Résoudre la crise grecque en y passant ses vacances? Une idée à creuser!

Et si l’on offrait à la Grèce un «plan Marshall» dont le moteur serait le tourisme? Une idée développée par Francis Kahn, CEO de Kahn & Cie Financial Experts SA et président de la Geneva Business School, et Claude Morgenegg, professeur invité à la Geneva Business School

Francis Kahn et Claude Morgenegg
jeudi 26 février 2015

Résoudre la crise grecque en y passant ses vacances?

Les négociations entre le nouveau gouvernement grec et les instances européennes ont abouti à un accord provisoire qui permet aux deux parties de gagner un peu de temps. La confiance est loin d’être rétablie et les problèmes de fond demeurent entiers. Pourtant, il existe une solution qu’aucune des parties n’a mise sur la table, qui permettrait une solide reprise de la croissance économique grecque et l’annulation de la dette par les consommateurs-contribuables européens.

On sait que la dette grecque, qui s’élève à fin 2014 à 320 milliards d’euros, est détenue directement ou indirectement à 61% par les Etats européens. En direct, les gouvernements de la zone euro détiennent 53 milliards de dette, et ils en détiennent encore 142 milliards au travers du Fonds européen de stabilité financière. In fine, chaque contribuable européen est titulaire de cette dette. Si, par exemple, l’Allemagne détient 56 milliards d’euros, cela signifie que chaque foyer allemand (environ 40 millions) «bénéficie» de 1400 euros de dette. La BCE pourrait donc émettre une sorte de «chèque tourisme» à chacun des Etats européens en fonction des créances sur la Grèce détenues directement ou indirectement. Les Etats redistribueraient ce chèque auprès de leurs contribuables, puisque ce sont les véritables créanciers de la Grèce!

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Les foyers-contribuables européens pourront dépenser ce montant dans les dix prochaines années en Grèce. L’idée serait que pour 100 euros de facture, un montant de 20 à 40 euros puisse être payé par ce chèque, le solde étant payé normalement. En clair, cela devient les super-soldes pour les consommateurs-contribuables européens, à condition de se rendre en Grèce!

Pour les ménages européens qui n’ont pas les moyens ou l’intention de se rendre en Grèce, la possibilité leur serait offerte d’échanger les chèques contre de l’argent comptant, en dehors du circuit bancaire, sur un marché secondaire ou via eBay par exemple.

Le mécanisme d’émission de ces «chèques de tourisme grecs» devrait revenir à la BCE, qui possède l’infrastructure nécessaire. Le coût ne serait guère plus élevé que celui de l’émission des billets de banque traditionnels.

L’avantage de ce programme est clair: en incitant les foyers-contribuables européens à aller passer des vacances en Grèce, et à dépenser plus que ce fameux chèque (effet multiplicateur), elle permet de relancer l’industrie touristique et celle des services (80% du PIB grec). Le secteur du tourisme, ne pouvant accueillir tous ces nouveaux touristes, devra investir dans de nouvelles infrastructures, relançant par ce biais les industries du bâtiment et de la construction qui recommenceront à leur tour à embaucher. Tous les secteurs de la consommation seront bénéficiaires du programme de distribution des chèques: hôtels, restaurants, magasins, agences de location, stations d’essence…

A la fin, les commerçants créditeront leurs chèques sur leur compte auprès de leurs banques qui les transmettront auprès de la BCE pour annulation. Ainsi, au fur et à mesure que les touristes européens utiliseront ce chèque, le montant équivalent de la dette s’annulera par la consommation!

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Concrètement, il y a eu deux transferts de dettes: des gouvernements européens vers leurs contribuables, puis des contribuables européens vers les prestataires de services grecs. Le contribuable européen reçoit le droit de consommer sur place des biens et des services. En l’espace de dix ans au plus, la dette préexistante va fortement se réduire! De surcroît, au fur et à mesure de la «consommation-annulation» de la dette, le gouvernement grec retrouve un accès au financement de sa politique budgétaire.

Moralité: du côté grec, on observe un retour de la croissance économique (objectif No 1 du nouveau gouvernement) en agissant sur la demande privée, une baisse du chômage, un impact positif sur l’inflation (elle était de –1,3% en 2014) et donc une amélioration des finances publiques. Cela s’accompagne d’un retour progressif de la confiance des agents économiques grecs et étrangers, autrement dit de la mise en place d’un cercle vertueux. Du côté européen, le «remboursement» de la dette s’effectue par le biais de la consommation de prestations de services sur le territoire grec.

Ce «plan Marshall grec» est une vraie solution gagnante pour les deux parties qui évite de passer par une sortie de la Grèce de la zone euro, le fameux «Grexit». Elle va soulever les critiques, notamment des gardiens de l’orthodoxie financière, mais aussi de la part de certains pays du Sud (Espagne, Italie, Portugal) qui risquent de crier à la distorsion de concurrence.

Le monde n’est décidément pas parfait, mais des solutions existent, à condition de sortir des chantiers battus! Et à situation exceptionnelle, solutions exceptionnelles, pour la Grèce comme pour l’Europe!

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Francis Kahn est CEO de Kahn & Cie Financial Experts SA, et président de la Geneva Business School. Claude Morgenegg est professeur invité à la Geneva Business School

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