À l’occasion des Rendez-vous de printemps FMI-Banque mondiale 2018
7 May, 2018
Grèce : Bien que le Fonds monétaire international (FMI) ne soit pas entré officiellement dans le troisième mémorandum, il y a pesé de tout son poids à travers ses experts qui siègent dans les équipes d’évaluations, en imposant nouvelles baisses de retraite et de salaires et nouvelles réductions du droit du travail, en pleine communion avec le Mécanisme européen de stabilité (MES).
En témoigne le commentaire de Poul Thomsen, directeur danois de la zone Europe au FMI, interrogé sur l’avenir de la Grèce après la fin du 3e programme, lors des Rendez-vous de printemps du FMI et de la Banque mondiale d’avril 2018 à Washington. « Nous n’avons pas d’objectifs précis et nous ne jouerons aucun rôle pour dire « Faites ceci ou cela », mais l’important pour le FMI est que la politique menée par la Grèce soit suffisamment compatible avec la croissance. Le redressement spectaculaire du pays a été atteint grâce à l’augmentation des impôts, mais au détriment de la croissance. Il importe donc d’élargir significativement la base d’imposition ».
« Élargissement de la base d’imposition » est un euphémisme en Fundese, l’étrange langue parlée entre eux par les experts du FMI, pour réclamer la baisse du seuil minimum d’imposition, dès fin 2018, soit une année avant la date prévue [1] par l’une des multi-lois votées par le parlement grec depuis 2015, celle de juillet 2016.
Une bonne politique fiscale selon le FMI suppose donc de faire contribuer davantage les plus faibles revenus afin de soulager les plus riches, trop sollicités fiscalement pour vouloir investir, dixit Poul Thomsen.
Dans un pays où une personne sur deux vit désormais en danger de pauvreté, avec un seuil de pauvreté descendu à 376 € par mois [2], les remèdes du FMI vont contribuer à accentuer encore l’étau des impôts sur les foyers pauvres. Pourtant les dettes des contribuables augmentent chaque mois de plus d’un milliard, ainsi que le nombre de contribuables en incapacité d’honorer leurs impôts. C’est au prix de politiques antisociales mortifères que la Grèce a réussi à afficher un excédent primaire de 4% pour 2017 [3]. C’est dire combien la pression fiscale s’exerce violemment et injustement puisque, selon les déclarations du gouvernement, et comme le montrent les chiffres, les objectifs sont largement atteints, pour la troisième année consécutive.
Parallèlement, le FMI souligne l’importance de résoudre le problème des crédits en suspension de paiement depuis au moins 3 mois (NPL) des banques grecques, qui s’élèvent à 46,7 % de leurs actifs, en estimant que c’est le principal obstacle à la reprise du financement de la production « et à l’effacement des dernières conséquences de la crise ». Le FMI presse donc depuis le début pour accélérer les mises aux enchères, censées lutter contre la fameuse « culture du non-paiement » supposée caractériser les Grecs. Or en 2008 les créances douteuses n’étaient que de 5,5% du total des créances privées, passant à 7% en 2009 pour exploser à partir des memoranda à 45,9% de l’ensemble des créances en 2016, neuf fois plus que la moyenne de l’UE (5,1%) [4].
La guerre déclarée aux « mauvais payeurs », qui « gardent un revenu mais ne donnent pas la priorité au remboursement de leurs emprunts ou au paiement de leurs impôts », est le cheval de bataille du ministre de l’économie Tsakalotos pour justifier la mise aux enchères des résidences principales, des surfaces agricoles et des outils de production de petites entreprises, désormais chose courante au bénéfice de l’Agence autonome des recettes publiques. Cette Agence sous influence des créanciers, qui remplace le service des Impôts et le service des douanes, gère désormais les budgets des ministères. Elle procède aussi à la saisie des comptes en banque et à la mise aux enchères des biens de contribuables endettés, pour des dettes même peu importantes envers l’administration. Mais ce ne sont pas les gros fraudeurs qui sont visés, ce sont des centaines de milliers ou des millions de petits contribuables qui sont la cible de ces mesures [5] .
Commentant la situation grecque, Poul Thomsen a laissé en suspens la question de l’entrée ou non du FMI dans le 3e mémorandum qui arrive à sa fin en août 2018. Selon lui, le FMI doit intervenir suffisamment à temps pour bénéficier d’une évaluation (la quatrième doit démarrer en mai) qui conditionnera le versement de sa contribution. Cela lui permettrait d’augmenter la pression sur le gouvernement grec pour l’application des nouvelles mesures d’austérité, juste avant la fin officielle du troisième programme. La docilité du gouvernement grec est garantie, sous peine de voir activer le ’sécateur’ (koftis), voté en juillet 2016. Ce sécateur permet d’imposer de nouvelles mesures d’austérité sans passer par une décision ministérielle ou un vote préalable du parlement grec, en cas de non-respect de l’objectif d’un excédent primaire (hors service de la dette) de 3,5% en 2018 et après – et donc indépendamment de la composition du gouvernement [6]. La tutelle sur la Grèce n’est pas près de se relâcher.
Notes
[1] Kathimerini, samedi 21/04/2017
[2] Le seuil de pauvreté est indexé sur le salaire minimum qui a été réduit de 751 € en 2009 à 586 € en 2011. Il a donc été rabaissé de 598 € par mois en 2010 à 376 €, rendant un peu moins dramatiques les statistiques sur la néo-pauvreté des Grecs. Voir en grec
[3] http://www.europe1.fr/economie/grece-excedent-budgetaire-2017-au-dela-de-lobjectif-fixe-par-ue-fmi-3633578
[6] « La pleine mise en œuvre des dispositions pertinentes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, notamment en rendant opérationnel le conseil budgétaire avant la finalisation du protocole d’accord et en introduisant des réductions quasi automatiques des dépenses en cas de dérapages par rapport à des objectifs ambitieux d’excédents primaires, après avoir sollicité l’avis du conseil budgétaire et sous réserve de l’accord préalable des institutions. »
Extrait du IIIe Memorandum of Understanding (MoU) paru dans L’Humanité du 16/07/2015, « Yanis Varoufakis met en lumière les appétits des liquidateurs de la Grèce ».