L’épidémiologiste suisse Antoine Flahault fait le point avec Capital sur la cinquième vague qui s’intensifie en France, où le taux d’incidence se rapproche des 200 contaminations pour 100.000 habitants.
Capital : le tiers des départements français ont un taux d’incidence supérieur à 200 cas pour 100.000 habitants. À quoi doit-on s’attendre pour les fêtes de Noël ?
Antoine Flahault : Dans notre Institut de santé globale à Genève, avec les écoles polytechniques fédérales de Lausanne et de Zürich, on ne fait pas de prévisions au-delà de sept jours car les modèles mathématiques ont du mal à être prédictifs au-delà d’une semaine. Pour autant, la France semble s’engager dans un scénario à la roumaine. La Roumanie subit une forte vague depuis trois mois. En France la cinquième vague a commencé le 15 octobre, si elle dure trois mois comme en Roumanie alors les fêtes de Noël et de fin d’année ne seront pas épargnées. Mais il est possible que ça dure moins ou plus longtemps. C’est difficile de prévoir.
Mais la Roumanie a un taux de vaccination bien inférieur à celui de la France…
C’est vrai. Mais dans les pays limitrophes qui ont des couvertures vaccinales similaires à celle de la France, l’épidémie est aussi bien repartie. Comme aux Pays-Bas, où on observe une vague qui a une allure très ressemblante au démarrage de la dernière vague roumaine. Il y a un très fort niveau de contaminations qui dépasse de plus de deux fois le niveau de contamination des plus hautes vagues jamais atteintes.
La France peut-elle s’appuyer sur d’autres mesures que le confinement ou le couvre-feu pour freiner la cinquième vague cet hiver ?
Pour cette question, je vous renvoie aux propos du directeur régional de l’OMS en Europe, Hans Kluge, qui préconise quatre éléments. D’abord une vaccination étendue et le rappel vaccinal avec une priorité donnée aux personnes à risques. Là-dessus, la France fait partie des très bons élèves de l’Europe. Le deuxième point concerne l’utilisation des masques à l’intérieur. Là aussi, la France coche approximativement la case malgré un petit relâchement dans la réglementation qui permet aux gérants des salles de cinéma par exemple, de ne pas imposer le masque si on est muni d’un pass sanitaire. Le troisième élément, et là, la France n’y est pas du tout, c’est la ventilation. Il faudrait des capteurs de CO2 dans toutes les pièces closes qui reçoivent du public. Et ce, en plus de ventiler ces espaces. On pourrait définir une norme qui interdirait certains de lieux de recevoir de public si la concentration en CO2 dans l’air est trop élevée. Par exemple, au-dessus de 1000 ppm. Enfin, le quatrième élément, c’est de s’appuyer sur les médicaments.
Les médicaments anti-Covid dont la France a déjà passé une première commande ne sont-ils pas l’arme qui nous a manqué lors des précédentes vagues pour éviter la surcharge des hôpitaux ?
Les antiviraux comme les anticorps monoclonaux sont intéressants puisqu’ils luttent contre le virus lui-même. Et ils doivent être administrés très tôt dans le cours de l’infection. Dans les cinq jours après les tous premiers symptômes ou après un test positif. Cela réduit considérablement le risque de forme grave qui mène à l’hospitalisation, voire au décès. On fait donc d’une pierre deux coups en utilisant beaucoup plus largement ces médicaments que jusqu’à présent. D’une part, on sauve des vies, et d’autre part, on limite l’afflux à l’hôpital puisqu’on réduit le risque d’être hospitalisé.
Dans les rêves plus fous, peut-on espérer des médicaments qu’ils “banalisent” la Covid-19 ?
D’abord les pays qui utilisent les médicaments à bon escient pourraient effectivement moins avoir à confiner leur pays. Au fond, le raisonnement est presque le même que pour le sida à la différence qu’on n’a pas de vaccin contre le VIH. Grâce aux médicaments, aujourd’hui, la pandémie du Sida n’est plus le problème de santé publique que l’on connaissait. Pourquoi ? Parce que les gens qui sont séropositifs ont une espérance de vie qui est similaire à celle des séronégatifs. Les médicaments peuvent donc banaliser la Covid-19. Ils sont tout à fait déterminants dans l’évolution de l’épidémie.
Reste que les nouveaux médicaments contre la Covid-19 sont loins d’être gratuits…
Quand j’entends des gens dire que ces traitements sont très chers, j’ai envie de leur dire de mettre en face le coût des hospitalisations pour covid. Si on arrive à éviter les formes graves qui conduisent les patients à l’hôpital, c’est un coût en moins qu’il faut mettre au regard de celui du médicament. Si l’Autriche pu davantage miser sur le médicament, elle aurait peut-être épargné à sa population des journées de confinement qui vont avoir un coût exorbitant comparé au médicament lui-même.
Le gouvernement ne change pas d’avis sur les tests et compte les maintenir payants. Est-ce un pari risqué vu la remontée des contaminations ?
Comme beaucoup d’épidémiologistes et de médecins, je pense qu’il faut en effet rendre les tests à nouveau gratuits. Au moins pendant la période de la cinquième vague. Car il convient que tout le monde puisse être testé rapidement pour bénéficier des médicaments le plus tôt possible une fois infecté par le Sars-CoV-2.
Aujourd’hui une personne complètement vaccinée n’est pas obligée de s’isoler si elle a été en contact avec une personne positive. Ne devrait-on pas revoir la procédure de cas contact ?
Absolument. On a eu l’espoir qu’être vacciné permettrait de laisser tomber un certain nombre d’habitudes et de gestes barrières.. Or aujourd’hui, on s’aperçoit que même en étant vacciné, on n’est pas l’abri de toute contamination. Je dirais même qu’il y a un petit danger à continuer à avoir ce discours selon lequel “je suis vacciné donc j’enlève le masque”. On l’entend beaucoup dans les bureaux, au travail, dans les réunions. Les vaccinés prennent au final plus de risques que les non vaccinés
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