Par Bruno Drweski
Depuis 1989, alors même qu’il existe dans la société polonaise, une forte sensibilité socialisante, anticapitaliste, et souvent nostalgique à l’égard des aspects sociaux de la Pologne socialiste, aucune force de gauche sociale conséquente n’a pu voir le jour de façon durable, car la gauche a été d’abord monopolisée par l’ancienne aile droite du parti « ex-communiste » au pouvoir dans les années 1944-1989 (Parti ouvrier unifié polonais – PZPR) qui s’est alignée totalement après 1989 sur une ligne pro-capitaliste, néolibérale, pro-OTAN, pro-UE, sociétale, et très superficiellement pro-sociale ou même seulement pro-laïcité. Le seul mouvement de masse qui a pu émerger après 1989 sur une ligne de « gauche patriotique » a été l’éphémère syndicat agricole et parti « Autodéfense » dirigé par Andrzej Lepper qui a publiquement posé la question de l’OTAN, de la participation de la Pologne aux agressions contre l’Irak et de sa participation au programme des prisons secrètes de la CIA. Ce mouvement a finalement disparu, son fondateur ayant été trouvé « suicidé » dans des conditions troubles et son ancien porte-parole parlementaire, Mateusz Piskorski, ayant été emprisonné plus tard trois ans sous l’accusation d’espionnage au profit de la Russie et de la Chine, et qui n’a dû sa libération, conditionnelle, que sous la pression du Bureau des Nations Unies contre les arrestations abusives.
Aujourd’hui, dans la foulée de la guerre en Ukraine, la Pologne subit une campagne médiatique et politique de chasse aux sorcières visant tous les dissidents politiques mais aussi les intellectuels, les universitaires ou les journalistes « dissidents » (voir : http://www.reveilcommuniste.
A gauche, nous trouvons donc quelques organisations qui font entendre un son de cloche dissident par rapport aux choeur des défenseurs de l’ordre établi. Le Front rouge (« Czerwony Front »), membre de la Tendance marxiste internationale d’obédience trotskiste dissidente, soutient ainsi « La position de la TMI (dont le Front rouge est membre) à l’égard du conflit en Ukraine, il condamne sans équivoque l’attaque russe, exprime sa solidarité avec le peuple ukrainien et soutient son droit à l’autodétermination, sans dépendance vis-à-vis de l’Occident ou la Russie. En même temps, il ne soutient aucun État bourgeois dans ce conflit, ni dans aucun autre. De plus, il essaie d’enquêter sur les causes qui ont conduit au conflit en Ukraine et sur ses conséquences possibles ». Un autre groupe d’obédience trotskiste, « Démocratie ouvrière » (Demokracia pracownicza), considère que « Pour les États-Unis et leurs alliés occidentaux, il s’agit simplement d’une “guerre par procuration” contre la Russie menée par les Ukrainiens. Les États-Unis soutiennent donc les autorités ukrainiennes pro-occidentales de toutes les manières possibles. Bien sûr, pas pour des raisons humanitaires ou des raisons et des préoccupations en faveur des habitants de l’Ukraine – les puissances occidentales elles-mêmes ont en effet sur leurs mains des hectolitres de sang. Leur but est d’étendre l’influence du “monde occidental” en Europe de l’Est et de maintenir l’hégémonie américaine en ruine dans le monde non seulement contre la Russie mais aussi contre la Chine. » Cette organisation mène par ailleurs une campagne contre la russophobie dans la culture et les guerres impérialistes, même si elle avait pris des positions ambiguës au moment de la guerre en Syrie.
Parmi les organisations communistes se revendiquant de la tradition issue du « stalinisme », le point du vue du Parti communiste de Pologne (KPP), aujourd’hui en butte à la répression et menacé d’interdiction, est son soutien au communiqué du Conseil mondial de la paix qui « exprime sa profonde inquiétude face à la tension grandissante dans la région de l’Europe de l’Est, en particulier en Ukraine, et qui résulte principalement de l’expansion croissante et agressive de l’OTAN à l’est de l’Europe et du déploiement de les forces de l’alliance de la mer Baltique à la Bulgarie, formant une ceinture entourant la Fédération de Russie. Depuis le coup d’État de Kiev en 2014 et la prise du pouvoir par des forces réactionnaires profascistes parrainées par les États-Unis, l’OTAN et l’Union européenne, l’Alliance atlantique a planifié et mis en œuvre une nouvelle expansion de la plus grande machine de guerre au monde, responsable de guerres, de crimes et de coups d’État ». Le Parti ouvrier polonais (Polska Partia Robotnicza – PPR), un parti constitué récemment par de jeunes militants critiquant le KPP pour son manque d’activisme et de radicalité sur le terrain considère que « L’attaque de la Russie contre l’Ukraine a été provoquée par l’Occident qui a militarisé agressivement ce pays. Poutine s’est cependant laissé entraîner dans la guerre et a ainsi commis une erreur stratégique. Sur cette base, nous ne soutenons pas l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pendant de nombreuses années, l’Ukraine a traversé un processus de bandérisation, avec le consentement et le soutien de l’Occident, ce qui a permis la promotion du fascisme et la réhabilitation du nazisme. Nous soutenons donc le combat des troupes russes contre ce phénomène qui devrait être complètement éradiqué. Nous appelons à la fin de la guerre et à l’arrêt de toute aide militaire, car cela alimente le conflit et augmente le nombre de victimes ».
Quant au Front maoïste, il déclare « …en tant que Front maoïste, nous pensons qu’il s’agit d’une guerre de deux pays capitalistes causée par les ambitions impérialistes de l’OTAN et de la Russie, ainsi que par la politique agressive du régime de Kiev. Nous condamnons fermement la guerre, nous appelons les deux gouvernements concernés à arrêter les opérations militaires et nous soutenons l’approche de ce conflit formulée par les gouvernements de Biélorussie et de Cuba ». On doit également souligner le courage de la revue en ligne de gauche radicale assez connue « Strajk » (La Grève) qui a pris des positions très critiques envers l’OTAN et le gouvernement ukrainien et analyse avec recul les causes de l’attaque russe.
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