Un lycéen parisien nous écrit: Les Raisins de la colère

Les Raisins de la colère

par Jacques Latour

A Paris,par un triste matin pluvieux du mois de mars,nombreux ont été les jeunes qui ont rebroussé chemin en arrivant en face de leur établissement scolaire. Poubelles tassées devant les portes,écriteaux collés aux murs,élèves regroupés dans la rue,ça crie,ça rigole,ça fait du bruit,ambiance festive donc,jusqu’à l’arrivée des CRS qui provoque le désordre.

Une fois de plus,la jeunesse française se retrouve au premier plan dans un large mouvement de protestation sociale,sa cible ? Le projet de loi sur la réforme du code du travail,qui a pour mot d’ordre la « flexibilité »,ce qui,en traduction syndicale, signifie « précarité ». Ainsi, des milliers de lycéens,étudiants se sont mêlés aux salariés pour affirmer leur rejet envers la politique libérale du gouvernement de François Hollande.

« On vaut mieux que ça »,« La jeunesse en colère »,« Non à la loi travail »,peut-on lire sur les pancartes. Depuis un mois,le pays est rythmé par les grèves et les manifestations,qui entraînent dans leur élan des jeunes révoltés. Les lycées et les universités ont été bloqués pendant plusieurs jours,des plate-formes de coopérations et de solidarité se crées via les réseaux sociaux,encouragés par divers associations et syndicats. Le mouvement se propage rapidement et s’élargit à un appel politique encore plus large.

En effet,la loi travail est devenu le premier tiret d’une longue liste de recommandations.

Chômage,misère,dérive autoritaire de l’État,les lieux publics investis par les manifestants sont devenus une agora où sont traités tous les sujets litigieux. Dernier exemple en date,le siège de la place de la République à Paris,où des centaines d’hommes et femmes veillent la nuit pour exprimer leur mécontentement. Assistons nous à un éveil politique de la jeunesse ? Est-ce un sursaut d’espoir pour une alternative en France et en Europe? Sans doute.

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Car malgré la tendance à la hausse qui consiste à dénigrer l’action des jeunes (qui certes peut parfois partir en vrille) et la tentative de minimiser cette vague de la part de certains observateurs,nul peut nier que ces événements s’inscrivent dans la continuité d’une colère émergente depuis plusieurs années. On peut parfois entendre dire que les jeunes n’ont pas leur rôle à jouer,qu’ils n’ont rien à faire dans une manifestation,il faut pourtant constater que les projets de loi touchent à leur avenir et c’est eux qui,dans quelques années,se retrouveront dans le marché du travail. Ainsi,soucieux du sort de leurs aînés,ils sont présents,inquiets aussi pour leur futur.

Il serait donc judicieux de parler d’une prise de conscience progressive des jeunes,qui découvre l’injustice que peut parfois proposer leur société. Prenons par exemple le cas de mon lycée,constitué d’élèves issus des quartiers populaires,où l’on peut souvent entendre des discours blâmant les autorités. Entre le pouvoir et bon nombre d’étudiants,le désamour se maintient,ils grandissent avec un manque de confiance envers les institutions.

Bien sûr,il existe toujours des excès dans ce dénigrement,avec certaines paroles qui frôlent la caricature « anti-système »,mais tout de même,certains jeunes apportent des éléments de réponses enthousiasmants face à la crise,ils encouragent les dialogues constructifs qui souligne qu’une relève motivée se met en marche.

Cependant, il existe un risque conséquent à cette situation. Les mobilisations sont certes croissantes,mais il faut avouer qu’elles ne sont qu’un début,que les prémices d’une révolution qui risque de s’essouffler très vite,comme en témoigne la majorité des vagues contestataires depuis plusieurs décennies. La France,fière de son glorieux passé révolutionnaire,peine à instaurer un mouvement durable qui chamboulerait les rapports de forces établis paraissant inébranlables.

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Il faudrait alors voir en cette période de lutte sociale un tremplin,un moyen d’élargir la force d’action pour un futur changement effectif,en s’appuyant sur la jeunesse.

Il faut l’alimenter,la cultiver,la renforcer car elle représente à elle seule un espoir précieux. Elle est un socle pour une reconstruction. Il faut qu’elle se forge un esprit politique et civique,une capacité à agir et comprendre le monde autour d’elle et c’est ce à quoi actuellement nous tendons. Il est nécessaire de penser à un lendemain pour que les rassemblements d’aujourd’hui s’inscrivent dans un projet efficace et cohérent.

Pour une métamorphose de la société,les éléments sont là,il ne reste plus qu’à les manier correctement. La tâche s’annonce difficile mais en l’état de crise actuelle,c’est un devoir pour tous d’opérer pour la formation d’un monde plus juste (rien que ça !). Les institutions s’effritent,les gouvernements sont dépassés,l’austérité ravage les populations qui se mettent à gronder,tout les signaux sont au vert. Le hasard fait bien les choses,au même moment est révélée l’affaire des « Panama papers »,de quoi envenimer encore plus l’opinion publique. A suivre…