Note
Le Dimanche 26 Janvier des énormes démonstrations se sont déroulées dans toute la Grèce pour protester contre le cover up par le gouvernement, le parlement et la justice grecque des raisons de la catastrophe ferroviaire de Tempi, en 2022, qui avait comme résultat la mort d’au moins 57 personnes.
L’article suivant, écrit le lendemain des démonstrations, et traduit ici pour defend democracy press, relate de l’ atmosphère politique qui domine le pays.
Depuis, de plus en plus de révélations viennent soutenir l’hypothèse selon laquelle le train faisait de la contrebande de matériaux pouvant être utilisés pour frelatage de carburant. Le gouvernement grec a tout fait pour couvrir le scandale
-Que la crucifixion des enfants de Tempi soit le prologue de la résurrection de notre pays.
Par Dimitris Konstantakopoulos – 28 janvier 2025
Face au soulèvement de plus d’un million, voire de millions de citoyens grecs, qui ont participé spontanément et sans infrastructure organisationnelle digne de ce nom aux immenses rassemblements qui ont eu lieu à Athènes, dans toutes les villes grecques, et même dans des villes étrangères, les commentaires sont superflus. Ils sont superflus parce qu’ils risqueraient de diminuer l’ampleur de l’événement. C’est pourquoi nous serons aussi concis que possible. Après tout, les foules gigantesques qui se sont rassemblées des quatre coins de la Grèce et d’ailleurs sont si éloquentes qu’elles n’ont pas besoin d’être interprétées. Elles parlent d’elles-mêmes.
Voici comment mon collègue Pantelis Savvidis a décrit le rassemblement de Thessalonique sur Facebook: « La taille du rassemblement était énorme. Il couvrait toute la rue Egnatia. Il rappelait les rassemblements qui ont suivi la chute de la dictature (1974). Avec une différence. Il y avait quelques slogans, mais ils étaient discrets et éloignés de la partie principale du rassemblement. Les gens étaient unis par un désespoir muet que le volume de participation tentait de briser. Les gens essayaient de faire naître l’espoir qu’après que tant de personnes soient descendues dans la rue, en l’absence retentissante de ce qu’on considère comme les principaux médias, quelque chose pourrait changer».
Ça ne va plus!
Et il continue: « J’ai vu des gens de tout le spectre politique, constitutionnel ou non. De tout le spectre social et de tous les âges. Des jeunes enfants aux personnes âgées marchant avec l’aide d’un parent ou d’une canne. Et ce n’est pas peu dire. Des enfants avec des slogans écrits à la main sur des petits bouts de carton demandant justice. Même des personnes issues de milieux conservateurs et d’autres qui se déclarent de droite. Même les factions gauchistes familières qui respectaient les personnes qui avaient appelé au rassemblement et au moment. Pendant que je restais, le respect était absolu. Et je l’ai vu pour la première fois. Quelque chose a ébranlé l’âme grecque. Quelque chose l’a ébranlé. Tout m’a rappelé ces moments historiques où ils ont poussé un cri silencieux : plus jamais ça ».
Dès le premier instant, l’accident survenu à Tempi, que l’on qualifie à juste titre de crime, a semblé refléter tous les aspects de la profonde crise grecque https://www.defenddemocracy.press/73321-2/ . Au cours des (non-) interrogatoires, la profondeur criminelle du problème, à savoir : tout le système qui gouverne, détruit et aspire la Grèce, est devenue évidente. Derrière les limousines rutilantes des ministres, des agents de l’État et de l’oligarchie, on peut voir un régime que mon collègue Spyros Goutzanis décrit à juste titre dans un article comme un régime de « méthodes mafieuses ». Ils s’obstinent à dissimuler le crime et, en le dissimulant, ils révèlent non seulement les énormes responsabilités des détenteurs du pouvoir, mais aussi la pourriture de la corruption qui a érodé toutes les institutions de l’État.
De la « kleptocratie douce » à la «kleptocratie » mafieuse
Il y a 25 ans, avec l’entrée de Siemens en Grèce, qui a soudoyé tout le monde dans le pays, et l’achèvement parallèle de la dégénérescence du PASOK sous Simitis (Kostas, premier ministre de 1996 a 2004), la Grèce a connu une première vague de corruption criminelle qui a tout englouti. Pour tous ceux qui ont bénéficié des cadeaux de la compagnie allemande et de bien d’autres entreprises il y avait de quoi écrire et de prononcer récemment l’éloge funèbre de Kostas Simitis, jadis proclamé, non sans raison, « grand prêtre de l’interconnexion des intérêts privés et de l’état ».
Sauf que les gouvernements suivants n’ont rien fait pour arrêter cette activité sportive ; au contraire, ils l’ont accélérée et approfondie. Dans le même temps, le PASOK de Georges Papandréou nous livrait au hachoir du premier et du deuxième mémorandums (le deuxième avec l’aide de la Nouvelle Democratie) et SYRIZA à celui du troisième. Vaincu et résigné, le peuple grec, témoin abasourdi de la trahison (ou, au mieux, de l’insuffisance désastreuse) des partis et des dirigeants en qui il avait confiance, a cessé d’opposer une quelconque résistance aux forces de l’oligarchie nationale et des étrangers qui s’étaient abattus sur son pays, le pillant et l’humiliant. Traditionnellement parti de l’oligarchie et de la dépendance étrangère, à de rares exceptions près, la Nouvelle Démocratie s’est laissée dominer par ce qu’elle a de pire.
De la « criminalité en col blanc », des pots-de-vin de Siemens et de tant d’autres, de la « corruption et de l’interconnexion des intérêts», nous en sommes arrivés à d’autres types de crimes tels que le meurtre du journaliste Karaivaz, un meurtre qui, étonnamment, n’a pas été élucidé alors que le gouvernement, avec ses services et la surveillance qu’il a mis en place, devrait de toute évidence connaître les meurtriers. Les choses étonnantes qui se sont produites dans le cadre des enquêtes présumées sur Tempi ont fini par ébranler la confiance des citoyens grecs dans le système judiciaire lui-même.
De plus, et comme le note Goutzanis dans son article : « Le gouvernement devient plus responsable au fur et à mesure que l’on découvre des preuves de morts suspectes et de disparitions de personnes qui pourraient indirectement être liées à l’affaire (Tempi). Il ne s’agit plus d’un cas normal de minimisation d’un problème avec les procédures habituelles pour réduire les coûts politiques, mais d’une dissimulation utilisant des méthodes mafieuses orchestrées par le régime. Comme dans le cas du scandale des écoutes téléphoniques, qui n’a pas eu le même impact social.”
Non seulement nous battons négativement les statistiques économiques et sociales des pays balkaniques, mais en plus nous les égalons dans le domaine de la criminalité ! Partant de la corruption habituelle du «capitalisme kleptocratique » et dependant grec, nous risquons de nous retrouver dans des situations colombiennes.
Nous avons besoin d’un mouvement organisé
On espère que les mobilisations populaires reprendront pour que la pression sur le gouvernement ne diminue pas, pour que celui-ci, comme le pouvoir judiciaire, n’échappe pas à ses responsabilités. On espère qu’un mouvement national organisé de soutien aux proches des victimes et de demande de justice pourra voir le jour. Compte tenu du retentissement de l’affaire, des associations de solidarité pourraient être créées dans chaque commune pour exiger la catharsis.
Il ne fait aucun doute que, compte tenu de la faillite des partis d’opposition, la Grèce a aujourd’hui désespérément besoin, pour son salut et sa réforme, d’un mouvement social large, de masse, démocratique et sérieux, aussi difficile que soit son émergence. Il faudrait un mouvement qui transcende les identités de parti et qui soit peut-être basé sur l’auto-organisation, comme Spitha, le Mouvement des citoyens indépendants, tel que Mikis Theodorakis l’a imaginé. Puisse la crucifixion des enfants de Tempe devenir le prologue de la résurrection de notre pays.
- Dans notre prochain article, nous traiterons de l’opposition actuelle et de ses partis.
Pubié en grec https://www.konstantakopoulos.gr
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