La candidate du Rassemblement national multiplie les signaux à l’égard de l’électorat féminin et se présente même comme la défenseure de ses droits. Mais les discours se heurtent à la réalité de son programme et aux votes de son parti.
Par Lénaïg Bredoux et Marine Turchi
13 avril 2022
« Porter les préoccupations des droits des femmes au sommet de l’État », c’est ce qu’a promis Marine Le Pen à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars. Depuis 2012, la candidate du Rassemblement national (RN) tente de séduire un électorat féminin historiquement plus réticent à voter à l’extrême droite. Elle y parvient en partie : depuis sa première candidature, l’écart entre le vote RN des hommes et des femmes s’est réduit.
Pendant cette campagne, alors que la « grande cause du quinquennat » promise par Emmanuel Macron a suscité beaucoup de déceptions, la cheffe de file du RN ne cesse de multiplier les messages à l’adresse des femmes, notamment celles issues des classes populaires. En mars, elle défendait « que les femmes puissent être différentes des hommes » et disait veiller « à ce qu’elles soient traitées de la même manière ». Le 6 avril, elle expliquait qu’elle serait la candidate luttant contre les violences sexuelles et les inégalités salariales.
Mais ses discours se heurtent à la réalité de son programme et aux votes de son parti à l’Assemblée nationale et au Parlement européen. Ils montrent que Marine Le Pen s’est régulièrement opposée aux avancées en matière de droits des femmes.
Aucun livret programmatique consacré aux droits des femmes
Le mot « femme » n’apparaît ni dans les vingt-deux mesures phares de la candidate, ni dans son manifeste présidentiel (à l’exception d’une formule générale sur « toutes les femmes et tous les hommes » qu’elle souhaite associer à la refondation du pays).
Dans son programme présidentiel, Marine Le Pen ne consacre aucun de ses 16 livrets thématiques aux droits des femmes. Pas un mot sur les inégalités femmes-hommes (qui ne sont évoquées que dans la partie dédiée à l’islamisme) et rien sur les discriminations salariales. « Tout n’est pas dans un projet, a-t-elle justifié en mars dans l’émission « Face aux Françaises », sur LCI.
Les femmes ne sont évoquées qu’à deux chapitres : « famille » et « sécurité » (« harcèlement de rue » et « violences conjugales »). Au chapitre « famille », la condition des femmes est abordée à travers le prisme de la natalité. « J’assume très clairement faire [le choix] de la natalité, celui de la continuité de la nation et de la transmission de notre civilisation grâce à notre modèle familial. Il s’agit d’inciter les familles françaises à concevoir plus d’enfants », y écrit Marine Le Pen.
Au chapitre « sécurité », la lutte contre les violences conjugales n’est pas détaillée, la candidate se contentant d’appeler à ce que les jugements soient rapides et les mesures de protection « efficaces ». La candidate aborde aussi la question du harcèlement sexuel uniquement par le biais de celui qui a lieu dans la rue. Elle propose un durcissement des sanctions avec l’inscription des personnes condamnées pour outrage sexiste « au fichier des criminels et délinquants sexuels ».
Dans son programme, aucune mesure concrète n’est proposée pour endiguer le problème des violences sexuelles, en termes de prévention, de formation, de protection et de prise en charge des victimes.
La « préférence nationale » au cœur du programme
Surtout, lorsque Marine Le Pen évoque les violences sexuelles et sexistes, c’est le plus souvent pour les attribuer aux personnes étrangères, alors que les études ont montré que les auteurs de ces violences étaient issus de tous les milieux socioéconomiques et culturels.
C’est d’ailleurs par ce biais que la présidente du Front national s’était emparée du sujet. En 2016, elle s’était saisie des centaines d’agressions sexuelles qui avaient eu lieu dans la nuit du Nouvel an à Cologne (Allemagne) pour réclamer à François Hollande un référendum sur l’accueil des migrant·es en France. « J’ai peur que la crise migratoire signe le début de la fin des droits des femmes », s’était-elle alarmée dans une tribune publiée dans L’Opinion.
Depuis, c’est essentiellement sous cet angle que la candidate envisage ces questions. En mars, elle a annoncé, dans sa « lettre aux Françaises », « l’expulsion des étrangers qui se livrent à ces pratiques outrageantes ».
Elle n’hésite pas à instrumentaliser les statistiques. En novembre, citant un rapport de l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales), elle déclare qu’« en 2014, 52 % des viols commis à Paris l’ont été par des étrangers ». Une généralisation erronée selon l’auteur de cette étude, questionné par l’AFP.
Partout dans son programme, Marine Le Pen fait de toute façon la distinction entre les femmes : entre les Françaises et les étrangères, entre les musulmanes et les autres, entre les lesbiennes et les hétérosexuelles. Ainsi, ses mesures natalistes ou sa proposition de doubler le « soutien aux mères isolées élevant des enfants » sont marquées par son principe de « préférence nationale ».
Dans son programme, Marine Le Pen se contredit concernant la liberté des femmes à disposer de leur corps. D’un côté, elle indique que « la liberté des femmes et des jeunes filles de circuler sans être importunées ou menacées, en jupe ou en robe si elles le souhaitent, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, dans n’importe quel quartier, dans n’importe quel café sera rétablie ».
De l’autre, elle prône l’interdiction du voile dans l’espace public, sous peine d’une amende. Sur France Inter, mardi 12 avril, elle a déclaré que le voile « isol[ait] et désign[ait] celles qui ne le port[aient] pas », qui seraient selon elle « agressées » ou soumises à « des pressions ».
#MeToo : l’affichage, la vie du parti et les votes au Parlement
Cette ambivalence se retrouve dans les déclarations faites par la candidate d’extrême droite à propos du mouvement #MeToo. À son émergence, en 2017, Le Pen s’est montrée sceptique. Elle avait estimé qu’elle n’était « pas sûre » que le hashtag #BalanceTonPorc aide les femmes, et jugeait la formulation « extrêmement brutale et injurieuse ». Après la « tribune Deneuve » défendant une « liberté d’importuner », elle avait estimé qu’il y avait « des choses justes d’un côté comme de l’autre ».
Durant cette campagne, alors que son concurrent d’extrême droite Éric Zemmour était accusé par huit femmes, elle a un peu évolué. Dans l’émission « Face aux françaises », le 7 mars, sur LCI, elle a reconnu que le mouvement #MeToo avait « permis à des victimes de s’exprimer, de sortir d’une sorte d’omerta ». Dans un entretien au magazine Elle, elle a estimé qu’« un équilibre d[evait] être trouvé ».
Alors que les violences sexuelles revêtent d’autres dimensions que l’aspect pénal, Marine Le Pen estime qu’elles ne doivent être abordées que par l’institution judiciaire. Elle considère que les victimes doivent systématiquement déposer plainte – omettant que 73 % des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite –, et qu’il ne revient pas aux médias de révéler ces affaires. « Attention à ce que les jugements ne soient pas effectués par la presse », a-t-elle dit sur LCI.
Au moment de l’affaire Hulot, elle a dénoncé sur BFMTV des « procès médiatiques qui laissent des coupables non condamnés ». Lorsqu’elle a elle-même été confrontée à des affaires de violences sexuelles au sein de son propre parti, Marine Le Pen a refusé de sanctionner les mis en cause, qui contestaient les accusations. Dans le premier cas – un conseiller régional –, elle a indiqué attendre « la décision de justice » et il a fallu une deuxième plainte pour qu’elle l’exclue. Dans le second cas – le député Bruno Bilde, visé par des accusations publiées dans la presse –, le parti a fait bloc derrière lui et dénoncé un « règlement de comptes politique ».
En décembre 2021, au Parlement européen, les député·es RN ont voté contre une résolution intitulée « MeToo et harcèlement : conséquences pour les institutions de l’Union européenne ». Le texte estimait « qu’en dépit des efforts déployés jusqu’à présent pour mettre en place une politique de “zéro harcèlement”, il existe toujours des cas de harcèlement sexuel au Parlement », et demandait des mesures supplémentaires telles que l’instauration d’une formation obligatoire pour l’ensemble des élu·es.
Lors des débats, l’eurodéputée RN Annika Bruna a expliqué le vote de son parti en contestant que les violences sexuelles se nourrissent du sexisme et des « stéréotypes liés au genre ». Car pour le RN, « ces cas ne représentent fort heureusement qu’une infime minorité d’hommes ». Il est donc opposé à l’idée d’une formation obligatoire.
« La peur doit changer de camp, mais la lutte contre le harcèlement sexuel ne doit virer ni à l’obsession ni à la suspicion généralisée », a déclaré la députée, ajoutant : « Tout ne doit pas non plus devenir la nouvelle inquisition. »
Dernier argument évoqué : selon le RN, les violences sexuelles ne concernent que marginalement des institutions comme le Parlement, car elles seraient d’abord le fait d’hommes issus des milieux populaires immigrés.
C’est écrit noir sur blanc dans le compte rendu des débats : « Où les femmes sont-elles le plus en danger ? Dans les couloirs du Parlement européen ou dans les quartiers ou des villes entières d’Europe, où leur place recule de par la submersion migratoire organisée par l’Union européenne et de par le laxisme du système judiciaire national ? Le premier lieu à risque pour les femmes, c’est avant tout l’espace public, affirme Annika Bruna. Par ailleurs, si les problématiques de harcèlement au travail sont aujourd’hui largement connues, dénoncées et combattues, le harcèlement de rue est en augmentation exponentielle et reste totalement impuni. »
En 2016 déjà, Marine Le Pen et ses élu·es, hostiles de manière générale à tout renforcement du droit communautaire, avaient voté contre la convention d’Istanbul, traité européen phare en matière de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. En février 2021, ils ont fait de même à propos d’une résolution du Parlement européen « sur les enjeux à venir pour les droits des femmes en Europe, plus de 25 ans après la déclaration et le programme d’action » de Pékin.
Position également tenue pour un texte au Parlement en décembre 2020, demandant une « formation du Conseil sur l’égalité des genres » « afin de faciliter l’intégration des questions d’égalité des genres dans toutes les politiques et toute la législation de l’Union ». Le RN a voté contre.
L’égalité salariale, circulez, rien à voir
La candidate du RN, notamment dans l’entre-deux-tours, cherche aussi à consolider son image – factice – de candidate favorable aux ménages les plus modestes, et aux femmes les plus précaires. Pourtant, si l’on prend un sujet apparemment consensuel comme l’égalité salariale, l’absence d’ambition de son parti saute aux yeux. Aucune mesure ne figure dans le programme.
Sur LCI, Le Pen a estimé que « la loi existe » et a renvoyé la responsabilité aux organisations de salarié·es : « Les syndicats doivent faire leur travail. […] Ce sont eux qui doivent saisir la justice. »
Au Parlement européen, ses camarades se sont également illustré·es en s’opposant par le passé au rapport Zuber (2014) centré sur les questions d’emploi et économiques, ou au rapport Tarabella (2015), concernant, notamment, la « participation égale des femmes et des hommes au marché du travail », la parité dans les appels d’offres pour des marchés publics et l’accès à la contraception et à l’avortement.
Plus récemment, en janvier 2020, le RN – dont Jordan Bardella, le président du parti – a voté contre une résolution sur les écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Sa camarade France Jamet a cosigné à ce sujet une proposition d’amendement (rejetée) : on y comprend les motivations du vote du RN. D’abord, l’extrême droite est opposée, de manière systématique, à tout renforcement des pouvoirs de l’Union européenne. Y compris pour l’égalité femmes-hommes. L’amendement rappelle ainsi que « la Commission ne devrait pas interférer dans les marchés du travail des États membres ».
Mais le RN conteste aussi la réalité de ces inégalités et dénonce « le caractère incomplet de la définition de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes ». L’extrême droite souhaite ainsi que les statistiques excluent de la mesure des inégalités les « interruptions de carrière » ou les « préférences sexospécifiques pour le choix des carrières dans certains secteurs ». Considérant ainsi que les décisions d’orientation, ou les carrières hachées des femmes quand elles ont des enfants, ne sont pas, au moins en partie, la conséquence de discriminations dans la société.
Il y a quelques semaines seulement, en mars dernier, le groupe RN du Parlement européen s’est abstenu sur un rapport appelant à un « renforcement de l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur ».
IVG : le discours réactionnaire de l’extrême droite
L’avortement est une autre illustration du double discours du RN. D’un côté, Marine Le Pen a rompu avec l’histoire de son parti et elle ne remet pas en cause le droit à l’IVG (tout comme elle défend la gratuité de la contraception pour toutes les femmes). Mais la candidate l’attaque régulièrement, refuse de faciliter son accès ou s’accommode sans difficultés d’alliés qui y sont radicalement opposés.
Elle s’est ainsi opposée à la dernière loi, votée par le Parlement en début d’année, prévoyant notamment l’allongement des délais de 12 à 14 semaines. Marine Le Pen a dénoncé une « dérive purement idéologique »
📹 Je suis pour le droit à l'IVG, mais je suis contre l'allongement du délai de 12 à 14 semaines, comme y sont opposés un certain nombre de médecins. #RTLPrésidentielle pic.twitter.com/FKWKrpRWmV
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) February 22, 2022
À l’Assemblée, si Marine Le Pen est absente pour la lecture définitive du texte, le 23 février 2022, ses camarades votent contre, à l’image de Catherine Pujol, qui a succédé à Louis Aliot, ou Emmanuel Blairy. La candidate s’était en revanche déplacée pour le scrutin de première lecture, le 8 octobre 2020. Tout comme Bruno Bilde et Nicolas Meizonnet.
En 2015 déjà, les député·es avaient voté contre la loi de modernisation du système de santé, qui facilitait l’accès à l’IVG, autorisait les sages-femmes à la pratiquer par voie médicamenteuse et supprimait le délai de réflexion de sept jours.
En 2011, dans La Croix, Marine Le Pen déclare « qu’il faut cesser de rembourser l’avortement » car « il existe suffisamment de moyens de contraception aujourd’hui » et qu’« il faut promouvoir le respect de la vie dans notre société ». Ce qu’elle confirme lors de la présidentielle, en 2012, indiquant sur TF1 qu’en cas de « choix budgétaire à faire », elle dérembourserait l’IVG, « un acte qui peut être évité ».
En mars 2012, elle crée la polémique en dénonçant sur France 2 les « avortements de confort [qui] semblent se multiplier ». Un mois plus tard, lors du débat organisé à Sciences Po par le magazine Elle, elle s’indigne des « dérives » et « abus » de l’IVG, assurant que des femmes l’utilisent « comme un moyen de contraception ». « Oui, il y a deux, trois, parfois quatre avortements. Ça existe, pourquoi se cacher la réalité ? Si, ça existe ! », lance-t-elle, sous les huées du public. Dans le même temps, interviewée par Rue89, elle qualifie le planning familial de « centre d’incitation à l’avortement ».
A-t-elle évolué sur le sujet ? En 2017, lorsque sa nièce Marion Maréchal prône le déremboursement de l’IVG, elle la recadre : cette « proposition ne fait pas partie du programme du Front national ».
Pourtant, aujourd’hui encore, on trouve parmi ses alliés européens deux dirigeants de pays où le droit à l’IVG est extrêmement restreint : le Hongrois Viktor Orbán et le Polonais Mateusz Morawiecki.
En Pologne, sur fond de grandes manifestations, la quasi-interdiction de l’avortement est entrée en vigueur en 2021, avec des conséquences tragiques. Questionnée en décembre lors de sa visite à Varsovie, Marine Le Pen a esquivé en se disant « attachée à la souveraineté » : « Chaque peuple a le droit de décider pour lui-même. » Et « en l’espèce, l’avortement n’est pas interdit en Pologne », a-t-elle ajouté, alors que l’IVG n’y est possible qu’en cas de viol, d’inceste, ou de menace pour la vie de la mère.
🇵🇱🇫🇷 Merci à @MorawieckiM, Premier ministre polonais pour son accueil à Varsovie. Ensemble, nous faisons le vœu d’une Europe des nations pour rendre aux peuples européens leur liberté et leur souveraineté. pic.twitter.com/jSgi9tMmFJ
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) December 3, 2021
Au Parlement européen, en novembre 2020, les député·es RN, dont Jordan Bardella, ont voté contre une résolution condamnant la nouvelle réglementation polonaise sur l’IVG et soutenant les milliers de personnes défilant contre cette interdiction de fait.
La PMA et l’hostilité aux droits pour les LGBTQ+
De la même façon, les parlementaires d’extrême droite – qui sèchent souvent les travaux de l’Assemblée – ont trouvé le chemin de l’hémicycle quand il s’est agi de s’opposer à la PMA (procréation médicalement assistée) pour toutes les femmes. Pour la première lecture du projet de loi bioéthique, en octobre 2019, les RN étaient en force pour voter contre. On y retrouvait notamment Louis Aliot, Sébastien Chenu et Marine Le Pen… Bruno Bilde et Ludovic Pajot s’étaient abstenus.
Pour la lecture définitive le 29 juin 2021, les parlementaires, en nombre, ont été unanimes et ont voté contre.
De manière générale, les parlementaires du RN se sont toujours opposé·es à toutes les mesures d’égalité pour les personnes LGBTQ+, du Pacs (pacte civil de solidarité) au début des années 2000 au mariage pour tous sous François Hollande. Ils et elles s’opposent aussi régulièrement aux droits des personnes transgenres. Que ce soit au
Parlement français ou au Parlement européen.
Endométriose, pédocriminalité : une députée absente
Même sur des sujets apparemment consensuels, le Rassemblement national est aux abonnés absents. Certes, les parlementaires d’extrême droite ne sont pas assez à l’Assemblée pour constituer un groupe. Ils disposent donc de très peu de moyens pour travailler.
Mais l’hémicycle est aussi un lieu où des batailles peuvent être menées. Notamment sur les droits des femmes. C’est par exemple une députée insoumise, Clémentine Autain, qui a été à l’origine d’une résolution récente de l’Assemblée, adoptée à l’unanimité, concernant l’endométriose, une maladie qui touche une femme sur dix en France. Marine Le Pen, qui avait considéré que le plan national annoncé par Emmanuel Macron n’était « pas suffisant » et proposé en mars de « créer un statut pour les femmes atteintes de cette maladie », ne l’a pas votée. Elle était absente. Ses camarades de parti aussi.
Même chose, par exemple, sur les violences sexuelles sur mineur·es – une thématique que revendique pourtant régulièrement l’extrême droite, y compris parfois avec des accents complotistes et homophobes. Marine Le Pen elle-même s’en était vivement pris au livre de Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie, dans lequel l’ancien ministre de la culture évoquait la prostitution de jeunes Thaïlandais, et avait salué le mouvement suscité par la publication du livre de Camille Kouchner La Familia grande (Seuil, 2021).
Mais sur le fond, quand le Parlement a débattu de textes importants sur le sujet, notamment dans la foulée du mouvement #MeTooInceste, la candidate du RN s’est révélée être, une fois encore, aux abonnées absentes.
Le 18 février 2021, elle n’est pas présente lors du scrutin portant sur la proposition de loi visant à « renforcer la protection des mineurs victimes de violences sexuelles ». Aucun·e député·e RN n’a approuvé ce texte. Seules deux élues d’extrême droite l’ont voté, Emmanuelle Ménard et Marie-France Lorho (Ligue du Sud).
Un mois plus tard, le scénario se reproduit avec le texte – qui sera ensuite définitivement adopté – « visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels », qui prévoit notamment l’allongement des délais de prescription et l’instauration de seuils d’âge de consentement. Le RN est totalement absent lors du scrutin sur la première lecture le 15 mars 2021, puis pour la lecture définitive le 15 avril 2021 (à l’extrême droite, seule Emmanuelle Ménard a voté pour).
En revanche, au début du quinquennat qui s’achève, le 15 octobre 2019, le RN était présent pour voter pour la proposition de loi contre les violences au sein de la famille. Celle-ci a notamment réduit le délai pour prononcer une ordonnance de protection, prévu la mise en œuvre des bracelets antirapprochement ou fixé les conditions d’attribution des « téléphones grave danger ».
Revirement sur la parité et féminisation
Autre sujet : la parité. Au fil des années, Marine Le Pen s’est opposée aux lois l’instaurant dans les conseils d’administration des entreprises et sur les listes électorales, arguant que ce principe était « contraire à la méritocratie républicaine ». « Il ne s’agit pas d’aligner des femmes uniquement parce que ce sont des femmes, c’est grotesque », déclarait-elle lors du débat organisé par le magazine Elle. Dans son programme de 2012, elle assimilait même la parité à une « idéologie différentialiste et multiculturelle », « une forme de racisme inversé » dont « les premières victimes sont les hommes blancs hétérosexuels ».
En mars 2022, revirement, par « pragmatisme », assure-t-elle. Si elle était contre ces lois, dit-elle lors de l’émission « Face aux françaises », c’est parce qu’elle avait « peur que les femmes qui avaient leur place grâce à la parité, on puisse dire d’elles : “Elles sont là, parce que, évidemment, c’est le quota.” » Mais « à l’usage, incontestablement, cette loi a permis à des femmes d’émerger, y compris de force. Je le vois dans mon propre parti ».
📹 A l'usage, incontestablement, la loi sur la parité a permis à des femmes d'émerger. Elles ont pris confiance en elles et j'en suis ravie ! @LCI #FaceAuxFrançaises pic.twitter.com/AusgxnCO9M
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) March 7, 2022
Dans les instances dirigeantes de son parti pourtant, elle ne met pas en place la parité. Au Bureau exécutif du RN, elles ne sont que 4 femmes sur 14 membres. Au Bureau national, 12 femmes sur 40, un niveau similaire à celui de 2017 (13 sur 42).
Marine Le Pen s’est aussi prononcée contre la féminisation des noms et titres (elle souhaiterait qu’on l’appelle « Madame le président », a-t-elle déclaré sur LCI). Enfin, elle n’envisage pas de maintenir un ministère des droits des femmes, préférant une simple délégation interministérielle.
Le combat contre les « néoféministes »
Ces prises de position s’insèrent dans un discours plus large contestant même la légitimité des batailles pour l’égalité des droits, entre femmes et hommes et entre les personnes hétérosexuelles et LGBTQ+.
En 2014, dénonçant dans un communiqué « l’idéologie égalitaire de la gauche », les deux députés Front national, Marion Maréchal et Gilbert Collard, votent contre la loi sur « l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », qui incitait les pères à prendre un congé parental et complétait des textes déjà adoptés sur l’égalité professionnelle, les violences faites aux femmes et la parité.
Chose étonnante au regard de l’histoire de son parti, Marine Le Pen se dit désormais « féministe », et cite régulièrement des figures comme Olympe de Gouges ou Simone Veil. Mais elle rejette le « néoféminisme » et le « wokisme » qui exprimeraient selon elle une « haine à l’égard des hommes » et entretiendraient une forme de victimisation. « Il n’y a pas globalement des femmes victimes face à des hommes coupables. […] On n’est pas des victimes », a-t-elle répété sur LCI.
Face aux inégalités femmes-hommes et aux discriminations de genre, Marine Le Pen ne souhaite pas s’attaquer aux rapports de domination. Dans le magazine Elle, elle s’est dite « contre toutes les déconstructions ».
En conséquence, la candidate fait face à l’hostilité des associations féministes, qui jugent son programme « anti-femmes ». À plusieurs reprises, les Femen sont venues perturber des meetings ou des déplacements de Marine Le Pen, aux cris de « Marine, féministe fictive ! », ou avec des drapeaux comparant le parti au régime nazi. La candidate d’extrême droite les avait qualifiées de « harpies obscènes ».
En 2017, Osez le féminisme avait appelé à voter contre Marine Le Pen, qui « n’est pas la candidate des femmes » mais « notre ennemie ». L’association dénonçait « une récupération nauséabonde des combats » féministes. Dans Mediapart, la militante féministe Marylie Breuil, membre du collectif Double peine, s’est inquiétée, en cas de victoire de l’extrême droite, d’un « recul très net en termes d’avancées des droits des femmes et de lutte contre les violences sexuelles ».
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