Brésil : le suprémaciste Steve Bannon, ami public commun de Bolsonaro & Marine Le Pen

Par Smail Hadj Ali
16 Oct 2018

Interrogée sur Bolsonaro, lors de son passage à L’émission Les 4 vérités de Caroline Auroux, – Télé Matin France 2 le jeudi 11 octobre- Mme Le Pen a été d’une grande clarté sur ce candidat de l’extrême droite brésilienne : « Dès que quelqu’un dit quelque chose de déplaisant, il est d’extrême droite dans les médias français. Je ne vois pas ce qui en l’occurrence fait de M. Bolsonaro un candidat d’extrême droite”.

Çà là, c’est ce qui faillit un jour régir le monde
Les peuples s’en rendirent maîtres. Cependant
Je voudrais que vous ne triomphiez pas sur-le-champ :
Le ventre est encore fécond, d’où vint la chose immonde.
Bertolt Brecht

Madame Le Pen a probablement zappé quelques aspects des propos fascistes et forcément racistes, -ils vont toujours ensemble tant ils sont ontologiquement et organiquement liés-, de cet admirateur d’Hitler, dont il est établi aujourd’hui qu’il est aussi le candidat de l’armée brésilienne et de son projet politico-idéologique intitulé « NOUVELLE DÉMOCRATIE ».

Prudente, en apparence, elle rajoute, en faisant dans une tambouille à la sauce culturaliste frelatée :
« Mais, encore une fois, il a sûrement tenu des propos qui sont éminemment désagréables, qui ne sont peut-être pas du tout transférables dans notre pays, c’est une culture qui est différente”.

Puis, elle ponctue ses propos bienveillants, en dénonçant l’ethnocentrisme dont ce fasciste fait l’objet :
“Mais est-ce qu’on va à un moment donné accepter que les peuples ont des histoires et des cultures qui sont différentes, ou est-ce qu’on cherche toujours à juger, à jauger ce qui se passe à l’extérieur en vertu de notre propre culture et de notre propre histoire ? Je pense que le faire est une erreur”.

Dis-moi qui tu fréquentes…

Si Madame Le Pen peut jouer l’ignorance bienveillante à l’égard de Bolsonaro, devant une journaliste qui, de toute évidence, n’a pas préparé ses fiches, elle ne pourra pas contester qu’elle a les mêmes fréquentations que les Bolsonaro, comme nous le verrons.

Car en effet, il y a une « hénaurme », « ein grosser » communauté d’intérêt idéologique entre ces gens. Mieux encore, elle qui parle de « cultures différentes », partage une culture très appréciée par les Bolsonaro. Une « culture » d’extrême droite symbolisée par Steve Bannon, qui entretient des liens étroits avec les Bolsonaro et les conseille pour les élections, comme il le fit pour Trump.

A cet égard, le 4 août 2018, Eduardo Bolsonaro fils, a posté une photo sur son compte twitter en compagnie de Bannon à New York, en soulignant que son père et l’ancien stratège de Trump partagent « la même vision du monde », et que Bannon était un partisan de la candidature de son père.

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Puis, il ajouta : « Ce fut un plaisir de rencontrer Steve Bannon, ce stratège des élections présidentielles de Donald Trump. Nous avons eu une grande conversation. Il m’a dit : « qu’il était -passionné par la campagne de mon père. Nous restons en contact pour unir nos forces, contre le marxisme culturel en particulier ».

Par « marxisme culturel » Steve Bannon fait allusion à l’École de Francfort, qui à partir des années trente et jusqu’à la fin des années soixante, sous la direction de Theodor Adorno et Max Horkheimer a développé, entre autres, des travaux, analyses, réflexions sur le fascisme et le nazisme, en montrant les connivences et congruences du système capitaliste avec ces idéologies, mais aussi les formes d’aliénation et d’endoctrinement lovées dans les industries culturelles et médiatiques capitalistes qui travaillent, fondamentalement pour ces idéologies de la régression et de l’oppression.

Tel père, tel fils

Digne fils de son père, -comme son frère Flavio, spécialisé en intox crapuleux et propagande putride sur WhatsApp, dont les messages, quelques jours avant le premier tour, et les jours suivants affirmaient que Fernando Haddad avait conçu, lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale, un kit scolaire favorable à l’homosexualité des enfants, et qu’il défend l’inceste entres les enfants et les parents-, il illustre le retour offensif de la barbarie, en s’affichant fièrement avec un T-shirt noir avec la photo du sinistre colonel Ustra, tortionnaire de Dilma Rousseff et de milliers de brésiliens pendant la dictature militaire. (1)

Dans le registre des propos sordides et ignobles, celui qui a été réélu député fédéral de l’État de Sao Paulo le 8 octobre 2018, avec un million huit cents mille de voix, soit le taux le plus fort dans l’histoire des élections législatives, fait aussi bien que son père.

Le 30 septembre, au lendemain des manifestations nationales des femmes contre les propos haineux et misogynes de Bolsonaro, il déclara :

“Les femmes de droite sont plus belles que celles de gauche. Elles ne montrent pas leurs seins dans les rues et ne défèquent pas dans les rues. Les femmes de droite ont plus d’hygiène “. Comme son père il a la haine des journalistes qui ne sont pas de son bord.

En juillet 2017, il stigmatise « les journalistes démagogues, gauchistes, suppôts d’un gouvernement -petiste- qui a volé le pays, apporté la débâcle, la ruine nationale, et plongé la population brésilienne dans la pauvreté et la souffrance », et assène : « ils vont payer pour leurs crimes ».

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L’Association brésilienne du journalisme d’investigation, indiquait récemment qu’Eduardo Bolsonaro, avec d’autres militants fascistes se trouvaient derrière l’exposition de la vie et des profils de dizaines de journalistes sur les réseaux sociaux, afin de les livrer à la vindicte fasciste sur la base de leur supposée affinité politique et idéologique. Parmi ces journalistes, plus de soixante furent l’objet de violences physiques. (2)

Ceci pour l’homme qui a posé avec Bannon en représentation de son géniteur.

Qui s’assemble se ressemble

Confirmant la souriante et connivente photo avec le fils de Bolsonaro, Bannon a déclaré le 13 octobre 2018, dans un entretien-vidéo accordé à l’agence Blomberg, que J. Bolsanaro est le grand favori pour le second tour au Brésil, en ajoutant que la candidat du fascisme au Brésil, de même que Matteo Salvini, le ministre italien de la police, et néanmoins homophobe – voir ses propos sur Macron- faisaient partie de son organisation d’extrême-droite, nommée The Movement, fondée en 2017 et basée à Bruxelles.

Est-il nécessaire de rappeler que le leader de l’extrême-droite italienne, vient de passer un accord organique et enthousiaste- le 8 octobre 2018- avec son inconditionnelle amie et alliée Mme Le Pen, pour les élections européennes en mai 2019.

Bannon défend, promeut, aide et vend tous azimuts le néofascisme, cet infâme magma idéologique, qui malgré ses aspects new-look, maintient une filiation profonde et solide avec le fascisme éternel, en ce sens, il est un idéologue d’importance de l’obscurantisme, au service des bourgeoisies capitalistes et de l’impérialisme, en ce vingt et unième siècle.

Chef de la campagne électorale de Trump qu’il aida à remporter les élections grâce aux magouilles technologiques d’Analytica Cambridge dont il était vice-président, puis conseiller à la Sécurité nationale pour services rendus au milliardaire-président, il a été débarqué pour son soutien, inconditionnel, et trop voyant, aux manifestations de ses alter ego suprémacistes blancs, néonazis, et autres Ku Klux Klan à Charlottesville en août 2017. À l’image de Richard Perle, un membre du parti démocrate, ex-conseiller de Reagan et Bush- ce personnage des ténèbres, est, au-delà de Salvini, l’ami commun des chefs de l’extrême droite européenne.

Avec son organisation, « The Movement », il se fixe l’objectif de rassembler « la bête immonde » partout dans le monde. Se proclamant « chrétien sioniste », et « fier de l’être », il est l’ami des théocrates chrétiens, et l’ennemi fanatisé de la théologie de la libération. Est-ce au nom de son intégrisme, ou au nom de la « même vision du monde » que ce raciste partage avec Bolsonaro, que madame Le Pen, zélatrice exaltée de la laïcité, en fit l’invité vedette du congrès du Front National en mars 2017 ?

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Triomphalement accueilli et ovationné, cet ancien trader, ami des milliardaires, des affairistes et des banquiers, y prononça un discours, dans lequel il fustigea, dans la pure tradition démagogique du national-socialisme, le système capitaliste. Un discours dont la force de persuasion n’est pas faite de ce qu’il sait, mais de ce que les autres ignorent.

Extraits : « Les banques centrales contrôlent votre argent », « les gouvernements centraux contrôlent votre citoyenneté », « les forces capitalistes sont là pour maîtriser jusqu’à votre citoyenneté ». Puis après avoir fait siffler les médias, il conclura, avant de donner une conférence de presse avec madame Le Pen, par un frénétique : « L’Histoire est avec nous ».

Mais qu’elle est donc cette « Histoire » et qu’est-ce que ce « Nous » ?

Cette « Histoire », est celle de la « bête immonde », des forces de la régression, et du malheur des peuples, dont de grandes majorités, servitude volontaire aidant, adhérent, ou s’identifient à leurs sinistres et morbides idéologies, qui, si elles adviennent, les mèneront tout droit à l’abîme et à l’asservissement. Quant au « Nous », il est celui qui rassemble, formellement, ou informellement, pour ces mêmes objectifs, ces forces obscures et funestes à l’échelle du monde.

En 1952, Bertolt Brecht notait que :« La mémoire des souffrances endurées est étonnamment courte chez les humains ».

En 1955, comme en écho, son amie Ruth Berlau, écrivaine et artiste antifasciste danoise, répondait : « Quiconque oublie le passé ne saurait lui échapper ».

Photo : Bannon au congrès du FN à Lille. 10 mars 2017, (afp.com/PHILIPPE HUGUEN)

Notes :

1) Cf. Premier tour des élections au Brésil : Le Brésil sur la voie du fascisme ?, Investig’Action 11/10/18

2) Cf. Les bolsonazis sèment la mort et la terreur. Investig’Action 12/10/18

https://www.investigaction.net/fr/bresil-le-supremaciste-steve-bannon-ami-public-commun-de-bolsonaro-marine-le-pen/