Syndicalisme rassemblé ou syndicalisme de classe

Par Jean-Pierre Page
Août 2019

 1-Assumer ses responsabilités!

L’aiguisement de la crise qui s’annonce est marqué entre autres par l’effondrement possible de la Deutsche Bank avec ses 20 000 suppressions d’emplois[1] soutenues par la fédération Ver.di[2] affiliée au syndicat DGB[3] et à la CES, comme sur un autre plan, par la guerre commerciale, monétaire, politique et militaire entre la Chine, la Russie d’un côté et les USA de l’autre. Trump souffle en permanence le chaud et le froid.  Les manifestations de Hong Kong et Moscou sont là pour le rappeler ![4]

Après les élections européennes de juin 2019,  les péripéties politiques et institutionnelles liées à l’élection des nouveaux dirigeants européens a mis en évidence une nouvelle fois la contradiction entre les partisans d’une Europe prétendument «plus juste et plus unie»[5]et les peuples !  De manière plus ou moins conscients, ces derniers sentent que «l’aventure européenne» ne mène qu’à plus de casse sociale et à la confiscation de la démocratie. Une nouvelle fois, ils l’ont exprimé à travers une abstention record.

Ces exemples parmi d’autres sont les manifestations récentes et révélatrices qui précèdent un « tsunami » économique, financier, social, politique et démocratique. L’assujettissement des médias et le recul de l’esprit critique masquent de plus en plus mal cette réalité.

Enfin, le surendettement et le retournement des marchés financiers soulignent l’extrême précarité d’une économie mondiale soumise non pas aux règles, mais aux rapports des forces. Ainsi le contrôle de l’Eurasie[6] est devenu un des enjeux majeurs de la conflictualité mondiale.

La croissance française est révisée à la baisse[7] et sera en net recul par rapport à 2018. Les inégalités s’accroissent de manière sans précédent avec une richesse insolente à une extrémité et une pauvreté exponentielle à l’autre. À l’échelle mondiale le montant des dividendes versés aux actionnaires atteint un nouveau record avec 513 milliards de dollars.

La France est de loin le plus grand payeur de dividendes en Europe, en hausse, à 51 milliards de dollars US[8]. Cette situation de forte instabilité est devenue insupportable. Elle se paie socialement et politiquement au prix fort. 65% des Français[9] avouent avoir déjà renoncé à partir en vacances faute d’argent et 4 sur 10 de manière répétée ! Les peuples font face à ce qu’il faut bien appeler une guerre de classes.

Cela n’est pas indifférent à l’opposition, au mécontentement, à la colère qu’expriment les travailleurs et la population, les jeunes en particulier, à travers leurs luttes et leurs sentiments à l’égard des institutions politiques et répressives. C’est ce que montre ces dernières semaines et dans une grande diversité, la permanence de l’action des Gilets jaunes, le succès du référendum contre la privatisation d’Aéroports de Paris, l’affaire Steve[10], le mouvement Justice pour Adama Traoré[11] ou encore les rassemblements contre le G7 de Biarritz ou les confédérations syndicales brillent par leur absence,  les nombreuses luttes paysannes contre la malfaisance du CETA, [12] et bien sûr de nombreuses grèves dans les entreprises.

Comme l’illustre un sondage inédit, huit mois après le début du mouvement, une majorité de Français continuent à apporter son soutien aux Gilets jaunes, quand 40 % sont convaincus qu’une révolution est nécessaire[13] pour améliorer la situation du pays.

Or, plutôt que prendre en charge cette radicalité, le mouvement syndical donne l’impression d’être plus préoccupé par son statut de régulateur social que par donner du contenu et ouvrir une perspective à cette évolution significative de l’opinion.

Ainsi, la décomposition/recomposition du syndicalisme se poursuit et va sans aucun doute s’accélérer. Cette conversion se concrétise avec l’approbation et la complicité des dirigeants des confédérations syndicales européennes. Elle se fait également dans «une consanguinité» entre celles-ci, les institutions européennes, les gouvernements et le patronat.

A la veille du G7 de Biarritz les entreprises conduites par le MEDEF et les organisations syndicales conduites par le secrétaire général de la CFDT se sont concertées pour élaborer une déclaration commune « afin de favoriser une croissance mondiale et un libre-échange qui profitent à tous ». Ceci est présenté comme « un signal fort  adressé aux gouvernements pour qu’ils prennent en compte les entreprises comme acteur du changement »[14]. En fait, il s’agit clairement de voler au secours du libéralisme en d’autres termes du capitalisme pour au nom de « l’union sacrée » faire le choix de la guerre économique sous leadership US dans une confrontation avec la Chine et la Russie. Comme, en d’autres périodes de notre histoire, l’objectif des « partenaires dits sociaux » va être  de mobiliser le monde du travail pour faire le choix de la collaboration de classes au nom de l’association capital/travail. Ce sera le rôle imparti aux organisations syndicales.

Voilà pourquoi on souhaite aller au plus vite vers une transformation de celles-ci en un syndicalisme de service et de représentation, déléguant ses pouvoirs à des structures bureaucratiques supranationales comme le sont celles entre autre de la Confédération européenne des Syndicats (CES). On veille à ce que cette évolution se fasse dans l’ignorance des travailleurs que l’on cherche à priver des moyens dont ils disposent pour se défendre et ouvrir une alternative de rupture avec le système dominant.

Cet objectif implique pour la Confédération générale du Travail (CGT), une transformation mettant un terme à sa conception confédérale. Elle consiste à la faire renoncer aux principes, aux finalités comme aux conceptions qui sont les siennes. Le type d’organisation est toujours dépendant de l’orientation et de la stratégie dont on fait le choix. Celles-ci ont changé, il lui faudrait donc s’adapter en conséquence, renoncer au fédéralisme et à la liberté de décision de chaque syndicat affilié comme à la recherche du travail en commun pour de mêmes intérêts de classe.

Cela suppose de renoncer à la relation et à la fonction des principes fondateurs qui unissent les organisations et les adhérents de la CGT. Depuis plus d’un siècle, celle-ci s’est construite entre les syndicats d’entreprises qui permettent depuis le lieu de travail d’enraciner toute démarche syndicale, les fédérations professionnelles, les unions départementales et unions locales interprofessionnelles. Ce qui est visé dorénavant est un syndicalisme de type institutionnel, vertical, à plusieurs vitesses, qui devra se structurer à partir d’une action et d’une organisation de type corporatiste s’adossant à de grandes régions européennes.

Une confédération comme la CGT ne saurait pas vivre, fonctionner et se reproduire pour et par elle-même en s’écartant de la vie réelle de ses organisations de base qui l’unissent aux travailleurs, en établissant des cloisons étanches entre ses différentes structures. Déjà en désavouant son histoire, en  rompant ses amarres, « Tel un bateau ivre »[15] de ce pourquoi elle existe, on cherche à lui faire jouer un autre rôle en la déconnectant progressivement de ce qui a fondé sa conception et son rôle.

Ce qui est en cause et menacé n’est rien moins que son unité, sa cohésion, son utilité. La CGT est particulièrement visée de par l’influence et l’action qui est la sienne, par son identité et son histoire. De sa capacité à faire face à ce défi va dépendre son rôle futur. Le combat pour défendre et faire vivre la      confédéralisation est déterminant et ne peut être éludé, il doit se mener dans la clarté.

Or, comme l’a montré son 52e Congrès[16], il est clair qu’il existe au sein de la CGT au moins deux lignes fondées sur des orientations distinctes et radicalement opposées.

La question politique est donc de savoir s’il faut chercher une position moyenne entre les deux, une forme de compromis pour infléchir l’orientation, ou bien tenant compte de tout ce que cela signifie, s’employer à construire autre chose à partir de l’acquis, en termes d’alternative syndicale, sociale et politique et si oui, comment le faire sans tarder?

En effet, la situation et son évolution probable imposent d’anticiper et de ne rien exclure ! C’est une exigence pour les syndicalistes conséquents qui dans leurs analyses et leurs actions se revendiquent de la lutte des classes. Ceci est devenu un impératif car il s’agit de défendre et faire progresser l’outil indispensable aux luttes sociales et politiques des travailleurs, à leur émancipation. Le devenir de la CGT, sa raison d’être et son efficacité en dépendent. Or, celle-ci s’est affaiblie, non seulement en influence et force organisée, mais également à travers ses idées, son programme, son projet de société, sa vision, son indépendance, son fonctionnement. La mutation stratégique de la CGT déjà engagée à la fin des années 70 et accélérée au début des années 2000, l’a profondément déstabilisée[17]. Ainsi, par exemple et entre autres, elle s’est écartée de manière significative de toutes références aux principes de souveraineté nationale et populaire sur lesquels elle s’était pourtant construite. Son internationalisme s’est érodé !

La CGT, est aujourd’hui divisée entre des options différentes et opposées quand elle devrait contribuer à rassembler, bâtir un rapport des forces sur la durée contre la malfaisance du néolibéralisme. De la même manière, elle devrait encourager les convergences pour contribuer à un « Front populaire »[18] de toutes les forces sociales et politiques qui luttent pour une société en rupture avec l’exploitation capitaliste et les dominations impérialistes.

Sur tout ce qui touche à son orientation stratégique, à sa finalité comme à son identité, la lucidité impose de constater combien les fractures se sont multipliées. Celles-ci menacent non seulement la place de la CGT dans les lieux de travail, la perception que l’on a de son rôle, mais y compris à terme sa nature. Les désaccords sont nombreux, ils se sont radicalisés par le refus, les atermoiements et l’opposition de sa direction à en débattre. Trop longtemps des questionnements restés sans réponse ont contribué à la mutation délétère de ce qui était la première organisation syndicale française.

Comment ne pas constater le décalage saisissant entre l’état d’esprit, le fonctionnement de la direction confédérale et celui des organisations confédérées ?

Il faut en faire un bilan lucide, tout en veillant à l’unité, sans exclusion ni ostracisme vis-à-vis des idées qui dérangent, dans un esprit fraternel et militant. Dorénavant, il y a urgence à assumer cette responsabilité[19] !

2- Faire preuve de lucidité!

Certes, il y a toujours eu dans la CGT et sous la pression des idées dominantes, celles du patronat, de forces politiques, d’institutions internationales des confrontations, certains ont même conduit à des ruptures, à des scissions. Mais, aujourd’hui les différences d’approches et d’opinions sont d’une ampleur inédite.

La raison principale de cette situation n’est pas à chercher dans les faiblesses d’analyses de l’appareil, son absence d’esprit d’initiative ou dans son fonctionnement bureaucratique, ou encore dans la médiocrité qui caractérise sa direction. Même si ces réalités sont incontestables. La seule et véritable cause, n’est rien d’autre que le changement d’orientation stratégique qui s’est construit sur une longue période et plus particulièrement sur ces vingt dernières années. Cette dépolitisation à marche forcée mais qui souvent n’est qu’apparente a conduit la CGT dans une impasse et avec elle, le syndicalisme français, dont les résultats sont devenus un bilan accablant.

La CGT est dorénavant dans une démarche non plus de confrontation et de contestation radicale du système capitaliste comme l’avaient voulu ses fondateurs, mais dans un accompagnement qui vise à corriger les excès du système dominant par la magie de la proposition et de la négociation tout en se ralliant à une forme « d’union sacrée »

En fait, comme en d’autres temps et au prix d’un renoncement, une partie de la CGT a fait le choix sans bataille, de conceptions syndicales que celle-ci avait combattue pendant presqu’un siècle. Voir la réalité en face c’est reconnaître que le courant de classe dans la CGT a nettement reculé, concédé du terrain en  recherchant les compromis, puis qu’il s’est affaissé.

Globalement, cette nouvelle orientation a été assimilée et soutenue par de nombreux dirigeants à tous les niveaux des structures de la CGT, volontairement ou simplement par ignorance ou par opportunisme. Elle s’est développée parallèlement et pendant tout un temps en phase avec les changements d’orientation successifs du Parti communiste français (PCF) et l’évolution des rapports de force politiques en France, en Europe et internationalement.

Cette adaptation qui a pris parfois la forme de reniements peut se vérifier à travers un alignement de la CGT sur les positions défendues par les autres syndicats français, qu’il s’agisse du partenariat et du dialogue social, de la mise en cause du mouvement des Gilets jaunes, de l’intégration européenne[20] ou encore de l’ostracisme et de la caricature à l’égard d’une partie du mouvement syndical international[21], y compris jusqu’à admettre une certaine fin de l’histoire, qui serait un fait acquis une bonne fois pour toute.

Cette mutation aux conséquences multiples bute dorénavant contre une évidence de plus en plus partagée dans la CGT, celle de l’échec. Il est celui patent d’une orientation stratégique et non d’une mauvaise gestion. Refusant de mettre en cause ce fiasco, on cherche à l’ignorer avec une obstination frôlant l’aveuglement. Le cap devrait être maintenu selon la direction de la Confédération, quel qu’en soit le prix! Pourquoi?

Ainsi, des dirigeants de la CGT s’accrochent quasi religieusement à cette révision stratégique qui inclut la proposition et la négociation indépendamment du rapport des forces, le « syndicalisme rassemblé », les problèmes sociétaux que détermine l’air du temps, les affiliations à la CES et à la CSI[22] qui sont devenues des préalables et les balises légitimant cette mutation[23]. Renoncer à ces concepts et engagements serait pour les partisans du recentrage de la CGT mettre en cause l’orientation passée, celle présente ou celle future. Pour Bernard Thibault, « C’est toute la conception de notre organisation et sa vision du syndicalisme qui est en question ».

Selon les tenants de cette évolution, cela serait également menacer l’action, le rôle qui est revendiqué pour militer en faveur de l’émergence d’un pôle syndical réformiste en France, aux côtés de la CFDT, arrimé au niveau européen à la CES, et internationalement à la Confédération syndicale internationale (CSI).

La tâche est donc pour les convertis à cette vision d’arriver à convaincre qu’il faut dorénavant unilatéralement et en urgence se conformer à une vision « européenne » qui n’est rien d’autre que l’abandon de toute souveraineté, celle de la collaboration des classes et de l’association capital/travail, quitte à le faire en maintenant certaines apparences. Selon eux, il n’y a pas d’autres orientations possibles, l’avenir du syndicalisme et de la CGT en dépendrait. Pour cela, les militants devraient accepter de se remettre en cause, de le faire en faisant preuve de réalisme et de pragmatisme, battre leur coulpe, se transformer en « béni-oui-oui », pour mieux s’effacer, afin de permettre que se concrétise la forme achevée d’un syndicalisme rassemblé.

3- Ce qu’a révélé le 52e Congrès de la CGT!

Toutefois, ces certitudes volontaristes masquent mal des inquiétudes. Elles seraient justifiées par le fait que l’orientation actuelle de la CGT serait menacée de l’intérieur. Sa mise en œuvre serait chaotique, sa gestion déplorable. Selon les partisans de cette évolution/mutation, à leur avis nécessaire et incontournable, le 52e congrès serait la preuve des insuffisances de la nouvelle direction. Tout particulièrement celles de son secrétaire général, incapable de mettre en œuvre ce qu’on lui a demandé, mais aussi et surtout la conséquence des agissements d’une sorte de « 5e colonne », qui aurait fait le choix récent de « saboter » le congrès de l’intérieur.

Ainsi, l’introduction de la référence à la Fédération syndicale mondiale (FSM)[24] dans les nouveaux documents d’orientation de la CGT serait un recul inacceptable qui aurait du être évité. Cela va, dit-on, encourager et légitimer les opinions, les critiques des décisions passées et celles qui se manifestent contre l’immobilisme et les complicités d’une CES, rouage des institutions européennes comme à l’égard d’une CSI au service de l’oligarchie mondialiste et de ses préoccupations géopolitiques.

Mais, plus encore, l’abandon, et de surcroît piteusement, d’un projet de changement des structures de la CGT a provoqué un choc. Car comme ce fut le cas en son temps avec le recentrage de la CFDT[25], il est intéressant de noter l’importance accordée à cette transformation par ceux-là mêmes qui entendent inspirer la transformation de la CGT et contribuer plus généralement à celle du syndicalisme. Aux yeux de certains groupes fonctionnant dorénavant en lobbies et groupes d’influence, celle-ci ne pourrait se conformer à son agenda sans la métamorphose de son organisation. Si cette ambition n’est pas nouvelle, les objectifs politiques recherchés à travers le changement de structures auraient pris un caractère impératif. Ce qui serait justifié par un rapport des forces défavorables au plan social et politique qui exigerait de s’adapter au plus vite, tout comme à la perspective d’une plus grande intégration européenne. Par ailleurs, la précarisation, la multiplication des statuts, l’éclatement du lieu de travail imposeraient de s’adapter sans attendre.

Face à cette évolution, le syndicalisme CGT d’entreprise avec ses caractéristiques historiques et combatives est perçu comme une anomalie, voire un frein au regard de ce qui devrait dominer au sein du syndicalisme européen. De par l’existence de la CGT et de ses principes de lutte, l’exception syndicale française serait une réalité et une rigidité bien dérangeante dont il faudrait achever le cycle[26].

4- Vers un syndicalisme de services ?

Si, de tout temps, la fonction répressive du Capital et son Etat s’est exercée pour aboutir à la criminalisation de l’activité syndicale, à la mise en cause du droit de grève et de manifestation, et à l’usage aujourd’hui de moyens matériels et technologiques sans précédent pour faire taire critique et contestation. Si, le Capital entend persévérer dans cette voie autoritaire et fascisante, cela ne lui suffit pas! Après s’être fixé des objectifs visant à intégrer à sa politique les syndicats et les travailleurs pour les désarmer durablement, il a choisi de sortir le syndicat du lieu de travail, de lui substituer un syndicalisme de représentation formelle à la fonction subalterne, un syndicalisme de service. Dans le meilleur des cas, le caractère revendicatif de la mission du syndicat serait dans les entreprises réduit« aux carreaux cassés » et à la gestion de certaines activités sociales.

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Cette vision, nous dit-on, serait conçue pour enrayer une forme de déclin. Ce serait la réponse miraculeuse à la crise de la représentation sociale, à la désyndicalisation et à la marginalisation des organisations de travailleurs[27].

On a commencé à théoriser ce besoin impérieux au nom du rôle et de la place nouveaux qu’il faudrait accorder aux structures intermédiaires, d’autant que la contestation des  «élites» s’est accrue dangereusement ! Emmanuel Macron parle de « reconquête des corps intermédiaires dans une perspective d’un projet national et européen d’émancipation»[28]. Ainsi, le Centre d’analyse stratégique (l’ancien Commissariat au plan)[29] propose sur le modèle scandinave de redéfinir la mission des syndicats jugés en France trop combatifs afin de leur permettre de fournir:

– Des offres plus concrètes sur le modèle des comités d’entreprise.

– Une mutualisation pour de meilleurs services, en partenariat avec d’autres secteurs comme des centrales d’achat, des banques, des assurances…

– Un meilleur accompagnement des parcours professionnels, sujet sur lequel la CGT a montré un grand intérêt.

Par ailleurs, des chercheurs nord- et latino-américains considèrent qu’à l’heure d’internet et des réseaux sociaux, le syndicat d’entreprise perdrait sa raison d’être puisque le salarié pourrait directement via son ordinateur, consulter, son responsable aux relations humaines son fameux DRH voire négocier directement et sans intermédiaire avec son employeur[30]. Ses techniques « managériales » ne sont pas sans influencer le fonctionnement même de la CGT.

Ainsi, la nouvelle étape de la mise en place de la loi sur la représentation syndicale doit contribuer à ces programmes ambitieux.

Déjà, celle-ci va conduire à la suppression de 200 000 postes de délégués syndicaux et à la disparition du fait syndical dans un grand nombre d’entreprises. Est-il utile de rappeler que c’est un ancien dirigeant national de la CGT qui a assisté la ministre du travail sur cette orientation réactionnaire du gouvernement Macron. Celle-ci va compléter les lois antisyndicales des ministres socialistes de François Hollande: François Rebsamen amphitryon du récent congrès de la CGT et Myriam El Khomri[31] pour expulser les syndicats des bourses du travail, procédures qui, depuis, se multiplient partout, contre les Unions locales et les Unions départementales, sans que cela ne fasse l’objet d’une riposte nationale de la CGT, ni d’ailleurs des autres confédérations.

Mais on veut aller encore plus loin! Il s’agit maintenant d’obtenir la taxation des syndicats qui seraient appliqués au même titre que celle des entreprises, avec imposition de la TVA, taxation à 33% des excédents budgétaires, interdiction d’embauches de dirigeants syndicaux, soumission aux contrôles fiscaux et à l’URSSAF, etc. Ces objectifs du gouvernement connus depuis la fin 2018 par les confédérations, dont la direction de la CGT, seront applicables début 2020. Ils sont pour l’heure ignorés ou consentis, car ils ne font l’objet d’aucune contestation ni action, à l’exception de la Région CGT Centre-Val de Loire[32].

En Europe, et au nom du réalisme, ces objectifs ne sont pas insensibles à la CES et aux organisations syndicales qui entendent participer à de telles évolutions en rompant avec des conceptions jugées traditionnelles, archaïques et passéistes. Car cette ambition devrait être complétée par une délégation des prérogatives nationales des syndicats comme le pouvoir de négociations à des systèmes syndicaux qui dorénavant parleraient et agiraient supranationalement. Cela entraînerait une forme de vassalisation des confédérations nationales à un «centre» parlant, agissant et négociant en leur nom. Au récent congrès de la CES[33], la délégation de la CGT tout comme celles des autres confédérations ont approuvé unanimement des orientations qui s’inscrivent dans une telle approche[34].

Cette démarche de rupture est encouragée en France notamment par la CFDT, dont le secrétaire général assume la présidence de la CES, avec le soutien de la CGT[35].

Par ailleurs, la direction de la CGT n’est pas indifférente à cette rénovation et les critiques avant congrès de Philippe Martinez sur le fonctionnement des syndicats, comme le soutien à de premières expériences comme celle du «syndicat inter-entreprises ouverts aux auto-entrepreneurs de Malakoff, le SIEMVVE»[36]. Cette démarche des partisans du recentrage de la CGTa pour objectif de participer à une vision qui se veut transformatrice mais qui en réalité met en cause le syndicat d’entreprise et le rôle de l’union locale. Les propositions de modifications des structures de la CGT qui devaient être soumises au 52e Congrès voulaient s’inspirer et prendre appui sur cette vision des choses.

Pratiquement, à quoi avons nous affaire avec cette mutation fondamentale du syndicalisme que l’on aimerait voir s’accorder avec la refonte des statuts de la CGT?

Comme on le voit, de tels changements doivent encourager le syndicalisme au nom de l’union sacrée à prendre sa place dans une Europe fédérale en abandonnant ses attributions nationales. Concrètement, il faut une mise en conformité de la CGT avec un type d’organisation syndicale fondé sur quelques branches professionnelles pour permettre l’intégration autour de grandes régions et de pôles de développement européens.

Soutenir cette manière de voir serait faire le choix de la verticalité dans le fonctionnement des syndicats, au détriment de principes d’organisation fondés sur le fédéralisme, la démocratie syndicale et ouvrière, ceux de la solidarité interprofessionnelle entre fédérations, unions départementales et unions locales, donc finalement affaiblir les droits et devoirs du syndiqué. Ainsi suivre cet objectif conduirait le Congrès confédéral de la CGT à devenir le congrès de structures, plus celui des syndicats d’entreprises. S’opposeraient alors structures professionnelles et interprofessionnelles, conduirait à la division de la CGT elle-même[37].

Cette approche régressive aboutirait inévitablement à la poussée d’un corporatisme dont la CGT avait historiquement fait le choix de se défaire. Cela se ferait au détriment du rassemblement de la classe sociale des travailleurs, sans lequel aucune dynamique de luttes transformatrices n’est possible. Cette mise en conformité de la CGT avec les conceptions syndicales qui prévalent en Europe est un des objectifs recherchés. Autant dire que cette tendance lourde ne pourrait faire qu’encourager les comportements étriqués de certaines fédérations et l’étouffement de toute solidarité concrète de classes.

Cela contribuerait à opposer la revendication professionnelle et interprofessionnelle, cela serait reculer sur toute l’orientation des réponses aux besoins des salariés comme à tout projet de transformation de la société. Il ne s’agit pas de nier les différences, il faut les prendre en compte. Il existe des revendications d’entreprise et il existe aussi des revendications communes[38]. Mais la réponse aux exigences de l’un peut coïncider avec celles de tous et inversement, c’est là le rôle et la fonction de la confédéralisation d’y contribuer!

Que deviendrait également le fédéralisme, la mutualisation des moyens au service de la lutte des classes? Comme on le voit déjà, cela serait sans doute remplacé par la multiplication des directives et des notes de service au détriment du débat, du partage d’opinions, de prises de décisions collectives et de la solidarité de combat entre toutes les organisations de la CGT.

Enfin, faire de tels choix permet de mieux comprendre pourquoi il faudrait rompre avec certaines règles et organismes collectifs de la vie démocratique de la CGT.

De manière parfaitement cohérente, il en va ainsi par exemple de la mise en cause du rôle et de la place du Comité confédéral national de la CGT. Après avoir voulu le faire disparaître, on cherche à le dévaloriser en le transformant de plus en plus en un “forum” où tout peut se dire sans véritable conséquence et surtout sans que cela n’influe sur les décisions de la direction confédérale! D’ailleurs, le bilan affligeant de la Commission exécutive confédérale elle-même, à la participation formelle et fortement réduite, confirme l’appauvrissement d’une vie démocratique au bénéfice d’une armée de collaborateurs et d’un appareil professionnalisé à l’extrême, financé on ne sait trop comment. Rappelons que la part des cotisations ne représente aujourd’hui plus que 29 % du budget confédéral.

Il faudrait donc ranger au magasin des accessoires les vieilleries des principes de classe en matière d’organisation et se fondre dans la supposée modernité et innovation. Ni neutre, ni innocente, ces orientations ne sont en réalité que le retour à des formes de structures anciennes du mouvement syndical[39].

S’engager dans cette voie serait pour la CGT faire un choix qui équivaudrait à une rupture définitive avec la nature et l’identité qui doivent demeurer la sienne. C’est le prix qu’il lui faudrait payer pour épouser définitivement la cause du réformisme syndical en France, en Europe et internationalement.

Il faut comme en d’autres époques combattre cette démarche qui marginaliserait la CGT car elle ne pourrait que contribuer à son affaiblissement, à celle des luttes, en les opposant entre elles, à diviser les travailleurs et donc à nourrir l’attentisme, à ruiner la crédibilité du syndicalisme.

5- Une CGT compatible avec le syndicalisme réformiste ?

Ce que l’on a changé sur le contenu de l’orientation devrait donc dorénavant coïncider avec ce que l’on veut réformer du point de vue de l’organisation. C’est dire l’ampleur de cette nouvelle étape, véritable conversion stratégique à laquelle on veut soumettre la CGT.

La CGT est elle prête à cela ? Rien n’est moins sûr!

C’est ce que les délégués du 52e Congrès ont voulu signifier en repoussant démocratiquement l’examen de ces propositions visant à modifier les structures à dans 3 ans, c’est à dire, au prochain Congrès confédéral. Il en a été ainsi de ce sujet comme d’autres soumis à la discussion et à de fortes contestations comme sur le bilan d’activité, le concept de syndicalisme rassemblé, le programme revendicatif, les affiliations internationales.

Ceci a contribué à créer une situation paradoxale. D’un côté, ce congrès fut celui de l’insatisfaction et n’aura apporté aucune réponse aux questions en suspens. Mais, de l’autre, une situation inattendue est apparue, à savoir l’émergence d’un état d’esprit nouveau parmi les délégués des syndicats.

À travers de multiples interventions critiques et aussi par leurs votes, de nombreux militants ont exprimé une volonté de réappropriation de la CGT par ses adhérents et ses militants eux-mêmes. Des intervenants ont même voulu signifier à la direction confédérale ce que l’on pourrait résumer de la manière suivante : puisque depuis des années et malgré nos critiques et propositions vous n’écoutez pas, nous allons passer à la mise en œuvre de ce que nous décidons nous-mêmes, et nous le ferons avec ou sans vous».

Face à ce qui est déjà plus qu’un défi, et de peur de le voir devenir contagieux, certains dirigeants anciens et nouveaux, mais aussi les «experts ès syndicalisme», sont conduits à penser qu’il faudrait anticiper et faire le choix d’un changement de direction, secrétaire général inclus. Selon eux, ce qui s’apparenterait à une «révolution de palais», permettrait de sauver une mutation à laquelle ils se sont beaucoup consacrés et se consacrent toujours autant. Une telle orientation viserait surtout à évacuer le nécessaire débat de fond. Non seulement, elle ne réglerait rien mais, pire, elle enfoncerait la CGT dans la division, les batailles de clans et de courtisans, la paralysie. Comme on l’a vu avec l’affaire Lepaon, cette apparence de changement serait vaine, voire pire[40].

Évidemment, l’illusion qu’avec le temps, les choses pourraient s’arranger d’elles-mêmes ne peut qu’aggraver cette situation tant la contradiction entre des orientations et des ambitions aussi radicalement opposées devront se résoudre d’une manière ou d’une autre. Compte-tenu de la faiblesse intrinsèque de la direction confédérale, de son style de travail, des ambitions diverses et variées qu’elle suscite, de la professionnalisation, d’une institutionnalisation qui s’aggrave, de la mise sous tutelle de certains secteurs de travail, les phénomènes négatifs constatés antérieurement ne pourront qu’empirer!

L’instabilité va donc se poursuivre! Pour y remédier, il faudrait la volonté de procéder à un bilan, une nouvelle orientation fondée sur l’action, un programme revendicatif intelligible, des alliances transparentes, des convictions, des engagements conscients, des positionnements européens et internationaux clairs. Nous n’en sommes pas là, on semble même s’en éloigner. Un mois après le 52e Congrès, le récent CCN de fin juin 2019 en a été l’illustration. Ainsi, le processus revendicatif est de nouveau paralysé. Une nouvelle date d’action «saute-mouton» le 24 septembre dans le genre « il faut bien faire quelque chose » devrait préparer une semaine d’action à la fin de l’année 2019. Faut-il suggérer aux organisations de la CGT de rester l’arme au pied face à un agenda social qui s’annonce d’une brutalité inouïe, ou faut-il assumer dès à présent les responsabilités qu’exige cette situation? Là est la question!

D’autant que la crise sociale, économique et politique qui découle de la mise en œuvre des choix du Capital va s’accélérer! D’importantes échéances comme le dossier des retraites, ceux de la santé, de la Sécurité sociale dans ses principes fondateurs, la réforme de l’assurance chômage, de nombreux conflits pour l’emploi comme ceux de General Electric/Alsthom, l’avenir de la Centrale de Gardanne, celui d’Aéroports de Paris face à la privatisation, l’enjeu du statut des fonctionnaires, la poursuite de la restructuration de la SNCF après la défaite du conflit 2018, d’EDF, la situation catastrophique de l’éducation nationale et de l’hôpital public illustrée respectivement par le rapport sur la correction du bac et par le mouvement des urgentistes sont des échéances incontournables[41].

Ce contexte et son évolution rapide peuvent provoquer des situations inattendues « une étincelle peut mettre le feu aux poudres »[42], or il y a beaucoup de poudres accumulées. Il peut contribuer à l’expression du besoin de convergences qu’il faudra encourager, susciter et assumer. Il est significatif que Jacques Attali ai souligné récemment que “Si les classes dirigeantes ne faisaient pas attention, le mouvement des Gilets jaunes pourrait entrer dans l’histoire comme le début d’une nouvelle révolution française”.[43]

Bien évidemment il convient d’intégrer dans cette approche la dimension d’une Europe en crise sociale, économique, financière, politique, institutionnelle aggravée au plan environnemental et agricole avec l’approbation du traité de libre échange CETA entre l’Union européenne et le Canada ou celui avec le MERCOSUR en Amérique latine. A cela s’ajoute les nouvelles tensions internationales avec la multiplication des conflits asymétriques au Proche-Orient, en Asie comme en Amérique Latine, les confrontations majeures déjà engagées entre les Etats-Unis, l’Iran, la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan[44], l’émergence de l’Eurasie comme pivot du futur développement mondial.

Sans une prise de conscience salutaire et un renouveau véritable de ses orientations dans un sens de lutte de classes  la CGT va continuer à apparaître de plus en plus hors-sol, coupée des réalités et des attentes des travailleurs, des militants comme des organisations, tout particulièrement celles et ceux qui organisent l’action au jour le jour et qui font vivre le syndicat.

Par ailleurs, les organisations de la CGT seront interpellées par la poursuite souhaitée et sans aucun doute le développement de l’action des Gilets jaunes dont l’objectif est de contribuer par de nouvelles initiatives à bloquer l’économie afin d’exercer le maximum de pression sur le pouvoir et le patronat. Ce mouvement va prendre une nouvelle ampleur qui mériterait sans tarder la mise au point d’une stratégie commune de recherche de convergences d’actions. À l’évidence la direction de la confédération n’en est pas là![45]

6- Savoir anticiper en tirant les leçons !

Par conséquent, on ne saurait s’accommoder de cette situation sans perspectives alors qu’il faudrait anticiper, tirer les conséquences et se donner les moyens de prendre sa place dans les résistances qui doivent s’organiser et s’organisent déjà.

Comment la CGT pourrait-elle faire le choix de l’attentisme, de l’hésitation, de débats aux préoccupations existentielles comme on le suggère quand l’urgence sociale commande de prendre des décisions ?

Ne faut-il pas tirer les leçons de la période récente ? Par exemple, comment s’étonner que des comportements condescendants vis-à-vis des Gilets jaunes aient provoqué de leur part une certaine suspicion, parfois la conviction de son inutilité à l’égard du syndicalisme. Ainsi, plutôt que d’encourager l’action commune, n’a-t-on pas, au nom du syndicalisme rassemblé, préféré faire le choix de se rallier à la ligne de la CFDT dont le «macronisme» est assumé. Ainsi le syndicalisme s’est enfermé dans des certitudes et des postures qui, au final, ont permis au pouvoir de rebondir et de manœuvrer.

Persévérer dans la voie qui a précédé le 52e Congrès serait donc faire le choix de nouvelles déconvenues. Sans sursaut nécessaire, la situation de la CGT en interne s’aggravera avec la perspective de nouvelles tensions, des conflits, de mises à l’écart. Persévérer dans cette voie, serait prendre le risque d’un nouveau préjudice pour celle-ci. Il faut s’y opposer !

Comment? Il ne saurait y avoir d’autres solutions ni alternatives que d’assumer les responsabilités que la situation exige. D’autant plus que, si les risques existent, les possibilités le sont également, tant les attentes et les disponibilités sont fortes.

Adopter une attitude faite d’expectatives serait stérile et improductive. On ne saurait s’accommoder des déclarations d’intentions, de l’irrésolution, de la perplexité. Il faut au contraire, et sans tarder, proposer et mettre en débat dans les entreprises une orientation de combat, des objectifs et des mots d’ordre précis. C’est-à-dire avec un contenu clair et unitaire, une volonté, un programme intelligible qui contribue au développement d’actions coordonnées, professionnelles, interprofessionnelles et transversales afin d’exercer une pression maximum par le blocage de l’économie à travers des formes d’actions et des initiatives qui permettent la durée. Seule une mobilisation déterminée depuis les entreprises peut contribuer aux avancées, il n’en est pas d’autres. Cela doit être le postulat de départ à toute ambition de reconquête. Il en faut la volonté politique ! Il faut donc y contribuer, l’alimenter, y compris même à contre-courant !

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Le contexte général et celui propre à la CGT place le syndicalisme face à des responsabilités inédites. Celui-ci doit les assumer! Si le mouvement des Gilets jaunes a contribué à une prise de conscience, il a aussi donné du sens et du contenu à l’action collective, au besoin de faire preuve de ténacité, en favorisant les solidarités intergénérationnelles, d’encourager l’action des urbains et des ruraux, du privé comme du public, comme de rechercher des convergences en faveur de choix de société. C’est ce qu’a montré d’ailleurs la 3e Assemblée nationale des Assemblées des Gilets jaunes de Montceau-les-Mines[46] pour laquelle c’est bien le capitalisme et rien d’autre qui est la cause des problèmes que rencontrent les gens. Dans leur déclaration la troisième Assemblée a ainsi appelé à «une convergence des luttes sociales, démocratiques et écologiques»[47]et au retrait pur et simple du projet de réforme des retraites.

Si nous partageons ce constat, ne faut-il pas en tirer les conséquences, partout, et d’abord à partir du lieu de travail, là où la contradiction capital/travail se noue? Au regard de la permanence, de la continuité du mouvement social, de sa durée, a-t-on pris toute la mesure du changement qualitatif des consciences, des disponibilités comme des nécessités qu’elles impliquent. Elles  ouvrent des perspectives nouvelles !

Faut-il s’accommoder des sentiments d’impuissance et d’incompréhensions qui souvent font place au mécontentement et au désengagement. Faut-il se taire ou ignorer quand l’on entend: « Ca ne peut plus durer comme ça dans notre CGT !»

Ne faut-il pas plutôt s’impliquer autrement, voire si nécessaire, se remettre en cause, faire preuve de lucidité, anticiper, ne pas subir. Pourquoi le syndicalisme devrait-il déserter les responsabilités qui sont les siennes, suivre l’air du temps, se soumettre à l’idéologie dominante[48].

7- Passer des intentions aux actes!

Le clivage se banalise, il n’y a en effet aucune position commune ni recherche d’une position commune sur l’interprétation et la promotion des statuts fondateurs qui sont ceux de la CGT, aucune sur la nature de la crise, le sens donné à la mondialisation capitaliste et aux stratégies néolibérales, aucune sur le programme revendicatif, aucune sur la stratégie des luttes pour gagner, aucune sur la proposition d’actions et de grèves visant le blocage de l’économie et des profits, aucune sur le sens à donner à la grève générale[49], aucune sur les rapports avec les autres organisations syndicales, et en particulier la CFDT, aucune sur le concept de ‘syndicalisme rassemblé’, aucune sur la relation au mouvement populaire comme c’est le cas avec les Gilets jaunes, aucune sur la dimension politique et idéologique de l’action de la CGT et donc aucune sur quel projet de société pour rompre avec le capitalisme, aucune sur l’Europe, aucune sur les affiliations internationales, aucune sur le rôle et la nature des structures dans la CGT, aucune sur la place et le rôle des régions, des fédérations, aucune sur la finalité des unions départementales et des unions locales et, par dessus tout, aucune sur le rôle déterminant du syndicat d’entreprise, aucune sur le fonctionnement de la confédération, aucune sur le contenu et la place de la propagande, aucune sur la teneur de la formation syndicale et donc aucune sur la politique et le rôle des cadres syndicaux, etc.

La situation exige de dépasser les défaillances, la paralysie, les manœuvres dilatoires, les manquements, les faux-fuyants qui veulent temporiser!

Car, faudrait-il prendre acte de ces nombreux désaccords et continuer comme si de rien n’était? Cela n’est pas concevable!

Il est donc indispensable d’encourager partout à ce que l’on s’assume, à ce que l’on prenne la parole, que l’on se réapproprie le débat, que l’on s’attache à donner du contenu aux analyses, à ce que l’on clarifie et que l’on détermine collectivement les objectifs des mobilisations et les moyens d’y parvenir.

La recherche de cette efficacité ne peut se faire sans “un cadre approprié” qui permette cette impulsion en faveur d’initiatives concrètes comme ce fut le cas pour l’action gilets jaunes/gilets rouges du 27 avril 2019[50]. Celui-ci doit être animé à partir d’organisations représentatives, il exige moyens matériels et militants, expressions, publications, formation pour encourager partout à la prise d’initiatives collectives et en premier lieu dans les entreprises.

Ce sont les militants et les syndiqués, les syndicats qui sont et seront toujours déterminants car ils sont dépositaires de l’unité et de la cohésion de la CGT.  C’est cette démarche qui doit guider chacun et chacune dans un esprit fraternel. La CGT a besoin de tous et de toutes, il faut la rassembler et non pas la diviser, il faut lui donner les moyens de prendre la parole et de passer à l’offensive !

Il faut entendre et tenir compte d’attentes qui sont fortes. On veut être entendu, pour décider et agir. Il ne saurait pas y avoir ceux qui décident et ceux qui appliquent. La CGT n’est pas la propriété de quelques-uns, elle appartient à tous et toutes. C’est le fait d’avoir pris une distance avec de telles exigences pourtant simples et évidentes qui a ouvert des brèches dans l’unité sans laquelle il est illusoire de vouloir construire un projet syndical de notre temps.

Le combat pour l’unité de la CGT est devenu un combat prioritaire. Mais celle-ci ne saurait pas être l’addition de positions et d’approches différentes. Ce combat exige la clarté des objectifs que l’on se fixe et, pour cela, il doit écarter les ambiguïtés tout comme les renoncements. Il doit valoriser par des actes et une volonté commune le sens donné à la confédéralisation.

Il ne s’agit pas plus de sauver les apparences ou devenir une forme de SAMU (service secours) syndical CGT. Il s’agit de construire une alternative, une issue permettant les convergences indispensables à un rapport de force pour gagner, ce qui suppose aussi de se donner la direction confédérale dont l’on a besoin pour ce faire.

La CGT doit réaffirmer clairement son anticapitalisme et son anti-impérialisme qui sont à la base de son identité de classes.Elle doit réaffirmer son choix en faveur de la socialisation des moyens de production et d’échange, sans lequel il est vain de mettre un terme à l’exploitation capitaliste[51].Une vision de progrès social, passe par le changement des structures de propriété, nationalisations, planification, promotion sociale, valorisation de la science et de la culture, sécurité sociale. Comme ce fût le cas en France avec la mise en œuvre du programme du conseil National de la Résistance de mars 1944(CNR)[52]

Aujourd’hui, l’existence et l’activité mondialisée de grands groupes industriels et financiers imposent une véritable dictature aux entreprises sous-traitantes  comme à une toute autre échelle aux États, aux peuples et aux travailleurs. Cela renvoie à la convergence d’actions et d’intérêts entre salariés et donc également au besoin de rompre avec un néolibéralisme prédateur qui sacrifie l’intérêt national à ses exigences de profit immédiat comme on peut le voir dans le conflit Alsthom/General Electric ou celui d’Aéroports de Paris.

On ne peut résoudre les problèmes par les compromis ou les clivages qui figent les positions. La CGT doit retrouver sa cohésion et son unité pas en soi, mais au service d’un programme et d’une action.

Pour cela, cinq objectifs doivent être clarifiés de manière concrète, il faut en débattre ! :

I- Quelle stratégie pour des luttes gagnantes.

Comment contribuer à élargir l’opposition à la politique du Capital en multipliant et coordonnant les luttes à partir d’objectifs communs et offensifs pour permettre à nouveau des avancées réelles, et donner confiance. On ne saurait pas faire le choix de luttes sectorielles coupées les unes des autres, sans cohérence, des actions «saute mouton», des journées sans lendemain à la programmation incertaine.

Par conséquent, il n’y a pas d’autres choix que de construire par en bas, depuis les syndicats d’entreprises, un projet qui restitue la CGT à ses syndiqués et ses militants. Pas un projet en soi et pour soi mais un projet lisible et partagé, mêlant des temps d’actions professionnelles et des temps interprofessionnels de grèves et de manifestation. Il s’agit, par des explications, de permettre un combat de résistance de longue durée face au Capital. Cette démarche doit intégrer un projet politique de changement de société. Pas l’un sans l’autre, c’est là un problème de cohérence! Cela doit se faire par la discussion, l’étude, la lecture, la formation, la prise de responsabilités, la prise en charge et la mise en œuvre de valeurs et de principes. Ceux que toute une histoire prestigieuse a façonné et qui contribuent à la fierté d’être la CGT.

La meilleure solidarité est celle que l’on pratique en organisant la lutte là où l’on se trouve. L’objectif doit être d’unir par l’action et transversalement à travers des engagements communs concrets, intelligibles et solidaires pour tous, public et privé, dans une coordination étroite de l’interprofessionnelle et du professionnel. Les unions locales ont un rôle déterminant et stratégique pour y contribuer.

L’action doit se construire pour contraindre les entreprises, par le blocage de l’économie et de leurs profits, à travers les circuits de distributions stratégiques, celui des transports, des raffineries, des péages, des voies de circulation, les plates-formes logistiques, des centres d’approvisionnement comme les Marchés d’intérêt nationaux (MIN), les services publics. La lutte ne peut se construire que sur la durée et sur une base commune permettant d’engager de manière tournante toutes les professions, les secteurs d’activités, localement, départementalement, régionalement, nationalement. Pas les uns sans les autres. Cela doit se faire sans délégation de pouvoir. La solidarité internationale doit aussi en être une dimension, et singulièrement en Europe.

II- Un programme de lutte de classes doit prendre le contre-pied de la logique du Capital.

Il suppose des objectifs clairs et rassembleurs.

Le combat pour les retraites peut contribuer à mobiliser largement. Il faudra pour cela être précis, en particulier s’agissant des régimes spéciaux. Il faut avoir l’ambition d’un régime de retraite de haut niveau permettant de déboucher sur une conquête et non sur la position défensive et corporatiste qui consiste à maintenir “des avantages acquis” qui d’ailleurs ne le sont pratiquement plus du tout. On ne saurait sur un tel objectif additionner des luttes différentes revendiquées par tel ou tel secteur. Car cela ne serait plus une lutte interprofessionnelle, ni la recherche de convergences, mais une fois encore “la coïncidence des luttes”.

-Abrogation des lois Macron, Rebsamen, El Khomri qui remettent en cause les garanties collectives (socle des conventions collectives et statuts)

– Retrait des réformes et restructurations annoncées (SNCF, EDF, Fonction publique, éducation nationale, santé publique)

-Suppression des exonérations des cotisations sociales et mise à contribution des revenus du Capital au même taux que les revenus du travail. Retour de l’ISF. Mettre fin aux 4 000 dispositifs de détournement des richesses, notamment le nouveau CICE et le CIR.

-Financement de la Sécurité sociale par l’augmentation des cotisations patronales et non l’impôt (CSG), retour aux élections des représentants des assurés sociaux.

-Rétablissement du caractère obligatoire et sans dérogations du code du travail et des conventions collectives

-Augmentation des salaires point d’indice et pensions sur la base d’un SMIC à 1 800 euros.

– Embauche immédiate avec 32 heures hebdomadaires.

– Égalité professionnelle hommes et femmes.

– Retraite solidaire à taux plein à 60 ans, prise en compte des années d’études, 55 ans pour les métiers pénibles.

– Maintien et développement d’une industrie nationale et de services publics répondant aux besoins de la population et non au dogme de la rentabilité.

– Réappropriation sociale et publique des entreprises ayant une importance stratégique pour garantir l’intérêt commun.

-Reconnaissance et élargissement du fait syndical et politique sans restrictions dans les entreprises privées comme publiques, les localités, les départements, les régions.

– Abandon des fermetures des bourses du travail comme des mesures sur la représentation syndicale et la taxation des syndicats. Rejet de toutes les poursuites judiciaires contre des syndicalistes, Gilets jaunes, militants antiracistes et internationalistes comme ceux du Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS) Palestine.

III- Mener une intense bataille d’idées.

En premier lieu sur les causes du caractère systémique de la crise capitaliste et pas seulement sur ses conséquences. Ensuite, sur le contenu des solutions et des issues à partir des arguments réfutant les formules ambiguës, les contenus équivoques, celles dépendantes de l’idéologie dominante ou de l’air du temps. Par exemple, on sous-estime grandement cette colonisation du langage qui s’est imposée progressivement dans le vocabulaire syndical et dans celui de la CGT : -les terminologies, les anglicismes, « le globish »[53], les concepts imposés par le marché et le néolibéralisme comme: travail décent, cahier des charges, chefs de projets (comme on peut le lire dans les avis de recrutement de la CGT), équité en lieu et place d’égalité, bonne gouvernance, global au détriment d’international, client et usager, progressisme, dérégulation, développement durable, etc.

Ne faut-il pas encourager les publications décentralisées d’ateliers et de bureaux, de syndicats d’entreprises comme d’établissements scolaires, d’unions locales en leur donnant prioritairement les moyens matériels, financiers et humains pour une prise en charge par les militants et militantes eux-mêmes de l’expression de leur orientation, de valorisation de leurs initiatives et actions ?

Les syndicalistes de la CGT ont besoin d’une revue d’action comme ce fut la préoccupation première des fondateurs de La Vie Ouvrière. C’est ce qu’exprima avec force leur déclaration-manifeste d’octobre 1909. Aujourd’hui, ce besoin est identique ! «Une revue qui rende service aux militants au cours de leurs luttes, qu’elle leur fournisse des matériaux utilisables dans la bataille et la propagande et qu’ainsi l’action gagnât en efficacité et en ampleur. Nous voudrions qu’elle aidât ceux qui ne sont pas encore parvenus à voir clair dans le milieu économique et politique actuel, en secondant leurs efforts d’investigation. Nous n’avons ni catéchisme ni sermon à offrir»[54]. Pierre Monatte[55] et ses camarades voulaient « une revue différente : une revue d’action, coopérative intellectuelle, transparence financière, en étaient les trois caractéristiques essentielles»[56]. Il faut créer, faire vivre et développer une démarche semblable à travers une publication, en lui donnant les moyens de répondre à ces besoins.

Le phénomène de désyndicalisation lié à la perte de repères, de moyens de réflexions de plus en plus souvent confiés à d’autres, d’abandon de l’étude personnel le et collective, de la lecture, de la transmission des connaissances. Il y a donc urgence à donner ou redonner des instruments d’analyse fondés sur les principes, les valeurs, qui sont ceux historiquement de la CGT, afin de continuer à forger son identité de classe et assurer la transition militante avec les nouvelles générations de cadres syndicaux. C’est là une responsabilité essentielle. Il faut pour cela engager une intense bataille de formation syndicale de masse en privilégiant une analyse de classe familiarisant les cadres syndicaux avec les principes d’économie politique, d’histoire, de philosophie, de connaissances des enjeux et rapports de forces internationaux, de culture.  Il faut pour ce faire une révision, une mise à plat et l’élaboration de programmes de formation permettant, en fonction des besoins, la mise sur pied à tous les niveaux et depuis l’entreprise, d’un vaste projet d’éducation populaire assumé par des cadres dirigeants de la CGT formés à cet effet.

Contribuer au renforcement et au développement des unions locales, dont la représentation et la crédibilité sont si décisives. Les 800 unions locales de la CGT mériteraient d’être privilégiées, réunies, entendues, renforcées prioritairement en cadres syndicaux pour contribuer à la nécessaire impulsion du travail syndical vers les entrepriseset au renforcement de la CGT, comme “les initiatives cartes CGT en mains”[57]de la fin des années 70. Par leurs positions stratégiques, leurs moyens, les unions locales  sont l’une des clefs des mobilisations nécessaires.

IV- La stratégie de syndicalisme rassemblé

Dans les faits, cette formule relève de l’incantatoire, elle ne correspond à aucune sorte de réalité ou pratique sur les lieux de travail[58] et plus, après l’accord de principe donné par Laurent Berger au projet du gouvernement de casse des systèmes de retraite. Si ce dernier est cohérent avec la démarche et les objectifs défendus par la CFDT et la CES, comment la CGT pourrait elle justifier son soutien au « syndicalisme rassemblé » et son appui à la CES? Il ne s’agit plus de trahison en cours d’action de la part de la CFDT comme ce fut le cas par le passé, mais cette fois encore l’abandon est proclamé en amont, elle apporte en l’occurrence un appui non dissimulé aux orientations de Macron et de l’Union européenne. Se taire à ce sujet serait la énième tentative pitoyable de justifier la faillite d’une démarche syndicale que pourtant certains persistent à défendre.

En fait, le « syndicalisme rassemblé » masque de plus en plus mal les abandons stratégiques soutenus par une partie de la CGT comme l’ont montré les déclarations communes sur le dialogue social, la critique du mouvement des Gilets jaunes, le ralliement à l’intégration européenne et aux côtés de la CFDT la défense inconditionnelle des positions macronistes sur le «progressisme» au sens malhonnêtement détourné opposé au «nationalisme».[59] Le soutien en forme d’allégeance apporté au Secrétaire général de la CFDT pour la présidence de la CES comme l’alignement sur les positions internationales du réformisme syndical en sont la preuve. Ce recul des positions indépendantes de la CGT n’est pas étranger à sa perte d’influence et donc de crédibilité. La CGT fait le choix systématique de s’effacer. Il faut donc impérativement mettre en lumière ce qui distingue une conception syndicale de classe d’une conception réformiste et de collaboration de classes, faire la clarté systématique sur ce point est un impératif.

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Il faut clarifier les positions de chaque organisation afin que les travailleurs puissent se déterminer en toute clarté. Dans les faits, cela suppose de mettre un terme au concept de syndicalisme rassemblé. Ce qui doit être visé, c’est l’unité des travailleurs, pas l’addition des sigles syndicaux, de surcroît sur des positions contestables.

 V- La CGT doit réaffirmer le contenu de son internationalisme!

Cela exige de donner un contenu clairement anticapitaliste et anti-impérialiste à son action. Sur de nombreux points, sinon pour l’essentiel, les organisations syndicales internationales défendent des positions opposées, qu’on ne saurait réduire à l’affiliation de tel ou tel membre. Une réalité distingue clairement la différence des positions de la CSI de celle de la FSM. Il n’y a pas une, mais deux organisations syndicales internationales. Il faut donc raisonner à partir des positions réelles et non supposées, des actes, des initiatives, de la représentativité.

Une affiliation internationale ne saurait pas être un choix formel indépendant des positions réelles. La question se pose donc de la compatibilité des principes et orientations de la CGT avec celles-ci. De qui internationalement ses syndicats se sentent-ils les plus proches? Il faut leur donner les moyens d’apprécier, de juger en toute clarté pour décider et prendre toutes initiatives en ce sens. Le fédéralisme garantit le libre choix de chaque organisation de la CGT, et ce depuis l’entreprise, comme il ne saurait s’opposer à la double affiliation comme cela est admis dans le mouvement syndical international.

Personne ne saurait prétendre seul être en mesure de confronter les défis et enjeux internationaux. Il faut donc faire converger les actions, elles existent mais sont trop souvent ignorées. Le débat dans la CGT existe également dans d’autres confédérations, en Europe et ailleurs. Il faut donc avoir l’ambition de rassembler les secteurs critiques et de luttes dans un esprit disponible, savoir se saisir des opportunités, occuper l’espace qui s’est ouvert. Le dialogue doit être engagé avec tous, indépendamment des affiliations internationales et sans ostracisme, mais toujours avec l’objectif de contribuer aux luttes de classes à l’échelle mondiale. On ne saurait se satisfaire d’engagements formels et superficiels, tout doit contribuer à faire grandir un rapport des forces au service des peuples et des travailleurs.

Ce nécessaire débat doit aussi se poursuivre dans la CGT après les décisions du congrès confédéral d’écarter toute forme d’exclusive dans ses relations internationales. La référence à la FSM dans les documents d’orientation n’a pas clos le débat, il convient d’en tirer les conséquences pratiques. Plusieurs organisations de la CGT, dont récemment l’Union départementale CGT des Bouches du Rhône, ont fait le choix de rejoindre la FSM[60], et de développer des coopérations de lutte avec ses affiliés. D’autres organisations s’apprêtent à le faire. Il faut en débattre sans idées préconçues et avec l’objectif de partager les expériences et, chaque fois, pour agir ensemble.

Il faut donner au combat pour la paix et le désarmement le contenu qu’il mérite dans la clarification des responsabilités et des menaces qui pèsent sur le monde avec le risque d’un 3e conflit mondial.  C’est ce qu’illustre la décision unilatérale des Etats-Unis de quitter le « traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire » conclu en 1987 entre les USA et l’URSS.[61]. La Fédération des Industries chimiques CGT en assumant ses responsabilités a, en décembre 2018, été à l’initiative d’une importante conférence internationale qui a tracé des perspectives et donné une urgence à ce combat de toujours de la CGT.

Comme syndicat internationaliste, la CGT doit refuser les conditionnalités, le «double standard»[62]comme elle le pratique à l’égard de certains gouvernements et pays que l’impérialisme cherche à déstabiliser, les ingérences de toute nature, l’intégration supranationale et lutter pour un syndicalisme international réellement indépendant, sans exclusive, avec toutes les forces qui  luttent pour la justice sociale, la paix, pour le respect de la souveraineté et pour peser en faveur d’un multilatéralisme de progrès. Cela exige de lutter prioritairement contre la politique impérialiste et prédatrice du gouvernement français, sa vassalisation à la stratégie de domination US, son soutien à Israël et aux pétromonarchies criminelles, les abandons de notre souveraineté nationale comme le préconise la CES. Le soutien de celle-ci à la politique réactionnaire de l’Union européenne doit être dénoncé car elle constitue un obstacle au développement des luttes sociales[63].

 10- Contribuer au renouveau syndical de classe de la CGT.

Le syndicalisme doit changer, c’est une évidence, mais il ne saurait le faire en soutenant les renoncements sur lesquels on veut entraîner la CGT en la contraignant à faire le choix d’un réformisme syndical en faillite! Les travailleurs doivent savoir où se situe la CGT et à quoi elle sert. Car on ne le sait plus vraiment! Il est donc impératif que ses syndiqués, ses militants, les travailleurs se réapproprient leur CGT, à tous les niveaux de son organisation, sans confondre les échéances, sans dogmatisme, sectarisme ou nostalgie.

La CGT leur appartient collectivement et ils doivent en décider. C’est sans doute pourquoi il faudra pour l’avenir plus construire que reconstruire. A ce prix seulement, la CGT retrouvera la voie qui doit être la sienne, celle des fondateurs du syndicalisme révolutionnaire, de cette CGT indépendante parce que de classe, démocratique et réellement internationaliste pour qu’enfin «l’émancipation des travailleurs soit l’œuvre des travailleurs eux-mêmes»[64].

Ce qui est à l’ordre du jour, c’est avec la force de nos convictions avec confiance, travailler collectivement à relever ce défi en faveur d’un renouveau syndical de classe. Il faut s’en donner les moyens en faisant preuve de volonté nécessaire, d’esprit d’initiatives pour que, quelle que soient les circonstances, être en mesure d’assumer toutes nos responsabilités.

Jean-Pierre Page
juillet 2019

jean.pierre.page@gmail.com

[1]                       Karl Heychenne, « Deutsche Bank, effet papillon ou effet bretzel  », Defend Democracy press, 10 juillet 2019

[2]                     Ver.di est une fédération syndicale allemande (services publics, banques, assurances, transports, commerce, médias et poste). C’est la plus grande fédération syndicale au monde, elle compte 3 millions d’adhérents, elle est plus puissante que la fédération de la métallurgie IG.Metall. Elle est affiliée au DGB et à la CES.

[3]                     « La restructuration de la Deutsche Bank, une stratégie eyes wide shut  », La Tribune, 18 juillet 2019.

[4] L’implication des services d’intelligence US a été révélée tout comme celle du « National Endowment for Democracy  » mis en place par Ronald Reagan en 1983 pour compléter l’action de la CIA. Le NED est financé directement par l’administration US et de grandes sociétés comme Goldman and Sachs, Google, Boeing. La fondation « OPEN Society » aussi très active à Hong Kong est celle de l’escroc milliardaire Gorges Soros, financier des révolutions de couleurs. Voir « Nouvelle attaque de la CGT contre la CGT »Jean-Pierre Page, Le grand soir, 23 août 2019.

[5]                     Ruptures, 28 juin 2019

[6]                     « Qui contrôle l’Eurasie, contrôle les destinées du monde  », notes de la revue Analyse Géo politique, aout 2014

[7]                     « La croissance française devra ralentir plus que prévue en 2019», La Tribune 11 juin 2019.

[8]              « le montant des dividendes versés aux actionnaires. »Le Figaro économie, 19 août 2019.

[9]                     « 65% des français ont déjà renoncé à partir en vacances  » Le Point, juin 2019.

[10]                  « Justice pour Steve », RT France, 30 juillet 2019

[11]                  « Nous sommes Adama Traoré  », déclaration du «Mouvement 17 novembre », 27 juin 2019.

[12]                  CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada. « Opposition dans le groupe LREM  », Le Monde , 24 juillet 2019

[13]                  Sondage IFOP publié par Atlantico, mars 2019.

[14] Déclaration commune B7 (entreprises) etL7 (syndicats), Business Summit Biarritz 2019.

[15]                  Jean-Pierre Page, CGT – Pour que les choses soient dites ! » Delga, Paris, juin2018

[16]                  52e Congrès Confédéral de la CGT, du 13 au 17 mai 2019, Dijon.

[17]                  46e Congrès Confédéral de la CGT, Strasbourg, 31 janvier au 5 février 2000. Ce congrès fut marqué par l’élection de Bernard Thibault comme Secrétaire général de la CGT, en présence de Nicole Notat, Secrétaire générale de la CFDT et d’Ernesto Gabaglio, Secrétaire général de la CES et d’un secrétaire de la CISL/CSI (Confédération internationale des Syndicats libres).

[18]                  En référence à l’Appel à la manifestation nationale du 27 avril 2019, à l’appel de plusieurs fédérations et unions départementales de la CGT, des Gilets jaunes, de La France Insoumise, du PCF, du PRCF, de l’ANC…

[19]                  « Défendons la CGT », un appel de militants au moment de la crise de direction de la CGT et de « l’affaire Lepaon », 15 décembre 2014.

[20]                  « L’Europe que nous voulons  », déclaration commune CGT, CFDT, UNSA, CFTC, FO et DGB d’Allemagne, 9 novembre 2018, www.cfdt.fr

[21]                  « Pour un internationalisme en acte  », Contribution collective au 52e congrès de la CGT avec les signatures notamment d’ancien dirigeants de la CGT comme Alain Guinot, Jean-Louis Moynot, Gérard Billon, Syndicollectif, 6 mai 2019.

[22] CSI : En 2006 elle a succédé à la CISL (Confédération Internationale des Syndicats Libres) résultat de la scission de la FSM en 1949, sur injonction des Etats-Unis. Anticommuniste, elle admet que le capitalisme est une fin de l’histoire, elle soutient les objectifs géopolitiques du camp occidental. Dans les années 60/70 elle a apporté son soutien actif aux dictatures militaires en Amérique Latine ou en Corée aux côtés de la CIA. Parmi ses affiliés on trouve l’AFL-CIO des USA, la Histadrut d’Israël, la GSEE de Grèce, le DGB d’Allemagne, la KFTU de Corée ou le Rengo Japonais. Son récent congrès de Copenhague en décembre 2018 a été marqué par d’importantes divisions. Son action demeure très institutionnalisée. Elle impose son contrôle contre tout respect du pluralisme syndical au sein de l’OIT, dont le directeur général est son ancien secrétaire général. Elle revendique 207 millions d’affiliés. La CGT a rejoint ses rangs en 2006, sans véritable débat dans ses rangs.

[23]                  Bernard Thibault, « La CGT dans le syndicalisme européen », Le Monde, 19 avril 2019

[24]        NDLR. La FSM est l’Internationale syndicale qui regroupe les syndicats d’orientation anticapitaliste et anti-impérialiste. En 1949, elle se divisa sous la pression des partisans de la guerre froide et du plan Marshall qui étaient soutenus financièrement et politiquement par les Etats-Unis à travers l’action de la CIA, de l’AFL, du CIO puis de l’AFL-CIO. Elle a été fondée en 1945 par les confédérations des pays victorieux du fascisme Elle avait connu un recul après la dislocation du camp socialiste. Aujourd’hui elle compte près de 100 millions d’affiliés dans 130 pays sur les 5 continents. Son retour au sein du syndicalisme international est indiscutable. Elle est structurée par bureaux régionaux et branches professionnelles (UIS). Elle compte dans ses rangs d’importantes confédérations comme le CITU de l’Inde, la CTB du Brésil, la PAME de Grèce, la COSATU d’Afrique du Sud, la CTC de Cuba, des Confédération Libanaise, Syrienne, Iranienne, Palestinienne, Chypriote, d’importantes fédérations comme celles de la CGTP.In du Portugal, de la CGT de France, des cheminots britanniques ou de la très combative et influente fédération de la construction, mines énergie d’Australie. (CFMMEU). Elle s’est implantée récemment aux USA. Elle maintient d’importantes relations avec la Fédération des syndicats de Chine, des organisations comme l’OUSA la confédération unitaire des syndicats africains ou la CISA des syndicats arabes. Elle siège dans les institutions internationales du système onusien.

[25]                  « La CFDT veut développer un syndicalisme de service », Le Figaro, 5 novembre 2015.

[26]                  « Le syndicalisme de services, un modèle peu compatible en France », Le Point, 10 aout 2010

[27]                  « Vers un syndicalisme de services », Institut Montaigne, 26 mai 2014,

[28]                  « Macron, par delà les corps intermédiaires », Le Figaro, 22 février 2019

[29]                  « Le syndicalisme de services, une piste pour le renouveau des relations sociales », Centre d’Analyses stratégique, 4 aout 2010.

[30]                  Fernando Schüller de MPS/Atlas Network, cité par Tamara Kunanayakam in « Sri Lankan sovereignty no negotiable  », The Island, 24 juin 2018 et Kathka 19 juin 2018.

[31]                  Myriam el Khomri ministre du travail de François Hollande, co-auteur avec Emmanuel Macron de la loi de destruction du code du travail.

[32]                  Taxation des syndicats, courrier de Philippe Cordat, Secrétaire général de l’Union régionale Centre-Val de Loire au Bureau Confédéral de la CGT, 9 juillet 2019.

[33]                  14e Congrès de la CES Vienne, 21 au 24 mai 2019.

[34]                  Interview commune Laurent Berger CFDT et Philippe Martinez CGT, Editions Législatives, 24 mai 2019.

[35]                  « Laurent Berger élu à la tête de la CES », Le Monde, 24 mai 2019.

[36]                  « A Malakoff, création d’un syndicat inter-entreprises », NVO, 26 février 2019.

[37]                  Voir le document de réflexion du 57e Congrès de l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône, 11 au 13 juin 2019, Martigues.

[38]                  Idem.

[39]                  Voir les statuts de la CGT, principes, condition, buts.

[40]                  Christian Dellacherie, ancien secrétaire de Bernard Thibault, « Contribution sur l’état du mouvement syndical  », Syndicollectif, 12 juin 2019.

[41]                  « Ce que préparent les syndicats pour la rentrée sociale », BFM TV, 31 août 2019

[42]            « Une étincelle peut mettre le feu aux poudres » Jérôme Fourquet, le parisien, 18 août 2019.

[43]                  Jacques Attali, « Les Gilets jaunes sont les prémices de ce qui pourrait être une révolution », Europe1, 19 avril 2019.

[44]                  S.M Hali, « PC Gwadar assault », Daily Times, 24 mai 2019 et Elias Groll, « Trump does an about-face on Pakistan-and blanders into the Kashmir dispute », Foreign Policy, 22 juillet 2019.

[45]                  « C’est promis, dès septembre la rentrée sera jaune », La Marseillaise, 24 juillet 2019.

[46]                  Gilets jaunes, Assemblée des assemblées, Montceau-les-Mines, 29 et 30 juin 2019.

[47]                  « Appel à la convergence, et au blocage du pays », Plus de 240 groupes locaux des gilets jaunes a participé à la 3e Assemblée, lire dans Rapports de force, 1er juillet 2019.

[48]           « Le congrès de la CGT, en route vers un basculement conforme à l’idéologie dominante ? » Jean-Pierre Page et Pierre Levy, Le grand soir 16 avril 2019

[49]                  « Le syndicalisme prépare l’émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste, la grève générale et le syndicat comme groupement de résistance et de réorganisation sociale », Charte d’Amiens, 1906.

[50]                  Déjà cité note 15.

[51]                  A la fin des années 90, la CGT a abandonné le concept de « socialisation des moyens de production et d’échange  » dans ses statuts.

[52]           Le programme du CNR adopté par les mouvements de la résistance à l’occupant nazi prévoyait dès 1944 un ensemble de mesures sociales et économiques à appliquer immédiatement*à la libération du territoire ».

[53]              « Nouvelle attaque de la CGT contre la Chine » voir à ce sujet le commentaire du Grand Soir (LGS), 21 août 2019.

[54]                  La Vie Ouvrière, déclaration de couverture du premier numéro le 5 octobre 1909, dans Colette Chambelland, « La Vie Ouvrière (1909-1914) », Cahiers Georges Sorel, 1987.

[55]                  Pierre Monatte (1881-1960), ouvrier correcteur d’imprimerie,  fondateur de La Vie Ouvrière, figure du syndicalisme révolutionnaire, dirigeant de la CGT.

[56]                  Colette Chambelland, « La Vie Ouvrière (1909-1914) », Cahiers Georges Sorel, 1987

[57]                  La CGT avait impulsé alors une importante action nationale de recrutement et d’organisation, illustrée par un déploiement aux portes et dans les entreprises, les zones d’activités et industrielle, dirigeants syndicaux en tête pour encourager au renforcement de la CGT et à la création de base syndicales.

[58]                  « Philippe Cordat, « Pour vaincre la régression sociale », dans Camarades, je demande la parole, Investig’Action, 2016.

[59]                  Interview commune Laurent Berger et Philippe Martinez au Congrès de la CES, Editions Législatives, 24 mai 2019.

[60]                  La décision a été prise par 90% des 670 délégués du 57e Congrès de l’Union départementale à Martigues le 13 juin 2019 en présence de Georges Mavrikos, Secrétaire général de la FSM.

[61]                  Nicolas Gaoutte et Barbara Starr, « Pentagon to test new missile as pulls out of nuclear treaty », CNN, 1er aout 2019.

[62] « Il y en assez du double standard » Interview de Patricia Rojas ancienne Ministre des Affaires Etrangères du gouvernement Zelaya au Honduras cité

par Maurice Lemoine, Mémoires de luttes, juillet 2019.

[63]                  « La CES félicite Jean-Claude Junker pour avoir sauvé l’Europe sociale », Agoravox, 4 juin 2019

[64]                  Karl Marx,  Statuts de l’Association internationale des travailleurs (AIT), 1864.