Ambiguïtés sur les retraites, recul sur la TVA : le RN recule déjà pour séduire le patronat

Depuis une semaine, le RN cultive le flou sur l’abrogation de la réforme des retraites, et continue en parallèle de mettre en avant ses mesures xénophobes. Un jeu d’équilibriste pour maintenir son ancrage électoral chez les classes populaires, tout en envoyant des signaux de respectabilité au patronat.

Par Adèle Chotsky
Jun 17, 2024

Alors que le Rassemblement National mettait jusqu’alors en avant sa promesse d’abrogation de la réforme des retraites, le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen rétropédale ces derniers jours et temporise. Après avoir enlevé les « retraites » des « 8 thèmes » choisis par le parti d’extrême droite sur son site de campagne pour les législatives, Bardella, interrogé sur le sujet au micro RTL le 11 juin dernier, bottait en touche : « Nous verrons… ». Et d’ajouter : « Nous avons la lucidité et l’honnêteté de dire aux Français que la situation économique dont nous allons hériter dans un pays qui pulvérise sous Macron les records de déficit commerciaux, de déficit public et de dette, va être compliquée ».

Le lendemain, sur France 2, le président du RN se faisait plus clair, renvoyant à plus tard une éventuelle abrogation au « profit » d’autres « priorités » et de « choix » dans le cadre desquels les retraites viendraient « dans un second temps ». Autre argument, même conclusion : Jean-Philippe Tanguy, député RN sortant, a de son côté pris prétexte des JO pour justifier ne pas vouloir tout de suite « abroger une réforme qui mettrait la pagaille dans l’administration.

Une volte-face programmatique qui reflète les contradictions du parti d’extrême droite, et les attaques anti-sociales à venir en cas d’arrivée au pouvoir. Depuis une semaine, dans le cadre de la campagne électorale express en cours, le RN cherche à ménager la chèvre et le choux, à la fois son électorat des classes populaires, grâce aux mesures pseudo sociales qu’il agite depuis des années, et le patronat en direction duquel le parti d’extrême droite s’efforce de multiplier les gages pour faire la démonstration par tous les moyens qu’il est prêt à gouverner au service de ses intérêts, à l’image de tous les autres politiciens bourgeois.

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Une façon de chercher à rassurer les classes dominantes, dont certaines franges craignent encore l’incertitude et les possibilités d’instabilité sociale et économique en cas d’accession du RN au pouvoir. Mais aussi de les convaincre, sans trop de difficultés, qu’il y a davantage de raisons à craindre l’autre bloc en course pour ces législatives -quand bien même celui-ci s’avère également peu menaçant pour les intérêts patronaux. « On n’est pas des fous furieux de gauche et des démagogues, on ne va pas promettre le grand soir » résume Frank Allisio, un député sortant du RN.

Ainsi, ces derniers temps le RN n’a que la dette à la bouche. Tribune de Marine Le Pen en mars sur la « flambée de la dette » et sa « stratégie » pour y répondre, préparation d’un budget de finance rectificatif faisant la part belle aux « économies » et à l’austérité : le parti d’extrême droite n’a pas fini de poursuivre sa mue libérale. Même son de cloche pour une autre promesse de campagne, la TVA, renvoyée à un « second temps » par le président du parti ce lundi.

En parrallèle, le RN continue de mettre en avant son programme brutalement xénophobe. Invité sur BFMTV ce vendredi 14 juin, Jordan Bardella, faisait des mesures en matière d’immigration et de sécurité la priorité de ses premières semaines « au pouvoir ». Au menu : une future « loi immigration » incluant la « suppression du droit du sol » et une autre sur la sécurité promettant notamment de « supprimer les allocations des parents des mineurs récidivistes ».

Surtout, le RN continue d’agiter ses mesures de « préférence nationale » en matière de logement ou de santé et de les présenter comme favorables aux classes populaires pour répondre à la dégradation de leurs conditions de vie. Un avant-goût de l’arnaque du projet du RN pour les travailleurs, prêt à rembourser la dette sur le dos des étrangers et des plus précaires, et à envoyer valser ses promesses aussitôt que le patronat le lui demandera. Une façon de continuer à diviser les travailleurs. Une fois encore : au plus grand bonheur du patronat.

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