Daphné nous avait prévenus que « son » premier ministre Joseph Muscat trompait son monde et qu’il laisserait finalement partir les identitaires du C-Star.
UNE PENSÉE POUR DAPHNÉ, ASSASSINÉE HIER À MALTE DANS L’EXPLOSION DE SA VOITURE
Le 19 août dernier, coincés au large de Malte, les identitaires du C-Star étaient, une fois de plus, ridiculisés, ratant leur rendez-vous lyonnais avec leurs fans(1). Un rassemblement au complet pourtant annoncé depuis plusieurs jours en grande pompe. Les hipsters-fachos en était même arrivés à lancer une pétition sur Change pour demander à leurs soutiens d’interpeller le gouvernement maltais pour obtenir leur rapatriement.
Au lieu d’évoquer la pression de nos camarades antifascistes et antiracistes sur place, les mass-médias européens avaient cru bon de réduire à un seul homme la cause du nouvel échec de Defend Europe. Il n’y en avait que pour Joseph Muscat, le premier ministre maltais qui, aux yeux de la presse et des télés, ferraillait glorieusement contre le bateau anti-migrants et son équipage.
Dès le lendemain, dimanche 20 août, alors que Joseph Muscat fanfaronnait : « Nous ne voulons pas de cette organisation raciste à Malte ! », Daphné Caruana Galizia, blogueuse anti-corruption bien connue sur l’île, nous faisait savoir que son premier ministre trompait son monde et qu’il laisserait partir, tôt ou tard, les identitaires du C-Star.
A cette occasion, elle avait ressorti des archives(2) de 2013 qui montraient la position politique exactement inverse de Joseph Muscat. Ses propos anti-migrants et les nombreuses expulsions vers la Libye avaient alors provoqué des manifestations antiracistes sur l’île, jusqu’à l’intervention de la Cour Européenne des Droits Humains. Ce n’est que sous cette double pression que les expulsions avaient enfin cessé, provoquant un camouflet pour le premier ministre.
Quatre ans plus tard, il était certain pour elle, de même que pour nos compagnons de lutte sur place(3), que Joseph Muscat essayait juste de redorer un peu son blason, avant de permettre finalement aux identitaires de partir sans être inquiétés.
C’est exactement ce qui s’est passé : le premier ministre et les identitaires ont simplement attendu le dimanche matin suivant, moment le plus calme de la semaine, pour que le départ se fasse discrètement ou presque. Ce fut un simple transfert, une formalité, sans aucun obstacle nulle part sur le parcours des marins d’eau douce, pas même à l’aéroport où aucun flic ne leur a dit quoi que ce soit. Manifestement, les consignes étaient claires et il est probable également que le gouvernement maltais avait reçu des pressions. Souvenons-nous que les responsables du C-Star avaient été libéré de leur garde à vue à Chypre dans des conditions incroyables, un mois plus tôt(4).
Durant toute la semaine précédente, les antiracistes et antifascistes avaient pourtant maintenu la pression. Le jour-même, durant toute la journée du dimanche 27 août, beaucoup d’entre vous aviez également participé à alerter les différents services de l’aéroport(5). Mais nous n’avons compris que le lendemain que les consignes étaient claires : il était prévu en haut lieu de laisser partir les chefs identitaires.
A son retour, malgré son échec total en Méditerranée, Defend Europe osait encore communiquer : « toutes les activités des ONG près des côtes libyennes ont cessé. » Alors que nous prouvions simultanément le contraire, en relayant les photos des nouveaux sauvetages de l’Aquarius-SOS Méditerranée et de Proactiva-Open Arms(6).
Deux mois plus tard, nous découvrons la disparition brutale de Daphné, assassinée dans l’explosion de sa voiture hier après-midi(7). La bombe placée sous sa voiture était tellement puissante que la carcasse s’est envolée jusqu’au champ voisin.
Daphné dérangeait, avec des qualités et des défauts sans doute, et quelques excès peut-être. Elle critiquait et dénonçait les pratiques de toute la classe politique maltaise, de la pseudo gauche à l’extrême-droite, en déballant des affaires de corruption et d’autres contradictions. Daphné était devenue insupportable pour le pouvoir, mais il est difficile de savoir précisément laquelle de ses composantes s’est finalement chargée de la faire taire.
Elle avait 53 ans.
Comme tous les jours, toutes les heures, toutes les secondes, le pouvoir pue la mort.