Un projet de réforme de la justice pénale des mineurs inutile et dangereux.
Le Parlement s’apprête à substituer un « code de justice pénale des mineurs » à l’emblématique ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante signée Charles De Gaulle qui en préambule écrivait : « La France n’est pas assez riche d’enfants pour en perdre un seul ….». Si ce projet est adopté, le juge de enfants n’instruira plus, le rôle du parquet sera renforcé, la nouvelle procédure ouvrira grandes les vannes vers le flagrant délit pour les mineurs. Un nouveau pas sera franchi pour rapprocher cette justice des enfants de celle des adultes.
La délinquance des jeunes a-t-elle à ce point mué pour qu’il faille changer d’instrument juridique ? Non. Elle baisse depuis cinq ans et ne représente plus que 13,5 % de la délinquance des adultes contre 20% dans les années 2000 ! (1) Elle est certes plus violente que par le passé, comme l’ensemble de la délinquance, mais gardons raison : les jeunes en conflit avec la loi ne sont pas des barbares ; ce sont des enfants en carence éducative qui présentent parfois des troubles de la personnalité.
L’instrument juridique actuel est-il inadapté ? Non, encore.
Il permet d’intervenir systématiquement – le taux de classement sans suite pour les mineurs est de 6,5 % quand il est de 12% pour les adultes – et rapidement … dès lors que les services de police ont fait leur travail. Or le taux d’élucidation des faits par la police reste extraordinairement bas.
Il permet de réagir vite à l‘interpellation. Dans les 20 heures suivant la fin de la garde à vue, le jeune peut être présenté à un juge avec possibilité de détention provisoire ou de contrôle judiciaire avec, notamment, placement en centre éducatif fermé. Et les parquets ne se privent pas de faire déférer les mineurs ! Exceptionnellement, le jeune peut être jugé à la première audience utile du Tribunal pour enfants où il encourt une peine de prison ferme. Entre-temps auront été prises les mesures d‘ordre public qui s’imposent.
La justice pour enfants serait laxiste ? 850 jeunes sont actuellement en prison (et environ 600 en centres éducatifs fermés initialement réservés aux multi-réitérants) avec une nette augmentation des incarcérations ces dernières années. Alors que la loi veut que le recours à la répression soit exceptionnel, 45% des décisions prises le sont dans ce registre. Inefficace ? Dans 85% des cas (2) un jeune délinquant avant sa majorité ne l’est plus après, s’il a été pris en charge par un juge et par la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
Alors pourquoi modifier fondamentalement un texte, l’ordonnance du 2 février 1945, régulièrement mis à jour ?
On entendrait répondre à une décision du Conseil Constitutionnel de 2011 qui, à rebours de la Cour de Cassation et de la Cour européenne de Droits de l’homme, a tenu le juge des enfants pour partial quand il exerce le double rôle d’instruction et de jugement des faits, oubliant au passage qu’il suit aussi l’exécution la sanction. Or cette connaissance préalable du jeune est la garantie du suivi éducatif dont il a manqué jusque-là.
Le juge des enfants n’instruisant plus, le parquet sera en charge de fournir des dossiers « prêts à juger ». Qu’aurait produit cette future loi lors des révoltes de 2005 alors que, dans 45% des cas, les juges des enfants ont refusé de mettre en examen par manque de preuves rapportées ?
Ce projet a surtout comme objectif affiché de juger toujours plus vite, au détriment du travail éducatif pourtant essentiel pour un enfant en délicatesse avec la loi. Comme si l’enjeu n’était pas plutôt de réagir vite aux carences éducatives, y compris par des mesures fermes. Ce n’est pas d’être tenu pour coupable qui permettra au jeune de rompre avec une séquence de vie difficile, mais le fait de retrouver de l’espoir, des perspectives et déjà de l’estime de soi par la mobilisation d’adultes présents et équilibrés.
Qu’on ne s’y trompe pas, en jugeant vite demain, on pense qu’on jugera fort. On met en place un dispositif visant à « éliminer » provisoirement du circuit des jeunes tenus pour dangereux : mais en quoi protégera-t-on mieux la société si rien de plus n’est fait au fond pour changer leurs conditions de vie ?
L’enjeu n’est pas de modifier la loi, mais de l’appliquer. En quoi cette réforme répond-elle à l’Appel des juges pour enfants de 2018 dénonçant la difficulté à mettre en œuvre les mesures éducatives prises tant au pénal qu’en protection de l’enfance ?
On ne s’attaque pas mieux à la récidive, et on ne s’attache toujours pas à prévenir la primo-délinquance : tous éléments du dispositifs de soutien à la parentalité – PMI, service social scolaire, santé scolaire, psychiatrie infantile, Prévention spécialisée – sont aujourd’hui en souffrance. Trop d’enfants, avec des parents eux-mêmes en difficulté, sont donc plus que jamais abandonnés à eux-mêmes. On peut s’inquiéter de l’état de nos prisons dans cinq à dix ans.
Pour couronner le tout, on affiche vouloir respecter (enfin !) la Convention internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 qui veut qu’un seuil d’âge minimal soit fixé pour réduire le recours à la justice. En principe avant 13 ans un enfant ne pourra plus être poursuivi et condamné sauf aux magistrats d’estimer qu’il avait conscience de ses actes. On sera donc toujours amené à rechercher le discernement qu’on tient aujourd’hui pour acquis autour de 7/8 ans. Où est la différence par rapport au droit actuel si cette présomption d’irresponsabilité n’est pas absolue ?
Mesdames et Messieurs les parlementaires n’approuvez pas telle quelle cette ordonnance qui ne répond pas aux problèmes du moment. Exigez au moins de voir des moyens éducatifs déployés pour qu’un éducateur n’ait plus 25 jeunes à charge au risque de n’en suivre vraiment aucun. Mieux, différez la mise en œuvre de cette réforme procédurale chronophage alors que les juridictions sont exsangues du fait de la pandémie.
(1) Source : Chiffres clés de la Justice
(2) Rapport du sénateur Lecerf, 2011
Premières signatures
1. Attias Dominique, avocate au barreau de Paris
2. Angel Nelly, présidente des locataires Courtille à Saint-Denis
3. Auger Alain, ancien directeur général Caf de Seine-Saint-Denis
4. Auduc Jean-Louis, ancien directeur IUFM Créteil
5. ACREN, Association nationale des citoyens Réservistes de l’Education Nationale
6. Association des Psychiatres de secteur Infanto-juvénile
7. Bagayoko Bally, ancien vice-président de la protection de l’enfance 93
8. Baudry Carole, CSE PJJ
9. Beaulieu Soizic, directrice adjointe association ESPEREM, département H. Rollet, protection de l’enfance
10. Bellil Habila, Club de prévention d’Aubervilliers
11. Bello Roger, ancien directeur général de l’AVVEJ
12. Berestetsky Alain, ancien directeur de la Fondation 93
13. Bigot Josiane, magistrat honoraire, es qualité de présidente de la Coordination nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE )et de l’association Thémis
14. Bitton Josine, avocat au barreau de Bobigny
15. Biondi Béatrice, magistrat honoraire, ancien juge des enfants
16. Biondi Marie-Caroline, infirmière puéricultrice, directrice de crèche à l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris.
17. Bobillot Bernard, chef de service PJJ
18. Bocquet Jean-Michel, Directeur associatif, chargé de cours à Paris 13 et ISP, ancien éducateur à la PJJ
19. Bonnardel Yves, essayiste
20. Bourdon William, avocat à la cour de Paris
21. Bouisard Tennessee, éducatrice PJJ
22. Dr Pierre Bourgeois, professeur de médecine Pitié Salpêtrière.
23. Brizio Florence, Responsable de l’ODPE du Va, Direction de l’enfance et de la famille
24. Brisset Claire, ancienne Défenseure des enfants
25. Breton Emmanuel, Directeur du foyer éducatif La Passerelle – Marolles en Hurepoix – 91 630
26. Brzegowy Marc, directeur régional honoraire PJJ
27. Calmo Patrice, consultant en travail social
28. Campanema Sylvie, Vice-présidente du CD 93 en charge de la jeunesse et de la lutte contre les discriminations, maitresse de conférence Paris XIII
29. Casteilla Hélène , comédienne engagée dans une association : “Enfance intégrité «
30. Chabrun Catherine, militante pédagogique Freinet
31. Chantepy-Touil Céline, coordinatrice D.A.P.R. Lyon
32. Chiniard J.L. Patrick, trésorier EUROCEF et secrétaire général ESPOIR-CFDJ
33. Chauveau Véronique, avocate au Barreau de Paris
34. Corrales Isabelle, avocate au Barreau de Lille.
35. Cornec Alain, avocat au barreau de Paris, vice-président de DEI-France
36. Chouder Yacine, infirmier urgentiste
37. Coulon Patrice, militant des droits de l’homme
38. Crolotte Denys
39. Daubaunay Maurice, inspecteur d’Académie retraité
40. Delasausse Luc, simple citoyen de Saint-Denis
41. Defrance Bernard, professeur de philosophie
42. Delecourt Christian, sociologue-consultant
43. Depeyris Jean-Luc, Directeur Général de la Sauvegarde du Val d’Oise,
44. Desdoigts Claire, avocate au Barreau de Melun membre du conseil de l’Ordre
45. Desjardins Elise, responsable aide sociale à l’enfance Paris 18
46. Devers Alain, avocat au barreau de Lyon, Maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3
47. Desobry Claudine, pédopsychiatre, vice-présidente API;
48. Diez- Soto Conchita, militante associative, Saint-Denis
49. Dolto Catherine, médecin
50. Dos Frédéric, directeur général de l’association HEVEA
51. Doucet Isabelle, enseignante
52. Dumoutier Jean, psychologue retraité
53. Durand Bernard ,Président de Droit d’Enfance, Fondation Méquignon
54. Duriez Georges, animateur associatif retraité
55. Dujardin Annie, éducatrice PJJ
56. Estrailler Michèle, administratrice de l’Association Vers la vie pour l’éducation des jeunes (AVVEJ),
57. Esptein Jean, thérapeute
58. Fauconnier-Chabalier Martine, inspectrice ASE
59. Fauquenois Severine, Educatrice spécialisée ASE
60. Fiche Gisèle, Vice-présidente de l’Association pour l’histoire de la protection judiciaire des mineurs
61. Fize Michel, sociologue et écrivain
62. Flament Pierre, membre du Bureau du Mouvement de la Paix
63. Florian Xavier, directeur général de l’association MÉTABOLE association de protection de l’enfance et président de l’AFRIS Paris-Parmentier, gestionnaire de l’IRTS Paris Île-de-France.
64. Fontier Remy, juriste
65. Fourme Josette, « Enseignants pour la paix »
66. Fresnay Thierry ,cadre éducatif socio-judiciaire
67. Gautier Sabine, éducatrice spécialisée retraitée
68. Gallais Arnaud, Cofondateur du Collectif Prévenir et Protéger et DG de l’Association Enfant Présent
69. Gillot-Dumoutier Claudie, ancienne maire-adjointe et ancienne conseillère départementale, psychologue scolaire retraitée.
70. Girault Marie, psychologue PJJ
71. Héber-Suffrin Marc, avocat honoraire
72. Héber-Suffrin Claire, militante pédagogique et auteure d’ouvrages pédagogiques
73. Hubert Patrick, CPE Education nationale
74. Herault Sonia, assistante familiale
75. Jésu Frederic, vice-président d’ESPOIR
76. Jonquet Anne, avocate
77. Kerautem de Marie Françoise, assistante familiale
78. Kerautem de Christian, assistant familial
79. Khedour Sandie, educateur de Prévention spécialisée
80. Labazee Georges, ancien sénateur, vice-président du CNPE
81. Pr Lazarus Antoine, Groupe Multiprofessionnel des Prisons
82. Lanneau Nadine, professeure documentaliste
83. Laverne Yves, militant éducation populaire, Saint-Denis
84. Lang Manuèle, journaliste, Présidente de l’Association l’Enfance Libre engagée dans la protection de l’enfance
85. Lazerges Christine, professeure émérite, ancienne présidente de la commission nationale consultative des droits de l’homme
86. Dr Libert Christophe, pédopsychiatre, président de l’API – Association des Psychiatres de secteur Infanto-juvénile
87. Le Bigot-Marcaux Armelle, es qualité présidente du Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (COFRADE)
88. Le Calonnec Guy, cadre départemental en charge de la protection de j’enfance
89. Maali Akima, secretaire juridique
90. Martin Laetitia, famille d’accueil ASE
91. Marzouki Nina, enseignante, Pantin
92. Mehard David, directeur ARRIMAGES (93) – Prévention Spécialisée.
93. Mercier Sandra, avocate au barreau de Lisieux
94. Mennesson Christine, sociologue, professeure à Sciences-Po Toulouse
95. Metadieu Catherine, Vice-présidente de la Sauvegarde du Val d’Oise
96. Motte Jean dit Falisse, maitre de conférence en criminologie, Université catholique de Lille
97. Muller Jean-Marie, président de la Fédération Nationale des ADEPAPE
98. Neyrand Gérard, sociologue. Professeur émérite à l’université Toulouse 3.
99. Ningres Laurent, président de l’ UFNAFAAM
100. Nivet Roland , co-porte-parole national du Mouvement de la Paix.
101. Nonone Laetitia, fondatrice de Zonzon 93, cadre territorial
102. Olivain Michèle, co-présidente de “Enseignants pour la Paix”, militants de l’éducation à la paix.
103. Padovani Fabienne, Vice-présidente protection l’enfance familles du département de la Loire-Atlantique
104. Parent Nathalie, membre du CNPE, ancienne présidente d’EFA et ancienne assesseure au Tribunal pour enfants
105. Pellé Michèle, professeur de langue retraitée de l’Education Nationale
106. Peraldi Fatma, assesseur tribunal pour enfants de Bobigny
107. Perrin Ophélie Secrétaire de l’Association l’Enfance Libre
108. Picherot Georges, pédiatre, membre du CNPE, ancien chef de service de pédiatrie du CHU de Nantes
109. Poitou Pierre, cadre social, Maison des adolescents de Loire-Atlantique
110. Richard Michel, journaliste
111. Rogeret Martine, membre CNL et ancienne élue St Denis
112. Robbes Bruno, professeur des universités en Sciences de l’éducation
113. Romeo Claude, ancien directeur enfance et famille Seine Saint-Denis
114. Rongé Jean-Luc, président de DEI-France
115. Rosenczveig Jean-Pierre, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, Chargé d’enseignement Nanterre Master II Justice pénale des mineurs
116. Rouy Alain, co-président de “Enseignants pour la Paix”, militant de l’éducation à la paix.
117. Samir Cornet, ancien éducateur PJJ, responsable de crèche
118. Santiago Isabelle, ancienne VP du CD94 en charge de l’enfance
119. Sausset Monica, CSE PJJ
120. Schaffhauser Lise-Marie, au nom du Conseil d’administration de l’ Union Nationale des Acteurs de Parrainage de Proximité (UNAPP)
121. Sturbaut Françoise, présidente Education et Devenir
122. Taibi Azzédine, maire de Stains
123. Tennesson Noanne, Directrice Générale de l’Alliance des Avocats pour les Droits de l’Homme (AADH)
124. UNIOPSS
125. Union Fédérative Nationale des Associations de Familles d’Accueil et Assistants Maternels (UFNAFAAM)
126. Verdier Pierre, ancien DDASS, avocat au Barreau de Paris,
127. Van Pevenacge David, Directeur général d’ESPOIR-CFDJ
128. Vidore Marc, militant associatif
129. Wera Brigitte, présidente le Sauvegarde du Val d’Oise
130. Wieviorka Michel, sociologue
131. Yvorel Jean-Jacques, éducateur, historien, chercheur associé au CESDIP et au CRHXI
132. Zennou Maxime, directeur général du Groupe SOS Jeunesse
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