Par Danielle RIVA
C’est un coup dur pour le peuple italien. Ce dernier épisode devrait peut-être sonner la fin d’un processus qui a vu, gouvernement après gouvernement s’installer et se développer la décomposition d’un système politique de plus en plus parcellisé, contraint à la formation de coalitions, mais qui toutes – depuis la fin du Bipartisme démocratie-chrétienne/parti communiste, de la libération aux années 1980, et quels que soient les gouvernements – n’ont eu comme politiques que celles dictées par Bruxelles.
Le succès de « Fratelli d’Italia » (qui sont les premières paroles de l’hymne national italien) – 26 % va porter Meloni au poste de Président du Conseil (Premier ministre). Succès invraisemblable, pour un parti qui n’avait recueilli en 2018 que 4,35%. Mais le système italien fait qu’elle ne peut gouverner seule sans cette alliance de la carpe et du lapin avec :
- La Lega de Salvini (militant d’un séparatisme de la « Padana », un régionalisme mythifié des régions du Nord de la vallée du Po et représentant de leur petit patronat industriel familial très dynamique qui fait encore la richesse de l’Italie), qui perd la moitié de ses voix : 8,77% (17,35% en 2018)
- et Forza Italia d’un vieux Berlusconi toujours aussi toxique – antérieurement 3 fois Président du Conseil dans les années 1990/2000, représentant du grand patronat italien de la « Confindustria », affairiste mafieux qui a fait sa fortune dans l’immobilier et les medias, presse et surtout télévisuels, aux frasques sexuelles qui ont défrayé le pays, mais surtout qui traine derrière lui de nombreux procès sur l’origine de sa fortune, ses pratiques commerciales et l’obscurité de certaines de ses relations politiques qui sentaient la Mafia – qui a subi la même mésaventure que Salvini : 8,11% (14% en 2018)
La coalition « centre droit » enregistre donc 43,77% (37% en 2018) avec un gain de plus de 6% dans un paysage politique bouleversé et 35% d’abstentions, le plus gros score réalisé en Italie. 235 sièges à la Chambre sur un total de 400. Au Sénat elle affiche 113 sièges sur 200. Une courte majorité qui peut lui occasionner quelques difficultés avec le penchant historique des Italiens à contre tourner les majorités.
Un rassemblement autour de Meloni, grâce aux voix qu’elle a pris à ses alliés Salvini et Berlusconi. Est-ce une prime à la femme ? sa jeunesse » ? Ou tout autre chose, une recomposition autour d’une figure de « renouveau d’une droite ultra » qui a tété au sein du fascisme Mussolinien ? Il va falloir attendre quelle va être sa politique réelle.
Quoiqu’il en soit, cet assemblage de bric et de broc semble déjà plombé. Salvini et Berlusconi sont allés chercher Meloni pour leur retour au pouvoir contre la « gauche » mais ils ont fait entrer le loup dans la bergerie qui leur a croqué leur électorat. D’autre part ils sont plutôt russophiles alors que Meloni est atlantiste et soutien l’Otan et la guerre des Ukrainiens. Et bien d’autres divergences peuvent finir par les séparer. On se demande donc déjà combien de temps « l’alliance » va tenir.
Et l’Italie est ainsi faite, que les gouvernements de droite ou de gauche se succèdent à un rythme accéléré. Depuis 2018 l’Italie a connu 3 gouvernements ; depuis 1946, un total de 65 gouvernements !
C’est donc un bricolage qui a malgré tout renforcé l’échec d’une « gauche » qui tombe de Charybde en Scylla. Une gauche social libérale qui a lâché ses amarres sociales et socialistes pour faire campagne pour Draghi, l’ange exterminateur de la commission de Bruxelles.
Qui est Meloni ?
La presse étrangère a immédiatement baptisé cette coalition de « Post-fascisme ». Les Italiens eux, qui s’y connaissent en fascisme, restent prudents, ne parlent que d’une alliance « centre droit », c’est-à-dire : un centre affairiste avec Berlusconi, régionaliste-séparatiste avec Salvini, marqué à droite par l’élection d’une ultra-conservatrice.
Certes Meloni a fait, jeune adolescente, ses classes dans un groupuscule d’obédience mussolinienne.
Bien que les intellectuels et une grande partie des Italiens aient fait leur « travail de mémoire », Mussolini n’est pas une figure maudite pour ceux qui restent nostalgiques, plutôt âgés. Mussolini est pour eux, l’homme de quelques avancées sociales, du redressement du pays, de son unification et sa modernisation : par exemple reviennent toujours les autoroutes ou « l’asséchement des marais Pontins » où sévissait la malaria. Un homme « fort » au service du pays ! Comme le disait Meloni dans sa jeunesse pour expliquer son entrée en politique. Toujours selon eux, il se serait fourvoyé dans cette alliance avec Hitler qui a entrainé le pays dans une mauvaise guerre. Historiquement, Mussolini avait tenté de rester proche de ses ex-alliés de la première guerre mondiale, les Anglais et les Français, les avertissant même du danger que représentait Hitler mais ceux-ci l’ont rejeté assez hautainement (ce qui est historiquement prouvé).
Cependant ces Italiens-là oublient généralement l’autre face du fascisme, son accession au pouvoir par la violence, son bellicisme qui l’a conduit à s’allier avec Hitler et en 1938, dicter les « lois scélérates » contre les juifs, même si Mussolini personnellement n’était pas anti sémite. Il a eu plusieurs maitresses juives, et surtout Margherita Sarfatti qui a été son « pygmalion » en le soutenant financièrement à ses débuts et en l’introduisant dans la « bonne société ». (Sur l’histoire de Mussolini, lire d’Antonio Scurati, chez les Arènes : le premier tome « M » L’enfant du siècle, le 2ème « M » L’homme de la providence, le troisième devrait sortir en 2023, un récit du parcours politique de Mussolini, qui mêle fiction et documents historiques)
Le fascisme de Meloni ?
Peut-on traiter Meloni de fasciste ? La décrire comme Post-fasciste et non néo-fasciste, est la preuve d’une difficulté à la dire tout simplement fasciste. Parce que le fascisme a une histoire ; c’est une histoire italienne. « Le fascisme », pour la majorité des Italiens, reste le « ventenne » une courte phase politique et tragique de l’Italie qui a duré 20 ans dans des circonstances historiques exceptionnelles.
La guerre de 1914/1918 contre l’Allemagne et l’empire austro hongrois qui avait annexé la Vénétie et la Lombardie a coûté cher en vies italiennes. Ensuite à l’exemple de la Révolution russe en 1917 et sous l’influence d’un socialisme et d’un anarchisme puissants dans la paysannerie et les ouvriers de l’industrie naissante, les terres de la vallée du Po et les usines du Nord ont été occupées de 1919 à 1920. Gramsci a théorisé ce mouvement, dans l’Ordine Nuovo. Pour lutter contre cet embryon de révolution, les propriétaires de terres et les industriels ont fait appel à des « faisceaux de combat », d’anciens soldats désœuvrés qui devinrent la base d’une nouvelle force politique créé à Milan en 1919 par Mussolini, ancien rédacteur en chef du journal socialiste pacifiste « l’Avanti ». Grâce à des subsides venant des Français, Mussolini quitte « l’Aventi » pour fonder un autre journal « il popolo d’Italia » dans lequel il prôna l’interventionnisme de l’Italie dans la guerre contre l’Allemagne et ses alliés, avec une violence exacerbée par ses amis artistes « les Futuristes » :
« 4 – Une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace. »,
« 9 – Nous voulons glorifier la guerre —seule hygiène du monde —, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme. » (Cf « le manifeste du futurisme », publié par Marinetti le 20 février 1909 dans le Figaro à Paris).
Le 29 octobre 1922, Mussolini, à la tête de son armée de « fasci » accédait au pouvoir avec la Marche sur Rome. On connait la suite.
D’aucuns voient dans cette date une similitude fortuite de calendrier : Octobre 2022 : Meloni, Présidente du Conseil/Octobre 1922 : accession de Mussolini au pouvoir. Une résurgence du fascisme. Or l’histoire ne sert jamais les mêmes plats. On ne peut comparer les années du début du 20ème siècle avec celles des années du début du 21ème. Le mouvement ouvrier révolutionnaire était en pleine ascension et mettait en danger l’existence même du capitalisme, en Italie comme en Allemagne. Le bolchévisme devait être anéanti. Il n’y a rien de tel aujourd’hui !
Meloni, affiche sa préférence : « Dieu, Patrie, Famille ».
Un slogan qui nous rappelle les années de collaboration au temps de Pétain « Travail, Famille, Patrie ». Sur le plan social, son programme est en droite ligne sur celui de l’UE, acceptable par l’orthodoxie libérale : réduction des impôts, grande flexibilité du travail, et contrôle du salaire d’existence mis en place par le M5S, etc.. Sauf en matière de retraites qui sont très basses, rien ne devrait à ce stade heurter l’UE. Par contre sur le plan sociétal, elle est contre le droit des minorités, et l’avortement, et en politique, elle se positionne sur un programme que l’on retrouve aujourd’hui dans bien d’autres pays européens, chez le Fidesz d’Orban ; « droit et justice » en Pologne ; le « Parti de la liberté » en Autriche ; et maintenant en Suède avec les démocrates de Suède (SD) qui devient le deuxième parti politique du pays, grand pays démocratique, s’il en fut. C’est-à-dire restons en UE pour le commerce, les échanges et les subventions, dans l’Otan pour la protection, mais pour le reste, il nous appartient.
Elle est ultra conservatrice, nationaliste identitaire, nataliste, euro sceptique, anti-establishment et surtout Atlantiste. Elle s’est convertie à l’UE, à l’Otan et au soutien à l’Ukraine. A noter qu’elle a été adoubée par Banon l’américain ami de Trump, une ombre maléfique très présente en Europe.
Meloni a été élue, aussi, parce qu’une partie de l’électorat italien s’est lassée d’alternances trop rapides et sans fin, crées par les jeux de pouvoir de la « Casta ». Elle prône une stabilité institutionnelle, et veut ouvrir la porte à un présidentialisme, un peu à la Française, mais ce, contre l’avis majoritaire des Italiens qui s’en contre fichent et veulent préserver leur système à la proportionnelle.
Plus important, elle a rassuré une partie du patronat pro-européen (agacé des positions séparatistes de la Lega et des pratiques de Berlusconi) en se déclarant libérale/Européenne, pour ne pas rompre avec Bruxelles. 200 milliards d’euros sont en jeu, ils sont attribués à l’Italie par l’UE pour soutenir son économie en voie d’effondrement à la sortie de la crise de la covid 19 et plusieurs années de dérives économiques. L’Italie en a vraiment besoin pour ne pas sombrer !
L’Italie, une nation sous influence,
Et ses nombreux problèmes.
« L’élection, l’ami américain et la guerre en Ukraine »
Quant à sa volte-face sur l’Otan on peut se demander si « l’ami américain » n’est pas quelque peu intervenu dans cette élection, alors que les journaleux accusent les Russes de l’avoir fait en faveur de Berlusconi et Salvini. En effet, l’un des deux premiers points importants de la coalition de centre droit, c’est le « respect des alliances internationales de l’Italie », c’est-à-dire avant tout, les Américains et l’Otan, mais pas que.
Il ne faut jamais oublier que l’Italie contient sur son territoire le plus grand nombre de bases militaires américaines et de l’Otan de toute l’UE. C’est même, pour l’instant, l’essentiel de leur déploiement avec près de 90 ogives nucléaires ! Les Américains n’avaient aucun problème avec le Parti Démocrate ou les forces centristes italiennes toutes dévouées à l’atlantisme. Mais ce n’était pas du tout certain pour Salvini et Berlusconi très amicaux avec Poutine et la Russie en général. D’autre part la population italienne n’est pas hostile aux Russes. Par contre elle manifeste souvent face aux bases américaines et de l’Otan sur leur sol qui peuvent les entrainer dans des conflits qu’ils ne veulent pas.
Les Américains ont besoin d’une confiance inaltérable dans un gouvernement italien, une garantie absolue pour le maintien de leurs bases, encore plus en ce moment de guerre avec la Russie. Meloni ne doit pas les inquiéter.
La rapide popularité des « Fratelli d’Italia » laisse donc rêveur. Comment ce petit groupe qui a fait en 2018 un peu plus de 4% est-il passé en 4 ans à 26% soit 6 fois plus sans appuis occultes ? Qui sait ? « L’ami américain » a pu intervenir dans la vie politique italienne comme il l’a fait en intervenant dans la politique italienne des années 1960/1970, pendant « les années de plomb », les scandales comme la Loge P2 etc., tout ce qui visait à réduire l’influence du Parti communiste italien qui faisait alors des scores à 30/35% et s’approchait du pouvoir.
« L’UE, la carotte et le chantage »
L’autre point essentiel de la coalition est « l’adhésion pleine et entière au processus d’intégration européenne » Les Italiens ont toujours été de très bons européens. L’Europe représentait pour eux ce qu’ils croyaient être la solution à leurs problèmes d’instabilité et de gestion mafieuse. L’Europe avait des règles qu’il fallait suivre. Aujourd’hui ils ont fait le tour de la question. L’Italie, et les mesures récentes de Draghi n’ont rien changé, si ce n’est au contraire aggraver la situation économique et sociale.
Et pendant trente années, les libéraux italiens, de gauche comme de droite, ont fini par soutenir des gouvernements de technocrates sans que ces derniers soient élus. Cette politique a eu pour effet e rendre les Italiens de plus en plus sceptiques et critiques envers leur classe politique et le Pd. Draghi était l’ultime représentant de cette politique. Or le Pd a choisi en 2022 de faire la campagne de Draghi. Ce dernier a dirigé une coalition qui regroupait tous les partis de la droite à la gauche, y compris la Lega et le M5S. Une configuration remise en cause récemment par Berlusconi et Salvini, puis le M5s qui ont poussé Draghi à démissionner, car il n’avait pas un soutien total.
Seul « Fratelli d’Italia » s’est opposé depuis 10 ans aux gouvernements technocratiques ou pro UE. Meloni a été la seule à refuser de le participer à cette improbable alliance de la droite à la gauche qui avait pour objectif de montrer un front uni face à Bruxelles et la promesse européenne de près de 200 milliards d’euro qui devaient aider l’Italie à redémarrer.
« La situation économique et sociale, la guerre en Ukraine : Le « NPRR » (plan national de relance et de résilience »
L’Italie a bien besoin de ces 200 milliards. De nombreux problèmes l’ont affaiblie.
- Tout l’abord un vieillissement de sa population qui fait de l’Italie le deuxième pays le plus vieux du monde après le Japon.
- L’exode des jeunes ces dernières années (autour de 400000) qui vont travailler ailleurs pour échapper aux salaires à 1000 euros.
- 5,6 millions d’Italiens – près de 10 % de la population, dont 1,4 million de mineurs, vivent actuellement dans une pauvreté absolue.
- L’Italie est le seul pays européen dont le niveau des salaires a baissé de 3%. C’est pourquoi à partir de 2006 plus de 5 millions d’Italiens ont quitté le pays pour des raisons économiques.
- La dette publique, un record, environ 160 % du PIB.
- L’Italie était un pays qui commerçait beaucoup avec la Russie. Elle subit donc plus que d’autres pays européens les effets désastreux des sanctions contre Poutine. Ses comptes extérieurs, toujours positifs jusqu’à présent, sont en chute libre.
- L’inflation est aux alentours de près 9%. Et la hausse des taux d’intérêt que la BCE peut décider pourrait être dévastatrice pour l’Italie.
Bref tout est réuni pour que l’Italie connaisse peut-être sa plus grande crise depuis ces 30 dernières années. Or l’UE par la voix de Ursula Von der Leyen a tout de suite répondu à l’élection de Meloni par « une restriction de l’aide », en la liant à la réalisation des « réformes » prévues par Draghi, l’ancien directeur de la BCE, qui en était le garant.
Le gouvernement Meloni se voit donc déjà lié et contraint à une politique décidée à Bruxelles sinon ce sera à nouveau la mise en place d’un gouvernement de technocrates et peut-être bien le retour de Draghi !
« Une loi électorale, dite le Porcellum » En 2006 l’Italie a modifié le régime de la proportionnelle totale en y intégrant l’offre à la formation politique qui a reçu le plus grand nombre de voix de se trouver proportionnellement dotée de sièges supplémentaires, une « prime à la majorité » qui devait à l’origine éviter un trop grand fractionnement des partis présents à la Chambre et au Sénat.
« L’irresponsabilité d’une certaine « gauche » qui a perdu ses racines socialistes »
Le PD. 26,13% (22,86% en 2018). A regagné une petite partie de son électorat. Le Parti démocrate est un parti centriste, de gouvernement, en grande partie néo-démocrate-chrétien, avec des figures minoritaires qui proviennent de l’ex culture communiste. Il se dit progressiste, mais son progressisme a été marqué par son admiration du modèle américain jusqu’à adopter le fonctionnement des « primaires » qui ont fait flores avec les insuccès que l’on a connu en Europe et surtout en France. Donner à ceux qui, n’étant pas militants du parti, le choix d’un candidat à l’élection c’était déposséder les militants de ce choix démocratique, et condamner à terme l’existence des partis. C’est ce l’on a vu en Italie avec une pulvérisation des forces politiques, ou coexistent près de 60 groupes politiques. Par exemple, le Pd a conclu un accord avec plusieurs mini forces républicaines, centristes ou écologistes : Articolo 1, +Europa, Sinistra Italiana, Verdi, Socialisti e Demos.
D’autre part, les politiques de Renzi, et de Letta ont échoué à faire du PD autre chose qu’un parti de la moyenne et petite bourgeoise situées dans les grandes villes. Ils sont devenus « Draghiens » et ont rompu tous les liens avec le Mouvement 5 étoiles, M5s, qu’ils tiennent pour responsable de la chute du gouvernement Draghi. Ensuite, ils se considèrent comme le pivot autour duquel ils veulent organiser tout le « centre gauche ».
Le M5S, 15,43% (32,65 % en 2018) faisait partie de la dernière coalition autour de Draghi. Il a, encaissé le refus d’alliance du PD et s’est drapé dans un isolement qui lui fait enregistrer la perte de la moitié de ses voix. « A chi ci dice che siamo di sinistra rispondiamo dicendo che noi siamo il Movimento 5 Stelle, nato il 4 ottobre, festa di San Francesco » : « A ceux qui me disent que nous sommes de gauche, nous répondons que nous sommes le mouvement 5 étoiles, né le 4 Octobre, jour de fête de Saint François », Giuseppe Conte.
Cependant le M5s est un mouvement déterminant dans la politique italienne. Rien ne peut se faire à gauche sans lui. La législature ouverte en mars 2018, a vu en 4 ans se former 3 gouvernements très différents qui avaient pour axe principal le M5S, avec son résultat d’environ 33% des voix. Le premier gouvernement dit « jaune-vert », présidé par Giuseppe Conte (Conte 1, juin 2018-septembre 2019) est composé du M5S et de la Ligue de Salvini. Le second (Conte 2, septembre 2019-février 2021) a été soutenu par le M5S et le Parti démocrate, toujours sous la présidence de Conte. Le 3ème a rassemblé tout autour de Draghi tous les partis de la gauche à la droite sans exception, tous sauf « Fratelli d’Italia ».
On note quand même une certaine lassitude de ses électeurs. Le mouvement observe la perte de son influence. Conte cherche un retour à ses racines qui mordait autant sur l’électorat de gauche que sur celui de droite. Au nom du « Ni-Ni », il refusait toute catégorie idéologique. Or, le M5S pouvait être une fois de plus l’élément moteur d’une nouvelle coalition centre gauche sans Draghi qui avait démissionné, capable de battre Meloni. Ce centre gauche réunifié, selon les résultats actuels, aurait eu la majorité des voix à la Chambre et au Sénat !
Sinon pour mémoire, le Pci a réuni 24.555 voix. Et l’extrême gauche avec « Unione Popolare 1,24%.
L’incapacité de la « droite »
Elle ne parvient pas à représenter une alternative réelle capable de retrouver une certaine aura chez ses électeurs. Trop de scandales politiques, mafieux, et même d’assassinats ont causé la chute de la Démocratie chrétienne et dont la droite n’a pu se relever.
Forza Italia, construite comme un club de supporters de foot, ainsi que l’a déclaré Berlusconi lui-même à sa fondation, et ses « affaires », avait suscité la réaction d’italiens qui décidèrent de traquer la corruption mafieuse. Ce fut le combat d’avocats, de politiques et de citoyens réunis au sein de « mani pulite » (mains propres) en 1992. Le voir réapparaître en 2022, inoxydable, doit être un cauchemar pour ceux qui ont cherché à l’évincer de la vie politique.
Quant à la lega, même si elle a abandonné son folklore qui voulait recréer les fastes d’un « medioevo », moyen âge idéalisé qui ressuscite les guerres et les figures victorieuses des Lombards contre les envahisseurs, (aujourd’hui chaque petit village du Nord de l’Italie a sa « sfilata », défilé festif « historique » en « costumes d’époque »), il ne semble pas que Salvini soit réellement un homme d’Etat responsable. Il milite contre l’immigration mais ceux qui le soutiennent, l’ensemble de ces petits industriels Lombards ou Vénitiens, ont besoin de cette main d’œuvre pour fonctionner en raison du vieillissement de la population, tout comme l’Allemagne. D’autre part la Lega, séparatiste du Nord, si elle est de tous les gouvernements, elle est aussi contre ces gouvernements. Elle vient une fois de plus de le lâcher. En fait, Bossi le fondateur charismatique du mouvement après 35 ans de parlement, a perdu son siège au sénat ! Salvini va-t-il être reconduit par le prochain congrès qui approche ? Rien n’est moins certain.
Les centristes n’existent plus comme groupe central, ils se partagent entre les deux coalitions.
Conclusion
Avant que de voir en la Meloni une résurgence du fascisme, il est certain que son élection va perturber et perturbera tous les jeux traditionnels que la classe politique italienne assumaient jusque-là.
Meloni d’une certaine manière annonce la fin historique de Forza Italia qui n’aura pas d’héritier ayant le charisme et la faconde de son créateur. Elle chamboule aussi le pouvoir de Salvini qui risque de payer la perte de la moitié de son électorat. Elle a montré la faiblesse et l’inconséquence de ses alliés, en devenant majoritaire dans la coalition. Ils ont très bien compris ce qu’il leur est arrivé. Pour l’instant ils ont besoin d’elle, comme elle a besoin d’eux. Mais combien de temps cette coalition tiendra -t-elle ?
UE : Meloni sera tenue à reprendre la politique Draghi d’une manière ou d’une autre, si elle veut mettre la main sur cette manne. La Meloni devra composer avec Von der Leyen.
Poutine a salué la nouvelle coalition avec laquelle il a hâte de travailler.
Les Américains aussi, surtout sur les questions des « droit humains ».
La France avec mauvaise foi a salué la victoire de la coalition, tout en sachant que Meloni déteste Macron autant qu’elle déteste Draghi, ces deux représentants de l’establishment européen.
Et last but not least, Meloni, à la surprise de tous a annoncé son premier voyage à l’étranger en… Grande Bretagne, au pays du Brexit !
La « gauche » apparait bien faible dans cette phase, même si elle a sauvé les meubles. Pour renforcer son assise et reprendre souffle, elle devra choisir entre libéralisme à l’américaine et retour à un socialisme rénové et adapté aux problèmes actuels de l’Italie, qui malgré tout este la troisième puissance européenne.
Un pays en crise politique, en crise économique et sociale et d’identité.
Le salariat Italien a toujours su se mobiliser avec une inventivité renouvelée à chaque fois contre l’atteinte aux droits sociaux, aux délocalisations, à l’austérité, etc. Mais La dérive droitière de la coalition Meloni, risque de peser lourdement sur leurs futures mobilisations. Toutefois leurs conditions d’existence se sont tellement détériorées, qu’il devrait courageusement se battre, non seulement contre Meloni mais aussi contre ceux de la Casta de gauche qui prétendent les représenter d’une manière aussi biaisée.
26 septembre 2022
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