Par Jacques Nikonoff, président du Parti de la démondialisation
Le 31 octobre 2017
De graves menaces pèsent sur la paix mondiale du fait des provocations du président américain à l’égard de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), appelée Corée du Nord ou pays du Matin calme pour l’ensemble de la Corée.
La soupe médiatique dans laquelle nous baignons, faite de mensonges, manipulations, incompétence, inculture, idées-reçues, parti-pris, nécessite de faire quelques rappels historiques pour sortir de cette bouillie. On raconte en effet n’importe quoi sur la crise coréenne, à gauche comme à droite. C’est Le Monde, haut la main, qui remporte le pompon. Dans son édition du 3 octobre 2017 il titre « L’OTAN face à la menace nord-coréenne ». Mais en quoi la Corée du Nord, du fin fond de l’Asie, menace-t-elle l’OTAN dont la vocation est l’Europe ?
On présente systématiquement les dirigeants Nord-Coréens comme « cinglés ». Certes, ce régime ne saurait, pour nous Européens, constituer un modèle. Mais c’est une erreur grossière d’accréditer la thèse de la folie de Kim Jong-un et des dirigeants nord-coréens. Car la réalité est très différente de cette image d’Épinal : ils mènent au contraire une politique parfaitement rationnelle, fondée sur la raison d’État : préserver leur souveraineté et leur sécurité. Il faut donc appréhender cette logique si l’on veut agir utilement pour la paix et ne pas se faire embarquer dans les délires du président Trump.
On nous parle des « provocations » de la Corée du Nord. Mais ce pays n’est pas une puissance provocatrice. Ce n’est pas elle qui a des bases militaires près de la frontière des États-Unis et qui y organise des manœuvres, ou qui possède des armes nucléaires depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle n’exerce son hégémonie sur aucun autre pays du monde. Elle n’a envahi aucun autre pays.
Les enjeux sont immenses. Si la crise se poursuivait et s’aggravait, elle pourrait déboucher sur un échange nucléaire. Celui-ci aurait des conséquences tragiques sur une grande partie du monde, y compris les États-Unis. La Corée du Nord occupe en effet une position stratégique aux frontières de la Chine, de la Russie et du Japon.
Que faire pour éviter cela ? Telle est la question que toutes les personnes responsables doivent se poser. La compréhension de la crise actuelle est impossible sans la prise en compte des éléments clés de l’histoire de la Corée. Un paradoxe surgit : la paix passe désormais par la reconnaissance du fait nucléaire nord-coréen.
Éléments d’histoire de la Corée avant la Seconde Guerre mondiale
Durant la plus grande partie de son histoire, la Corée s’est considérée comme l’élève de la Chine, lui empruntant même sa méthode d’écriture. A contrario, le Japon est l’ennemi héréditaire. Il a envahi la Corée en 1592 et à plusieurs reprises depuis. En particulier à partir de 1910, où la Corée a été annexée par ce pays. Le Japon en a exploité les ressources, notamment minières, a déculturé les habitants en imposant par exemple aux enfants l’apprentissage du japonais à la place du coréen. Beaucoup de Coréens fuient alors les Japonais et se réfugient en Mandchourie, influencée à l’époque par la Russie.
Kim Il-sung, le grand-père du dirigeant actuel Kim Jong-un, participe à la résistance et à la guérilla antijaponaise. Il est de formation chrétienne protestante. À 19 ans, en 1933, il rejoint le Parti communiste chinois et devient membre de son groupe de combat mandchou. Il incorpore ensuite l’armée soviétique dans laquelle il sert comme capitaine jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il sera chef du Parti communiste et Premier ministre de la Corée du Nord de 1948 à 1972, et président de 1975 à sa mort en 1994. Son fils Kim Jong-il le remplacera en 1994 jusqu’à sa mort en 2011, puis son petit-fils Kim Jong-un a pris le relais jusqu’à présent.
La Seconde Guerre mondiale
Pendant la guerre, le Japon transforme la Corée en immense bordel pour ses soldats. Après la Conférence du Caire, le 1er décembre 1943, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine (alors nationaliste) décident d’appliquer les principes de la Charte de l’Atlantique de 1941 et proclament que la Corée « en temps voulu devienne libre et indépendante ».
Lors de la Conférence de San Francisco en avril-juin 1945, où les Nations unies ont été fondées, il est décidé que la Corée serait soumise à une tutelle de quatre pouvoirs (américain, britannique, chinois et soviétique). La Chine, en effet, possède 1 416 km de frontières avec la Corée du Nord suivant le fleuve Yalou, et la Russie 305 km (partie fluviale sur le fleuve Tumen de 19 km, partie maritime d’environ 285 km). Cette politique a été confirmée lors de la Conférence de Potsdam le 26 juillet 1945 et acceptée par l’URSS.
L’URSS déclare la guerre au Japon le 8 août 1945, au lendemain de l’explosion nucléaire d’Hiroshima. Deux jours plus tard elle pénètre dans le nord de la Corée par sa frontière commune. Le 8 septembre 1945 les contingents de l’armée américaine arrivent dans le sud du pays. La guérilla coréenne antijaponaise, en particulier communiste, se développe contre les Japonais au nord comme au sud. Pour bien comprendre la situation, il faut savoir qu’il existe deux peuples en Corée : au nord les Pouk-in (Peuple du Nord) et au sud les Nam-in (Peuple du Sud). Les Japonais, déjà, traitaient séparément ces deux zones.
Face à l’avancée soviétique au nord, les Japonais et un certain nombre de Coréens fuient vers le sud. Les Américains les accueillent positivement.
Après la capitulation du Japon le 2 septembre 1945, les Américains installent au pouvoir Syngman Rhee au Sud. C’est un anti-communiste, pro-américain, ethniquement coréen mais chrétien formé par les missionnaires américains qui lui avaient sauvé la vie après la variole. Ils lui ont donné une éducation occidentale. Ayant habité des décennies aux États-Unis, il rassemble des groupes de droite dans un gouvernement virtuel installé ensuite par les États-Unis sur commande de l’ancêtre de la CIA, l’OSS (Office of Strategic Services). Deux mois après la capitulation japonaise il est ramené en Corée dans l’avion du général américain Douglas MacArthur.
Au Nord, Kim Il-sung devient chef d’État, installé par les Soviétiques. Le régime va faire du patriotisme un élément essentiel de son idéologie et va développer l’idée d’un pays assiégé qui doit veiller à son indépendance, la population devant se sacrifier pour cet idéal. Ainsi la lutte des classes est-elle seconde par rapport à la défense nationale. La famille Kim va parvenir à incarner cet idéal. Ce serait une erreur de croire que l’appareil répressif seul permet cet enracinement. On appelle la doctrine officielle le Djoutché (juche : indépendance et autosuffisance). Le régime pratique un marxisme particulier : c’est la nation et non le prolétariat le sujet de l’histoire.
La guerre froide
Le Sud connait une importante agitation politique dès la capitulation japonaise. Les Américains écartent les dirigeants nationalistes antijaponais qui ont proclamé une « République populaire » pour que tout le pouvoir reste aux mains de leur propre gouvernement militaire. Ils autorisent l’administration japonaise à rester en place pour « faciliter l’occupation ». Mais c’est très impopulaire et les Américains démantèlent l’administration japonaise en janvier 1946. Une situation chaotique va suivre dans le sud, des dizaines de groupes et partis se créent et demandent à jouer un rôle dans la conduite des affaires coréennes. Les Américains refusent et emprisonnent des dizaines de milliers de militants politiques. Contrairement à la Corée du Nord, la Corée du Sud n’a pas conduit d’épuration des collaborateurs pro-japonais de la nouvelle administration sud-coréenne.
Au Nord, les Soviétiques ne rencontrent pas ces problèmes, ils avaient de quoi former un gouvernement local légitime. Des milliers de Coréens qui étaient partis en Mandchourie pour fuir les Japonais reviennent. Le Parti communiste coréen, très actif dans la guérilla, s’était proclamé dès 1932 gouvernement en exil. Il existait donc déjà un noyau près à prendre le pouvoir dès que les Soviétiques ont chassé les Japonais du nord, qui donnera la République populaire démocratique de Corée. L’URSS reconnaît ce gouvernement pour toute la Corée (Nord et Sud) en septembre 1948. Ce gouvernement était légitime aux yeux du peuple du fait de ses années de guérilla contre les Japonais.
Sous la pression des Américains, les Nations unies imposent et supervisent des élections au sud en mai 1948. Le 15 août 1948, un gouvernement est formé et dirigé par Syngman Rhee élu président de la Corée du Sud avec un résultat suspect de 92,3%. Le 9 septembre 1948, l’ancien chef de la guérilla, Kim Il-sung, en réaction, proclame l’État de Corée du Nord. Les Soviétiques avaient retiré leur armée du nord depuis 1946, contrairement aux Américains.
Des guérillas de gauche, très actives, s’opposent au nouveau régime sud-coréen dès sa fondation et sont vivement réprimées. Dans l’île de Cheju, où la gauche a pris les armes, au moins 80 000 personnes (soit le quart de la population) ont été massacrées en 1948 par les troupes d’occupation américaines, avec l’appui des forces coréennes de Syngman Rhee.
Au début de l’année 1950, Rhee fait emprisonner 30 000 communistes. Environ 300 000 personnes, soupçonnées de sympathies communistes, sont envoyées dans un mouvement de « rééducation », et seront exécutées par les forces armées coréennes du Sud lors de leur retraite en juin 1950 devant l’armée communiste de Kim Il-sung.
Au Nord, des élections législatives sont organisées le 25 août 1948. Le 9 septembre 1948, l’Assemblée populaire suprême ainsi élue proclame la République populaire démocratique de Corée (appelée couramment Corée du Nord) à Pyongyang.
Guerre de Corée, 25 juin 1950 au 27 juillet 1953
La guerre de Corée débute dans les faits le 25 juin 1950. L’évènement déclencheur a été la déclaration du gouvernement de Syngman Rhee annonçant l’indépendance du Sud. Kim Il-sung a considéré que c’était une déclaration de guerre. Il connaissait la situation désastreuse au Sud, la corruption, la désorganisation, le pillage à grande échelle des fonds publics et des salaires. L’argent engagé par les bailleurs de fonds étrangers pour fonder un État moderne était détourné vers des comptes à l’étranger. Il y avait par exemple des « soldats fantômes » qui n’existaient que dans les comptes de l’armée, mais qui recevaient quand même leur solde que les officiers supérieurs se mettaient dans la poche. Les vrais soldats n’étaient pas payés, n’avaient ni uniforme, ni armement, ni nourriture.
Staline n’était pas favorable à une attaque du Sud par le Nord et ne voulait donner son accord que si la Chine (communiste à l’époque) en prenait la responsabilité.
Traversant la ligne de démarcation du 38e parallèle, les armées du Nord s’emparent de Séoul en 3 jours, le 28 juin 1950. Syngman Rhee et sa clique s’enfuient comme des milliers de soldats de l’armée du Sud, dont certains vers le Nord.
Sous la pression des États-Unis, le Conseil de sécurité des Nations unies, le 27 juin 1950, juste avant la chute de Séoul, crée une force pour « protéger » le Sud, composée de 23 pays. Ils fournissent 341 000 soldats dont 3 421 français qui auront 287 tués, 1 350 blessés, 12 prisonniers, 7 disparus. On trouve aussi la Thaïlande, le Sud-Vietnam, la Turquie, etc. La plupart des combats, cependant, étaient menés par l’armée américaine. À la fin du mois d’août 1950 ils ne contrôlent plus que 1/10e du territoire de la Corée du Sud, autour de la ville de Pusan (orthographiée parfois Busan).
Mais les Américains, commandés par le général MacArthur, contre-attaquent et encerclent le gros de l’armée du Nord et avancent vers le nord pour réunifier la Corée. Le 25 septembre 1950 Séoul était reprise. Le 38e parallèle est franchi le 1er octobre, les armées américaines approchent du fleuve Yalou, frontière avec la Chine.
Les Soviétiques fournissent alors un appui aérien à la Corée du Nord. De leur côté, les Chinois envoient 1,7 million d’hommes. Il ne s’agit pas officiellement de troupes régulières mais, comme ils l’appellent, de « l’Armée des volontaires du Peuple Chinois ». Le 25 octobre elle éliminait ce qu’il restait de l’armée du Sud et expulsait les Américains de Corée du Nord. Le 21 janvier 1951 Séoul est reprise, qui est reconquise par les Américains en mars. Le front se stabilise autour du 38e parallèle.
MacArthur avait demandé à son gouvernement 50 bombes nucléaires pour arrêter les Chinois. Il a été heureusement remplacé par le général Ridgway qui renonce à l’usage nucléaire. Dans les deux années qui suivent, l’armée de l’Air américaine va mener des bombardements massifs. Une partie vise à détruire la capacité militaire chinoise et nord-coréenne. Mais la grosse partie est utilisée en tapis de bombes pour détruire la Corée du Nord. Environ 635 000 tonnes d’explosifs et d’armes chimiques sont larguées, ce sont des crimes de guerre. C’est bien davantage que ce qui a été largué sur les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Les dégâts infligés aux villes nord-coréennes sont plus importants que ceux infligés aux villes allemandes. La capitale Pyongyang est rasée, il ne reste plus qu’un seul bâtiment encore debout. On estime le nombre de tués entre 20% et 33% de la population nord-coréenne. Par comparaison, pendant la Seconde Guerre mondiale, la Chine a perdu 1,89% de sa population, la France 1,35%, les Britanniques moins de 1%, les États-Unis 0,33%. Au total, entre 8 et 9 millions de Nord-Coréens ont été tués. Le général américain LeMay avait en effet expliqué qu’il fallait « les bombarder pour les ramener à l’âge de la pierre ». Les seuls survivants sont ceux qui ont pu se réfugier dans des grottes et des tunnels.
Un cessez-le feu sera négocié le 27 juillet 1953. L’accord porte sur la création de deux Corées séparées par une zone démilitarisée tracée essentiellement sur le 38e parallèle. En revanche, les frontières maritimes n’ont pu être délimitées, et la zone est restée le théâtre d’affrontements sporadiques réguliers. Ensuite, selon l’article 13 (d) de cet accord, aucune nouvelle arme autre que leur remplacement ne sera introduite dans la péninsule. Cela signifie que les armes nucléaires sont interdites. Toutefois, en 1953, la paix n’a pas été signée, l’accord n’est qu’un cessez-le-feu qui est un pacte de non-agression. Les deux pays sont encore officiellement et juridiquement en guerre aujourd’hui. Il y a en réalité trois Corées si on ajoute les bases américaines, car cette armée contrôle le gouvernement sud-coréen et peut même le remplacer en cas de besoin, et finance 50% du budget de l’État.
Après la guerre
Les souvenirs de ces horreurs restent marqués dans la mémoire des survivants et de leurs descendants. Ils forment la base de l’état d’esprit du peuple nord-coréen fait d’un mélange de haine et de peur. Les bombardements ont renforcé la cohésion du peuple uni contre les Américains et soutenant les dirigeants de la dynastie des Kim.
Le Sud a été beaucoup moins détruit que le Nord, et grâce aux fonds occidentaux, principalement américains, a pu reprendre assez rapidement le chemin du développement. La situation politique, cependant, est instable. Pour rester au pouvoir Syngman Rhee impose la loi martiale, modifie à son avantage la Constitution, truque les élections, ouvre le feu sur les manifestants, exécute les dirigeants de l’opposition. Il remporte ainsi les élections de 1952 et de 1960 avec un résultat officiel de 90%. Les étudiants descendent alors dans la rue, convergent avec la foule vers le palais présidentiel. La CIA exfiltre son dictateur et l’exile à Honolulu. Parallèlement, les Américains imposent un embargo pour affaiblir le Nord. Une pression permanente est exercée depuis sur le Nord. En 1994, Bill Clinton menace par exemple d’une frappe préventive. Un plan secret existe, appelé OPLN 5015, pour « détruire la Corée du Nord ».
Les États-Unis introduisent des armes nucléaires en Corée en juin 1957 et ne respectent donc plus le paragraphe 13 (d) de l’accord d’armistice qui interdisait l’introduction de nouvelles armes. En janvier 1958, ils mettent en place des missiles nucléaires capables d’atteindre Moscou et Pékin. Ils les conserveront jusqu’en 1991. Ils ont voulu les réintroduire en 2013, mais le Premier ministre sud-coréen, Chung Hong-won, a refusé.
George Bush junior inscrit la Corée du Nord dans la liste des États constituant l’ « axe du mal », et fait de celle-ci un État « voyou » dont il faut hâter la destruction. En 2011, Barack Obama avait donné son feu vert à des opérations d’entrave, notamment par le biais électronique, du programme balistique nord-coréen. (New York Times, mars 2017).
L’invasion de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie, le bombardement de la Libye, pousse les autorités nord-coréennes à faire de leur politique nucléaire un enjeu majeur, la seule capable, selon eux, d’assurer leur sécurité. D’où leur politique de développement du potentiel nucléaire ponctuée d’essais condamnés par l’ONU qui les sanctionnent, affaiblissant partiellement ce pays sans jamais faire s’effondrer le régime. Celui-ci au contraire se sert des sanctions pour galvaniser le patriotisme de la population.
La crise actuelle
Elle est provoquée par la Corée du Nord qui, en septembre 2016, commence les essais d’un nouveau moteur d’une poussée de 80 tonnes, suffisante au lancement de divers satellites. Les 4 et 8 juillet 2017, elle a effectué des tirs d’un nouveau missile, le Hwasong-14 (étoile de feu, planète Mars en coréen). Sa trajectoire en cloche, à la verticale, et à une hauteur suffisante, servait à démontrer qu’à un angle plus aplati il pourrait parcourir 10 000 km et atteindre Los Angeles, Chicago ou New York. Le 3 septembre 2017 la Corée du Nord a effectué son 6e essai nucléaire, 22 tirs de missiles balistiques avaient eu lieu depuis le début de l’année.
Les États-Unis, au lieu de s’engager dans la voie d’un règlement diplomatique du problème, ont multiplié les provocations :
- Depuis la tribune de l’ONU, le 19 septembre 2017, Donald Trump annonce « un feu et une fureur que le monde n’a jamais vus jusqu’à présent » en cas d’attaque des États-Unis ou de leurs alliés par la Corée du Nord.
- Il envoie un tweet disant que Kim Jong-un « ne serait pas dans les parages encore bien longtemps ». Cette déclaration a été prise comme une déclaration de guerre par Pyongyang. Celle-ci répond que la Charte des Nations unies lui donne « le droit d’abattre les bombardiers stratégiques des États-Unis même s’ils ne se trouvent pas encore dans l’espace aérien de notre pays ».
- Le général McMaster déclare « Nous espérons éviter la guerre avec les Nord-Coréens, mais on ne peut pas écarter cette éventualité ». Le général Mattis annonce « des options pour frapper la Corée du Nord sans mettre Séoul en danger ».
- Trump : « ceux qui font des affaires avec les Nord-Coréens ne pourront plus en faire avec nous » (3 septembre).
Mais, hormis toutes ces déclarations, il existe quelques éléments rassurants :
- Les États-Unis n’ont pas déployé de porte-avions et sous-marins nucléaires dans la région, ni de bombardiers stratégiques.
- L’amiral Harris, chef du commandement américain dans le Pacifique, a dit que la diplomatie devait prévaloir sur l’option militaire.
Quelle est la position des différents pays ?
La Corée du Sud est pour la relance du dialogue intercoréen. Pour elle, aucune action militaire ne doit être engagée dans la péninsule sans que la Corée du Sud le veuille. Elle demande au Nord de mettre fin à ses programmes nucléaires et balistiques et d’amorcer des discussions. Pour cette raison, Trump a d’ailleurs accusé le président sud-coréen Moon Jae-in de faiblesse à l’encontre du Nord.
Poutine a émis des réserves sur les sanctions, tout en les votant, et souhaité l’ouverture d’un dialogue où la Russie pourrait jouer un rôle de médiateur.
Pékin veut éviter le chaos qu’entrainerait la chute du régime nord-coréen. Les rapports sont tendus avec le Nord, mais ce dernier fait 90% de son commerce extérieur avec la Chine. La Chine ne peut pas accepter l’effondrement du régime qui risquerait de déstabiliser la péninsule et de favoriser une réunification ruineuse au profit du Sud, et qui mettrait les troupes américaines sur la frontière chinoise. Même la Corée du Sud ne veut pas entendre parler de cette hypothèse. La Chine propose que la Corée du Nord cesse ses essais nucléaires et balistiques en échange d’un abandon des exercices militaires entre les armées américaines et sud-coréennes. Les Chinois ne veulent pas de guerre avec la Corée ou en mer de Chine, ils préfèrent les affaires.
L’ancien Premier ministre australien, Kevin Rudd, plaide (Le Monde, 14 septembre 2017) pour un « accord international signé avec la Russie et la Chine qui garantisse la sécurité de la Corée du Nord et de son régime et, à long terme, un retrait militaire des Américains de la Corée du Sud ».
À l’ONU le 20 septembre 2017, Emmanuel Macron a développé une position apparemment plutôt intéressante en jugeant « intempestives » les menaces militaires. Même s’il insiste sur la pression des sanctions et le nécessaire engagement de Moscou et Pékin, il s’oppose à l’usage de la force : « nous sommes dans une géographie ou une intervention militaire serait complexe ».
Comprendre la rationalité nord-coréenne
La Corée du Nord a proposé la dénucléarisation de la péninsule, sans succès. Elle était donc fondée à bâtir son arme nucléaire, il ne lui restait plus aucun autre choix.
La politique des sanctions n’a donné aucun résultat et n’a pas permis d’améliorer le sort de la population ni de dresser le peuple contre le régime pour le faire tomber. Cette voie est une impasse qui ne fait qu’aggraver les difficultés du peuple nord-coréen.
En observant l’invasion de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie, du bombardement de la Libye, les Nord-Coréens ont compris que seule la bombe atomique pouvait les sauver car elle fait planer sur de futures agresseurs la menace d’une riposte terrifiante. C’est cette dissuasion, paradoxalement, qui est une arme pour la paix.
C’est à partir de ces éléments de compréhension qu’il est possible de faire des propositions.
Propositions
Le gouvernement français devrait promouvoir un plan en 5 points :
1.- Sa ligne politique reposerait sur deux piliers. En premier lieu, le développement de programmes nucléaires militaires serait strictement encadré par le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 1968 – entré en vigueur en 1970 – qui réserve son utilisation à cinq pays : Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Chine et URSS/Russie. À ce titre, la France ne peut que désapprouver et condamner l’action de la Corée du Nord en matière nucléaire. Certes elle s’est retirée de cet accord sur le plan juridique, mais politiquement la prolifération nucléaire doit être combattue. En second lieu, cependant, la communauté internationale doit prendre acte du fait nucléaire nord-coréen. Tout le monde doit accepter la réalité : la Corée du Nord est aujourd’hui une puissance nucléaire capable d’atteindre les États-Unis. On ne peut plus demander à la Corée du Nord de renoncer à l’arme nucléaire sans garanties sérieuses concernant sa souveraineté et sa sécurité. Ce serait non seulement complètement irréaliste mais dangereux.
2.- En échange du démantèlement progressif de leurs installations nucléaires et de leurs vecteurs, les Coréens du Nord obtiendraient un traité de paix avec les États-Unis. Il inclurait l’établissement de relations diplomatiques, l’arrêt des manœuvres militaires des États-Unis et de la Corée du Sud à proximité des frontières du Nord, un retrait américain progressif de Corée du Sud, un accord international spécifique avec la Russie et la Chine garantissant la sécurité du régime et du pays. Un second accord international porterait sur l’aide économique.
3.- Reconnaissance diplomatique immédiate de la Corée du Nord par la France. Il faut en effet savoir que, scandaleusement, la France n’a pas de relations diplomatiques avec la RPDC. Seul un Bureau français de coopération a été ouvert le 10 octobre 2011. Ses missions sont essentiellement d’ordre humanitaire et culturel. C’est la promotion du français avec un lecteur de français – un seul ! – qui enseigne à l’Université de Pyongyang. Des stages de formation linguistique de courte durée sont également organisés au profit d’étudiants et d’enseignants de français nord-coréens. C’est aussi la coopération archéologique pour des fouilles sur le site de Kaesong, ancienne capitale du royaume de Koryo (918-1392).
Quant aux échanges commerciaux entre la France et la Corée du Nord ils sont particulièrement ridicules du fait de l’embargo que la France devrait dénoncer unilatéralement : 8,2 millions d’euros en 2016. Aucune entreprise française n’est représentée dans le pays. Les exportations françaises s’élèvent à 2M€ (200ème rang des clients de la France et 0,004% de nos exportations). Les exportations françaises sont essentiellement composées de biens à destination directe de la population (produits alimentaires et organiques, appareils dentaires et médicaux). La Corée du Nord, 153ème fournisseur de la France, représente 0,002 % de nos importations (10M€ constitués d’appareils mécaniques et électriques, de plastique et de caoutchouc).
4.- Une action multilatérale de la France au sein du Conseil de sécurité de l’ONU pour faire accepter ce plan.
5.- Une action bilatérale de la France auprès des gouvernements Nord et Sud-coréen, des États-Unis, de la Chine et de la Russie pour leur présenter le plan.
La tentative par les Américains de détruire ou de dégrader les capacités nucléaires de la Corée du Nord comporte d’énormes risques. Ce serait obligatoirement une riposte de la Corée du Nord, pouvant frapper la Corée du Sud et le Japon puisque les États-Unis y disposent de bases militaires, et les États-Unis eux-mêmes. Par conséquent, ce serait le déclenchement d’une nouvelle guerre de Corée, encore plus étendue territorialement que la précédente. Que feraient la Chine et la Russie qui ont des frontières avec la Corée du Nord, en pareil cas ?
En revanche, proclamer que la Corée du Nord ne pourra plus être attaquée serait un message qui porterait. Les dirigeants de ce pays pourraient être convaincus de ne pas le développement nucléaire militaire, et même le réduire en échange d’un traité de paix et d’une aide au développement économique.
Si ces actions n’étaient pas entreprises, elles confirmeraient le fait que pour ne pas se faire envahir par les Américains il faut posséder la bombe atomique.