Il est désormais évident pour tout le monde que Macron voulait gouverner avec le RN. Il a dissout l’Assemblée au moment où l’extrême droite venait de réaliser le plus gros score de son histoire alors que la gauche était en miettes, a lancé une campagne éclair au début de l’été, et savait que l’empire médiatique ferait campagne pour Bardella.
Jul 10, 2024
Macron étant allé au bout de ce que la Cinquième République lui permettait en terme d’autoritarisme, de passage en force et de casse sociale, il avait besoin d’une cohabitation avec l’extrême droite, dont il partage quasiment toutes les idées, pour aller plus loin. Mais le plan ne s’est pas passé comme prévu. Maintenant, le pouvoir tente un coup d’Etat légal, pendant qu’une partie de la gauche annonce déjà qu’elle trahira. Point d’étape ce 10 juillet, 3 jours après le scrutin.
Déni de démocratie
Macron refuse de prendre la parole depuis dimanche, comme un enfant qui fait un caprice et reste enfermé dans sa chambre.
Lundi, il a rejeté la démission de Gabriel Attal. Une anomalie, car après une telle défaite électorale, un gouvernement ne peut pas rester en place. Pourtant, tous les ministres continuent à travailler comme avant, les projets de lois continuent d’être examinées… Macron, en bon trumpiste, fait comme s’il n’y avait pas eu d’élection.
Un politiste s’alarme dans Le Monde. Selon lui, Emmanuel Macron «refuse de reconnaître sa propre défaite». Des constitutionnalistes – juristes experts de la Constitution – sont tout aussi inquiets : «Cette décision est constitutionnellement incompréhensible et démocratiquement irresponsable», déclare Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille. Que pouvions nous attendre d’autre d’un manager sociopathe élu à deux reprises grâce à un braquage électoral, et qui gouvernait à coups de 49.3 et de grenades ? Nous le savions, c’est confirmé : nous avons un forcené autocratique à l’Élysée.
Diner avec les fascistes
Thierry Solère est au cœur de la machine macroniste : ancien député LR, proche d’Édouard Philippe, entré en même temps que l’ancien Premier ministre en macronie, il est conseiller politique à l’Élysée. Cet homme organise, avec Édouard Philippe, des rencontres secrètes entre Marine Le Pen, Jordan Bardella et des représentants du camp présidentiel depuis des semaines.
Libération révèle que «la dernière fois que Jordan Bardella a été vu dans la rue où réside Thierry Solère remonte au 12 juin, soit trois jours après la dissolution». Les macronistes et les fascistes préparaient ensemble la transition vers une coalition néofasciste à l’issue des élections.
Embêté par ces révélations, Édouard Philippe a reconnu mardi soir l’existence de ces diners mondains, en prétendant qu’ils avaient permis de discuter de «désaccords». Comme s’il y avait besoin de manger du homard dans la maison d’un copain pour connaitre un désaccord.
C’est le même Édouard Philippe qui a passé la campagne a exclure la France Insoumise du «barrage républicain», à dire qu’«aucune voix ne doit se porter sur les candidats de la France insoumise» et à répéter que la gauche était le vrai danger. La manœuvre est à présent limpide. Et son clan veut, malgré sa défaite électorale, une coalition du RN à Renaissance.
Des élections ? Quelles élections ?
Xavier Bertrand, dirigeant des Républicains, dit à la télévision : «Si on veut mettre un coup d’arrêt à Jean-Luc Mélenchon et à La France Insoumise, la seule solution, c’est un gouvernement d’urgence nationale dirigé par les Républicains».
Darmanin sillonne les médias de Bolloré ce mercredi pour déclarer : «les électeurs RN veulent davantage de fermeté. Je suis leur homme». Le même appelle à «gouverner à droite» et à «ne pas avoir de coalition avec la France insoumise et le Front populaire». Les députés LR étudient la piste d’un «pacte législatif» avec le camp présidentiel. Pendant ce temps, le MEDEF a fait une tribune contre le Front Populaire adressée à Macron.
Tout est comme s’il n’y avait pas eu d’élection ni de victoire du Front Populaire. Nos dirigeants «républicains» sont tous des fascistes en puissance, qui se revendiquent de la démocratie quand elle les avantage mais qui la nient totalement dans le cas contraire.
Et que dire des médias ? Si le RN l’avait emporté dimanche, même sans majorité absolue, toutes les chaines parleraient d’une victoire idéologique de Le Pen, leurs éditorialistes répéteraient qu’il faut «écouter les français», respecter le verdict des urnes, répondre à la demande de sécurité et lutter contre l’immigration.
Qu’avons nous entendu depuis la victoire du Front Populaire ? Un seul chroniqueur a-t-il évoqué l’immense soif de justice sociale qui s’est exprimée ? Les médias sont-ils revenus sur les réformes néolibérales rejetées par la population ? Non, pas une seule fois. Le message du pouvoir est : faisons comme s’il n’y avait jamais eu d’élection.
Socialistes et communistes ont déjà trahi
Johanna Rolland, maire de Nantes et négociatrice du PS, se disait mardi «ouverte» à une coalition avec les «macronistes de gauche» et ajoutait «nous sommes clairs mais pas sectaires». Il paraît qu’il existe des poissons volants. En revanche, les macronistes «de gauche» n’existent que dans le cerveau perturbé des socialistes.
Le PS a réalisé le braquage du siècle. 2% à la dernière présidentielle, un parti quasiment rayé de la carte. Grâce au Front Populaire et à l’alliance avec la France Insoumise, il vient de doubler ses élus. C’est le retour de François Hollande, qui était tellement détesté qu’il n’a pas pu se représenter en 2017. Le Front Populaire est un cadeau inespéré pour ce parti de la traitrise. Les socialistes sont-ils reconnaissants ? Pas du tout. À présent, ils tentent de recruter des députés non inscrits pour gonfler leur groupe et organiser un coup d’état au sein du Front Populaire, pour imposer un Premier Ministre socialiste. Continuer à faire confiance au PS en 2024 est suicidaire ou masochiste.
Même son de cloche du côté du PCF. Fabien Roussel n’a même pas été capable d’être élu député, mais on le voit partout à la télévision pour cogner la France Insoumise. Jamais un politicien représentant aussi peu de voix aura été autant médiatisé.
Pire, un enregistrement pris dans l’entre-deux tour le montre en train de négocier avec la droite, et dire au téléphone : «Moi j’ai eu Darmanin, j’ai eu Véran. Le plus simple c’est de faire sans les insoumis», «est-ce que sans les insoumis, on est un poids suffisant pour que ça fasse une majorité avec les autres ?» et «si ça, ça forme une majorité, quel contenu on lui donne, qui dirige ?»
Le soir même du 7 juillet, il publiait une vidéo avec Glucksmann, qui ne représente rien non plus mais est lui aussi surmédiatisé, où les deux hommes déclarent : «Nous sommes totalement prêts, ouverts, et on va apaiser ce pays. Dans le dialogue». Apaiser, ça veut dire renoncer aux mesures de gauche.
Tout sauf Mélenchon
Les macronistes préparent une coalition. «Nous allons travailler avec l’ensemble des groupes de l’ancienne majorité présidentielle» annonce le macroniste Sylvain Maillard : «Nous allons créer une alliance avec une majorité relative pour les trois prochaines années».
Sa collègue Maud Bregeon estime «un gouvernement incluant LFI, tout comme l’application du programme délétère du NFP, devra être censuré dans la foulée». Même chose pour l’autre macroniste Benjamin Haddad : en cas de «gouvernement avec le moindre ministre insoumis», il «votera la motion de censure». Idem pour leur camarade Mathieu Lefebvre : «Un gouvernement comprenant un seul membre de la France Insoumise ? Inscription immédiate dans l’opposition parlementaire et motion de censure dans l’heure».
Résumons
Le clan Darmanin et Philippe veut une coalition avec l’extrême droite. Les «macronistes modérés», élus grâce aux voix de la gauche, comptent empêcher tout gouvernement de gauche en dépit des résultats électoraux. Et Macron l’autocrate se tait, maltraite la Constitution et prépare un sale coup.
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