L’Assemblée nationale a décidé jeudi soir de maintenir l’huile de palme parmi la liste des biocarburants. Cette décision, fortement critiquée par les associations écologistes, démontre l’hypocrisie macroniste quand il s’agit de la planète.
Par Irena Mathilde
15 Novembre
Crédit photo : AFP
Jeudi soir, les députés de l’Assemblée nationale ont voté sans débat le report à 2026 de l’effacement de l’huile de palme de la liste des biocarburants. Cette mesure de report a été soutenue par trois élus MoDEM, trois LREM et deux LR. Aucun débat n’a eu lieu, et l’amendement n’a même pas été défendu au micro en séance.
Cette mesure, fortement critiquée par des associations écologistes, montre une fois de plus le caractère anti-écolo du gouvernement Macron. En effet, la culture intensive des palmiers à huile ravage les dernières forêts équatoriales primaires, en particulier en Asie du Sud-Est. Elle a pour conséquence une disparition de la faune et un bilan carbone catastrophique, les agrocarburants à base d’huile de palme étant trois fois plus nocifs que le diesel fossile. De manière plus générale, la déforestation est responsable de plus de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En résumé, les agrocarburants à partir d’huile de palme ne sont pas aussi « bio » que leur nom l’indique.
Selon Alain Karsenty, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), éliminer ces agrocarburants permettrait d’éviter qu’une surface de forêts tropicales de 45 000 km2 ne disparaisse d’ici 2030 rien qu’en Asie du Sud-Est. Mais les intérêts du patronat semblent passer avant l’avenir de la planète. Ainsi, l’association écologiste Les Amis de la Terre accusent le « lobbying éhonté de Total ». L’entreprise Total, dont le chiffre d’affaires était de 209,4 milliards de dollars en 2018, a tout intérêt en effet à maintenir l’huile de palme dans la liste des biocarburants, dans la mesure où ce statut lui apporte un avantage fiscal d’un montant entre 70 et 80 millions d’euros par an. Total produit actuellement 500 000 tonnes par an de biodiesel dans sa bioraffinerie de La Mède dans les Bouches-du-Rhône, raffinerie dont la réouverture avait été autorisée par l’État le 16 mai 2018. L’utilisation d’huile de palme est très avantageuse pour le géant économique, puisqu’elle constitue l’huile végétale la moins chère du marché grâce à des coûts de production très bas et des droits de douane inférieurs à ceux pour les autres huiles.
L’adoption du report par l’Assemblée n’est pas étonnante dans la mesure où Total est un poids lourd du CAC 40 et a trouvé un allié de circonstance chez les industriels hexagonaux de l’armement soucieux de ne pas perdre de marchés en Asie du Sud-Est. La déclaration en 2018 de son patron Patrick Pouyanné selon laquelle la bioraffinerie de La Mède était « soutenue par l’État au plus haut niveau », semble être toujours d’actualité ; l’amendement a d’ailleurs été porté par des élus des Bouches-du-Rhône.
La façade écologique de Macron, dont la lutte écologique était un point principal de son programme, et qui déclarait cet été avoir « changé » semble ainsi toujours plus s’effriter. Malgré les déclarations en 2018 de Nicolas Hulot selon lesquelles « l’avenir n’appartient pas à l’huile de palme » et que la France « soutenait une position forte » en matière d’écologie, malgré le vote de l’Assemblée l’année dernière qui excluait l’huile de palme de la liste des biocarburants, le caractère profondément anti-écologique de ce gouvernement néolibéral est une fois de plus démontré.
Cependant, cette mesure de report ne semble pas faire l’unanimité au sein de la majorité et démontre encore une fois la faiblesse de la macronie. Ainsi, l’amendement, s’il avait bénéficié un avis favorable du gouvernement, avait reçu un avis défavorable de la part du rapporteur général LREM, Joël Giraud, qui a ensuite sobrement déclaré : « on s’est fait niquer ! Si le groupe me le demande, je réclamerai une deuxième délibération ».
Par ailleurs, les deux députés LREM Lauriane Rossi et Vincent Thiébaut ont dénoncé vendredi matin un « recul » en matière d’écologie. Toujours dans la continuité, Laurent Saint-Martin, député LREM du Val-de-Marne, a déclaré sur LCP que « beaucoup de gens ont suivi le gouvernement sans bien savoir de quoi il s’agissait. La majorité était pourtant très majoritairement contre l’adoption de cet amendement ». Autant d’exemples du peu d’homogénéité du parti présidentiel.
L’hypocrisie de Macron, qui accusait cet été Bolsonaro de ne pas respecter son engagement de respecter la forêt amazonienne tandis qu’il protège les grandes entreprises polluantes, est une fois de plus démontrée.
Il est plus qu’urgent de passer à l’offensive en exigeant des mesures concrètes. La gratuité des transports, le renforcement du fret ferroviaire ou encore la liberté d’installation pour tous les migrants victimes de la crise climatique sont autant de revendications qui peuvent être avancées dans le système actuel, mais qui ne prendront tout leur sens que si elles sont accompagnées d’un renversement du système capitaliste, qui privilégie les profits à la planète.