Feministasylum Newsletter L’asile féministe

Pourquoi nous nous sommes lancées dans cette aventure politique et sociale

Notre désir de créer par tous les moyens un réseau de solidarité et de résistance au niveau européen pour la défense et l’extension des droits des femmes, des filles et des minorités de genre, soulevé lors de la rencontre européenne ” Femmes, migration, refuge ” organisée par la MMF/Suisse en septembre 2019 à Genève. La première action lancée par Pinar Selek, une occupation féministe des frontières, a dû s’adapter à la situation difficile créée par la pandémie de Covid 19. Contre vents et marées, nous avons réussi à rassembler plus de 8000 personnes dans la ville de Nice en juin 2021. Un tel succès ne pouvait que nous renforcer dans notre volonté de poursuivre ce combat. Les témoignages de femmes que nous avons connues, et d’autres rencontrées au cours de la campagne, nous ont donné la détermination nécessaire pour aller de l’avant et réaliser la deuxième étape : le dépôt de la pétition féministe européenne en mai 2022.

dépôt de la pétition au Parlement européen à Bruxelles le 18 mai 2022

Une campagne éclairante…

La participation des principales personnes concernées, qui ont accepté de parler ouvertement de leur expérience, était essentielle. Nous avons réussi à montrer concrètement les situations vécues par Parvin, Nahid, Léonida, Mireret, Fawzia et Zineb qui sont à la base de cette pétition. Leurs voix ont été le moteur de nos actions du début à la fin : dans la rue, sur les réseaux sociaux et dans notre communication médiatique. La pétition a été remise à la Commission européenne des pétitions le 18 mai à Bruxelles. Nous avons recueilli 39 063 signatures individuelles en ligne et sur feuilles, avec le soutien collectif de 261 organisations de 18 pays européens et un appel soutenu par une centaine de personnalités du monde politique, culturel et sportif.

Nous avons créé une ligne graphique commune et unique pour notre matériel de campagne (affiches, photos, logo, bannières, etc.) qui a été mise à disposition par le biais d’un lecteur en libre accès. Les signatures individuelles ont été collectées sur un site web approprié en 10 langues (feministasylum.org).

Nous avons également assuré une présence régulière sur les réseaux sociaux : FB, Instagram et Twitter de Feminist Asylum. Ce militantisme ouvert nous a permis d’identifier d’autres soutiens collectifs et de souligner que nous étions une campagne européenne, ancrée dans différents pays. L’appel ” Nous ne fermons pas les yeux ” lancé le 8 mars par des personnalités du monde politique, culturel et sportif a tissé des liens précieux qui nous ont aidées, notamment lors du dépôt de la pétition européenne à Bruxelles le 18 mai 2022. Nous avons pu lancer une conférence de presse au Parlement européen avec l’aide de trois députés européens : Diana Riba I Giner, Malin Björk et Miguel Urban Crespo. Le 14 juin 2022 – jour de grève des femmes en Suisse – nous avons également déposé cette pétition au Parlement de Berne, avec les interpellations directes de trois parlementaires, Stefanie Prezioso, Delphine Klopfenstein (Conseillères nationales) et Lisa Mazzone (Conseillère d’Etat).

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Reportage télévisé en français de la chaîne YouTube TDM asbl à l’occasion du dépôt de la pétition. : www.youtube.com/watch?v=s8JABIR9DWU

…avec des difficultés

La campagne en ligne sur le site de l’Asile Féministe a été lente et laborieuse. De nombreuses organisations n’ont pas été en mesure de faire la distinction entre le soutien collectif et notre appel aux signatures individuelles. Le déclenchement de la guerre en Ukraine a considérablement retardé certaines collaborations très utiles.

La manière « flexible » de coordonner au sein de notre collectif s’est avérée délicate. Du côté positif, cette coordination a permis d’élargir la circulation de l’information et d’intégrer de nouvelles forces ; du côté négatif, elle a provoqué le départ de certains militants qui n’ont pas pleinement trouvé leur place. En l’absence d’un comité bien structuré, aux tâches clairement définies, la coordination quotidienne du travail des dizaines de militants impliqués était tout sauf facile. Sans parler de la surveillance des emails…

Notre communication essentiellement numérique a compliqué la discussion, surtout en cas de divergences d’opinion. Notre manque d’anticipation dans l’évaluation de nos besoins financiers et du prix des dépenses, a entraîné une recherche tardive et insuffisante de financements. Malgré l’implication profonde de nombreuses personnes, nos comptes bancaires sont aujourd’hui déficitaires. Pour régler ce déficit, nous allons devoir lancer un nouvel appel à la solidarité financière.

Nous aurions gagné à avoir un texte collectif qui définisse clairement ce qui nous rassemble. Le texte de la pétition lui-même n’était pas suffisant pour incarner la vision commune de toutes les associations, groupes et collectifs faisant partie de la coalition Feminist Asylum. Nous aurions dû mieux communiquer sur le rôle de ce texte. Enfin, une grande diversité d’origines, d’engagements et d’expériences amène aussi des points de vue divers, parfois divergents, c’est une richesse qui peut aussi provoquer des déceptions et des désistements au cours du processus.

Malgré ces difficultés, nous avons bénéficié de la participation de groupes bien mobilisés en Allemagne, en Belgique, en Suisse et en France. Des militants de longue date, mais aussi des professionnels impliqués dans la défense des migrants, nous ont permis d’établir des contacts importants avec des femmes qui vivent des situations difficiles de migration et d’exil dans toute l’Europe.

Un bilan globalement positif !

Nous avons atteint notre premier objectif pour répondre aux problèmes spécifiques générés par la violence basée sur le genre : souligner l’importance d’exiger l’application concrète des conventions internationales de protection, telles que la Convention d’Istanbul ou la Convention contre la traite des êtres humains. Néanmoins, nous ne pouvons pas changer les politiques européennes liées aux enjeux économiques et géopolitiques avec seulement deux mobilisations. Nous avons allumé l’étincelle du feu. Malgré tous les obstacles, nous avons réalisé l’impossible. Nous avons réussi à mettre en avant cette dimension importante de la migration et à porter la discussion au Parlement européen.

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Créer un réseau de solidarité et de résistance au niveau européen est une idée puissante. Nous avons osé mettre en avant des revendications, actions et mobilisations féministes internationalistes pour les droits des femmes, des enfants et des personnes LGBTQIA+ qui demandent l’asile.

Dépôt de la pétition au Parlement européen à Bruxelles le 18 mai 2022 / Photo : © Nafi Yao

Quelles sont les prochaines étapes ?

En ces temps sombres, l’Europe doit de toute urgence prendre en compte les conditions spécifiques vécues par les personnes migrantes. Notre défi est grand : construire un grand réseau européen, un mouvement avec des actions communes, forgé par les collectifs organisés localement présents et futurs.

Voici les actions en cours :

Rejoignez individuellement ou collectivement la Caravane espagnole « Abriendo Fronteras », dont la prochaine étape ira des Pyrénées aux Alpes. Vous pouvez vous inscrire pour participer avant le 7 juillet. abriendofronteras.net

La Caravane Sans Frontières met la dernière main aux préparatifs du prochain itinéraire Pyrénées-Alpes !

Les frontières intérieures européennes d’hier et d’aujourd’hui sont le nouveau centre d’intérêt du réseau Caravane Ouvrons les Frontières, qui partira en juillet prochain des Pyrénées, où nous nous retrouverons le vendredi 15 juillet après-midi, en direction des Alpes, pour se dire au revoir à Barcelone le dimanche 24.

Les frontières intérieures de l’Europe, qui au siècle dernier étaient clandestines pour ceux qui s’opposaient aux régimes totalitaires de l’Europe, le sont à nouveau pour ceux qui s’opposent aux politiques migratoires, économiques et commerciales de l’UE. C’est pourquoi le fil de la mémoire guidera le voyage de cette caravane.

En un an, cinq migrants se sont noyés dans la Bidassoa, un autre s’est suicidé à Irun et trois autres ont été écrasés par un train du côté français. En route vers la France, ils se sont à nouveau heurtés à une frontière mortelle malgré les accords de l’espace Schengen, qui permettent la libre circulation des personnes. Des points de contrôle sont installés au pont de Santiago, qui relie Irun et Hendaye. C’est ici que la #CaravanaPirineosAlpes2022 commence son voyage.

Au cours du parcours, nous visiterons des lieux de mémoire tels que le camp de concentration de Gurs, à côté d’Oloron, un camp de refuge construit en 1939 dans lequel ont été internés plus de 5 000 républicains, pour la plupart d’origine basque. Après la défaite de la Seconde République, ils ont traversé la frontière française et, à partir de 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale, il est devenu un camp de concentration pour les prisonniers politiques français et pour plus de 14 000 Juifs, qui ont été gazés à Auschwitz et Birkenau.

À Bielsa, Huesca, nous rendrons hommage à l’exil républicain et visiterons le musée de la Bolsa.

Nous nous arrêterons également aux mémoriaux des camps de concentration d’Argelès et de Rivesaltes dans le sud-est de la France.

La maternité d’Elna sera un autre point d’intérêt de la visite. Fondé en 1939 par une infirmière suisse, il a aidé à mettre au monde les bébés de mères réfugiées de la guerre civile espagnole qui étaient internées dans des camps de concentration dans le sud-est de la France, ainsi que de femmes juives persécutées par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a été fermé par la Gestapo en 1944, après avoir aidé 597 bébés à naître.

Sur son chemin à travers la frontière franco-italienne dans les Alpes, la Caravane s’arrêtera dans des endroits tels que les refuges de Massi et de Claviere. La neige et l’orographie, d’une part, et les militants xénophobes, d’autre part, en font une route migratoire particulièrement dangereuse. Le 7 mai 2018, Blessin Matthew, une Nigériane de 20 ans, s’est noyée dans la rivière Durance alors qu’elle était poursuivie par la police. Aujourd’hui encore, sa famille et les militants réclament justice.

La caravane est rejointe par l’organisation française Tous Migrants, ainsi que par les compagnons habituels de l’organisation italienne Carovane Migranti et les témoins qui voyagent avec eux.

Pendant les neuf jours de la caravane, nous mènerons des actions de dénonciation, comme une manifestation à Turin devant un centre de détention pour migrants, et nous organiserons des réunions, certaines internes, d’autres avec des groupes locaux, comme le mouvement No Tav dans la vallée de Susa.

Barcelone sera la ville qui accueillera la Caravane à la fin du voyage avec une rencontre et un dîner collectif avec des collectifs de femmes migrantes.

Ne manquez pas cette caravane ! Inscrivez-vous avant le 7 juillet sur notre site abriendofronteras.net.

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