, par un seul pays « dominant », mais est en réalité « multipolarisée ».
En termes de relation entre emprunteur et prêteur, les institutions financières multilatérales de développement existantes ont généralement établi deux formes de relations mutuellement exclusives : la relation emprunteur-prêteur et la relation emprunteur-emprunteur[101]. La première est strictement une relation de dépendance qui se traduit par des avantages pour le prêteur. La NBD présente une situation non mutuellement exclusive et est ouvert aux deux types de scénarios. La stratégie d’emprunt de la banque est à la fois emprunteur-prêteur et emprunteur-emprunteur[102], au travers des garanties qu’elle accorde. Cela a conduit au développement de produits financiers auxquels les membres et les non-membres de la banque peuvent accéder à la valeur de marché[103]. La NBD diffère donc du paradigme institutionnel classique établi sur les autres institutions financières internationales tel qu’il a été observé par Chris Humphrey[104]. Ces deux conditions sont devenues des variables importantes qui ont un impact sur le niveau de diffusion du pouvoir.
L’approche structurelle du pouvoir fournit alors un bon cadre pour définir les intérêts et les capacités des actionnaires (les BRICS eux-mêmes) et les nouvelles relations de pouvoir créées via des programmes de prêt qui ont de nouvelles pratiques alternatives, comme le montre un
tableau très instructif que l’on peut trouver dans l’article récent de Duggan, Ladines et Rewizorski[105].
A partir d’une analyse basée sur les mémorandums d’accords du côté du préteur, ils montrent que la structure de la NBD diffère sensiblement de celle des autres Banques Multilatérales de Développement ou BMD[106]. Cela façonne clairement la stratégie de la NBD, non seulement en termes financiers mais aussi en termes d’objectifs à moyen et long terme. Le NBD présente ce qui est aujourd’hui une structure unique et homogène, où la structure actionnariale des membres historiques du NBD (et fondateurs) s’élève à un peu plus de 18 % par membre, ce qui signifie que chacun des BRICS partage un pouvoir égal. Cela permet à chacun de ses membres de fixer un agenda avec des priorités pour les économies émergentes.
La NBD diffère également de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB) dirigée par la Chine. Si les deux banques sont nées conceptuellement de puissances non occidentales, la Chine est dominante au sein de l’AIIB alors que la NBD se concentre sur l’égalité de pouvoir des actionnaires. Il est important de noter également que la stratégie de prêt de la NBD diffère de celle des autres BMD, et en particulier de la Banque mondiale. Les BMD sont des fournisseurs de ressources financières et, de ce point de vue, seule compte la manière dont les actionnaires satisfont aux conditions économiques et politiques formelles ou informelles.
La structure actionnariale des Banques Multilatérales de Développement a, en effet, une incidence significative sur la détermination des actions de ces banques[107]. Les pays emprunteurs ayant des emprunts récurrents et ayant enregistré des améliorations budgétaires peuvent modifier les conditions requises pour les échanges. Cela entraîne une augmentation de la « voix » de ces emprunteurs spécifiques dans les processus décisionnels des BMD et une rupture de l’égalité des emprunteurs. La NBD, parce qu’elle crée une alternative en dehors du système actuel des BMD qui définissaient jusqu’ici le système de gouvernance économique mondiale, relie les deux parties et offre aux pays du « Sud global » une alternative qui renforce éventuellement leur capacité de négociation que ce soit avec le FMI ou la Banque Mondiale quand elle ne leur permet pas de contourner ces deux dernières institutions.
Cette approche est intéressante car elle permet de définir les conditions qui déterminent un véritable changement en termes de structure du pouvoir. Bien entendu, la NBD est nouvelle en termes d’histoire de ses opérations, ayant commencé à prêter fin 2016. Il existe donc certaines limites à l’utilisation de la banque comme étude de cas. Mais la pertinence de cette étude de cas est incontournable dans la mesure où le NDB a vu son pouvoir et son influence croître régulièrement au cours de la dernière année. Qui plus est, sa dimension symbolique, en tant que première institution financière internationale créée par des pays appartenant à ce que l’on appelle aujourd’hui le « Sud global », confère à la NBD une place particulière au sein des institutions financières internationales, étant à la fois un complément ET un défi aux institutions financières déjà existantes. Cela favorise de nouvelles règles et normes. Certains ont même vu la NBD comme un possible défi pour le dollar[108].
Il est possible qu’elle le devienne. Le projet de constitution d’une zone commerciale et monétaire autour de la Chine, de l’Inde et de la Russie qui est proposé dans un document stratégique publié par l’Institut de Prévision Économique de l’Académie des Sciences de Moscou[109] implique, de manière implicite, qu’une institution comme la NDB devienne le cœur d’une telle zone.
La NDB se présente donc comme un cas unique pour évaluer le « pouvoir structurel » des BRICS. Son existence montre que ce « pouvoir structurel » est bien réel et commence à se comparer à celui des pays de « l’Occident global ». Son existence, et les opérations financières qu’elle conduit semblent suffisamment différentes de celles des autres BMD pour qu’elle soit devenue un pôle d’attraction important, du moins pour les pays de ce que l’on appelle le « Sud global ». Ce pouvoir d’attraction permet donc aussi aux BRICS de renforcer leur « pouvoir structurel ». Dès lors, l’analyse sort du cadre classique « causes-conséquences ». Si le « pouvoir structurel » des BRICS a été suffisant pour qu’ils créent et développent une institution comme la Nouvelle Banque de Développement, celle-ci en retour leur confère une « pouvoir structurel » supplémentaire dont seul l’avenir nous dira comment il sera mis en œuvre.
Conclusion
Le développement de l’économie mondiale depuis la fin des années 1990 a conduit à des changements spectaculaires dans l’équilibre des pouvoirs politiques et économique. Loin de signifier une « fin de l’Histoire », la fin de la Guerre Froide a engendré des changements importants qui sont désormais porteurs de conflits d’intérêts, mais aussi de conflits de représentations et donc d’affrontements sur les normes et les règles. L’importance de ces conflits ne doit pas être sous-estimée. Ils structureront probablement le monde dans les vingt prochaines années.
L’émergence des BRICS+ symbolise l’une des possibles nouvelles structuration du monde. Le fait que les pays des BRICS+ aient été poussés à une logique de contestation ouverte du monde dominé par « l’Occident collectif », alors qu’initialement ils cherchaient juste des modifications acceptables à ce monde en dit tout autant sur la montée en puissance de ces pays que sur le manque d’intelligence des pays du G-7 qui n’ont su, et sans doute pas voulu, leur accorder la place qui leur revenait logiquement dans les institutions internationales. La logique d’affrontement actuelle est largement le produit de cette incapacité, ou de cette mauvaise volonté.
La part décroissante du G-7 et de « l’Occident global » dans le PIB mondial et inversement la croissance que les « puissances émergentes » comme la Chine et l’Inde ont connue ont probablement poussé vers l’obsolescence la plupart des institutions économiques mondiales engendrées par la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide. La gouvernance de l’économie mondiale est tombée des mains de l’Occident en partie à cause de ces changements objectifs et en partie à cause de facteurs subjectifs comme une politique américaine malheureuse, une généralisation de la pratique de sanctions unilatérales – donc illégales – et en partie à cause d’une réticence, voire d’une opposition ouverte, pour réformer à temps les institutions économiques mondiales existantes. Dans le jeu de négociation entre l’usage par des pays de la « voix » et celui de la « sortie » du système existant, la solution de la « sortie » est lentement devenue dominante en raison de la combinaison de ces facteurs.
Il faut rappeler que les pays des BRICS se sont montrés, au départ, extrêmement réticents à choisir une stratégie de « sortie ». Si leurs « voix » avaient été écoutées et entendues au début des années 2000, il est probable qu’ils n’auraient pas choisi une telle stratégie. Mais, l’option de la « sortie » n’est pas, et ne peut être, complète tant que de nouvelles institutions ne sont pas créées. La disparition des « anciennes » institutions n’est jamais complète avant que n’apparaissent de « nouvelles » institutions.
Dans ce processus, l’impact des BRICS a été déterminant. Le fait que les pays des BRICS aient commencé à montrer leurs muscles en matière de renforcement des institutions, et le fait que ces pays se soient concentrés sur une institution financière, la NBD, avec ses différentes règles et normes, montre probablement que l’effondrement des institutions créées par l’Occident est un fait incontournable dans les 15 ou 20 prochaines années. En cela, la création de la Nouvelle Banque de Développement constitue bien un tournant stratégique de première importance. Elle est à la fois un signe du « pouvoir structurel » acquit par ces pays et un instrument de développement et de renforcement de ce même pouvoir structurel.
Le choix d’une stratégie de « sortie » par les pays BRICS, et désormais BRICS+, ne résout cependant pas une dernière question. L’économie mondiale évoluera-t-elle vers une fragmentation stabilisée, ce qui impliquerait que les institutions « occidentales » pourraient survivre, quoique sous une forme réduite, pour gérer le fragment représenté par l’économie « occidentale », ou bien de nouvelles institutions, venant du « Sud global », seront-elles capables de conférer à ces pays l’hégémonie qui leur permettrait par la suite de réunifier l’économie mondiale autour de nouvelles règles de gouvernance.
Ceci reste à voir et fait partie de l’histoire qui reste à écrire.
*Jacques Sapir est Directeur d’études à l’EHESS, professeur à l’École de Guerre Économique (Paris), professeur associé à la MSE-MGU (Moscou), directeur du CEMI-CR451, et membre étranger de l’Académie des Sciences de Russie. Courriel: sapir@ehess.fr
Notes
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[7] https://www.justice.gov/criminal/criminal-fraud/foreign-corrupt-practices-act
[8] https://home.treasury.gov/policy-issues/tax-policy/foreign-account-tax-compliance-act
[9] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4082.asp . A more recent report from the FrenchNational Assembly is also available : Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale, Paris, Assemblée Nationale, 26 juin 2019, 101 p., https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/194000532.pdf
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[22] Sapir J., « Le FMI et la Russie: conditionnalité sous influences », in Critique Internationale, n°6, Hiver 2000, op. cit..
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[40] Sur le remplacement du GATT par l’OMC, voir Sapir J., Le Protectionnisme, Paris, PUF, coll. Que-Sais-Je, 2022.
[41] WTO, Marrakesh Agreement Establishing the World Trade Organization, 15 April 1994, 1867 UNTS 154, Arts. III.2 and III.3
[42] WTO, Understanding on Rules and Procedures Governing the Settlement of Disputes, Marrakesh Agreement Establishing the World Trade Organization, Annex 1C, 33 ILM 1197, 15 April 1994
[43] Creamer L., (2019), ‘From the WTO’s Crown Jewel to Its Crown of Thorns’, in American Journal of International Law Unbound vol. 51; T. Payosova, G. C. Hufbauer, and J. J. Schott, (2018), ‘The Dispute Settlement Crisis in the World Trade Organization: Causes and Cures’, Policy Brief, 18-5
[44] Jones K., (2009), The Doha Blues: Institutional Crisis and Reform in the WTO, New-York – Oxford, Oxford University Press,
[45] Harding R. et Reed J., « Asia-Pacific countries sign one of the largest free trade deals in history », in Financial Times, 15 novembre 2020, https://www.ft.com/content/2dff91bd-ceeb-4567-9f9f-c50b7876adce
[46] Sapir J. « Le consensus de Washington et la transition en Russie: histoire d’un échec », in Revue Internationale de Sciences Sociales, n°166, décembre 2000, pp. 541-553.
[47] A. Gramsci, “« The crisis consists precisely in the fact that the old dies and the new cannot be born: during this interregnum we observe the most varied morbid phenomena», in Gallimard, Paris (ed. R. Paris) translation of Gramsci, Cahiers de Prisons, Cahier 3, §34, p. 283.
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[109] Voir IPE-ASR, Трансформация мировой экономики: возможности и риски для России, publié en juillet 2024, https://ecfor.ru/publication/transformatsiya-mirovoi-ekonomiki/
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