Wissam: dix ans de déni de justice face à la lutte pour la vérité de sa mort

10 avril, Wissam El Yamni aurait eu 40 ans mais il est mort de son passage la nuit du réveillon au commissariat de Clermont-Ferrand. Sa mère, ses soeurs disent ces 10 ans à travers les textes magnifiques et poignants de Farid, son frère. Il vient de les publier en un recueil pour que vérité éclate et justice soit rendue. Elles et il nous appellent à la lutte, la dignité et le courage

12 Avr. 2021

En ce début d’après-midi de samedi, dans le hall de la Comédie de Clermont-Ferrand, occupée depuis le 15 mars par les professionnels de la Culture, tandis que le soleil brille dehors, un groupe de personnes portant un même tee-shirt s’installent en son centre, grave et silencieux. Le tee-shirt est bien connu : c’est celui du « Comité Vérité Justice Wissam ». Outre Guy, Elise et Will, membres de ce comité, voici Zohra, la mère, Warda soeur cadette et Marwa sœur aînée qui viennent lire quelques pages du livre que Farid El Yamni vient de publier, recueil de ses écrits poignants, si puissants écrits au fil des années.

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Ce rendez-vous n’est pas un rendez-vous de plus pour cette famille profondément meurtrie qui depuis dix ans ne cesse de crier pour que la vérité soit dite et justice rendue, en vain. Le fils aîné, Wissam, le grand frère aimé, est mort dans cette nuit terrible, « tué par la Police dans la nuit du 31 décembre 2011 au 1er janvier 2012 à Clermont-Ferrand » dans les locaux même du commissariat.

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Durant plus d’une heure, chacun.e va lire avec intensité un texte de ce livre, décrivant la trajectoire d’un déni de Justice que le temps n’efface pas. Il ne sera pas difficile d’écouter tant l’émotion intense est palpable dans la voix, dans le geste, dans une larme pudique écrasée au coin de l’oeil, dit tout avec la dignité d’une famille qui ne lâche pas quand les lâches restent coi, tous réunis pour le même objectif, politiques/ Justice/Police pour enterrer toute responsabilité au prix de mensonges et hypothèses fallacieuses, largement reprises par des expertises-bidons.

Prenez ce temps d’écouter ces vidéos, souvent sous-titrées, de lire ces textes en vous procurant ce livre. Ils disent la détresse, la lutte et la vie quand même. Vous saurez tout sur ce déni de justice, les mensonges et fausses vérités successives, la non-enquête et les dissimulations. Qui mieux que lui peut faire ressentir le poids de cette absence et de ces dix années de luttes, vaines pour la vérité et la Justice. Qui mieux que la lecture de ce livre, dira les sinuosités d’une douleur extrême, fracture de la vie de cette famille, des premiers jours à la découverte progressive des accusations infondées pour justifier l’injustifiable, le mur du déni – refus d’enquêter, d’entendre tous les témoins, d’écarter tous ce qui est compromettant – qui peu à peu s’est installé sans parvenir à briser, malgré le temps, cette volonté inaltérable de faire jaillir enfin la vérité et la Justice pour Wissam, leur fils et leur frère comme de tous les Wissam, morts qui jalonnent ce pays grâce à l’impunité, l’omerta, les complicités. Ces dénis peuvent engendrer haine et violence. Plus souvent, ils donnent la volonté de lutter contre ces puissants qui méprisent avec leur morgue outrée en réclamant pour les autres ce qu’ils ne conçoivent même pas s’appliquer à leur personne, prisonniers de leur habit de puissant au service des seuls puissants, éthique de mort et de chaos.

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Le 10 avril ? « Wissam était né un 10 avril. Même adulte, sa mère insistait pour fêter son anniversaire. Et chaque 10 avril leur rappelle sa présence et donc son absence. Ce 10 avril 21 Wissam ne sera pas là pour fêter son anniversaire mais sa mère sera là encore près de 10 ans après pour dire “Non”. Deleuze disait que “seul l’acte de résistance résiste à la mort soit sous la forme d’une œuvre d’art soit sous la forme d’une lutte des hommes”…. doublement “Non” solidairement avec le monde de la culture en souffrance mais en lutte. »

Guy présente succinctement ce livre et sa préface, synthèse majeure, écrite par Mathieu Rigouste qui se présente lui-même non comme un « sociologue engagé mais plutôt comme un révolté qui fait des sciences sociales ».

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