Pour qu’émerge, en France et ailleurs, un réseau d’études et de recherches «dés-exterministes»

par Georges Gastaud[1]
Lens, le 11 avril 2023

Ce n’est pas l’escalade politico-militaire qu’impulsent, jour après jour, Washington et ses vassaux nippon, sud-coréen, anglo-saxons et euro-atlantistes, tant aux marches occidentales et méridionales (Géorgie) de la Russie qu’au cœur de la Péninsule coréenne et dans tout l’Indopacifique (de Taiwan aux Philippines en passant par la Mer de Chine), sans parler des blocus, des ingérences et des multiples et extravagantes « lois extraterritoriales » qui accablent les Etats « sanctionnés » par le despotique Oncle Sam (Iran, Syrie, mais aussi Cuba socialiste, Nicaragua sandiniste et Venezuela bolivarien) qui dissuadera l’auteur de ces lignes de renoncer au constat glacial qu’il pouvait déjà dresser au mitan des années 1980, en pleine « crise des euromissiles », quand il écrivait que « l’exterminisme est le stade suprême du capitalisme »[2] : un capitalisme financiarisé, monopolistique et oligarchique parvenu dès longtemps, selon le mot clinique de Lénine, à la phase « pourrissante et agonisante » de l’impérialisme, celle de la « réaction sur toute la ligne » et du « trust organisé pour l’extermination, ce dernier mot du capitalisme moderne »[3]. A moins de s’accrocher désespérément à de prétendues « objections » qui ne visent qu’à s’auto-rassurer et auxquelles nous avons déjà répondu mille fois dans moult livres et articles, force est de constater que ce mode de production devenu délétère, dont Marx écrivait déjà dans Le Capital qu’il « ne déploie la richesse qu’en épuisant ses deux sources, la Terre et le travailleur »[4] (au point qu’il conviendrait presque de le rebaptiser mode capitaliste de pan-destruction) ne se survit historiquement qu’en attentant de toutes les façons possibles aux conditions de survie et de développement de l’espèce humaine, si ce n’est aux conditions élémentaires, dites « naturelles », du maintien sur Terre des formes de vie un tant soit peu complexes :

  • d’une part, le capitalisme-impérialisme-hégémonisme actuel piloté par Washington, relayé par l’Europe atlantique et par l’état-major français, planifie ouvertement un « conflit global de haute intensité» : c’est du reste ce qu’annonçaient déjà à son de trompe les dirigeants politiques et militaires de l’O.T.A.N.[5] bien avant le 22 février 2022, date de l’entrée des armées russes en Ukraine. Mais, quelles que soient les promesses, prodiguées de tous côtés à la veille du « conflit global » en marche, de ne jamais faire usage de l’arme nucléaire en premier, quel observateur un peu sérieux des données géopolitiques ne comprend-il pas qu’une empoignade mondiale entre l’U.E.-O.T.A.N. d’une part, la Russie arrimée à la Chine d’autre part, aurait une probabilité proche de 1 de dégénérer à court terme en une guerre nucléaire d’entre-extermination globale pour peu que l’une des parties aux prises perdît brutalement pied sur le terrain de la guerre dite conventionnelle ? Ce serait alors une entretuerie sans précédent, si ce n’est l’anéantissement rapide du genre humain ou, pis encore peut-être, son dépérissement « en différé », on n’ose dire « à petit feu » pour peu qu’à l’issue de l’affrontement continental se muant aussitôt en troisième conflagration mondiale, quelques groupes humains eussent l’extrême malchance d’avoir survécu[6] aux radiations de longue durée, aux catastrophes environnementales induites ainsi qu’à l’ « hiver nucléaire » qui, aux dires des scientifiques de l’organisation internationale Pugwash, ne manquerait pas de suivre l’utilisation, ne serait-ce que d’une faible part des réserves fuséo-nucléaires existant dans le monde !
  • mais il n’est pas qu’une manière de menacer globalement l’existence de l’humanité ou, à défaut, de consumer à petit feu l’humanité même de l’homme (ce que le généticien humaniste Albert Jacquard appelait son « humanitude ») ; pas qu’une façon non plus de détruire la bio-habitabilité déjà fort dégradée de notre planète de plus en plus bleu-sale : on peut aussi générer à plus bas bruit ces résultats navrants: il suffirait en effet de laisser faire, laisser passer encore quelques décennies la course mortifère au profit maximal, d’accepter l’avalanche des contre-réformes néolibérales aggravant toutes les inégalités, de se résigner aux prédations débridées des sociétés transnationales, de continuer à sanctuariser l’ «économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée »[7] des traités néolibéraux euro-atlantiques, pour tarir en profondeur les sources même de la vie en contaminant et en dévitalisant radicalement les quatre Eléments chers au vieil Empédocle et constitutifs des grands cycles naturels terrestres : gaspillage et surconsommation de l’Energie (le Feu cher à Héraclite d’Ephèse), pollution irréversible des fleuves, des lacs et du grand Océan (l’Eau chère à Thalès de Milet), empoisonnement de l’Air, stérilisation sans retour de la Terre et du sous-sol, et si tout cela ne suffisait toujours pas à satisfaire l’hubris d’Elon Musk et de ses pareils, méga-encombrement en cours de l’espace extraatmosphérique circumterrestre… Ne parlons même pas de ce que pourrait devenir l’A.D.N. d’Homo Sapiens s’il continuait d’être menacé en longue durée par le Tout-Marché invasif s’adjoignant les visées et les pratiques délirantes et néo-faustiennes du « transhumanisme »…

Si, donc, il est opportun de prendre en compte de nos jours les études de genre et autres recherches dé-coloniales visant à tracer et à traquer toutes les formes restées inaperçues des discriminations génériques et/ou postcoloniales[8], il n’est pour le moins pas moins urgent qu’émergent, en France et/ou à l’international, un maximum d’études et de recherches dés-exterministes se coordonnant les unes aux autres sous la forme (rêvons un peu !) d’un Réseau International d’Etudes Désexterministes : son objectif serait alors d’alerter et d’ « armer » les peuples et les citoyens, philosophiquement, historiquement, économiquement, culturellement, scientifiquement, voire politiquement et syndicalement, en un mot, anthropologiquement, en s’adressant au premier chef à ce mouvement ouvrier et populaire national et international qui continue de former le noyau dur des résistances anticapitalistes et en dénonçant la vertigineuse menace globale que constitue, à l’encontre de l’humain et du vivant tout entiers, le pourrissant et de plus en plus fascisant capitalisme-impérialisme-hégémonisme-exterminisme « moderne ». Plus précisément dit, l’objectif d’un tel réseau national et international d’études, d’échanges, de recherches et d’alertes serait de « tracer » en tous domaines les avancées proliférantes de l’exterminisme. Pour cela, il faudrait déceler les interactions reliant les champs et les modes d’intervention de l’exterminisme capitaliste-impérialiste et de ses sous-produits, qu’ils soient aigus ou chronicisés, qu’ils opèrent d’une manière cynique et flamboyante ou qu’ils interviennent de manière plus souterraine et invisible. Evitant le piège d’un pseudo-scientisme objectiviste et dépolitisant, il faudrait aussi pointer, saluer, valoriser, et surtout, inciter à se fédérer, toutes les formes de résistance anti-exterministe (politiques, syndicales, associatives, « sociétales », écologistes, culturelles…) préexistant en acte ou en germes, sans pour autant cacher à leurs actrices et à leurs acteurs la finalité objectivement anticapitaliste et anti-impérialiste pas toujours immédiatement consciente de leur engagement souvent trop sectoriel ou unidimensionnel. Le débouché militant de telles recherches serait d’aider à l’édification d’un Front mondial anti-exterministe ; voire, de manière plus offensive encore, de contribuer à la mise en place d’une Alliance mondiale pour une culture dés-exterministe, laquelle serait inséparable selon nous, d’une dénonciation frontale des traités néolibéraux et supranationaux, de l’exigence positive d’une coopération égalitaire entre peuples redevenus souverains, de l’urgent et « grand rebond » de l’engagement en faveur de Lumières partagées, voire de la proposition innovante d’un socialisme-communisme de nouvelle génération affichant ses ambitions non seulement sociopolitiques mais, redisons-le, anthropologiques : c’est du reste ce qu’avaient commencé à faire de diverses façons Fidel Castro[9], le grand révolutionnaire cubain ami du Che dont la flamboyante devise « Patria(s) o muerte, socialismo o morir, venceremos ! »[10] résume éloquemment – et offensivement ! – les tâches cruciales de notre temps. Il va de soi que cette contre-offensive culturelle pour la vie et pour la raison s’inscrirait dans une processus plus global encore, et qui dépend surtout, bien plus que de n’importe quel réseau international d’étude et de recherche, de la difficile recomposition en cours du Mouvement communiste international, du (re-)développement ou de la franche renaissance de véritables partis communistes nationaux, du grand retour du Mouvement syndical international de classe, de la résurgence concomitante du Front anti-impérialiste mondial et, plus globalement, de l’urgent réémergence, face aux ultimes et menaçants soubresauts de la période contre-révolutionnaire actuelle, ce qu’Antonio Gramsci eût pu appeler une nouvelle hégémonie progressiste (nationale et/ou) mondiale.

Mais quelles pistes théorico-politiques, culturelles et « sociétales » ce réseau désexterministe devrait-il alors explorer méthodiquement tout en s’efforçant de répartir et de déléguer à ses membres, individus pionniers et/ou organisations, le travail exploratoire ?

I – Dépister la présence proliférante, plus ou moins manifeste ou latente, de l’exterminisme en nombre de domaines sociopolitiques et socioculturels.

  1. Dans le champ des conflits militaires globaux ou pouvant le devenir à tout instant.

Il faut d’abord mettre à nu l’exterminisme dans son domaine de prédilection, celui des « conflits globaux de haute intensité » auxquels le monde capitaliste-impérialiste actuel voudrait nous livrer à moyenne, à courte, voire à très courte échéance. En effet, toute une série de géo-politistes bien-pensants et plus ou moins « rassuristes », à l’Est comme à l’Ouest et y compris dans les milieux « marxistes », sous-estiment grossièrement les risques énormes, pour les conflits ukrainien, coréen et/ou taiwanais, de dégénérer rapidement ou à plus long terme si survenait pour eux une phase provisoire de « dormance », en une conflagration continentale, voire mondiale, à dimension nucléaire, donc très probablement exterminatrice. Parfois, ces « docteurs tant-mieux » du capitalisme vont jusqu’à nier la tentation de recourir à l’arme nucléaire, tentation qui ne pourra pourtant manquer de titiller furieusement les puissances bourgeoises disposant d’une telle arme pour peu que leurs dirigeants, qui ne sont jamais en définitive que de pauvres humains faillibles, finissent par perdre pied dans une guerre conventionnelle mettant en cause existentiellement leur Etat ou, s’agissant des U.S.A., percutant frontalement la déclinante hégémonie mondiale de Washington, du dollar, de l’U.S. Army et du camp euro-atlantiste. Dès lors, une tâche majeure des études désexterministes à venir serait, arguments factuels et analyses géopolitiques à l’appui, de déciller enfin toutes celles et tous ceux qui s’aveuglent sur l’évidence, il est vrai psychiquement peu soutenable, d’une marche euro-atlantiste déjà largement engagée vers la guerre globale exterminatrice. A ces rassuristes fort peu rassurants, il faut remettre sans cesse sous les yeux un fait massif et patent : il est en effet inutile de lire dans le marc de café pour constater que le bloc U.E.-O.T.A.N. a déjà fait preuve, structurellement et sur la durée (trois décennies déjà), d’une totale irresponsabilité historique, diplomatique et morale quand il a cyniquement décidé, lors de l’auto-dissolution du Pacte de Varsovie, de la « réunification » allemande et de l’auto-dissolution de l’U.R.S.S. qui l’a suivie, de s’étendre à pas de géant successifs vers les frontières occidentales, voire méridionales (Caucase) de l’Etat nucléaire que ne demeurait la Russie postsoviétique, fût-elle devenue bourgeoise et anticommuniste. Ou quand, dès aujourd’hui, Washington envoie l’U.S. Marine, servilement escortée par la flotte française, provoquer Pékin en Mer de Chine… ou braver la marine chinoise dans le Détroit de Taiwan en violation du principe diplomatique géo-régulateur selon lequel « il n’y a qu’une Chine », la Chine populaire dont relèvent légalement Macao, Hongkong et Taiwan moyennant le principe « un pays, deux systèmes ». Or cette affirmation, littéralement vitale et fondatrice pour Pékin, fut solennellement validée et proclamée par Richard Nixon au nom des U.S.A. quand le président nord-américain, qui cherchait alors machiavéliquement à dresser la Chine maoïste contre l’U.R.S.S., a solennellement reconnu la République populaire de Chine (longtemps, du reste, après Charles de Gaulle !) lors de son mémorable voyage à Pékin des années 1970. Dès lors,

  • comment s’imaginer que la Russie pourrait, sans réagir très fort, voire sans être tentée de jouer son va-tout nucléaire s’il ne lui restait un jour ou l’autre plus d’autre « argument » en réserve, laisser l’Ukraine voisine devenue grossièrement pronazie, néo-bandériste et ultra-atlantiste de Zelensky devenir une base américaine hérissée de missiles nucléaires pointant leur museau cauchemardesque sur Moscou à quelque kilomètres de la frontière russe ?
  • comment croire un instant que l’« indépendance » prétendue de Taiwan (indépendance… par rapport à la Chine populaire, mais allégeance totale par rapport au monde anglo-saxon !) pourrait jamais être entérinée par Pékin ? Les dirigeants chinois ne sont pas des benêts doublés d’hyper-traîtres, comme le fut M.S. Gorbatchev, ni des pantins ivrognes, sanglants et corrompus comme le fut Boris Eltsine : Xi Jinping et ses camarades comprennent parfaitement que les encouragements étatsuniens donnés au séparatisme taiwanais ne pourraient qu’exciter, entre autres conséquences, tous les séparatismes continentaux taraudant la Chine continentale (Hongkong, Sinkiang, Tibet…) au risque de dépecer la Chine sur un mode néocolonial, de lui briser les reins politiquement et économiquement… et de la renvoyer au lamentable état de décrépitude sociale, morale et nationale assortie de « traités inégaux » et de famines récurrentes dont l’avait tirée à grand peine la Révolution ouvrière et paysanne de 1949 !

Dès lors, tout ami du genre humain et du monde vivant devrait combattre à boulets rouges le « rassurisme » : son rôle est en effet de cacher aux hommes, et avant tout à la classe ouvrière, à la paysannerie et à la jeunesse populaire, qui demeurent partout les remparts principaux de la paix mondiale et/ou de la transition environnementale, l’aggravation démesurée du risque exterminateur que comporte la marche occidentale de plus en plus affichée vers un « conflit global de haute intensité » allant du Kosovo (illégalement arraché à la Serbie) à la Corée en passant par le Donbass, l’Indopacifique et la Mer de Chine. Ce rassurisme démobilisateur infecte d’ailleurs jusqu’à certains milieux « marxistes » : non contents de méconnaître le précepte gramscien[11] « pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté ! », ces docteurs tout-va-bien du militantisme absolvent d’avance l’oligarchie euro-atlantiste de sa tendance lourde à prendre, s’il le fallait, les risques les plus démesurés pour tenter de maintenir à tout prix le « paradis sur Terre » que lui garantit présentement la juteuse, mais fragile, hégémonie du dollar et de l’U.S. Army flanquée de sa principale arme de « soft power » mondial : la domination planétaire de l’anglo-américain réduit à l’état de globish régnant sur les périphéries impériales. Non, les impérialistes qui, sans aucune justification militaire, n’ont pas hésité à raser Dresde, Hiroshima et Nagasaki en 1944/45 pour « avertir sévèrement » l’Armée rouge et pour intimider tous les peuples épris d’indépendance, n’ont jamais été, et sont aujourd’hui moins que jamais, ces « tigres de papier » qu’évoquait imprudemment Mao au début des années 1960. Aux études dés-exterministes en matière géopolitique de dissoudre ce dissolvant optimisme de l’intelligence porteur de pessimisme de la volonté qui aboutit à décréter par avance impossible la guerre d’anéantissement ; et, conséquemment, à ne rien tenter de tant soit peu dynamique et fédérateur pour la conjurer, fût-ce sous l’autorité sociopolitique du mouvement ouvrier orchestrant, aux échelles nationale, continentale et mondiale, les luttes anticapitalistes, antiimpérialistes, anti-hégémonistes et anti-exterministes en leur donnant toute leur portée anticapitaliste et socialiste objective.

  1. Dénoncer la sape capitaliste-exterministe du champ bio-environnemental. Comme nous l’avons signalé plus haut, Marx a signalé dès longtemps que le mode de production capitaliste n’est pas viable à long terme étant donné qu’il «n’enfante la richesse qu’en détruisant ses deux sources, la Terre et le travailleur ». Ce constat très général prend une signification littéralement explosive quand il s’agit du turbo-capitalisme moderne[12] : un capitalisme monopolistique et ultra-financiarisé et ultra-spéculatif qui surréagit en permanence à la baisse tendancielle du taux de profit moyen que ce mode de production devenu dès longtemps obsolète alimente par sa traque obsédante du travail vivant ; en effet, la logique du capital monopolistique, celle du profit maximal à court terme, s’oppose frontalement à la logique de vie et de reconstruction au long cours qu’il faudrait instaurer au plus tôt pour préserver la Terre et pour sauver le vivant (voire pour relancer le processus biogénétique menacé par des effets de seuil) non sans susciter le « grand rebond » du processus de civilisation et d’humanisation de notre espèce elle-même menacée de suicide générique. Cette contre-logique de raison et de vie serait synonyme de planification démocratiquement, internationalement et scientifiquement conduite, de subordination des technologies de pointe aux besoins vitaux de l’humanité, et plus particulièrement, de conformation aux aspirations des classes laborieuses qui constituent le moteur du processus inachevé et inachevable de (re-) civilisation, d’hominisation et d’humanisation. Il s’agit certes de s’attaquer à la crise climatique et à l’extinction massive de la biodiversité, en tant qu’elle peut même, qui sait, miner ou pervertir le processus évolutionniste global, mais aussi d’engager en grand l’urgente dépollution des sols, de l’air, des mers et de l’espace circumterrestre en passe d’être à son tour saccagé et/ou privatisé-accaparé par une poignée de milliardaires délirants. Cela n’impose-t-il pas à divers niveaux, national et international, l’émergence d’un socialisme-communisme de nouvelle génération impulsant un tournant révolutionnaire, non seulement politique mais proprement anthropologique, voire anthropogénique, vers…
  • une appropriation sociale des grands moyens de production et d’échange s’accompagnant d’un recentrage général du champ sociopolitique et socioculturel sur la classe ouvrière, la paysannerie et le monde du travail en général,
  • l’affranchissement radical des sciences et des technologies des chaînes du tout-profit, du surarmement impérialiste et du mortifère mode capitaliste de surconsommation-gaspillage des uns et de sous-consommation affameuse des autres,
  • une nouvelle coopération raisonnée entre nations souveraines, égales et fraternelles émancipées de la « concurrence libre et non faussée » telle que l’organisent aujourd’hui, sous la fort peu discrète supervision militaire globale de l’OTAN, l’UE, le FMI et l’OMC,
  • le rééquilibrage méthodique du développement économique entre les peuples (Est/Ouest, Nord/Sud) dans la visée d’une unification effective, et pas seulement conceptuelle et « éthique », du genre humain, cette unification devant faire du reste la plus large place aux diversités légitimes d’ordre linguistique, artistique, culturel au sens large du mot
  • la régulation des flux internationaux de capitaux, de marchandises, d’information et de main-d’œuvre en éradiquant à la fois la sédentarité forcée des uns, que leur misère rive à la terre comme des serfs, et le nomadisme imposé aux autres, qui n’ont d’autre ressource que d’émigrer dans n’importe quelles conditions
  • l’émergence d’une nouvelle culture fondée sur la solidarité humaine, les Lumières communes, l’égalité des humains (notamment des hommes et des femmes), le désintéressement moral, la jouissance simple et partagée de l’existence (ce que Saint-Just résumait sous l’expression « bonheur commun»), et non plus sur la fétichisation primitive de l’argent et sur le culte immature des dominations sociales, génériques, ethniques, religieuses, etc.

Indétachable de cette reconstruction raisonnée de l’interaction entre l’homme producteur et son environnement serait la lutte pour préserver l’humain de sa destruction non plus « existentielle », mais proprement essentielle. L’exterminisme capitalo-impérialiste peut en effet éliminer l’humanité de deux façons : soit d’une manière directement anti-vitale et anti-existentielle, et cela passe par l’élimination physique pure et simple de notre espèce (au moyen des armes de destruction massive ou à l’issue d’une dégradation progressive, quoique rapide et irréversible, de l’environnement) ; soit de façon plus indirecte, discrète et « essentielle », c’est-à-dire en minant les bases du fait humain en tant qu’humain et en parachevant de la sorte la déshumanisation/dé-civilisation/désocialisation en cours des ci-devant humains présents et à venir : tel serait – emblématiquement, sinon seulement –, le projet transhumaniste en tant que, sous couvert d’ « augmenter » l’être humain, il tend à soumettre l’humanité à venir à une techno-manipulation globale et effrénée totalement soustraite, sinon aux exigences minimales de la démocratie sociale, du moins aux diktats du tout-profit capitaliste, à l’intrusive marchandisation de toutes les sphères de l’existence sociale, à l’uniformisation sans précédent du langage, des langues elles-mêmes et de la culture, le tout s’accompagnant de la fascisation de moins en moins rampante de la vie politique et des modes de fonctionnement étatiques. Cette déshumanisation rampante peut à son tour s’effectuer selon deux voies,

  • soit en recombinant directement l’A.D.N. de notre espèce au gré des « commandes du marché » (donc en modifiant la « nature » biologique de l’homme) ; donc en modifiant indirectement ce qu’André Leroi-Gourhan appelait le dispositif corporel de lHomo sapiens et en bouleversant les données génétiques et anatomiques qui ont permis l’émergence de la culture assortie de l’héritage social, de l’historicité au moins possible de l’homme et l’essentielle « perfectibilité » de l’être humain signalée naguère par Rousseau,
  • soit en déstabilisant directement les conditions générales, les « transcendantaux » si j’ose dire, de la culture humaine[13], sans toucher directement pour cela, ni au génome, ni à l’anatomie de l’être humain.

Dans la première hypothèse, la réflexion désexterministe doit investir le champ de la bioéthique, voire celui de la biopolitique, comme nous l’avions d’ailleurs signalé dès les années 1990 en publiant dans Raison présente, la revue de l’Union rationaliste, un article intitulé Dialectique et bioéthique : nous y montrions par ex. que le grand critère éthique qui permet, ou non, de procéder à des manipulations génétiques légitimes sur l’être humain est celui du maintien structurel des conditions générales de sa liberté et de son historicité au moins possible : bien entendu, il serait hautement souhaitable que les biotechnologies permissent à l’avenir, par ex., d’extirper les maladies génétiques qui affectent gravement l’autonomie, la santé, la joie de vivre et la longévité de certains humains, et notamment celles qui frappent des enfants victimes de ces maux atroces. Tout autre chose serait la banalisation de pratiques faustiennes et manipulatrices telles qu’elles parvinssent à déstabiliser les fondamentaux génétiques et anatomiques qui ont permis le basculement de notre ancêtre homininé de ce que Leroi-Gourhan appelait l’ « ordre phylétique » (de nature génético-évolutionniste et naturaliste) vers l’ « ordre technique », langagier et socioculturel, donc aussi vers l’historicité qu’il sous-tend et qu’il rend ainsi possible en permanence : il s’agit en particulier de l’ensemble anatomique constitué par les émergences peu ou prou concomitantes de la bipédie, du redressement vertébral, du déplacement propre au bipède du trou occipital vers le bas du crâne accompagné du déploiement facial et cérébro-crânien qu’il permet, de l’affranchissement des mains de toute tâche locomotrice et de la modification des agencements faciaux et O.R.L. qui ont favorisé l’apparition du langage articulé associé au déploiement du travail en tant qu’activité socialement coordonnée ; sans oublier bien sûr la prématurité spécifique qui reste constitutive du petit d’homme en ce qu’elle permet aux jeunes humains de jouir d’une enfance relativement longue et propice aux processus éducatifs et civilisateurs. A quoi il conviendrait sans doute d’ajouter, n’en déplaise à ceux qui nient ou qui minimisent la différence pourtant flagrante entre « genre » psychosocial et sexe génétique, le dimorphisme sexuel de la plupart des mammifères, voire des vertébrés qui, s’agissant de l’homme, fait de l’enfant le produit direct (ou indirect depuis qu’existe la P.M.A.) de deux individus fort différents avec ce que cela signifie, indirectement et culturellement : dialectique du Soi et de l’Autre entée sur la prohibition de l’inceste (associée au très civilisateur principe exogamique, donc à l’émergence de l’alliance) et sur son avers, ces « structures élémentaires de la parenté » qui forcent au débordement de la relation duelle par l’apparition symbolique du tiers : toutes choses qu’ont étudiées par des voies diverses mais convergentes l’ethnologie structuraliste, la linguistique et la psychanalyse freudo-kleino-lacanienne, sans oublier la psychologie du « socius » élaborée par les marxistes Henri Wallon et René Zazzo donnant forme empirique à la profonde remarque dia-matérialiste de Marx affirmant, dans son Introduction à la méthode de la science économique (1857) que

« … l’homme n’est pas seulement un ‘animal politique’ (zwon politikon), il est un animal qui ne peut s’individualiser que dans la société ».

Dans la seconde hypothèse, on a affaire en effet à la déstabilisation directe des transcendantaux socioculturels qui ont permis à l’humain, originellement un animal parmi tant d’autres, de se muer (de manière toujours précaire) en un être historico-culturel appartenant, non seulement à l’ordre biologique des lignées évolutives et génétiques (hérédité génétique et épigénétique soumise principalement à la sélection naturelle), mais à celui, émergent, révolutionnaire et qualitativement neuf, du langage (ou plutôt des langues humaines apprises et porteuses d’histoire), de l’outillage de plus en plus complexe, du progrès technique (et des régressions !) au moins possible et de l’héritage en tant qu’il permet et qu’il suscite l’accumulation technico-culturelle et l’entrée, au moins possible, fût-ce dans les sociétés humaines prétendument « sans histoire », dans la sphère ô combien mouvante de l’historicité.

II – Approfondir l’étiologie de classe capitaliste, impérialiste et contre-révolutionnaire de l’exterminisme contemporain

Il ne suffit pas de constater l’existence d’une « pulsion de mort »[14] hantant et labourant nos temps passablement ténébreux et contre-révolutionnaires. Encore faut-il ne pas se contenter, à la manière des « effondristes », de « déplorer » la « folie des hommes » ou les « tendances suicidaires » de l’être humain, de rabattre sur la pulsion de mort freudienne (qui du reste n’est pas purement destructive) ; ce serait donc aussi le rôle des études désexterministes que nous proposons que d’établir et de documenter fortement l’étiologie sociopolitique, socioéconomique et socioculturelle de nature proprement capitaliste de l’exterminisme contemporain.

  1. Sur les terrains géopolitique et géomilitaire – Dans différents textes publiés au cours des années 1980, 1990 et 2000, nous avons affronté conceptuellement le révisionnisme anti-léniniste ambiant qui exploitait le concept d’exterminisme pour dévaluer comme « périmée » l’approche de classes des phénomènes de méga-belligérance. De Juquin, alors porte-parole officiel d’un P.C.F. déboussolé par l’eurocommunisme et par l’anti-léninisme, à Gromyko, qui dirigeait alors la diplomatie de Brejnev et qui prétendait qu’une éventuelle guerre nucléaire mondiale serait d’intérêt politique nul étant donné qu’elle détruirait à égalité l’agresseur et l’agressé, la conception révisionniste émergente de la guerre affirmait sans qu’on pût alors lui porter la contradiction que la formule classique de Carl von Clausewitz selon lequel « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens»[15] ne pourrait aucunement s’appliquer à une guerre nucléaire moderne et potentiellement exterminatrice : à suivre ce « marxisme » « post-clausewitzien » et « dé-léninisé », en un mot, décaféiné, qui allait bientôt aboutir à l’informe « nouvelle pensée politique » de Gorbatchev, Yakovlev et Chevarnadzé, le camp occidental dirigé par Reagan, puis par Bush Senior, ne pourrait aucunement faire courir au monde le risque objectif, suicidaire pour les deux belligérants éventuels, d’une guerre nucléaire potentiellement exterminatrice. Nos théoriciens post-clausewitziens, et par conséquent, post-léninistes et en réalité, postmarxistes (Gorbatchev n’est pas né de rien…) affirmaient cela à un moment où Ronald Reagan tonnait à toute occasion contre l’ « Empire du Mal » soviétique, où la réaction allemande requinquée par la nouvelle croisade antisoviétique criait à pleine voix « plutôt morts que rouges ! » et où le Pentagone, encouragé dans cette voie par tous les gouvernements européens de droite et « de gauche » (Mitterrand inclus,) s’évertuait à déployer en Europe ses missiles Pershing II. Ces derniers étaient présentés comme techniquement capables de frapper atomiquement Moscou en six minutes au titre de ce que les Américains nommaient alors officiellement le first use (usage en premier de l’arme atomique) ou le first strike (une première frappe nucléaire prétendument « désarçonnante » ou « désarmante » percutant l’U.R.S.S. et la rendant incapable de riposter) couplée à l’érection d’un « bouclier spatial » américain (la « guerre des étoiles ») prétendument capable d’arrêter l’éventuelle riposte soviétique. Or, bien qu’universellement censuré, nous avions alors démontré point par point que, face à la défaite stratégique que venait d’essuyer Washington au Vietnam (1975), face au rougissement continu de l’Afrique provoqué par l’arrivée au pouvoir de leaders marxistes-léninistes déclarés en Ethiopie (le colonel Menguistu Haïlé Maryam), en Angola (Agostinho Neto), au Mozambique (Samora Machel), en Guinée Bissau (Amilcar Cabral), à Madagascar (le capitaine Didier Ratsiraka), voire au Bénin (Matthieu Kérékou), face à l’écroulement en cascade encore récent des trois régimes fascistes européens subsistants (Grèce, Portugal et Espagne) et à l’essor concomitant des P.C. occidentaux dans chacun des pays concernés, face aussi à la « révolution islamique » confusément anti-impérialiste déclenchée en Iran (contre le Shah, l’homme-lige des Américains), face à la récente prise de pouvoir de jeunes officiers prosoviétiques en Afghanistan (Taraki), face à l’écroulement en cours du régime sud-africain d’apartheid sous les coups conjugués du P.C. de Chris Hani, de l’A.N.C. de Mandela, du syndicat de classe COSATU et de leur grand allié internationaliste cubain, face à la toute récente révolution sandiniste du Nicaragua et à l’essor des guérillas marxisantes du Guatemala et du Salvador en Amérique centrale, voire face à l’émergence en France d’une unité populaire initialement portée par le P.C.F. encore quelque peu rougeoyant de Marchais, Fajon et Krazucki, le capitalisme-impérialisme percuté de toutes parts par la lutte des peuples n’avait plus, provisoirement, d’autre ressource politico-militaire pour tenter de reprendre l’initiative historique et géopolitique que de jouer son va-tout historique en ciblant l’ennemi principal : l’U.R.S.S., ainsi que son principal allié européen situé sur la « ligne de front », la République Démocratique Allemande dirigée par Erich Honecker. En effet, le faucon Ronald Reagan, suivi de bon cœur par Margaret Thatcher, par Helmut Kohl et, bien entendu, par le social-atlantiste flamboyant François Mitterrand, devait nécessairement cibler le noyau dur du camp d’en face, surtout la R.D.A., clé de voûte de l’équilibre européen, donc de l’équilibre mondial, et plus centralement encore, l’ « Empire du Mal » soviétique qu’il fallait soumettre à un bras de fer politico-idéologico-militaire global sans autre sortie possible que la défaite globale de l’une ou de l’autre partie combattante. Dans cette Gigantomachie politique, le bloc euro-atlantiste pouvait alors prendre appui sur la très suicidaire, quoiqu’opportuniste, politique des dirigeants maoïstes de plus cyniquement antisoviétiques qui avaient succédé à Mao Zedong, puis à Zhou Enlaï, et qui venaient tout juste d’agresser odieusement la jeune République socialiste unifiée du Vietnam (guerre sino-vietnamienne honteuse de 1979), tout en alimentant, avec l’aide des Occidentaux, cet exterminisme, ou plutôt, ce contre-exterminisme du pauvre qu’a odieusement constitué le sanglant et primitiviste régime antivietnamien dit des Khmers rouges !

Au même moment, le « nouveau philosophe » français André Glucksmann occupait centralement, et non sans quelque ténébreux talent hélas, le terrain « culturel » de la contre-offensive de l’impérialisme exterministe global. Ce prétendu « nouveau philosophe » ami de l’inepte et méchant B.-H.L., expliquait même, dans son livre La force du vertige (vendu hélas à des centaines de milliers d’exemplaires par l’éditeur Grasset !) que lui, l’ex-dirigeant mao de la « Gauche prolétarienne » (!) aurait mieux aimé « succomber irradié avec (son) enfant (qu’il) aime dans un échange de Pershing et de S.S. 20 plutôt que l’imaginer entraîné vers quelque Sibérie planétaire » : traduction pseudo-intellectuelle du mot d’ordre le plus réactionnaire qu’ait jamais connu l’histoire et que nous venions de rappeler ci-dessus, le fanatiquement démentiel « lieber tot, als rot ! » cher à la réaction allemande. Le « philosophe » exterministe flamboyant qu’était Glucksmann obtenait ainsi les vivats de toute la « gauche » atlantico-mitterrandienne emmenée par le renégat Yves Montand. Ce même « penseur » expliquait ainsi sans sourciller que, pour sauver les « valeurs occidentales » menacées par le « totalitarisme » soviétique, il faudrait savoir risquer, au besoin, une méga-guerre susceptible de menacer l’existence de l’humanité « dans son exhaustivité ». C’est ce que ce hargneux personnage nommait carrément, en langage apocalyptique, la « seconde mort de l’humanité » : en clair, la possible mise à mort globale de l’humanité, et avec elle, la liquidation ici et maintenant de toute espèce, non seulement de projet personnel, mais d’entreprise humaine dont le sens pût à l’avenir dépasser les limites de la vie individuelle. On comprend du reste, comme je l’avais alors démontré dans mon essai Matérialisme et exterminisme de 1985 (il ne trouva aucun éditeur…), que l’exterminisme ait ouvert un boulevard idéologique à toutes les formes possibles d’intégrismes religieux, ces abris antiatomiques apparemment parfaits et quasi inexpugnables du sens (puisque Dieu fera justice aux « bons » dans l’au-delà) et plus globalement à la relance globale, surtout en Europe, des idéologies fascistes, nazies et assimilées (et plus tardivement, de leur contremarque djihadistes) dont le fonds exterministe et le culte exacerbé du massacre de masse ne sont guère à démontrer.

Projet ultra-nihiliste, donc impossible à prendre politiquement et militairement au sérieux ? Nullement, puisque ce chantage proprement anthropocidaire à ce que nous avions appelé la « mauvaise fin de l’histoire », la fin par extermination, a alors pitoyablement trouvé comme un écho inversé profond à Moscou : en effet, le P.C.U.S., dirigé depuis peu par Gorbatchev et sa clique capitularde et pseudo-intelligente, se rangeait désormais à une orientation anti-léniniste qui tendait à reproduire à l’envers, donc à valider dans sa logique, l’exterminisme capitaliste des Occidentaux : triomphaient alors à Moscou la « nouvelle mentalité politique » et son dogme central ainsi formulé par Gorbatchev dans son livre à large diffusion publié en 1988 et intitulé Perestroïka :

« … préférer les valeurs universelles de l’humanité aux intérêts de classe du prolétariat »

… était le prétendu sésame qui allait ouvrir à l’U.R.S.S. les clés du consumérisme béat et de la bienheureuse réinscription de la Russie dans l’ « unité (prétendument au-dessus des classes sociales…) de la civilisation ». Il s’agissait là clairement d’une subversion globale, bien que déniée initialement, du marxisme-léninisme (hypocritement Gorbatchev parlait même de « retour à Lénine ») ; en effet, pour Marx, Engels ou Lénine, c’est l’émancipation révolutionnaire du prolétariat qui peut seule structurellement permette à l’humanité d’abattre l’exploitation capitaliste et l’oppression impérialiste, ces sources récurrentes des guerres modernes. Ce n’était certes pas avec mais contre le capitalisme-impérialisme occidental, que le Cubain Castro, mais aussi les Russes Andropov et Tchernenko, que l’âge et la maladie ont, hélas, très rapidement emportés tour à tour, appelaient encore à forger un large Front de la raison de nature anti-exterministe. C’est à Camagüey, à l’occasion du trentième anniversaire de la Révolution, que l’anti-impérialiste impénitent Castro pouvait déclarer le 26 juillet 1989, non sans cingler discrètement au visage la superstar mondiale Gorbatchev avec son prétendu pacifisme au-dessus des classes :

« … il y a la démocratie des riches et la démocratie des pauvres, la paix des riches et la paix des pauvres »[16]

Ainsi, alors que la crise mondiale des euromissiles culminait en 1984-85 avec l’implantation effective en R.F.A. et en Sicile des Pershing II et des Cruse Missiles américains, on vit – concomitance géopolitique jusqu’ici fort peu soulignée par les « historiens » officiels de cette période ! – l’équipe « novatrice » des Gorbatchev, Yakovlev, Chevarnadzé et autre Boris Eltsine[17] – accéder au Kremlin en 1986 après que furent survenus les décès successifs d’Andropov et de Tchernenko, les successeurs directs de Brejnev encore déterminés à résister à l’Oncle Sam. Et c’est cette concomitance géopolitique majeure que d’aucuns, qui se disent pourtant parfois « marxistes-léninistes », osent nommer l’ « inefficience politique » de la préparation occidentale à la guerre d’extermination nucléaire : celle-ci aura pourtant produit, en favorisant l’émergence de, et en s’accouplant à l’idéologie non pas anti-exterministe, mais contre-exterministe ou mieux, subexterministe de Gorbatchev, ce bouleversement géopolitique sans égal : la victoire en U.R.S.S. et en Europe de l’Est, République Démocratique Allemande en tête, d’un courant archi-thermidorien qui, jouant le rôle d’un « supraconducteur » interne de la politique atlantico-exterministe occidentale, précipitera vers l’Est, puis vers le monde entier, le plus grand raz-de-marée contre-révolutionnaire, voire « contre-réformiste » de l’histoire moderne ! Alors que d’aucuns prédisaient que la guerre d’extermination ne pourrait jamais comporter d’aboutissement politique car, prétendaient-ils, « elle ne pourrait faire ni vainqueurs ni vaincus », qu’a-t-on obtenu à l’arrivée sinon ces « point de détails de l’histoire moderne » que furent alors le renversement contre-révolutionnaire de la première expérience socialiste de l’histoire[18], la dissolution à l’arrache de l’U.R.S.S. et du camp socialiste européen, l’affaiblissement de longue durée de la Russie bourgeoise et postsoviétique, la victoire mondialement dévastatrice pour les peuples de l’unilatéralisme américain, la revanche historique de l’impérialisme allemand phagocytant la R.D.A. (et le retour larvé du Japon impérial et sa sortie concomitante, d’abord timide, de sa Constitution pacifiste !), le renforcement effréné d’une Europe supranationale écrabouillant les nations est-européennes et les prolétariats occidentaux, le dépeçage otanien violent de la fédération socialiste yougoslave, les guerres impérialistes dévastatrices qui ont anéanti des millions d’êtres humains, de l’Irak à la Libye en passant par le Soudan et la Syrie, l’écrasement infernal du peuple palestinien et, plus structurellement encore, l’avènement d’une mondialisation capitaliste sauvage aussi nuisible aux classes laborieuses du monde entier qu’elle s’est avérée néfaste à l’environnement global et à la santé des peuples…

D’un point de vue plus « gallo-centré », cette contre-révolution paneuropéenne s’est traduite aussi par l’euro-dissolution en marche de la France, par la liquidation par tranches successives des conquêtes sociales du C.N.R. indirectement liées à la victoire soviétique de 1945, par le délitement eurofédéraliste de la République française souveraine et indivisible héritée de 1793, voire par la substitution galopante du tout-globish de l’euro-mondialisation libérale à la langue française marginalisée dans une série de domaines stratégiques ? Un basculement historique qui taraude, non seulement le « bloc historique » antifasciste né de Stalingrad, non seulement les rapports de forces capital/travail issus d’Octobre 1917, mais l’héritage culturel mondial des Lumières et de la Révolution française, notamment ceux de sa phase jacobine. Si ce n’est – s’agissant de la France – d’un certain nombre d’avancées associées à la construction de l’unité française déjà fortement engagée sous les Capétiens : voirie nationale apparue sous Henri IV et son ministre Sully (« Grand Voyer de France »), monopole d’Etat de la Poste, officialité du « langage maternel françois » (François 1er puis le Cardinal Armand du Plessis de Richelieu, créateur de l’Académie française), existence d’un territoire national clairement délimité (le « pré-carré » hexagonal disposé par Vauban), etc.

En résumé, rien de plus factuel que d’affirmer ceci : appuyée sur d’énormes moyens idéologiques (croisade antisoviétique) et militaires (car il y eut là tout autre chose qu’un bluff occidental gratuit !), la menace d’une guerre antisoviétique potentiellement exterminatrice aura a bel et bien « continué par d’autres moyens » (ceux de la course aux armes nucléaires sans cesse relancée par Washington d’Hiroshima (1945) aux Pershing de 1984) la contre-offensive lancée par Washington pour inverser à n’importe quel prix l’affaiblissement du bloc occidental qu’avait révélé la victoire des peuples indochinois soutenus par l’U.R.S.S…. Dialectiquement, cette politique militaro-exterministe fut à son tour continuée et démultipliée sous d’autres formes, initialement plus souterraines, par la contre-révolution des années 1990, puis par les contre-réformes antisociales mises en place en Europe de l’Ouest sous l’égide de l’émergente Europe de Maëstricht. Cette restauration planétaire de la domination capitaliste occidentale sur l’Europe et le monde, Chine partiellement exceptée[19], fut logiquement suivie par une multitude d’entreprises impérialistes visant à recoloniser l’Europe de l’Est, à piller et à diviser méthodiquement la Fédérations de Russie (privatisations mafieuses orchestrées par le régime corrompu de Boris Eltsine, encouragements occidentaux adressés aux séparatistes tchétchènes…) et à matraquer sans limite les pays du Sud, notamment les Etats africains, proche-orientaux et latino-américains (Irak, Syrie, Libye, Palestine, Yémen, Méso-Amérique ramenés de force dans l’orbe washingtonienne par les « contras » financés par la C.I.A.). Tous furent livrés sans défense à l’ « unilatéralisme » américain et aux prédations débridées des puissances du Nord (« Françafrique » incluse), sans parler des droits des femmes reculant presque partout, de Kaboul rendu aux talibans, aux Etats américains de la Bible Belt en passant par la Pologne néo-papiste, antiféministe et réactionnaire. N’oublions pas non plus de surcroît le sac irréversible qu’auront dû encaisser depuis quarante ans les milieux naturels terrestres livrés à la « concurrence libre et non faussée » des traités inégaux et néolibéraux. Quant aux classes ouvrières du Nord, non pas conduites au combat, mais égarées par leurs dirigeants « socialistes » et « eurocommunistes » respectifs ralliés à « l’Europe », elles allaient vite perdre nombre d’acquis séculaires (baisse des salaires réels, démontage néolibéral des services publics, dé-protection sociale, délocalisations industrielles, casse du droit de grève, etc.) suite aux « bouleversements démocratiques à l’Est » (dixit L’Humanité du 31 août 91) qu’encensaient alors les social-démocraties anciennes (les partis socialistes d’Europe ralliant la « nouvelle gauche » rocardo-blairiste) et les P.C. démarxisés adoptant la « construction européenne » dans son principe, sinon dans ses modalités : c’est-à-dire à la nouvelle Sainte-Alliance euro-atlantique émergeant, avec ses flanc-garde catholico-intégristes (Varsovie), néo-mussoliniens (Rome), néo-bandéristes (Kiev), voire néonazis (Kiev, Tallinn, Riga, Budapest…), sur les ruines de la première Europe socialiste[20] qu’eût connue l’histoire…

  1. Sur le terrain socioéconomique – Nous invitons ici à développer, si possible collectivement, l’analyse marxiste-léniniste du caractère structurellement exterministe de l’économie capitaliste moderne. On peut partir des analyses trop vite oubliées d’un Jaurès soulignant combien l’économie impérialiste est intrinsèquement gangrénée par le militarisme en tant qu’elle est liée au capitalisme monopoliste, voire à ce que Lénine appellera le capitalisme monopoliste d’Etat: ce n’est nullement par accident et à titre provisoire que la production et le commerce d’armes, ainsi que, soit dit en passant, la production en masse et le commerce des drogues, tiennent invariablement la tête des « bonnes affaires » d’un monde capitaliste où les pratiques mafieuses, les conflits d’intérêt public/privé et le financement public massif du profit privé par l’argent public ont été érigés en moteurs systémiques. Il faut relire à ce sujet Lénine et son grand petit livre L’impérialisme, stade suprême du capitalisme : les tendances à la guerre mondiale ne se développent nullement en vase clos au sommet des grands Etats impérialistes et de leurs cercles politico-militaires dirigeants : s’il est permis de parler métaphoriquement, la pulsion de mort exterministe s’ancre profondément dans la logique économique du système capitaliste si bien que la course au surarmement constitue l’une des plus importantes « béquilles » du taux de profit moyen chancelant du capitalisme moderne, pour reprendre une expression du défunt économiste marxiste Henri Claude[21]. Certains milieux ont coutume d’évoquer l’« Etat profond » qui déterminerait les politiques impérialistes très en-deçà des batailles électorales de surface, mais cet Etat profond réel ou prétendu n’est à vrai dire qu’une structure de régulation superposée à des mécanismes économiques infrastructurels et bien plus fondamentaux encore qui faisaient dire à Jaurès que « le trust tourné vers l’extermination, voilà le dernier mot du capitalisme moderne ». Ces fonctionnements objectifs n’ont rien d’un « complot » ourdi par quelques conspirateurs « francs-maçons », ils s’enracinent nécessairement dans la logique matérielle profonde du mode de production capitaliste parvenu au stade « agonisant » du mode de production capitaliste et c’est plus que jamais le devoir des chercheurs marxistes que de mettre à nu leurs rouages (ce qu’a déjà fait à plusieurs reprises l’universitaire émérite Annie Lacroix-Riz d’un point de vue historique). C’est indispensable si l’on veut que s’épanouisse une nouvelle culture désexterministe indispensable pour porter les résistances populaires au niveau qu’ont atteint, fort opportunément, les résistances qui se déploient d’ores et déjà sur le terrain environnemental.
  1. Sur le terrain environnemental – Les partisans de l’écologie radicale dénoncent généralement avec verve les traits exterministes du « modèle de développement actuel ». Ce serait heureux si ces théoriciens faisaient clairement le lien entre ce « modèle », qui ne se réduit nullement à un stock de mauvaises habitudes, et la logique objective du mode de production capitaliste parvenu à son stade final. Cependant, une tendance que doivent résolument combattre les constructeurs d’une future culture désexterministe s’inspirant du marxisme, consiste à imputer à l’ « Homme » en général, voire à « la Technique » abstraitement considérée, le vandalisme environnemental et le saccage systémique de la biosphère qu’engendre nécessairement le capitalisme-impérialisme-exterminisme contemporain. La conséquence première de toute « Deep Ecology » séparée de la lutte pour le socialisme et pour le communisme est alors d’alimenter la misanthropie. Laquelle est moins, pour l’idéologie exterministe, un antidote qu’un carburant psychologique puissant[22]; car après tout, s’il s’avère que l’ « Homme » n’est capable que de polluer, la perspective d’une (auto-)extermination de l’humanité n’est pas une si mauvaise chose que cela : elle n’est même au fond, de manière inconsciemment religieuse, que la punition immanente qu’a méritée notre espèce pécheresse : car n’est-il pas écrit que « tu seras châtié par où tu as fauté »? Et si « la technique » est seule coupable du sac de la planète, et nullement la propriété capitaliste assortie aux structures militaro-fascisantes qui la verrouillent politiquement, force est de se rabattre sur les vieilles lamentations heideggériennes (et/ou andersiennes ?) déplorant la perte par l’humanité du « sens de l’Être » dont la méchante « ustensilité » (en gros, le rapport à la nature platement pragmatique de l’homme commun incapable d’ « authenticité » ontologique) serait la matrice pathologique : comme si l’humble praxis du bûcheron ou du prolétaire ne pouvaient rien saisir d’essentiel au sujet de l’ « être de l’étant » (que n’approcheraient vraiment, dans sa radicale et indéductible « dation », que l’ « angoisse existentielle », la mystique et/ou la poésie…). Comme si, à l’inverse, le rapport purement contemplatif à l’être qui caractérise, du moins en apparence, le mystique ou l’esthète, n’était pas inconsciemment porteur d’un « habitus » de classe parfaitement… « inauthentique » du point de vue existentiel : en clair d’une forme assez perverse de cette « distinction » de classe pernicieuse qu’a démasquée la critique bourdieusienne du « bon goût ». Circonstance aggravante, Martin Heidegger qui adhéra sans états d’âme au Parti nazi jusqu’en 1945, et qui n’a du reste jamais condamné catégoriquement le Troisième Reich, a toujours voulu ignorer les liens existant objectivement entre le nazi-fascisme et les pratiques exterminatrices terriblement… « rationnelles » et raffinées d’un régime que financèrent d’emblée les « mystiques » bien connus qui avait nom Thyssen, Krupp von Bohlen et autres maîtres d’G. Farben !
  1. Sur le terrain techno-« scientifique » et biomédical – Les avancées prévisibles de la biologie laissent espérer un avenir brillant pour l’humanité en matière de traitement des maladies et d’atténuation des maux liés à l’âge. Mais dans le cadre d’un système régi par la course au profit, par les rivalités inter-impérialistes et par la marchandisation de toutes choses, ces avancées peuvent se transformer, et se transforment déjà pour une part en autant de cauchemars. Déjà le mode de production capitaliste est conçu depuis des siècles pour éliminer de manière indiscriminée le travail vif (les hommes) au profit du travail mort (les machines) avec le double effet d’une marginalisation de millions de personnes qualifiées et devenant subitement « inemployables » tandis que d’autres millions d’honnêtes gens besognant jusqu’à épuisement comme appendices des machines ; y compris à l’avenir des machines « intelligentes » au sens, suspect du reste, que comporte cet adjectif dans l’expression « intelligence artificielle ». Il serait alors possible d’éliminer l’humanité, non pas en exterminant les individus qui la composent, mais en déshumanisant de plus en plus de fonctions aujourd’hui assumées par des hommes de chair et d’os. Un effet analogue peut s’obtenir en transformant le corps, voire l’A.D.N. humains, de manière à « augmenter » le corps et le cerveau des uns tout en diminuant les fonctions vitales des autres (comme c’est le cas dans la célèbre dystopie d’Huxley Le meilleur des mondes). C’est pourquoi la bioéthique doit s’élargir en biopolitique car encore une fois, on peut détruire l’humain de deux manières, soit en polluant irréversiblement son environnement, soit en détruisant les bases génétiques, leur expression anatomique et les fonctions corporelles qui formèrent le socle de l’hominisation d’hier et qui demeurent la base incontournable de l’humanisation à venir de notre espèce encore si barbare.
  1. Sur le terrain idéologico-« culturel » – Aurélien Djament a naguère attiré l’attention des lecteurs d’Etincelles sur l’exterminisme culturel et linguistique propre au capitalisme-impérialisme moderne : pour créer un marché unique mondial de la main-d’œuvre propre à exacerber la concurrence entre les prolétaires du monde entier (donc à tirer vers le bas les protections sociales et les échelles salariales obtenues par les prolétaires pays par pays), ce mode de production dominé par le monde anglo-saxon tente d’imposer au monde entier une culture, une langue, une économie, une politique, voire une pensée uniques dont témoigne le basculement, déjà largement en cours de l’Europe vers le tout-globish, mais aussi, et par la médiation de cet idiôme, vers l’uniformisation accélérée des modes de pensée, de vie, de travail, de consommation… et de dé-protection sociale. Or, l’une des propriétés du langage humain qui le distingue fortement des « langages » en vigueur dans le monde animal (sans parler des modes de communication propres à certaines plantes aptes à transmettre des informations environnementales utiles à leurs congénères), est d’être aussi pluraliste et diversifiée que l’est la culture humaine prise dans sa globalité. A certaines variantes locales près, où peut du reste intervenir une forte part d’apprentissage, tous les félins, tous les poissons, tous les oiseaux d’une espèce donnée partagent respectivement un même code globalement inné, alors que les hommes, qui doivent tous apprendre à parler dès leur naissance la langue de leurs parents, n’ont jamais parlé l’ « anthropien », mais bien le sumérien ou l’élamite, le quechua ou l’aymara, l’étrusque ou le latin, etc. Le basculement en cours, et sous influence impérialiste, de l’humanité vers la langue unique anglo-américaine, ou plutôt vers sa version maximalement appauvrie que représente l’« anglais d’aéroport », pourrait donc comporter bien des effets dévastateurs pour l’humanité de l’homme, laquelle se nourrit de diversité culturelle. Surtout si ce passage à l’idiome planétaire unique ne résulte pas de la lente interaction égalitaire des langues et du long frottement pluriel et égalitaire des cultures, et encore moins s’il ne procède pas d’un patient fusionnement volontaire des nations existantes, mais de la brutale « commande » du marché mondial de la force de travail, de l’envahissement planétaire du « modèle » américain et de la dé-segmentation linguistique sauvage imposée aux peuple par la brutale, « pragmatique » et fort peu policée World Company anglo-saxonne. Pas plus qu’une pensée unique ne resterait bien longtemps une vraie pensée (même l’homme qui pense silencieusement « dialogue avec lui-même », observait déjà Platon…), une langue unique ne mériterait pas longtemps le nom de langue et cela d’autant moins qu’elle se condamnerait à charrier à l’infini dans sa mémoire morte hantée par toutes les langues assassinées par ses soins, toutes les pensées, non pas doucement évaporées et lentement ruminées et savamment réappropriées, mais enterrées toutes vives, des populations néo-colonisées dont auraient été arrachées les langues, cultures et pratiques sociales d’origine. Ce processus ne concerne pas seulement l’avenir : déjà les colonialismes passés avaient su extirper la mémoire vive des peuples comme l’avait montré Fanon dans Visages noirs et masques blancs. Du reste, l’auteur de ces lignes n’a jamais été un fanatique du tout-français qu’imposa aux Africains colonisés la France impériale, sans parler de la manière dont la bourgeoisie parisienne du XIXème siècle et ses imitateurs provinciaux ont refoulé le provençal, le breton ou le basque sur le territoire métropolitain. Evitons cependant que les condamnables arasements linguistiques fomentées à bas bruit par les dominants d’hier ne servent pas à justifier celles d’aujourd’hui et de demain en aidant le tout-globish de l’euro-mondialisation capitaliste à parachever l’uniformisation linguistico-culturelle potentiellement dé-civilisatrice de l’Europe, voire de la planète entière…
  1. Sur le terrain de la psychologie des masses – Il serait faux et quelque peu conspirationniste de s’imaginer que l’exterminisme ne concernerait que l’oligarchie capitaliste claquemurée dans les forums réservés aux « élites » ou dans les bunkers « imprenables » du Pentagone et de ses émules européens. Si l’exterminisme constitue bien l’asymptote historique du capitalisme-impérialisme contemporain, il ne peut manquer de se ramifier et de proliférer de cent manières dans le style de vie et dans les modes de pensée d’une partie de millions de gens étant donné que, comme l’ont découvert Marx et Engels dans L’Idéologie allemande, « dans toute société divisée en classes sociales, les pensées dominantes sont les pensées de la classe dominantes car ceux qui détiennent les moyens de production matériels disposent aussi des moyens de production spirituels». Une idéologie sourdement exterministe infecte ainsi les cœurs et les cerveaux d’une large part des couches moyennes supérieures boboïsées : en témoigne l’alignement russophobe, sinophobe et euro-belliciste enthousiaste, voire fanatique, des dirigeants Verts[23] ou des sociaux-impérialistes du groupe Place publique (dirigée par le fils Glucksmann) : derrière son verbiage de gauche pseudo « inclusif », une bonne partie des salariés de luxe des « métropoles » semble prête à tout risquer (sur le dos des couches populaires pour commencer…) pour conserver son image de soi « distinguée » et ses privilèges économiques, surtout si les sophistes professionnels issus de leurs rangs savent repeindre en vert ou en rose les pires ingérences, interventions et escalades hégémonistes hypocritement mises au compte de l’inusable « défense des droits humains », de la « libération de la Femme », des « droits des L.G.B.T.Q.+ », et d’autres causes légitimes en elles-mêmes mais détournées de leur sens et utilisées comme autant de diversions : voir par ex. la bonne conscience extravagante par lesquelles nombre de militants de « gauche », voire d’ « extrême gauche » ont naguère avalé goulument le blocus exterminateur de l’Irak (dont ont péri des centaines de milliers d’enfants), ou l’intervention franco-anglo-américaine qui a ruiné la Libye et qui a aussi, dans la foulée, déstabilisé une large partie de l’Afrique francophone, notamment le Mali et le Burkina Faso. Sur le plan idéologique, il serait donc opportun de lancer une analyse méthodique des idéologies social-exterministe, voire « écolo-exterministe », c’est-à-dire socialisante ou écologiste en paroles, mais exterministes objectivement et dans la pratique. Comment est-il par ex. possible que des personnes qui, par ailleurs, se disent prêtes à s’arrêter dix fois sur un trajet Lille-Perpignan pour recharger la batterie de leur voiture électrique dernier cri, ou qui vouent aux gémonies toutes les centrales nucléaires civiles de France, ne voient aucun inconvénient environnemental à alimenter sans limite la machine de guerre l’Ukraine otanienne flanquée de ses bataillons néo-bandéristes et néonazis Azov et Aïdar… y compris si cela devait saccager irréversiblement un espace géographique immense, voire si le conflit entre la Russie et l’O.T.A.N. par Ukraine interposée finissait par dégénérer en une guerre nucléaire mondiale achevant d’accélérer l’effet de serre et, plus globalement, de détraquer, entre autres joyeusetés prévisibles, le climat de la planète…
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Il faudrait voir aussi de plus près comment l’exterminisme affecte souvent, sous des formes « brutes de fonderie », certains éléments retardataires ou quelque peu illuminés des couches déclassées et sous-prolétariennes, notamment dans ces Etats-Unis d’Amérique étrangement érigés en modèles où le nombre d’assassinats annuels donne le vertige, où la police continue d’abattre des Noirs pour un oui ou pour un non, où il y a trois fois plus d’armes de guerre en circulation (et en vente libre ! ) que le pays ne compte d’habitants, où de prétendus parents de la prétendue « Bible Belt » adhérents à la « National Rifle Union » offrent des fusils d’assaut chargés à leurs adolescents et où les tueries de masse effectuées dans des temples ou dans des écoles, illustrent au quotidien ce qu’Arendt appelait la « banalité du Mal »…

Nous avons par ailleurs évoqué ci-dessus ce contre-exterminisme du pauvre qui s’est traduit naguère par le génocide khmer « rouge », mais nous pourrions aussi parler de la banalisation du terrorisme djihadiste qui, stimulé par un culte mortifère du « martyre », soutenu par le regain planétaire des vues obscurantistes et avant tout nourri par la haine nationale compréhensible mais totalement dévoyée qu’entretiennent, contre les « infidèles » occidentaux, les prédations, blocus, « sanctions », interventions armées et autres ingérences perpétrées par l’impérialisme occidental et/ou par ses protégés de l’extrême droite israélienne à l’encontre des peuples musulmans (Afghanistan, Palestine, Iran, Irak, Yémen, Syrie, Libye, Liban…) n’aboutit que trop souvent à justifier la pratique du massacre aveugle de type « kamikaze » sur le mode désespéré « Qu’ils en crèvent tous, dussè-je me faire sauter avec eux ! ». D’autant que le mode de pensée religieux, et plus précisément intégriste, et que le recul en longue durée du mouvement ouvrier de classe associé à la Révolution d’Octobre et des Lumières laïco-républicaines accompagnant la Révolution française, ont provisoirement réduit la possibilité de construire ces alternatives politico-économiques construites et peu ou prou rationnelles, humanistes progressistes qu’étaient, face à l’impérialisme allié à toutes les réactions, le marxisme-léninisme, le jacobinisme, voire le social-démocratisme de gauche pratiqué quelque temps par des Pierre Mendès-France (France), par des Olof Palme (Suède) ou par des Bruno Kreisky (Autriche). Sans oublier le nationalisme socialisant qu’invoquèrent en leur temps, et à l’usage de leurs pays respectifs, Emiliano Zapata ou Càrdenas (Mexique), Gamal Abdel Nasser (Egypte), Patrice Lumumba, Houari Boumediene (Algérie) ou Indira Gandhi (Inde).

Sans doute faudrait-il compléter ces bribes d’analyse idéologique par l’examen clinique de ce que le matérialisme historique nomme ordinairement les formes sociohistoriques de l’individualité et qui correspondent en l’occurrence aux modes socialement déterminés de (dé-)socialisation des individus qui caractérisent le capitalisme-impérialisme-exterminisme actuel. S’il serait certes erroné[24] de parler d’un « stade » exterministe du capitalisme (l’exterminisme étant moins une étape indépendante du capitalisme-impérialisme que sa sinistre dérivée historique…), il n’en est pas moins vrai que, depuis le début du XXème siècle, le capitalisme parvenu à la mortifère dominance du capital financier et monopolistique, voire du grand capital spéculatif, se présente plus que jamais comme un mode de production « pourrissant » et « agonisant » (Lénine) qui pue la mort et l’absurde par tous les pores, même si cela s’accompagne aussi, de manière illusoirement compensatoire, de poussées d’hédonisme désespéré, voire ténébreux : nous y reviendrons. Et cela ne peut évidemment rester sans effets potentiellement explosifs sur la manière dont sont formatés à la chaîne les individus condamnés à s’humaniser (?) et à se socialiser (??) dans de telles conditions inhumaines, antisociales, voire franchement perverses…

  1. Sur le terrain philosophique, c’est-à-dire sur celui de la lutte entre les conceptions du monde et du sens, sens de la vie, sens de l’histoire, voire sens du devenir naturel. Du rapport entre nihilisme, idéalisme et immatérialisme.

Bien qu’adhérant lui-même à une variété subtile et sui generis du nihilisme ainsi qu’à des formes cyniquement revendiquées d’exterminisme militariste flamboyant (comme l’a irrécusablement établi, textes en main, le regretté philosophe italien Domenico Losurdo), Nietzsche a eu le mérite de révéler les liens théoriques et psychoculturels très forts qui unissent ces deux ennemis apparents que sont, d’une part l’idéalisme (qui est conceptuellement lié au mode de pensée religieux, et dont l’immatérialisme, dénégateur de l’existence même de la matière, est la forme jusqu’au-boutiste), et d’autre part le nihilisme, ce courant réactionnaire qui nie, en dernière analyse, que l’existence ait quelque sens ou valeur que ce soit, et dont le dernier mot est la philosophie de l’absurde. Nous avons étudié cette complicité qui relie l’idéalisme au nihilisme dans le chapitre de Lumières communes qui est dédié à l’étude dia-matérialiste de l’axiologie[25], et nous nous permettrons ici d’y renvoyer. Pour aller aux conclusions de manière cursive, disons seulement que l’idéalisme, et plus globalement les religions et ce que Nietzsche appelait les « idéaux ascétiques », placent la valeur et le sens hors de l’existence matérielle, qu’ils nient et rabaissent ce que Zarathoustra appelle le « sens de la Terre », qu’ils situent au contraire le sens de l’existence dans un au-delà absolument transcendant, que ce soit celui du paradis, du nirvana bouddhiste, voire de valeurs « humaines » mais proclamées utopiques et inaccessibles : ce qui revient en dernière analyse à dévaluer l’existence physique (c’est-à-dire l’existence tout court !) puisque la valeur est définitivement hors d’elle et de sa portée, du moins comme telle, si bien que dans ce mode de pensée idéalo-ascético-religieux, toute raison de vivre est immédiatement une fort bonne raison de mourir. La forme plate du nihilisme qui nie toute valeur, et qui n’en dénie pas moins la capacité de l’existant en mouvement et du vivant de se valoriser eux-mêmes à travers une production conçue comme son œuvre, n’est pas moins décourageante et elle aboutit même, quand elle va au bout d’elle-même au lieu de se bricoler de lâches raisons d’échapper au suicide, à dire avec le poète nihiliste Théognis de Mégare cité avec mépris par Epicure : « Le mieux est de ne pas naître où, si l’on est né, de franchir au plus tôt les portes d’Hadès ». Nous ne pouvons développer ici la manière dont Hegel, Marx et Engels, voire Nietzsche lui-même (de manière fort inconséquente, et cela pour d’évidentes raisons de classe : le contre-révolutionnaire qu’était Nietzsche se déclarait hargneusement hostile au prolétariat allemand, aux Communards, aux esclaves noirs et aux abolitionnistes d’Amérique, aux femmes revendiquant l’égalité et aux peuples dominés…), peut-être même par éclipse un Pierre Teilhard de Chardin, ont su déployer au contraire une dialectique matérialiste du sens qui expose comment le vivant est nécessairement producteur de valeurs qui le valorisent tout en procédant de lui et en retombant sans cesse sur lui comme des protubérances solaires et en lui permettant de s’autodépasser sans trêve.

Cette logique dia-matérialiste du sens et de ses multiples déclinaisons se déploie notamment dans une architecture à trois étages que nous avons étudiée à gros traits dans notre livre de 2009 intitulé Sagesse de la révolution (Temps des cerises) : s’y articulent de manière dia-matérialiste et, in fine, progressiste et communiste, les dialectiques du développement naturel et de sa dation de sens inséparable du libre jeu de la sélection naturelle, du sens de l’histoire, principalement entée sur les luttes de classes tendant objectivement, soit vers une explosion finale dé-socialisante, soit vers la perspective d’une société sans classes, et du sens de l’existence personnelle en insérant le dernier nommé dans l’avant-dernier (dialectique de l’idéal et du mouvement social) et en enchâssant le pénultième dans le premier nommé (dialectique de la dialectique de la nature et du matérialisme historique), et cela de manière telle que la toujours fragile production de sens puisse être soigneusement affranchie de la téléologie (finalisme, providentialisme, messianisme) qu’ont tour à tour puissamment raillée Lucrèce, Spinoza ou Diderot. L’essentiel serait cependant, dans le cadre de futures études dés-exterministes, de saisir comment l’exterminisme « sociopolitique » prend appui à la fois sur le nihilisme plat (en gros, sur l’idée déprimante que « la vie ne vaut pas la peine d’être vécue ») de manière à décourager d’avance toute résistance (blasement), et sur ce que j’appellerai le nihilisme ardent que relancent et rallument sans cesse les fabricants d’idéaux ascétiques ; en effet, ces derniers exaltent ce que Nietzsche nommait des « arrière-mondes », c’est-à-dire des formes d’au-delà supraterrestre susceptibles de jouer le rôle d’abri antiatomiques parfaits pour l’ancrage axiologique des oligarchies manieuses de chantage exterministe global. Pour ne prendre qu’un exemple, Reagan et ses suiveurs des années 1980 ont massivement pris appui, lors du conflit des euromissiles (1982/85) sur les textes bibliques prophétisant l’Armageddon, cette « lutte finale » où les partisans de Dieu promis au Paradis se heurtent violemment aux impies, idolâtres et autres athées (suivez mon regard…) promis à la Mort universelle aggravée de damnation éternelle, comme il sied aux séides de l’ « Empire du Mal » bolchévique. En effet, les partisans communistes, féministes ou anti-impérialistes d’un possible « bonheur commun » à construire et à vivre sur Terre et de préférence, avant la mort, par la science, le travail et la révolution, semblent, du moins en première instance, moins bien armés axiologiquement que leurs ennemis capitalistes-exterministes puisque les premiers n’ont d’autre « lieu » où se réfugier et abriter le sens même de leur engagement sociopolitique, leurs ainsi-dites « valeurs », que la Terre, que l’humanité charnelle, que les générations à venir et, plus globalement, que le travail créateur d’œuvres physiques ou que la révolution porteuse de tâtonnantes entreprises socialistes. Dans notre essai toujours inédit de 1985 Matérialisme et exterminisme, nous avions du reste tenté de mettre à nu ces asymétries axiologiques entre capitalisme et socialisme qu’il nous faut à nouveau déconstruire d’urgence si l’on veut résister au chantage globalisant de l’exterminisme (lequel prend plutôt appui sur les idéaux ascétiques religieux ou sécularisés) et de sa variante « effondriste » ou catastrophiste (laquelle s’appuie plutôt sur la veulerie sinistre du « rien ne vaut rien et réciproquement »).

A noter pour finir : à notre époque d’assez large sécularisation des esprits (du moins en terre gauloise et rabelaisienne…), les idéaux ascétiques qui ont millénairement justifié le « martyre » des seigneurs de la domination prennent souvent une apparence laïque plus englobante, sinon plus souriante ; c’est précisément cette apparence laïque, voire « de gauche », que leur a donnée naguère, avec l’aide massive de l’appareil médiatique bourgeois, la « nouvelle philosophie » des André Glucksmann et autre B.-H.L. ; en effet, dans les années 1980, ces bellicistes détestables affiliés, pour l’image, à la « gauche » euro-atlantiste, expliquaient glacialement que les « valeurs occidentales » (celles du C.A.C. 40 pour les grands bourgeois de Paris-XVIème, celles des « pots pris en terrasse » indispensables à l’équilibre psychique des bobos de nos « métropoles ») valaient bien que l’Occident « libéral et démocratique »  sût se rendre martialement apte à gager la « seconde mort de l’humanité » pour venir à bout, s’il fallait en passer par là, de l’Hydre soviéto-cubaine et de son anti-promesse de « Sibérie planétaire » mâtinée de « Goulag tropical »… Pour répliquer à ces pantins du Capital et à leur irradiante eschatologie des ténèbres, nous avions alors mobilisé la Dialectique du maître et du serviteur telle que la déploie Hegel dans sa Phénoménologie de l’Esprit : il existe en effet deux manières symétriques de « valoriser », ou plutôt de « faire-valeur » socialement, culturellement et historiquement :

  • celle, d’une part, qui caractérise le Maître d’esclave (ou son équivalent moderne, l’impérialisme) : ce dernier ne déploie en effet sa « transcendance », du reste tout imaginaire, que dans l’affrontement guerrier : la « lutte à mort » sans cesse itérée lui offre en effet, dans le regard apeuré des autres « Maîtres » terrassés par lui (= les impérialismes rivaux sans cesse humiliés), ou dans les yeux piteusement abaissés de l’esclave se faisant vilement objet sous le Regard d’autrui afin de tenter, provisoirement, de sauver sa peau ; ce mode de survalorisation (et, symétriquement, d’auto-dévalorisation servile) est tendanciellement exterministe puisqu’il implique a priori que le Maître soit constamment prêt à payer au moins deux vies, la sienne et celle de l’autre, déjà esclave ou encore provisoirement maître, pour corroborer sa toute-puissance fantasmée[26]: tel était le fond objectivement exterministe du slogan le plus réactionnaire qui se fût jamais proféré et que scandait fièrement la réaction allemande en 1984 quand elles ripostait aux manifestations pacifistes « Lieber tot, als rot ! » (Plutôt morts que rouges !) ; ce qui signifie, en dernière analyse, plutôt crever que d’être réduits à l’état de travailleurs comme nous le serions tous dans une société communiste débarrassée des classes sociales (une société « sans classe(s) », diraient sans doute avec mépris les dominants battus, déchus et déçus).
  • celle, d’autre part, qui caractérise l’ « Esclave », c’est-à-dire, emblématiquement, tous les dominé(e)s et tous les exploité(e)s de l’histoire, prolétaires et serfs, femmes minorisées et peuples asservis. Comme l’a montré Hegel, cette valorisation de soi et d’autrui repose en dernière instance sur l’œuvre concrète produite par le travail, ce processus socialement coordonné partant des propriétés objectives de la matière ouvrée pour la transformer au moyen de l’outil, de la technique et si possible, de la science, dans le sens des besoins sociaux. Dans le premier cas, la valeur-bravade se traduit par des guerres impérialistes sans cesse recommencées, par des crucifixions épisodiques d’esclaves révoltés, par des massacres de « Croquants », de « Va-nu-pieds » ou de « Communards », par une attitude globalement faite de mégalomanie et de démesure. Le second mode de valorisation repose au contraire sur une valorisation effective de soi, une transformation, par l’augmentation et par l’(auto-)éducation des forces créatrices, par l’accroissement de la capacité du travailleur, ouvrier, paysan, artisan, ingénieur, soignant, instituteur, etc., à transformer réellement son esprit et son corps en tirant théoriquement et pratiquement leçon du réel selon le principe dia-matérialiste « on ne commande à la nature qu’en lui obéissant et ce qui est cause dans la théorie devient moyen dans la pratique» (Francis Bacon) : tel est le concept de praxis, ce travail sur soi ponctuant le travail sur les choses, par laquelle la conscience de soi se détache de l’Ego magistral imaginairement tout-puissant pour se faire raison partagée, « lumières communes », échange méthodique avec autrui et avec la matière ouvrée : non plus, donc, Conflagration des Ego, mais Coordination des Egaux, comme on pourrait en risquer le mot en hommage à Gracchus-Antoine Babeuf, le premier militant collectiviste proclamé de l’histoire moderne. Ce n’est pas pour rien du reste que Youri Andropov, l’un des ultimes dirigeants encore… soviétiques qu’ait portés à sa tête l’U.R.S.S. (Gorbatchev et Eltsine s’étant comportés en destructeurs antisoviétiques de l’Union soviétique…) avait baptisé Front de la raison sa tentative ultime et quelque peu désespérée d’édifier une digue idéologique planétaire des forces anti-exterministes opposées à Reagan et à son hybris dominatrice ; laquelle n’était d’ailleurs que l’expression subjective largement inconsciente et subordonnée des tendances à la pan-destruction que porte objectivement ce capitalisme moderne dont Yves Vargas, fin lecteur de Rousseau et chef de file du « matérialisme rationnel », disait naguère : « quand le capitalisme est malade, il fait périr les autres »…

III – Réfléchir aux orientations générales d’une contre-offensive désexterministe globale – Pour saisir le sens pratico-politique, voire éthique et esthétique d’éventuelles études et recherches désexterministes à promouvoir et à coordonner, il convient d’abord de critiquer cet obstacle majeur à l’objectivité scientifique réelle que constituent l’objectivisme et le positivisme plats. S’il faut bel et bien partir des propriétés objectives de la matière (ce mot étant pris dans sa plus vaste acception) pour pouvoir efficacement la travailler, il ne faut pas oublier pour autant que la connaissance de la (des) matière(s) ne saurai(en)t découler (en tout cas, ne sauraient découler seulement) d’une « contemplation » toute en surplomb, contemplation et perception étant elles aussi, en dernière analyse, des modalités de l’interaction matérielle avec les milieux comme refuse de le voir certaine forme de philosophie obstinément demeurée spéculative. Il faut bel et bien expérimenter sur les choses, agir sur elles et subir en contrepartie leur réaction pour pouvoir dégager leurs lois de production, de fonctionnement et de dérivation : c’est ce que montre, non seulement l’essor prodigieux des techniques de la préhistoire à nos jours, mais le déploiement extraordinairement efficace de la méthode expérimentale, de Galilée à Alain Aspect en passant par Claude Bernard : de ce point de vue, pas d’études désexterministes sans engagement pratique contre l’exterminisme aux côtés de ce mouvement ouvrier qui demeure le rempart principal de la paix… et qui doit aussi devenir la force dirigeante du mouvement environnementaliste cherchant objectivement (sinon toujours très consciemment) à reconstruire, contre le capitalisme, une interaction soutenable des humains avec leur cadre de vie. A notre avis, l’étude matérialiste des résistances à l’exterminisme et des conditions de la reconstruction dés-exterministe du monde moderne doivent s’articuler autour des grands axes suivants, sachant que, bien évidemment, chacun d’entre eux n’a de cesse de s’enchevêtrer aux autres de cent façons :

  1. Désexterminisme, luttes anti-impérialistes pour la paix mondiale – Les analyses qui précèdent ayant principalement été consacrées à la question du maintien de la paix mondiale et de la création de ce que, non par oxymore mais par visée dialectique, on pourrait appeler un pacifisme de combat, nous procèderons ici à peu de développements spécifiques. Nous nous contenterons, pour amorcer la réflexion, de faire référence à l’Appel-pétition des professeurs de philosophie pour la paix mondiale et contre les logiques exterministes dont nous donnons copie en appendice de la présente étude, l’état des signatures étant daté du 2 mai 2023.
  1. Désexterminisme et luttes antifascistes – Le « premier fascisme », celui des années vingt, trente et quarante du siècle passé tel qu’il est historiquement associé aux noms odieux des Hitler, Franco, Mussolini, Salazar, Hiro-Hito, Bandera, Horthy, Laval, Antonescu et autre Doriot, a déjà donné, avec les camps d’extermination nazi[27], ou avec les tueries de masse perpétrées par l’armée nippone en Chine et en Corée, des exemples ténébreux du lien d’essence existant entre fascisme et exterminisme. J’ai écrit il y a quelques années, un article paru dans les Marxistische Blätter (la revue théorique du P.C. allemand, le D.K.P.), pour y défendre l’idée que le nazisme n’est pas seulement un antisémitisme, comme on veut nous le faire accroire (il a aussi méthodiquement exterminé les aliénés, les tsiganes, les communistes, les homosexuels… et des millions de civils soviétiques..), mais un primo-exterminisme, l’impérialisme-hégémonisme actuel ne demandant qu’à pousser aux extrêmes cette logique d’anéantissement : en effet, les dirigeants actuels du monde capitaliste ne jugent-ils pas qu’il pourrait être légitime de risquer l’anéantissement de l’humanité dans une guerre mondiale achevant de rendre la planète invivable ? Hier encore, il s’agissait pour ces dirigeants occidentaux si élégants et propres sur eux d’éviter à n’importe quel prix le triomphe du primo-communisme soviétique ; aujourd’hui, c’est le basculement du monde sous la coupe des puissances émergentes des B.R.I.C.S., notamment de la Russie, de la Chine, voire de l’Inde, qu’il faut conjurer à toute force, sachant par ailleurs, ce que l’on se garde bien de souligner d’ordinaire, que le communisme dispose de racines de masse importante dans ce groupe des B.R.I.C.S. : que l’on sache en effet, la Chine se réclame toujours de Mao, le P.C. de la Fédération de Russie (K.P.R.F.) est la seconde force électorale de Russie, l’Inde possède deux grands partis communistes qui viennent de diriger, en 2022, les plus grandes grèves ouvrières et paysannes de l’histoire, l’Afrique du Sud demeure la patrie des communistes Chris Hani et Joe Slowo (Mandela fut du reste membre du Comité central du S.A.P.C. et l’Afrique du Sud a reçu l’aide militaire directe de Cuba pour faire tomber le régime de l’apartheid…), le Brésil ayant notamment donné au monde Carlos Prestes, Jorge Amado et Oscar Niemeyer…

Sur le fond, il faudra donc démêler les liens qui rattachent le fascisme, cette dictature terroriste du grand capital qui vise à exterminer toute forme d’opposition (à commencer par celle du mouvement ouvrier de classe) et qui tend à n’être qu’un exterminisme de l’intérieur (sit venia verbo), à l’exterminisme actuel en tant qu’il pourrait – jusqu’à quel point ? – se décrire comme un nazi-fascisme tourné vers l’extérieur… du moins pour commencer ! A noter que l’on n’a pas forcément besoin qu’un pays soit dirigé par des fascistes déclarés pour qu’on ait affaire à une politique franchement exterministe, voire nazie « à l’extérieur » (pensons à la strangulation impérialiste de l’Irak, de Cuba, de la bande de Gaza, du Venezuela bolivarien, de la Libye, de la Syrie…) de même qu’inversement, si les circonstances ne l’y poussent pas, il peut se faire qu’un dirigeant fasciste comme la mussolinienne déclarée qu’est l’Italienne Giorgia Melloni, gouverne un pays dont on ne saurait dire qu’il est déjà proprement devenu fasciste (qui dirait que l’Italie actuelle, qui certes, se fascise à vue d’œil, mais guère plus vite que la France, est déjà un pays fasciste ?). Sans offrir davantage que l’amorce d’une piste de recherche, constatons alors que l’un des mots qui revient le plus souvent dans les nombreux discours prononcés par Adolf Hitler devant les Chambres patronales allemandes, notamment devant les cénacles hanséatiques, fascinées et conquises[28], est bel et bien  le mot « extermination », ce terme visant d’abord dans les diatribes hitlériennes les « vingt millions » d’électeurs marxistes, socialistes et autres communistes, que comptait alors la République de Weimar.

Quant à ceux qui jugeraient outré le lien que nous constatons et établissons entre nazi-fascisme d’hier et exterminisme euro-atlantiste d’aujourd’hui, nous n’aurons qu’à rappeler ceci : en Ukraine, l’U.E-O.T.A.N. soutient présentement – en cachant honteusement cette odieuse réalité aux millions de téléspectateurs occidentaux gavés de russophobie grossière – un régime pronazi qui, du même mouvement, s’allie aux bataillons ouvertement hitlériens (et tatoués de croix gammées de la tête aux pieds : difficile à cacher devant les caméras de ceux qui veulent vraiment voir !) d’Azov, d’Aïdar et de Pravy Sektor (tactiquement grimé en « Svoboda », « Liberté »), liquide le Code du travail ukrainien, pousse à la continentalisation, voire à la mondialisation de la guerre, persécute tous les partis de gauche, P.C. ukrainien et J.C.U. en tête, et va jusqu’à baptiser cyniquement du nom odieux de Bandera, plus grand auteur de pogroms et de massacres anti-polonais de tous les temps si l’on excepte Hitler, une grande avenue ukrainienne qui débouche sur le sinistre ravin de Babiyar où ledit Bandera a dirigé l’extermination de plus de trente mille juifs ukrainiens ! Mais chut ! quand un pogromiste est encensé par un régime allié à l’O.T.A.N., et surtout, quand il a combattu l’U.R.S.S. et massacré des milliers de communistes, il devient aussitôt un gentil lyncheur démocrate, un « very good boy » dont les quelques menus dérapages constituent en somme des « points de détail de l’histoire ukrainienne »… De même Israël et son gouvernement arrogamment raciste et anti-arabe présidé par Netanyahou fut, est et restera une « grande démocratie » aux yeux de nos médias, et cela quoi que fasse cet Etat chéri des U.S.A. et quelque horreur qu’il inflige périodiquement aux Palestiniens de Gaza, de Jérusalem et du Liban… Rappelons du reste que les fanatiques du genre d’Oussama Ben Laden, l’organisateur présumé des attentats du 11 septembre 2001 à New York, ont reçu les faveurs financières et politiques des U.S.A. et de toute la « gauche » atlantique européenne aussi longtemps que celui qu’ils classaient alors parmi les « combattants de la liberté », spécialement ces talibans armés et entraînés par le Pakistan intégriste et ultra-répressif, affrontaient l’Armée rouge et les instituteurs communistes venus de Kaboul pour le compte de l’Occident prétendument « pluraliste », « féministe », « scientifique » et « démocratique »… Comment du reste l’exterminisme censément tourné vers l’extérieur des grands Etats impérialistes ne ferait-il pas périodiquement retour vers l’intérieur desdits Etats à une époque où la mondialisation néolibérale sauvage dé-segmente violemment toutes les activités humaines, terrorismes fanatiques et intégrismes religieux inclus ?

Terminons sur ce point en rappelant que, des phalangistes franquistes dont le lugubre cri de guerre était « Viva la Muerte ! », aux « S.S. tête de mort » en passant par les Camise negre des faisceaux mussoliniens, la mort et son exaltation constituaient le cœur de métier de tous ces démons exterminateurs, la Wehrmacht ayant même reçu des ordres parfaitement précis de l’état-major hitlérien pour décimer les peuples slaves récalcitrants : des consignes qu’ont systématiquement exécutées les S.S., les Einsatzgruppen et la Wehrmacht elle-même sans le moindre souci, faut-il le dire, des conventions de Genève signées par Berlin.

  1. Désexterminisme, défense des souverainetés nationales et action pour la coopération internationale

L’exterminisme n’est en rien une excroissance morbide surgissant sur le corps fondamentalement sain du néolibéralisme mondial, lequel est moins une resucée du libéralisme classique, celui d’Adam Smith ou de Tocqueville, qu’une forme paradoxale du capitalisme monopoliste d’Etat adapté à la mondialisation. De ce fait, le néolibéralisme moderne est indissociable

  • de l’édification d’impitoyables Empires capitalistes transnationaux, voire transcontinentaux, centrés sur Washington, et plus secondairement sur Berlin et Tokyo, les deux vaincus de la Seconde Guerre mondiale dont le réarmement face à la Russie, principal vainqueur de Hitler, est spectaculaire,
  • du démantèlement contre-révolutionnaire des Etats socialistes soviétique, est-allemand, tchécoslovaque et yougoslave, auquel s’ajoutent le blocus inhumain et pluri-décennal de Cuba socialiste, les tentatives constantes de l’Oncle Sam pour ébranler les Etats latino-américains proches de l’AL.B.A. (ALternative Bolivarienne des Amériques), voire pour déstabiliser en permanence les très modérés Lula et Daniel Ortega, sans oublier la criminalisation pan-européenne de l’U.R.S.S. s’accompagnant de la banalisation éhontée des nostalgiques européens de Hitler, de Bandera, de Mussolini, Horthy et Cie
  • et de la déconstruction concomitante des Etats nationaux ou multinationaux occidentaux hérités d’une longue histoire : dans un article datant de 2011 et publié sur initiative-communiste.fr, j’avais risqué le terme d’euro-balkanisation des Etats historiquement constitués d’Europe tant l’érection d’une Europe fédérale des régions supervisée par Washington et régionalement sous-traitée par Berlin (dont Bruxelles est le faux nez) s’accompagne d’une tendance à l’effritement réactionnaire de la plupart des Etats européens (notamment de ces pays du Sud fainéants et si malpropres que les oligarques appellent élégamment les P.I.G.S., Portugal, Italy, Greece, Spain), Allemagne fédérale exceptée[29]. Dans l’opuscule Marianne ne consent pas ! (2022), j’ai montré par ailleurs que la « construction » euro-atlantiste chère à l’oligarchie hexagonale et à ses vassaux de l’euro-gauche établie, démantibule méthodiquement, non seulement le produire en France industriel, halieutique et agricole, non seulement la protection sociale et les services publics hérités de 1936 et de 1945 (voire très antérieurs à 1789 pour certains offices d’Etat créés par Sully, Richelieu ou Colbert), non seulement ce qui reste du petit et moyen commerce de proximité, non seulement la République indivisible et laïque léguée par les Sans Culotte et par les Soldats de l’An II, non seulement les lois Ferry-Buisson instituant l’école publique, laïque et obligatoire, non seulement la loi organique de 1905 séparant l’Etat des Eglises (de plus en plus souvent contournée par les autorités), mais jusqu’à la langue française, A.D.N. culturel de la Nation et ciment de la Francophonie internationale, que le M.E.D.E.F., le C.A.C. 40, voire l’Elysée, évincent au profit du tout-globish cher à Ursula von der Leyen et à ce Commandement intégré de l’O.T.A.N. qu’a réintégré notre armée tournant le dos au gaullisme sous les férules complices et successives des Sarko, Hollande et autre Macron…
  • et pour finir, de la marche à la guerre mondiale pour tenter de démanteler, y compris territorialement si c’est possible, les Etats jugés « trop grands » pour être digérés vivants par le bloc (par le blob?) washingtonien qui, comme les bicyclettes, ne peut tenir droit qu’en avançant sans cesse. J’ai en vue bien sûr la Fédération de Russie ou la Chine populaire (tel est le sens réel des campagnes incessantes menées par l’Occident sur Hongkong, Taiwan, le Sinkiang ou le Tibet alors qu’à l’inverse, les « séparatistes russes autoproclamés » du Donbass sont criminalisés !) en tant qu’ils font obstacle à la nécessaire expansion constante de l’Empire euro-atlantiste centré sur le monde anglo-saxon et flanqué de ses appendices japonais et sud-coréen. Mais que l’Union indienne et les Républiques fédérales du Brésil et du Mexique, voire de Bolivie, ne s’avisent surtout pas de regarder ailleurs pendant que l’Occident « s’occupe » si paternellement de Pékin et de Moscou, car si l’Empire atlantique venait à bout des Russes et des Chinois, on peut parier que le tour des dirigeants de Dehli, de Mexico ou de Brasilia ne tarderait guère !

Sans doute pourrait-on dresser des constats analogues d’euro-dissolution programmée (du moins si les peuples s’abandonnent aux pulsions euro-régionalistes, dites improprement « indépendantistes ») pour la République italienne, pour le Royaume de Belgique et, plus encore, pour les pays de l’Europe du Sud comme on l’a vu à la manière dont la Grèce, mère incontestable de la civilisation européenne, a été broyée par la Troïka dans les années 2008/2011, sans parler de la République fédérative socialiste yougoslave écartelée par l’U.E.-O.T.A.N., ni des quasi défuntes Bulgarie et Roumanie, deux pays qui ont quasiment payé de leur existence nationale leur ré-annexion « démocratique » par l’Europe allemande en tant que néo-colonies de main-d’œuvre et que garde-frontière faisant front à l’Ours russe pour le compte de l’O.T.A.N. Redisons-le, l’exterminisme ne possède pas qu’une forme brutale et explosive : analogue à la combustion, il connaît aussi une forme lente qui se traduit par la constante et insensible inoculation de toxines infectant jusqu’aux défenses immunitaires des vieux Etats-Nations marinant dans l’acide de l’euro-dissolution ; et cela sans grande possibilité déjà très perceptible de riposte offensive étant donné que la gauche établie, partis « eurocommunistes » et filiales syndicales de la C.E.S. inclus (ne parlons même pas de la social-démocratie et des Verts !), a capitulé devant l’euro-atlantisme en adoptant le mot d’ordre désespérément creux et mensonger de l’ « Europe sociale »…

Le résultat de cette explosivité croissante des nations européennes (mais on pourrait détecter des symptômes « dé-nationaux » analogues en Amérique latine, par ex., ou dans certains Etats du Golfe persique qui délaissent la langue du Prophète pour celle de Wall Street), c’est à la fois la conflictualité sociale croissante (par ex. en France, le mouvement des Gilets jaunes suivi par les grandes luttes sociales de 2019 et de 2023), mais aussi, comme nous pouvions nous y attendre, la fascisation galopante de nos sociétés « libérales » se muant en Etats policiers caractérisés. En effet, le consentement populaire à la double euro-casse nationale et sociale faisant de plus en plus défaut, les oligarchies ne tiennent plus guère que par les médias aboyant à l’union sacrée antirusse, par l’école enseignant l’Europe, l’anglais et l’anticommunisme dès le plus jeune âge… et surtout, par le recours disproportionné de l’Etat aux forces de répression. La fascisation « nationale » se conjugue alors à la mise en place, contre la volonté explicite du peuple français (référendum de 2005 sur la constitution européenne) et de presque tous les peuples qui ont pu s’exprimer par votation directe, d’un « Etat fédéral européen » dont la mission de classe principale est d’assurer chaque oligarchie « nationale/antinationale » contre de prévisibles insurrections intérieures : Armée européenne, euro-gendarmerie, « Cour de justice » européenne, B.C.E. et Cour des comptes européennes surveillant déjà tous les budgets nationaux, toute cette euro-police compose déjà une nouvelle Sainte-Alliance capable à tout moment de mobiliser les forces répressives des vingt-sept bourgeoisies du continent (chapeautées en dernière analyse par l’O.T.A.N.) à l’encontre d’une insurrection populaire survenant dans un pays européen donné. Cela concerne spécialement la France, « terre classique des affrontements de classes poussés jusqu’au bout » selon Marx, surtout si un véritable parti communiste de combat associé à un renouveau syndical rouge et à l’émergence d’une proposition de rupture anti-U.E., antifasciste et anticapitaliste finit par émerger : alors, les Gilets jaunes, les « Insoumis » et les chasubles rouges de la C.G.T. de lutte finiront par célébrer leurs retrouvailles dans l’action et par percuter sans ambages le pouvoir du grand capital comme ont déjà tenté de le faire de manière brouillonne (mais il ne pouvait alors en aller autrement dans les conditions d’alors) les vaillants Gilets jaunes de l’automne-hiver 2018-19.

C’est du reste la raison pour laquelle les oligarchies et leurs puissants relais médiatiques promeuvent partout en Europe des partis d’extrême droite, voire de francs nostalgiques du nazi-fascisme « classique » : la classe dominante charge en effet ces organisations démagogiques flanquées de groupuscules violents d’occuper mensongèrement les terrains, non seulement des revendications sociales déviées, segmentées et totalement émoussées, mais du patriotisme populaire dégradé en xénophobie, tout cela dans le cadre d’une « Europe des nations » chère à ces flanc-garde de l’U.E.-O.T.A.N. que sont déjà les Kaczynski, Zelensky, Orban, Melloni et autre Marine Le Pen. Que l’on se rassure en effet : au-delà de gesticulations « nationales » périodiquement destinées à rassurer leur électorat « patriote », et dont les migrants venus d’Afrique, les « Arabes », les syndicalistes de lutte, les « francs-maçons » et les communistes, voire à nouveau, le jour venu, les citoyens censément juifs, feront les frais, ni Melloni, ni Orban, ni Le Pen n’érafleront (ils le répètent assez pour se rendre bourgeoisement « respectables ») le sacro-saint cadre supranational dessiné par la monnaie unique, par l’O.T.A.N., par le tout-anglais transatlantique, par l’U.E., par le dollar monnaie de référence mondiale et par l’U.S. Army, ce refuge ultime des coffres-forts à milliards, des paradis fiscaux, des pétromonarchies texanes et arabo-persiques et du boursicotage mondial, pardon, des « valeurs pluralistes et démocratiques » de l’Occident !

En conclusion pratico-politique sur ce point, il urge de déconstruire la fausse alternative qui nous somme en permanence de « choisir » entre le patriotisme et l’internationalisme, donc d’opter entre le repli xénophobe des lepénistes, mellonistes et autres, et le cosmopolitisme apatride prétendument « progressiste » des macronistes et de leurs suiveurs euro-atlantistes. Choix absurde tant il est vrai que, d’une part, les « européens progressistes » Manuel Valls, Castaner ou Darmanin n’ont eu de cesse de persécuter policièrement les migrants africains, les Gilets jaunes et autres syndicalistes rouges, et que, d’autre part, les subtils « patriotes » Zemmour, Le Pen, Ciotti, Wauquiez et Cie s’inscrivent totalement dans le cadre de principe de la « construction » euro-atlantiste. Surtout, comme nous l’avons prouvé dans notre livre de 2011 intitulé Patriotisme et internationalisme, il existe bien non pas une, mais deux sortes opposées d’attachement à « la » Nation, non pas une, mais deux formes opposées d’attachement à l’internationalisme. Face au patriotisme républicain, populaire et démocratique tel qu’ont pu l’incarner historiquement les Sans-Culotte clamant « Vive la Nation ! » à Valmy, mais aussi par la suite les Communards, les combattants du Front populaire, puis les Résistants antifascistes F.T.P.F., F.T.P.-M.O.I. et F.F.I., se dresse le nationalisme réac, voire raciste et antisémite, tel que l’ont tour à tour incarné le versaillais Thiers saignant à blanc la Commune, l’état-major antisémite français harcelant sottement le capitaine Dreyfus, la France obstinément coloniale et putschiste de l’O.A.S. ou, avant elle, l’Anti-France vichyste de la collaboration avec Hitler. De même, c’est contre le cosmopolitisme capitaliste et euro-libéral de la haute finance, de l’expatriation débridée des capitaux, des délocalisations et des euro-privatisations que se dresse l’internationalisme prolétarien, anticolonialiste, antiimpérialiste ; lequel ne confond pas l’Europe atlantique et supranationale avec l’Internationale ouvrière qu’ont tour à tour (re-)construite Marx, Engels et Lénine. Bref, l’opposition formelle « patriotisme/internationalisme » reste une pure abstraction métaphysique se prêtant à toutes les manipulations idéologiques tant que, partant d’une démarche à la fois matérialiste et dialectique, l’on ne précise pas les contenus de classe antagoniques de ces deux références selon qu’elles sont assumées par la grande bourgeoisie et ses suiveurs, ou qu’elles sont portées par des représentants conscients de la classe laborieuse. Comme le disait déjà Fidel Castro (en riposte au liquidateur Gorbatchev) dans son discours prononcé à Camagüey en 1989, « il y a la démocratie des riches et la démocratie des pauvres, la paix des riches et la paix des pauvres » ; si bien que, dans la réalité, le patriotisme populaire, anti-impérialiste et antifasciste est spontanément l’allié de l’internationalisme prolétarien, anticapitaliste et anti-impérialiste. A l’inverse, la national-xénophobie est la complice naturelle et l’exutoire permanent du cosmopolitisme euro-atlantiste, son rôle étant classiquement, comme surent s’y employer jadis Hitler, Bandera ou Doriot, de diriger la colère sociale des masses les plus incultes contre les travailleurs étrangers tout en soutenant la guerre intérieure menée par les « élites » contre les syndicats ouvrier et en appuyant aussi la guerre étrangère menée par les oligarques occidentaux contre les pays inscrits sur la liste noire de l’O.T.A.N. – Le renouveau du mode de pensée dia-matérialiste est donc indispensable aux ripostes politiques et/ou syndicales à l’euro-dissolution de la France : contre le double mensonge de l’Europe sociale (qui émane de la gauche établie politico-syndicale) et de l’ « Europe des nations » censément à construire à l’intérieur de l’U.E. (Le Pen, Dupont-Aignan, Ciotti, Zemmour pour ce qui est de la France), il s’agit d’associer le drapeau rouge du prolétariat international au drapeau tricolore de la Révolution française, et d’unir l’Internationale à la Marseillaise : dans les formes propres à leur temps, c’est que surent entreprendre Thorez, Frachon, Duclos, Danielle Casanova ou Politzer dans les années 1930 et 1940/60 pour combattre le fascisme, le colonialisme et la marche atlantiste toujours recommencée vers une troisième guerre mondiale impérialiste. 

  1. Désexterminisme et luttes laïco-rationalistes pour de « nouvelles Lumières communes » – L’exterminisme étant inséparable de cette « réaction sur toute la ligne» qui caractérise le capitalisme impérialiste, l’obscurantisme sous toutes ses formes, anciennes et grossières, ou bien nouvelles et perverses, ne peut que constituer un axe majeur de la société capitaliste « moderne ». Pas seulement parce que la contre-révolution mondiale, l’euro-fascisation galopante et la marche à la guerre antirusse et antichinoise ne peuvent que charrier avec elles toute la boue des contre-révolutions passées, y compris celle de 1815 s’acharnant sur la Révolution française sous l’égide des idéologues contre-révolutionnaires Burke, Novalis, Bonald et autre Joseph de Maistre, mais plus profondément encore parce que, le capitalisme moderne étant incapable de se projeter positivement sur l’avenir (même les médias dominants sont plongés jour et nuit, y compris quand ils s’adressent à l’enfance, dans un univers « effondriste », de fin du monde prochaine et de fatalisme morbide !) et ayant totalement perdu l’allant historique qui était le sien au décours des XVIII et XIXèmes siècles, le capitalisme « moderne » n’a pu que rompre sans retour avec la tradition progressiste. Remontant pour le moins à Pascal[30], cette dernière nous fait voir dans l’Humanité « un même être qui apprend toujours » : si bien que les générations ultérieures sont appelées à mieux comprendre le monde et à agir plus efficacement sur lui que n’ont pu faire les générations qui les précédèrent (Querelle des Anciens et des Modernes dans laquelle Blaise Pascal penchait pour les seconds). En permanence, le discours médiatique et philosophique dominant clame au contraire que « le temps des grands Récits est fini » et qu’il faut enterrer comme une vieillerie désarmante la croyance inconsciemment religieuse et eschatologique en ce que Condorcet intitulait naïvement « les progrès de l’Esprit humain ». La petite musique nocturne de la philosophie « postmoderne » et anti-Lumières nous serine de son côté, avec un parfait nihilisme teinté d’idéalisme dur et d’immatérialisme, qu’il n’existe aucun sens objectif, ni de la vie, ni de l’histoire, ni de l’évolution naturelle, que du reste, nous ne pouvons pas connaître le monde (la raison n’atteint pas le réel, qui n’est pas rationnel) et que pour finir, la matière et le réel lui-même « n’existent pas », la prétendue réalité n’étant, comme le sexe des humains et comme le dimorphisme de la plupart des espèces mammifères, qu’une « construction » sociale, entendez une pure et simple illusion. Cela rappelle tout-à-fait le savant (et malicieux, quoique nihiliste !) Traité du Non-Être publié jadis par le sophiste grec Gorgias. Il y était très sérieusement expliqué que « il n’y rien ! » ; que, du reste, « s’il y a quelque chose on ne peut pas le connaître !» et que, « si d’aventure on peut le connaître on ne peut pas le dire ». Eh bien, il faut relever ce défi affronter l’immatérialisme, l’irrationalisme et le nihilisme moderne et c’est ce que nous avons tenté de faire sous la bannière du matérialisme dialectique dans le livre Lumières communes dont l’intitulé se passe de commentaires. Non seulement nous avons entrepris d’y rétablir, en lien avec les avancées des sciences contemporaines et avec les problématiques politiques majeures propres à notre temps, les thèses majeures du matérialisme dialectique et de toute conception scientifique du monde (le monde est matière en mouvement, la contradiction est la racine de tout devenir, le monde matériel existe et la connaissance rationnelle en lien avec la praxis parvient à le connaître, etc.), mais nous y démontrons que, jamais autant qu’aujourd’hui il n’a été possible de construire objectivement un « Grand Récit », non plus religieux, projectif et providentialiste comme l’est celui, largement discrédité, des religions monothéistes, ni linéaire et quelque peu naïf, comme celui que diffusaient jadis Condorcet et d’autres philosophes bourgeois de l’histoire, mais bien dialectique (donc intégrant les contradictions, les retours partiels sur soi, la négation de la négation, le tragique de l’existence, le « patient travail du Négatif », comme le nomme Hegel : car l’ombre accompagne toujours la lumière), matérialiste et scientifique. La « cosmologie de précision » (dixit l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet) n’est-elle pas devenue capable de nos jours de remonter les grandes étapes de l’Univers vers une époque très antérieure à celle du « rayonnement cosmique fossile » dont les télescopes orbitaux nous ont livré la carte, et ne nous est-il pas possible désormais, du moins en droit, de retracer de manière fiable, quoiqu’à gros traits, les grandes étapes de la cosmogénèse, de l’émergence de structures macro- et microphysiques de plus en plus complexes, de voir » se dessiner les conditions de la biogenèse et même d’en savoir toujours davantage sur l’anthropogenèse et sur l’hominisation elle-même ? Ne sommes-nous pas devenus capables, grâce aux pionniers de la recherche fondamentale théorique et observationnelle, de dessiner à la fois la carte du rayonnement cosmologique fossile et celle de l’A.D.N. humain ? Ne découvrons-nous pas, avec l’astrophysicien Hubert Reeves, que l’expansion et le refroidissement de l’Univers vont de pair avec le surgissement de structures macro- ou microcosmiques qui, se faisant de plus en plus complexes, deviennent de plus en plus capables d’individuation, voire d’autonomie relatives ? Ne « voyons »-nous pas aujourd’hui jusqu’aux lointaines exoplanètes, dont certaines orbitent même possiblement dans la « zone habitable » de leur étoile, et ne redevient-il pas plausible d’envisager que la vie, non seulement ne soit pas l’apanage exclusif de la Terre, mais que l’apparition du vivant étant théoriquement possible sur des millions d’astres circumstellaires (tel est l’objet désormais des recherches en planétologie et en exobiologie), nous puissions envisager, comme l’ont fait avant nous Lucrèce, Cyrano de Bergerac ou Friedrich Engels, que la vie et son épanouissement jusqu’à l’être pensant, et de l’être pensant (pas seulement peut-être, qui sait ?) jusqu’à ce que Marx appelait le « règne de la liberté », constitue une possibilité permanente, sinon une fatalité, du développement cosmique dont au fond, l’histoire humaine n’est qu’une péripétie, sinon, pour le dire comme Engels, une « sublime efflorescence » ?

Surtout, sommes-nous condamnés, comme le furent successivement les matérialistes Lucrèce et Spinoza, à choisir entre une approche matérialiste-rationaliste, voire mécaniciste de la matière-nature-univers, et une approche idéaliste du sens (de la vie, de l’histoire, de l’évolution…) ? Cela reviendrait à abandonner l’idée de sens à l’idéalisme et à son double inversé et déceptif, le nihilisme. Je renvoie seulement ici à quelques articles qui figurent soit dans la collection de la revue Etincelles, soit sur le site www.georges-gastaud.com:  je pense notamment à l’article que j’ai consacré dans Etincelles à une relecture matérialiste du Phénomène humain de Teilhard de Chardin, et aussi à la dialectique du Mécanique et de la finalité telle qu’elle est explorée dans l’article intitulé Peut-on universaliser le concept de sélection naturelle ? qui figure sur mon site internet. Il y est établi qu’il n’y a pas lieu d’opposer la nécessité aveugle propre à ladite sélection dite « darwinienne », à l’émergence d’un sens dont le vecteur va globalement du « royaume de la nécessité » aveugle vers celui de la liberté… par la voie, initialement du moins, de la seule nécessité aveugle finissant par se nier elle-même de par son propre développement. Car que fait au long cours la sélection naturelle, qui ne règne pas seulement, soit dit en passant (que ne s’en avise-t-on, tant c’est évident ?) sur le vivant comme on le croit de manière étonnamment biocentrique, mais qui fait également loi au niveau macrocosmique (émergence des galaxies, amas et superamas de galaxies en lien avec les trous noirs supermassifs, émergence en leur sein des étoiles, des systèmes planétaires, enchaînement des générations stellaires produisant des éléments chimiques de plus en plus lourds et complexes…) comme au niveau microphysique, si ce n’est sélectionner et promouvoir aveuglément et sans projet préalable – tout bonnement parce qu’ils sont de facto les plus aptes à faire front, à se maintenir face à l’environnement, voire à essaimer et à se reproduire -, les formations matérielles spatiotemporelles, galactiques, stellaires, planétaires, mais aussi les formations particulaires, nucléaires, atomiques, moléculaires, etc., dont la complexité croissante leur permet de s’autonomiser relativement, de réguler leurs réactions à l’interne, et par là de « se défendre » et de perdurer quelque temps dans la lutte pour l’existence. Jusqu’à ce qu’émerge le vivant au sein duquel apparaîtront des individualités (= des systèmes matériels relativement clos et auto-normatifs) capables de générer in fine du pour-soi, voire des formes de plus en plus fines de sentiment, voire de conscience de soi[31] capable d’un reflet objectif et rationnel du monde comme l’est cahin-caha devenue l’humanité ; donc, virtuellement du moins de maîtrise de soi et, pour finir, de liberté ? Rien à voir avec un « Grand Dessein » téléguidé par un Dieu bienveillant si, dans le domaine purement naturelle, mais aussi pour finir dans la sphère du pensant, ce processus de très long terme et qu’aucun Ange-recteur ne garantit contre les rétrogradations (car plusieurs logiques s’entrechoquent sans pitié dans l’univers), finit sans même le chercher (puis en le cherchant quand émergent enfin en longue durée des êtres raisonnables et policés) par fabriquer des êtres capables, dans certaines limites bien sûr, de maîtriser leur destin en faisant quelque temps figure, fût-ce à la marge et temporairement, de « causae sui »… Bref, il ne s’agit plus seulement, de manière très hégélienne, de l’histoire du monde permettant le « devenir-sujet de la Substance », mais tout à l’inverse, de l’évolution/histoire des mondes naturel et social travaillant à leur insu, et de manière tragiquement chaotique, au devenir-Substance du sujet lui-même (au sens de l’upokeimenon des Grecs), à savoir en dernière analyse, la matière-Univers-nature elle-même.

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La bataille anti-exterministe est donc indissociable de l’engagement pour que renaissent solidairement une dialectique de la nature, une science de l’histoire et une pensée du progrès dégagées à la fois, l’une par le secours des deux autres, du finalisme religieux, de l’optimisme linéaire des Lumières bourgeoises et du scientisme blasé, et en réalité pragmatico-affairiste, qui tient désormais lieu à certains de « rationalisme » quelque peu sordide…

  1. Désexterminisme, écologie et biopolitique de nouvelle génération – Prouver que la chasse au profit maximal combinée aux guerres impérialistes et à la marchandisation générale des activités et des biens, voire à celle des pays et des individus, n’est certes pas l’entreprise la plus malaisée et nombre de militants écologistes, mais aussi de chercheurs ardents, d’élus politiques combatifs, de syndicalistes courageux, de techniciens forestiers inventifs et d’ingénieurs environnementalistes méticuleux s’acquittent déjà fort bien de cette tâche. Nous avons vu que la première tâche des études désexterministes serait notamment de rattacher les luttes pour la paix aux luttes pour l’environnement, de rattacher les fils de la Toile exterministe à l’ « universelle aragne » que constitue le mode de production capitaliste mondialisé : sans cela, impossible d’arrimer les luttes pacifistes aux luttes environnementales tout en donnant à chacune d’elle sa pleine signification anticapitaliste et antiimpérialiste. De ce point de vue, il importe, comme le rappelle l’historien du syndicalisme Stéphane Sirot, de rattacher autant que faire se peut les questions environnementales au terrain de l’entreprise capitaliste de manière à faire efficacement lien entre la défense de l’environnement, le cadre de travail, la santé des travailleurs, tout en mettant en accusation l’exploitation capitaliste : donc à recentrer cette question soi-disant « sociétale » sur son éminent et très direct contenu de classe « social ».

Il faut cependant aller plus loin en prenant appui sur l’apport de la dialectique de la nature et sur celui du matérialisme historique comme nous l’avons esquissé au premier chapitre du Tome IV de Lumières communes consacré à l’anthropologie. En effet, trop d’écologistes, et notamment un certain nombre d’adeptes de l’Ecologie profonde (« Deep Ecology ») passablement misanthropes, veulent réduire des 9/10èmes la population humaine (ce qui mènerait forcément à un eugénisme de classe !) et tourner le dos au progrès technique, opposent sommairement la nature à la culture en noircissant la seconde et en idéalisant la première (qui est rien moins qu’idylle fraternelle)… et en relaxant au passage les rapports de production capitalistes et les structures de domination impérialistes. En effet, la « culture » procède et sort de toute nécessité de la nature (jamais totalement du reste, car le primat matérialiste global de la nature, et plus globalement, de la matière, est indépassable) puisque c’est l’évolution des espèces qui a permis l’apparition d’Homo sapiens et que, comme l’écrivirent Marx et Engels dans L’Idéologie allemande,

« … les hommes commencent à se distinguer des animaux quand ils commencent à produire leurs moyens d’existence, pas en avant qui résulte de leur complexion corporelle elle-même ».

A partir du moment où l’interaction de l’homininé avec son milieu naturel permet, voire exige qu’émergent suffisamment d’outils, de techniques, de codes, de relations sociales, de systèmes d’alliances, pour que se dessine un héritage matériel et spirituel extérieur au corps qui va, ou du moins, peut socialement s’accumuler d’une génération à l’autre en permettant parfois un progrès constaté des performances[32], le « poste de commande » de l’hominisation bascule qualitativement de ce que Leroi-Gourhan appelait le « cadre phylétique » vers le « cadre technique ». C’est ce que, prenant les choses sur la très longue durée et sous un angle extrêmement général, Engels appelait « le rôle du travail dans la transformation du singe en homme ». Ainsi, la nature ne saurait-elle servir d’argument pour « condamner » la culture puisque c’est l’évolution naturelle qui a permis le développement culturel, c’est-à-dire le décentrement de l’essence humaine dont traite la VIème Thèse de Marx sur Feuerbach :

« L’essence humaine n’est pas inhérente à l’individu isolé, dans sa réalité, elle est l’ensemble des rapports sociaux »

… si bien que, ajoutera Marx dans un texte méthodologique essentiel daté de 1857,

« … l’homme n’est pas seulement un animal politique, un zwon politikon (Aristote), il est un animal qui ne peut s’individualiser que dans la société ».

Dès lors le problème n’est pas de revenir en arrière, chose impossible et qui du reste donnerait sans doute les mêmes résultats finaux si l’on pouvait néanmoins en revenir au point de départ de l’histoire. Il s’agit au contraire de préserver ou mieux, vu le piteux « état des lieux » actuel, de reconstruire des rapports entre l’humain et son milieu tels qu’ils continuent de permettre que s’effectue l’hominisation en tant que processus de construction d’une essence humaine non plus déterminée de l’extérieur et inconsciemment, comme l’est celle des animaux régis à leur insu par l’hérédité et par la lutte pour la vie, mais potentiellement régie par l’homme lui-même à travers son œuvre de transformation du réel et de travail sur soi liée à la transformation du réel, l’historicité sociale de l’essence humaine rendant théoriquement possible l’accès à la liberté comme production de sa propre essence, autonomie. Par ex., il faut veiller à ce que les manipulations du génome humain induites sur la base du génie génétique contemporain ne détruisent pas cet accès possible à la liberté en naturalisant, en artificialisant à l’excès (néo-eugénisme, transhumanisme, voire surhumanisme, marchandisation de principe de la reproduction…), bref en figeant et en essentialisant le rapport constamment mobile de l’humain à sa propre essence, soit en tant qu’individu, soit en tant qu’humanité globale se transformant par la médiation collectivement ouvrée de l’engagement et des luttes politiques : c’est ce que résume le mot « historicité ». Comme le montre le Manifeste pour l’écologie diffusé par la commission éponyme du P.R.C.F., ce rapport rénové de l’homme à la nature, que l’exterminisme capitaliste a du moins le « mérite » d’appeler à totalement refonder, ne nécessite pas toujours moins de politique, d’engagement dans le combat social, de sciences et de techniques comme à un moment a pu le croire Rousseau dans Le Discours sur les sciences et les arts ; si bien qu’il ne faut nullement opposer Sainte Gaïa, la Déesse-Mère qui fait mondialement aujourd’hui l’objet d’un culte néopaïen prétendument importé des Andes…), au musculeux « camarade Prométhée », ce symbole athlétique du travail, de la technique et de la science supposés sacrilèges. Il nous faut au contraire davantage de sciences (« Mehr Licht ! », aurait dit Goethe au moment de mourir !), et surtout, plus et mieux de sciences, de lumières partagées, de rapports sociaux hautement policés, pour avoir une ultime chance de sauver ce qui peut encore l’être de la biodiversité, empêcher l’emballement décisif de l’effet de serre « à la vénusienne »[33], reconstituer, voire, dialectiquement parlant, réensauvager savamment les quatre Eléments qui sont indispensables à la vie terrienne, air, eaux, sols et multiplicité bien tempérée des sources d’énergies (l’énergie nucléaire n’étant du reste pas moins « naturelle » que ses rivales puisque la radioactivité est un phénomène naturel, lié à l’interaction électrofaible et préexistant de loin aux recherches des Curie ou aux travaux de Joliot sur la pile atomique). Bref, il s’agit là d’une négation de la négation par laquelle l’historicité socioculturelle, que la nature a enfantée comme sa négation déterminée sous la forme de la technique (telle est l’essence de l’hominisation), en arrive au point où elle doit se nier à l’intérieur d’elle-même (un travail de renaturation hautement technico-scientifique !) pour reproduire savamment les conditions naturelles, voire « renaturées », de la société et des conditions de la liberté.

A noter que ce retour instruit au naturel (un retour qui n’est pas pervers puisqu’il s’effectue sous contrainte de mort pour notre espèce) s’accompagne d’un mouvement symétrique au sein des rapports sociaux : s’il s’agit pour une part de « renaturer » savamment la nature, il faudra concomitamment dés-ensauvager, dé/naturer, débarbariser les rapports sociaux, donc reciviliser la société, ou mieux, resocialiser la civilisation[34] qui, sous le capitalisme-impérialisme, est plus que jamais une « guerre de tous contre tous », pour reprendre une expression bien connue de Hobbes. En effet, la nature extérieure violentée par l’industrialisme capitaliste débridé se venge de lui en soumettant la société bourgeoise à une forme savante de « loi de la jungle » lourdement empirée par ce qu’on dénomme parfois la « barbarie technologique ». On pense aux rapports de classes par essence brutaux, au pillage néocolonial des pays de l’Est et du Sud par les dominants des Etats de l’Ouest et du Nord, aux antagonismes parfois guerriers opposant les impérialismes entre eux, à la concurrence libre et totalement faussée par la corruption que se livrent les monopoles privés, à la fuite en avant permanente de tout le système capitaliste de plus en plus financiarisé vers les taux de profit les plus élevés possible, à l’incessante et humiliante rivalité à laquelle sont structurellement soumis sur le « marché de l’emploi » bourgeois les prolétaires et semi-prolétaires modernes, ouvriers, employés et techniciens, mais aussi sous des formes encore plus perverses, les artisans, petits commerçants et « autoentrepreneurs », les petits et moyens paysans, les cadres salariés moyens, le néolibéralisme euro-mondialisé cherchant par tous les moyens à casser les protections sociales (statuts, conventions collectives, droit du travail, accès à des services publics gratuits…) conquises par les salariés dans le cadre des Etats-Nations déclinants. Oui il s’agit là de rapports sauvages, plus exactement de rapports barbares et déshumanisants, du moins si la barbarie n’est pas autre que la forme civilisée de la sauvagerie ou que la forme ensauvagée de la civilisation, un terme qu’avait fini par abhorrer non sans raison le socialiste utopique Charles Fourier. « Socialisme ou barbarie !» avertissait déjà Friedrich Engels, un mot d’ordre anti-exterministe et antifasciste avant la lettre que devait reprendre, au péril de leur vie, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg à la veille du premier conflit mondial impérialiste.

  1. F) Désexterminisme et tâches d’avenir incombant à un socialisme-communisme de nouvelle génération – Ce qui précède montre à la fois que des écologistes conséquents ne sauraient se passer de la perspective socialiste-communiste et que, symétriquement, les communistes du futur devront tenir pour axiale cette tâche stratégique du socialisme-communisme de nouvelle génération : prendre appui sur le futur pouvoir populaire, sur la socialisation en profondeur des grands moyens d’échange et de production, voire sur leur internationalisation égalitairement concertée et sur les forts leviers de planification et de mobilisation technico-scientifique qu’elle fournirait, pour reconstruire rationnellement les conditions environnementales, non seulement d’une existence humaine viable, mais d’une existence humaine viable. Cela ne signifie pas seulement que les communistes du futur devront être plus attentifs que ne purent l’être les héroïques bolcheviks[35] russes à l’exigence devenue vitale de ne « pas trop polluer » la nature et de réconcilier la maintenance des milieux naturels avec le déploiement d’une grande production désormais indispensable (néanmoins sous des formes à réinventer) aux milliards d’humains qui peuplent la Terre. Car il s’agit désormais objectivement de tout autre chose que d’une plate « mise en compatibilité », au coup par coup et « à l’estime », des exigences économiques, des coûts sociaux et des nécessités écologiques pris séparément les uns des autres et « en extériorité » ; encore moins seulement d’un « dosage » rééquilibrant les parts du naturel et de la sphère technico-industrielle, de « Gaïa » et de « Prométhée »[36]: en réalité, si l’on fait cas des développements qui précèdent, on saisira aisément que la spirale de négation de la négation inhérente au développement historique fait obligation au socialisme-communisme de nouvelle génération de placer, non pas aux marges, mais au cœur même du mode de production à venir la reproduction savamment conduite des conditions environnementales (naturelles encore de quelque façon, bien qu’au second degré si l’on peut dire) de la production humaine. Réfléchissons au fait anthropologique que la substitution de ce que les préhistoriens appellent l’ « économie de production » à l’ « économie de prédation » qui l’a précédée (celle des chasseurs-cueilleurs-pêcheurs nomades auxquels a succédé au Néolithique le diptyque élevage-agriculture-Cité/Etat vite nanti de l’écriture) laissait subsister une part décisive de prédation : en effet, les « matières premières » étaient encore largement « prédatées » par les néo-cultivateurs, éleveurs et autres artisans (ne parlons même pas des économies industrielles que nous sommes devenues) : or la simple problématique du recyclage généralisé qui s’impose à nous pour limiter la dégradation des milieux, l’accablante immensité des pollutions humaines et le gaspillage colossal qui s’ensuit, signifie que, sans que jamais la nature ne puisse perdre son primat essentiel sur la culture et l’artifice, il s’agit maintenant de « reproduire », si possible à l’infini comme on le fait déjà aisément pour le verre, le matériau dit primitif : tels des dieux, en quelque sorte, produire et reproduire la matière première elle-même, sachant cependant en bons matérialistes-naturalistes (un courant philosophique que Platon, leur adversaire, appelait les Fils de la Terre) que, en dernière analyse, c’est elle qui a eu, et qui aura le dernier mot sur nous.

Au triste point où nous sommes rendus par quatre siècles d’industrialisation capitaliste menée à l’aveuglette sous l’égide cahoteuse  du tout-profit, de la marchandisation universelle et de la course folle au surarmement gaspilleur, il urge en effet de reconstituer les sols, la couverture forestière et végétale, la qualité de l’air et des eaux, les dynamiques écosystémiques et évolutionnistes interrompues du vivant[37] ; si bien que ce qui était initialement « donné » par la nature sera de plus en plus « re/produit » consciemment, collectivement et de manière organisée par la société. Cela nécessitera évidemment, non seulement un nouveau pouvoir prolétarien et populaire hautement démocratique, intégrant tous les secteurs du monde du travail, étroitement intriqué, par l’éducation populaire et par une Education nationale rénovée, à la science et à un nouveau Mouvement international pour les Lumières Communes, non seulement une socialisation en profondeur des moyens et du contenu de la production impliquant – pour que chacun puisse vraiment se les approprier[38] – un développement multilatéral de chaque peuple et de chaque individu, mais une production et des échanges d’un type tout nouveau : celle-ci n’aurait plus pour but de stimuler à la fois le luxe ostentatoire des uns, la consommation bas de gamme de millions d’autres et la pénurie absolue d’une majorité d’humains, mais, plus dialectiquement que jamais, de « commander à la nature en lui obéissant » (F. Bacon) en s’ouvrant par la science fondamentale, par la philosophie (et, ajouterons-nous, par l’ontologie scientifique en plein rebond) et par la poésie, comme l’a bien vu l’astrophysicien-cosmologiste Aurélien Barrau, à ces mille musiques du monde que notre ignorance bornée et délibérément anti-pythagoricienne confond généralement avec du « bruit ».

  1. G) Culture désexterministe et émergence d’une nouvelle sagesse révolutionnaire – La contre-offensive anti-exterministe et progressiste pour de nouvelles Lumières communes devra s’accompagner d’une bataille culturelle proprement philosophique contre le nihilisme sous toutes ses formes. Comme nous l’avons vu, l’exterminisme prend appui sur un vocero effondriste de chaque instant dont la clameur obsédante ne peut qu’incliner les intellectuels critiques, les acteurs du mouvement progressiste et les masses elles-mêmes à la démoralisation, à la dépolitisation, à l’abandon, bref à toutes les nuances d’un accablant à-quoi-bonisme Cette bataille pour, et sur le sens, qui se confond avec une guérilla intellectuelle permanente contre le non-sens, on en trouve dès longtemps le projet combatif dans le livre de Lukàcs intitulé La destruction de la Raison[39], Georges Politzer l’ayant par ailleurs dessinée dans plusieurs articles du recueil intitulé La philosophie et les mythes[40]. La conduite victorieuse de cette bataille nécessitera certainement de recenser et d’interconnecter les variantes du nihilisme moderne dont la « basse continue » est destinée à déprimer en profondeur le mouvement populaire, et plus généralement toutes celles et tous ceux qui continuent d’espérer en un « Monde nouveau !», pour reprendre le combatif mot d’ordre des vaillants huguenots du XVIème siècle.

Il y a bien entendu le nihilisme plat, à la Gainsbourg, de ceux qui pensent que « tout se vaut » (ou, ce qui revient au même, que « rien ne vaut »), que tout engagement relève de l’illusion ou du fanatisme, et que l’être et le néant s’équivalent… surtout l’être : à défaut de débarrasser au plus tôt le plancher des vaches en prenant au sérieux leur propre « précis de décomposition », ces tristes joueurs de flûtiau, dont l’attirance ostentatoire pour la « teuf » et pour les succès médiatiques est aussi affriolante qu’un bol de camomille froide avalé de traviole un soir de Toussaint, ont pour fonction idéologique – souvent fort bien rémunérée par les industries culturelles du grand capital – d’accompagner les autres sur le chemin d’une forme de suicide alangui.

Il y a ensuite le nihilisme millénariste de ceux qui, non pas craignent, mais espèrent, voire préparent fébrilement, la disparition prochaine de l’humanité sous la forme « inéluctable » du suicide environnemental et/ou de la guerre nucléaire d’anéantissement : généralement ce nihilisme flamboyant prend la forme des intégrismes religieux ou, tout du moins, il se sert d’eux comme le faisait ouvertement Ronald Reagan quand, à toute occasion, il s’est permis durant ses deux mandats de faire ostensiblement référence en public à la prochaine bataille d’Armageddon. En effet, le regain des grandes religions (« évangélisme » néo-protestant, islamisme, hindouisme communautariste et antimusulman de Modi, fondamentalisme catholique du type Civitas…), si possible expurgées des sapes pré-rationalistes qui, en Europe, les ont redessinées du dedans et finalement ouvertes aux grandes controverses dialectiques des XI et XIIèmes siècle (Averroès, Maïmonide, Abélard, Ockham…) constitue une forme paradoxale du nihilisme car son soubassement idéaliste profond consiste à son insu, à l’instar du nihilisme veule, à proclamer que cette vie terrestre ne vaut rien, que sa justification ultime est dans la transcendance divine et/ou dans l’au-delà d’un Paradis atteignable après la mort, voire par elle : « nihil nisi Dominus ! ». Bref, là aussi, la vérité de l’Etant réside dans la mort, le monde matériel, naturel et humain est vide de sens immanent, y compris en puissance ; il nous faut donc, voit nous abandonner au néant (c’est-à-dire en dernière analyse à cette « force du vertige » qui fascinait Glucksmann), soit chercher le sens, si sens possible il y a, dans ce que Nietzsche appelait lucidement les « arrière-mondes » et que sa Généalogie de la morale fustigeait par avance comme relevant des « idéaux ascétiques » concoctés au sein des « officines de l’idéal ».

Plus subtilement, il existe aussi tout un faux discours « rationaliste », « positiviste », voire « matérialiste » et anticlérical qui affirme que les notions de sens et de finalité appartiennent incurablement au domaine du religieux, de l’idéalisme naïf, voire à celui des projections de la pensée magico-utilitariste dont Spinoza a fait la critique magistrale dans l’Appendice du premier livre de l’Ethique. Si bien que nous n’aurions qu’à choisir entre une forme d’enchantement naïf du monde et de l’histoire à l’aune de nos projections subjectives empreintes de finalité (en un mot, la pensée magico-religieuse), et un monde glacialement désenchanté où, soit l’idée de sens en serait elle-même entièrement dénuée, soit le sens ne serait plus que la projection naïves de nos propres « décisions » à l’aveugle, de nos « paris » sans provisions objectives et de nos « engagements » encore plus beaux d’être voués à l’échec comme c’est le cas dans les prétendus « existentialismes athées » (chez Sartre par ex.), sans parler de la « philosophie de l’absurde » redevenue très « tendance » d’un Albert Camus[41]. Tout cela aboutissant à l’idée « postmoderne » que « nous vivons la fin des Grands Récits » : parmi ceux-ci, il faudrait indifféremment classer l’eschatologie religieuse et l’approche marxiste de l’histoire, dont l’originalité est au contraire de fonder l’engagement éthico-politique sur l’étude objective des contradictions naturelles (dialectique de la nature, ontologie dia-naturaliste appuyé sur une théorie matérialiste de la connaissance) et des contradictions sociales (matérialisme historique) en tant qu’elles dessinent objectivement pour elles-mêmes des sens au moins possibles d’évolution, d’involution ou de résolution : ce que nous nommerions volontiers des « tendanciels ». Sans qu’il soit loisible ici de parcourir à nouveau fastidieusement les pistes que nous avons ouvertes et quelque peu explorées des dizaines de fois par ailleurs, contentons-nous d’énumérer les quelques écrits que nous avons pu jusqu’ici consacrer à l’approche dia-matérialiste du sens, sens de l’évolution naturelle, de l’histoire, de la vie personnelle.

  • nous renverrons d’abord immodestement, pour une étude non finaliste de l’idée de sens, au chapitre de Lumières communes (T. V, chap. 1) qui porte sur les fondamentaux d’une approche dia-matérialiste et communiste de l’axiologie (ou réflexion philosophique générale sur le sens, les valeurs et les fins) ; dédié en grande partie à l’ontologie dia-matérialiste des sciences cosmo-physiques, le chapitre XI de Lumières communes (tome III) traite à divers moments de la possibilité d’une finalité objective à la fois dégagée du finalisme naïf et du mécanicisme plat. Il y est notamment question du principe anthropique en cosmogonie, de la lutte objective entre tendances entropiques et tendances néguentropiques – par ex. de l’émergence des structures dissipativesétudiées par le physicien-chimiste Ilya Prigogine, etc. Cette question de l’émergence d’un sens objectif reparaît bien évidemment dans le chapitre du même livre qui est consacré à la philosophie et à la connaissance du vivant.
  • nous renvoyons aussi le lecteur à Sagesse de la révolution paru au Temps des cerises en 2009. Ce livre évoque le rapport du marxisme aux sagesses antiques (stoïcisme, cynisme, épicurisme…), il invite à méditer sur la signification de la mort pour un matérialiste ne croyant pas à un au-delà personnel (article Aimer l’ami disparu) et il s’interroge globalement sur l’approche matérialiste du « sens de la vie » en relation avec l’idée d’un possible sens de l’histoire, inséparable du reste de l’affrontement permanent de ce dernier, dont le déploiement n’est nullement assuré par avance, avec les contre-tendances sociopolitiques (par ex. l’exterminisme), voire naturelles (entropie, « mort thermique de l’Univers »…) au non-sens et à la défaisance.
  • On peut aussi se référer à notre article, paru dans la revue Etincelles n° … sur la philosophie trop vite enterrée du jésuite et paléontologue éminent que fut Pierre Teilhard de Chardin. Il s’agit d’autant moins de s’y rallier que Teilhard lui-même, instruit par ses recherches scientifiques, par ses méditations philosophiques… et par les persécutions qu’il avait dû subir sa vie durant de la part du Vatican, a pris de plus en plus de distances avec l’eschatologie messianique passablement naïve qui hante ses premiers textes de portée philosophique ;
  • Plus anciennement, nous avons réfléchi sur la dialectique de la vie et de la valeur de la vie dans un article des Cahiers philosophiques paru en 1984, consacré à l’épicurisme et intitulé La vie éphémère: il commente le célèbre passage de la Lettre qui conseille ceci au disciple Ménécée : « familiarise-toi avec l’idée que la mort n’est rien pour nous ; car tout bien et tout mal relèvent de la sensation ; or la mort est privation complète de cette dernière ».
  • Voir aussi, sur le site georges-gastaud.com les quatre articles suivants :
  • Pour une Grande Logique dia-matérialiste, qui étudie à quelles conditions une logique dia-matérialiste peut, sans cesser d’être une logique, s’affranchir de l’idéalisme hégélien et comment s’y dessinent et s’y fédèrent architectoniquement, en vertu du principe matérialiste et anti-magique cher à Lucrèce, puis à Lavoisier, que rien ne se perd, ni ne se crée, tout se transforme, les axes ontiques cardinaux de l’auto-dynamisme du réel, de son animation immanente par la « contradiction racine de toute vie et de tout mouvement» (Hegel), du caractère logique de cette contradiction se déployant selon les modalités rationnelles et dynamiques à la fois de la négation de la négation, du principe de l’interconnexion de toutes choses via la diversification-ramification concrète des moments et parties du tout, et du déploiement infinitaire du tout à partir d’une dialectique de la quantité et de la quantité (notion de saut qualitatif) porteuse à la fois de conservation générale de la matière-univers-nature et de développements proprement innovants, voire irréversibles, de ses modes d’existence diversifiés ;
  • L’article intitulé La fin des Grands Récits, vraiment ? tord le cou à l’idée que nous n’aurions à choisir qu’entre les eschatologies religieuses (accompagnées d’éventuelles réécritures « philosophiques », par ex. par les « philosophies de l’histoire » issues de Condorcet, Hegel, Comte, etc.), et le refus de tout « grand récit » portant, tant soit peu globalement[42], sur la nature et/ou sur l’histoire. Il n’est pas difficile de démontrer en effet, même si des « matérialistes » chers aux médias comme Onfray prétendent l’inverse, que nous vivons au contraire l’ère de la « cosmologie de précision » (le mot est de Jean-Pierre Luminet), laquelle discerne de plus en plus les grandes étapes de la cosmogénèse et peut même y découvrir à la fois, comme le faisait déjà Reeves dans L’heure de s’énivrer/ L’univers a-t-il un sens ?, une gigantomachie constante entre, d’une part, des tendances à l’expansion accélérée et au désordre croissant de l’Univers et, d’autre part, des contre-tendances à l’émergence de modalités de plus en plus complexes d’existence de la matière à l’échelle microcosmique et/ou macrocosmique, avec émergence de modes de formations matérielles de plus en plus complexes et par là-même capables d’individuation relatives comme seront successivement à des degrés croissants les monocellulaires, les organismes complexes, voire l’être humain pensant, cette « suprême efflorescence de l’univers matériel» (capable aussi, du reste, de s’auto-exterminer…) selon la poétique expression de Friedrich Engels.
  • L’article Peut-on universaliser le principe de la sélection naturelle ? établit notamment que, loin de s’opposer stérilement, comme le font généralement les « lamarckiens », favorables à une finalité rectrice de l’évolution et de nature quelque peu métaphysique, et les « darwiniens » favorables à l’idée antithétique de mécanismes aveugles de l’évolution exclusive de toute espèce de sens, la sélection naturelle – qu’il est réducteur de limiter, comme c’est souvent le cas, à ses effets biologiques, et qui ne peut pas ne pas jouer aussi aux niveaux physique, cosmique et chimique – peut parfaitement, de manière parfaitement mécanique et aveugle, favoriser l’émergence de formations matérielles de plus en plus complexes, capables de réfracter en elles-mêmes les variations du milieu, donc de réguler leur rapport au milieu, donc également plus aptes à survivre aux coups de boutoir du monde extérieur en se complexifiant en elles-mêmes et pour elles-mêmes : c’est-à-dire en régulant peu ou prou leur survie et leur développement tout en ouvrant objectivement et de surcroît des espaces croissants pour ce qu’il faut bien appeler des degrés de liberté.
  • Enfin, et de manière un peu plus anecdotique, vu que nous avons évoqué ci-dessus les amours pleins de rebondissements de Prométhée et de Gaïa, signalons aussi, toujours sur georges-gastaud.com, l’article Terraformation de Mars ou évolution martiale et « vénusienne » du climat terrestre, réflexion sur la signification projective d’un mythe contemporain.

Conclusion

Nous ne mesurons que trop les obstacles politiques, techniques et idéologiques qui s’opposent au lancement et à la coordination nationale et, a fortiori mondiale, des « études désexterministes » que nous proposons. Et ce d’autant plus que la multiplicité des tâches théoriques et pratiques que continue de porter, malgré l’âge et l’usure mentale qui pèse, l’auteur de ces lignes, ne lui permettrait pas d’assumer pleinement et pratiquement le lancement et la coordination de ces études. Ils n’en sont pas moins indispensables à toutes celles et à tous ceux qui veulent, pendant qu’il est encore peut-être temps, mettre en cohérence les critiques du capitalisme-impérialisme destructif, déployer les alternatives politiques, sociales, sociétales et culturelles à ce système mortifère, et faire confluer les luttes populaires afin de rendre un avenir vivable, et si possible, authentiquement humain, à l’ainsi dite humanité.

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Achevé le 14 mai 2023, et dédié à la mémoire de Jean Clavel, décédé le 13 mai.

Militant communiste d’une rectitude, d’une discretion, d’une efficacite et d’une modestie exemplaires, proche compagnon de Léo Figueres et d’Henri Alleg, longtemps maire-adjoint de Malakoff, lourdement réprimé naguere pour avoir refusé de salir l’uniforme français en reprimant le peuple algérien insurge, opposant determine à la mutation social-démocrate du P.C.F., Jean s’engagea aux côtés du Comité Erich Honecker de Solidarité Internationaliste qui soutenait, avec les maigres moyens du bord, les communistes et les antifascistes persécutés à l’Est suite à l’auto-destruction contre-révolutionnaire de la R.D.A., du camp socialiste européen et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.

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document – L’APPEL DES PHILOSOPHES POUR LA PAIX

ET CONTRE LA GUERRE D’EXTERMINATION – AVRIL 2023  

APPEL LANCE PAR DES PHILOSOPHES, DES PROFESSEURS DE PHILOSOPHIE,  DES ETUDIANTS ET DES CHERCHEURS EN PHILOSOPHIE ET/OU DES AMIS DE L’ENSEIGNEMENT PHILOSOPHIQUE

REFUSONS LA TRES SUICIDAIRE MARCHE EN COURS

VERS UNE GUERRE MONDIALE D’ANEANTISSEMENT !

Chaque jour, les médias dominants donnent de la situation mondiale, du Donbass à la Péninsule coréenne en passant par Taiwan, une vision grossièrement manichéenne qui n’est pas sans rappeler celle qui prépara et celle qui suivit août 1914. Ce « tunnel médiatique », contraire aux « valeurs occidentales » censément pluralistes vise à justifier l’escalade politique, militaire, idéologique et économique qui mondialise chaque jour davantage le conflit dit russo-ukrainien ; cela dans un contexte où les armes nucléaires, éventuellement portées par des missiles hypersoniques, peuvent anéantir des peuples entiers, si ce n’est l’humanité, voire éradiquer toute forme de vie complexe sur notre planète !

LA PAIX MONDIALE A GRAND BESOIN D’ÊTRE DEFENDUE ! – Cette escalade irresponsable, portée par une nouvelle union sacrée va-t’en-guerre qui s’étend de la droite dure au PS, et des macronistes aux euro-écologistes, prohibe tout débat géopolitique en excluant toutes celles et tous ceux qui, en marge des appareils politiques et syndicaux euro-formatés, osent rappeler cette évidence: une fois franchi un certain seuil d’escalade et de surenchère, l’Alliance atlantique, suivie à la trace par l’UE devenue son « partenaire stratégique » (donc aussi par la France macroniste) sera directement aux prises avec la Fédération de Russie, voire avec la Chine populaire. Cette Chine, « atelier du monde », désormais première économie mondiale et puissance nucléaire de premier plan, n’a-t-elle pas en effet refusé de suivre Washington dans sa tentative au long cours visant à isoler Moscou ?

Quand on rappelle ces faits incontestables et que l’on évoque les conséquences exterminatrices qu’impliquerait une troisième guerre mondiale à dimension nucléaire quelque 78 ans après les crimes de guerre d’Hiroshima et de Nagasaki, nos bellicistes aux « mains pures » rejettent toute espèce de débat rationnel et se contentent de hurler à la « lâcheté ». Ils oublient que, dans les faits, le conformisme et la bien-pensance étaient déjà entièrement, en août 1914, du côté belliciste, et que Jean Jaurès, ce professeur de philosophie par ailleurs grand militant de la République sociale, de la laïcité et du combat anti-impérialiste, a alors payé de sa vie sa défense intrépide de la paix. Ils occultent également le fait qu’en 1938, les milieux dominants français, de l’ultra-droite antisémite à la gauche intrasystémique, ont soutenu à l’unisson les honteux Accords de Munich. Et l’on voit nos médiacrates exaltés de la droite et de la gauche euro-atlantiste dénoncer, avec un bel anachronisme, l’« esprit de Munich » qui habiterait les courageux défenseurs actuels de la désescalade ; lesquels osent dénoncer, à contre-courant de la doxa belliciste, les livraisons d’armes sans seuils ni limites, prôner la négociation, et condamner les tentatives de toute origine visant à élargir le conflit géopolitique engagé de l’Ukraine à Taiwan, et des Balkans à la Géorgie en passant par la Moldavie.

Les « dés-escaladeurs » dont nous sommes considèrent en effet que la République française doit urgemment retrouver sa pleine souveraineté politico-militaire, celle qu’elle affichait encore sous le Général de Gaulle, et qu’elle doit renouer aussi avec l’autonomie diplomatique que revendiquaient encore en 2003 Jacques Chirac et Dominique de Villepin lorsqu’ils refusaient de cautionner l’invasion anglo-américaine de l’Irak. La France doit en effet retrouver son rôle d’Etat indépendant agissant pour le multilatéralisme international ; loin de se fondre dans l’anti-diplomatie militariste et irrationnelle chère à Washington, Londres et Bruxelles, notre pays devrait multiplier les initiatives en faveur des dialogues Est-Ouest et Nord-Sud. Et surtout, un attachement sincère au peuple de France exigerait que l’on militât, fût-ce à contre-courant, pour la désescalade en Ukraine et sur tous les autres théâtres actuels qui peuvent conduire à la guerre mondiale, notamment l’Indopacifique ; car dans l’hypothèse d’une prochaine guerre nucléaire continentale, puis mondiale, notre pays serait très certainement atomisé parmi les premiers !

Quant aux adeptes de l’internationalisme populaire véritable, ils ne peuvent méconnaître le rejet massif que suscite légitimement, en Asie, en Afrique et en Amérique latine notamment, l’étouffante tutelle euro-atlantique qui sévit sur la planète depuis des décennies en semant la ruine, le ressentiment et la misère de l’ex-Yougoslavie dépecée au Proche-Orient martyrisé et de la Libye détruite à l’Amérique du Sud livrée aux ingérences et aux golpes fascistes à répétition…

L’EXIGENCE ANTI-EXTERMINISTE, IMPERATIF CATEGORIQUE CENTRAL DE TOUTE POLITIQUE INTERNATIONALE RESPECTUEUSE DU DROIT ! Si difficile que ce soit, dans le climat médiatique actuel, nous autres, amis et/ou praticiens de l’enseignement philosophique, avons le devoir de rappeler l’impératif géopolitique majeur que formula Immanuel Kant en 1799 dans son Projet de paix perpétuelle :

Article préliminaire n°6 : « Nul État ne doit se permettre, dans une guerre avec un autre, des hostilités qui rendraient impossible, au retour de la paix, la confiance réciproque, comme, par exemple, l’emploi d’assassins (percussores), d’empoisonneurs (venefici), la violation d’une capitulation, l’excitation à la trahison (perduellio) dans l’État auquel il fait la guerre. » Ce sont là de honteux stratagèmes. Il faut qu’il reste encore, au milieu de la guerre, quelque confiance dans les sentiments de l’ennemi ; autrement il n’y aurait plus de traité de paix possible, et les hostilités dégénéreraient en une guerre d’extermination (bellum internecinum), tandis que la guerre n’est que le triste moyen auquel on est condamné à recourir dans l’état de nature, pour soutenir son droit par la force (puisqu’il n’y a point de tribunal établi qui puisse juger juridiquement). Aucune des deux parties ne peut être tenue pour un ennemi injuste (puisque cela supposerait déjà une sentence juridique), mais l’issue du combat (comme dans ce que l’on appelait les jugements de Dieu) décide de quel côté est le droit. Une guerre de punition (bellum punitivum) entre États ne saurait se concevoir (puisqu’il n’y a entre eux aucun rapport de supérieur à inférieur). — Il suit de là qu’une guerre d’extermination, pouvant entraîner la destruction des deux parties et avec elle celle de toute espèce de droit, ne laisserait de place à la paix perpétuelle que dans le vaste cimetière du genre humain. Il faut donc absolument interdire une pareille guerre, et par conséquent aussi l’emploi des moyens qui y conduisent ».

Kant démontre ici que le refus absolu de la guerre d’extermination et de tout ce qui peut y conduire, a fortiori si cela peut aboutir à liquider toute forme de droit (Vertifgung alles Rechts) tout en menant au « grand cimetière du genre humain » (auf dem grossen Kirchhofe des Menschengattung) constitue un, sinon le, grand impératif catégorique de toute politique internationale prétendant se conformer au droit.

Ce qui, notons-le au passage, réconcilie le formalisme moral cher à Kant avec l’incontournable acceptation d’un certain degré de matérialisme « charnel » : il serait, en effet, contradictoire de prétendre, en vertu de l’on ne sait quel droit faisant abstraction du droit à l’existence de l’humanité, de s’autoriser à jouer à la « roulette russe » avec l’existence physique du genre humain, sujet incontournable de tout droit passé, présent et futur. On voit donc combien sont fausses, sophistiques et antihumanistes les postures adoptées par tels « philosophes » de plateau télé qui « justifient » fanatiquement le jusqu’au-boutisme militaire, voire l’exterminisme politique, au nom d’on ne sait quels « droits de l’homme » posés indépendamment du genre humain, si ce n’est contre lui. En effet, comme le rappelleront malicieusement les matérialistes assumés Engels et Marx dans L’Idéologie allemande : « Le présupposé de toute histoire est évidemment l’existence d’êtres humains vivants »…

REFUSER LES PARIS SUICIDAIRES ! – Il ne s’agit certes pas de capituler quand un Etat mène une guerre injuste à l’encontre d’un pays et/ou d’une partie de sa population. Et chacun peut, en fonction de l’analyse politique qu’il croit juste de faire, fustiger l’actuelle intervention russe en Ukraine et/ou condamner le bombardement incessant des Républiques populaires du Donbass auquel s’est livré Kiev de 2014 à 2022 (aux bons soins notamment du bataillon clairement néonazi Azov, armé jusqu’aux dents par l’Occident !) avant de torpiller les Accords de Minsk dont François Hollande et Angela Merkel viennent cyniquement d’avouer tour à tour qu’ils n’avaient eu d’autres buts, en les contresignant et en les garantissant, que de gagner du temps pour permettre à l’OTAN d’armer Kiev et de mettre ses troupes en situation offensive face à la Russie…

Du reste, comment peut-on se prévaloir d’une guerre punitive autorisant un Etat s’autoproclamant « le camp du Bien » à se croire légitimé à poursuivre une escalade sans limite pouvant mener à la guerre mondiale d’extermination ? Est-il légitime de saper par avance toute négociation proposée par des Etats tiers ou par l’ONU et de n’offrir à la Russie, en fait de « paix » future, que l’éventualité de sa défaite humiliante possiblement assortie… de son complet dépeçage territorial (car de tels plans démentiels circulent déjà ouvertement à Washington !)…

En un mot, aucun Etat n’aura jamais le « droit » d’agir à l’instar de ces automobilistes éméchés dont les véhicules se précipitent l’un sur l’autre à toute vitesse, chacun pariant que l’autre flanchera le premier et que l’un des deux bolides déviera de la ligne droite avant le choc fatal ! Nul n’a davantage le droit de gager que l’ennemi, surtout s’il détient des armes nucléaires inarrêtables, se « dégonflera » in fine. Ce type de pari stupide, que ni Kennedy ni Khrouchtchev n’ont finalement choisi de faire en 1962 lors des crises de Berlin et Cuba, est d’autant plus fou que la Russie actuelle croit, elle aussi… incarner le Camp du Bien ! Que Moscou ait raison ou non importe peu du point de vue dont nous traitons ici et qui est celui des risques de guerre mondiale exterminatrice : car c’est un fait que la Russie se sent encerclée et existentiellement menacée par la pression sans cesse accrue de l’UE-OTAN sur ses frontières, et que le peuple russe a déjà vécu en août 1991 une capitulation en rase campagne qui s’est avérée désastreuse pour sa population massivement paupérisée, humiliée et territorialement éclatée.

De plus, si, comme d’aucuns le prétendent en résiliant unilatéralement notre dette historique de mai 1945 à l’égard de l’URSS[43], l’Etat russe était vraiment l’un des pires de l’histoire, il serait encore plus sot de la part des Occidentaux de le pousser à bout en oubliant qu’il peut détruire l’Europe (et araser la France !) quitte, peut-être, à être lui-même anéanti par les Américains. Mais peut-être certains espèrent-ils que l’hiver nucléaire qui résulterait probablement d’une guerre américano-franco-russo-chinoise recourant, ne serait-ce qu’à quelques pourcents des stocks fuséo-nucléaires existants de part et d’autre, pourrait apporter une solution d’avenir au réchauffement climatique en cours ? Qui ne voit au contraire que l’engagement urgent pour reconstruire une planète vivable nécessite au contraire l’entente pacifique de tous les pays ! 

MONDE PACIFIQUE OU EUROPE ATLANTIQUE, IL FAUT CHOISIR ! – La conclusion s’impose d’autant plus que, outre les terribles souffrances que se voient imposer les jeunesses ukrainienne et russe, la guerre actuelle attise une crise sociale profonde en Europe occidentale où elle sert à la fois de prétexte à l’accumulation d’énormes surprofits capitalistes et à de colossales dépenses d’armement, et cela en un moment où, en France même, le pouvoir piétine les aspirations populaires majoritaires en matière de retraites et de pouvoir d’achat. N’y aurait-il pas mieux à faire en matière de protection sociale, de salaires, d’enseignement, de santé, de recherche, voire de respect ici même de ces « valeurs démocratiques » que l’Elysée prétend exporter au moyen de canons Caesar et de chars d’assaut dernier cri ?

Alors, osons ébrécher l’union sacrée belliciste et son discours objectivement exterministe. Osons rappeler, après le philosophe Alain, que la « force des choses » mène spontanément aux surenchères guerrières (surtout quand elle a pour arrière-plan le tout-puissant Marché !) alors qu’il faut résolument « vouloir la paix » pour qu’elle puisse l’emporter durablement. Osons appeler à construire un Front contre la guerre d’extermination sans crainte de braver le parti belliciste qui, pour imposer son hégémonie mondiale, somme scandaleusement l’humanité d’avoir à « choisir », pour reprendre une saisissante expression de Marx, entre « un effroi sans fin et une fin pleine d’effroi ».

INITIATEURS : Georges Gastaud, agrégé de philosophie, ancien professeur en CPGE scientifique, auteur notamment de Marxisme et universalisme (F.-62) – Quentin Bétrancourt-Couaillet, étudiant en Mastère I de Sciences politiques (F.-13) – Catherine Cazenave, professeur de philosophie, P.E., docteur en esthétique (13) – Jean-François Dejours, professeur de philosophie, syndicaliste (F.-59) – Corentin Delhermet, enseignant certifié de philosophie, académie de Versailles, mastère d’histoire de la philosophie (Lille III, F.) – Marion Gandiglio, professeure certifiée de philosophie (F.-81) – Vincent Lapaquellerie, étudiant en philosophie en Licence III (33) – Gauvain Leconte-Chevillard, enseignant de philosophie (Académie de Lille) – Franklin Nyamsi, agrégé de philosophie, docteur de l’Université de Lille III, président de l’Institut de l’Afrique des Libertés (Académie de Rouen) William, étudiant, titulaire d’un Mastère en philosophie – Tristan Reboud, titulaire d’un Mastère en philosophie, apprenti charpentier (F.-33) – Anatole Sawosik, étudiant en Mastère de philosophie contemporaine à l’Université de Grenoble – Stéphane Rials, professeur émérite de philosophie politique à l’Université Panthéon-Assas, membre senior honoraire de l’Institut Universitaire de France Gabriel Rockhill, philosophe, directeur de l’Atelier de théorie critique, professeur à l’Université Villanova (U.S.A.) – Victor Sarkis, professeur de philosophie, syndicaliste (93) – Marc Vandepitte, philosophe, Deune, Belgique – Yves Vargas, professeur honoraire de philosophie, auteur, France (F.-93) – Mudar Kassis, professeur de philosophie, Université de Bir Zeit, Palestine – Pierre-Olivier Poyard, licencié en philosophie, secrétaire national du Mouvement de la Paix (F) – Auxquels se joint : Richard Deu, professeur certifié de philosophie à la retraite, Docteur en philosophie (31).

S’associent à l’appel : Jean-Paul Batisse, agrégé d’anglais, ancien professeur à l’Université de Reims – F.-06 – Robert Charvin, agrégé des Facultés de Droit, Doyen honoraire, professeur émérite à l’Université de Nice – Francis Combes, poète et éditeur, F.-93 – Boris Differ, docteur en histoire, Bordeaux – Aurélien Djament, mathématicien au C.N.R.S. – Bruno Drweski, professeur des Universités, historien et géo-politiste – Vincent Flament, agrégé de Lettres classiques (59) – K.-Philippe  Gendrault, psychologue et psychanalyste, San Francisco, USA – Pierre Génibrel, étudiant en Mastère I de Sciences politiques, F.-59 – Diane Gillard, rédactrice en chef de la revue théorique Etincelles ; F. -82 – Fadi Kassem, agrégé d’histoire, diplômé de Sciences politiques (59) – Annie Lacroix-Riz, historienne, professeur émérite d’histoire contemporaine, Université Paris VII – Gilda Landini, agrégée d’histoire, organisatrice des Cafés Marxistes de Paris, F.-78 – Dmitro Lepikhov, titulaire d’un Mastère II en histoire contemporaine, Université de Basse-Normandie – Anne Morelli, historienne, professeure honoraire à l’Université Libre de Bruxelles (B.) – Nathalie Sage-Pranchère, agrégée d’histoire, archiviste-paléographe, docteure en histoire, F.-19 – Olivier Rubens, essayiste et juriste, F.-95 – Marie-Christine Seguin, maîtresse de conférence à la Faculté libre de Lettres, Toulouse (31) – Joël Vuylsteker, professeur de S.V.T., syndicaliste (62) – Antoine Vatan, agrégé de Sciences économiques et sociales, docteur en économie (F.-92) – Jean-Claude Villame, physicien et cosmologiste (F.-29) – Thomas Waret, professeur de mathématiques (F.-06) –

LISTE COMPLEMENTAIRE (12-4-2023) : André Prone, docteur ès sciences, environnementaliste, ancien vice-président de l’Université de Provence (F.) – Quim Boix, responsable syndical international, ancien Résistant à la dictature franquiste (Espagne) – Gérard Jugant, juriste, F.-13 – Thierry Saladin, docteur en médecine, secrétaire de l’A.F.R.A.V. (F.-82) – Jacques Kmieciak, journaliste (F.-62) – Abdou Elimam, linguiste (Espagne) – Chantal Allier, psychologue, maîtrise de Lettres modernes,  D.E.A. de psychopathologie, F.-13 – Pascual Moreno Torregrosa, Dr. ingénieur agronome, docteur en Sciences Economiques, Universitat Politécnica de Valencia (E.) – Lallali Nadia (Yahia-Chérif), professeure des Universités en Sciences sociales et auteure – Thierry Rousseau, sociologue, Lyon (F. 69) – Jean-Michel Carré, cinéaste français, réalisateur notamment de nombreux films sur la Russie et la Chine – Dominique Dupont, professeur de musique, retraité de l’enseignement secondaire, Paris – Odile Hélier, anthropologue, France – Charlotte Muffang, kinésithérapeute retraitée, Paris – Dimitri Konstantakopoulos, journaliste et écrivain grec, membre du comité de rédaction du DefendDemocracy.Press, ancien conseiller du Premier Ministre grec Andréas Papandréou sur les relations Est-Ouest et sur le contrôle des armements – Françoise Carrasse, secrétaire administrative (F. – 93) – Dr Sylvie Haustete, chirurgien-dentiste, Paris – Mohamed Ellouze, avocat du barreau de Liège à la retraite, anc. détenu politique en Tunisie, militant des droits humains (B.) –Lena Grigoriadou, enseignante (F.-93) – Jany Sanfelieu, professeur de Lettres classiques, retraitée, F.-89 – Jean-Michel Toulouse, ancien directeur d’hôpital (F) – Georges Bériachvili, pianiste, docteur en musicologie, France-Géorgie – Gabriel Casadesus, infirmier retraité, syndicaliste (32) – Dr Jean-Claude Houseaux, médecin généraliste retraité (84, F.) – Dimitrios Scarpalezos, maître de conférence en mathématiques à l’Université Paris-Diderot (P7) – Eddy Sebahi, enseignant et militant associatif (69, F.) – Patrice X. Petit, directeur de recherche C.N.R.S., docteur ès sciences, Paris – Prof. Dr Zbigniew Wiktor, professeur émérite de Sciences politiques, Université de Wroclaw, Pologne – Dominique Mutel, professeur agrégé d’anglais, Arras (F) – Jean Greffioz, retraité enseignement , professeur d’E.P.S. (F) – Denis Lemercier, maître de conférences H.D.R. retraité, militant de la C.G.T. et du Mouvement de le paix (F.)– Serge Niémetz, normalien (Saint-Cloud), agrégé des lettres, linguiste, traducteur littéraire, Paris – Johan Hoebeke, docteur ès Sciences, directeur de recherches C.N.R.S. (retraité), coauteur de L’homme, un Loup pour l’homme?, Louvain (B.) – Mihai Dinu Gheorgiu, sociologue (France et Roumanie), professeur d’Université émérite (Iași, Roumanie) – Dragan Pavlovic, spécialiste en anesthésiologie et en Médecine de soins intensifs, professeur adjoint d’anesthésiologie, Halifax, Canada, ancien directeur de recherches à l’Université Ernst-Moritz-Arndt, Greifswald (D), prof. de physiopathologie à l’Université européenne de Belgrade (Serbie), rédacteur-en-chef de Dialogue, International Journal for Arts and Sciences (Paris) – Natalie Bouqueniaux, psychologue clinicienne C.M.-P. de Créteil (F) – Prof. Iskra Baeva, Université St. Kliment Ohridski, Sofia, Bulgarie – Rastko Mocnik, professeur de sociologie retraité de l’Université de Ljubljana, Slovénie / professeur invité à la Faculté des médias et de la communication de Belgrade, Serbie – Guéorgi Gluschev, professeur associé mathématicien, PhD, Bulgarian Academy of SciencesStefka Katsarova, Area Sales Manager auprès de Caproni  J.S.C., Kazanlak, Bulgarie – Maja Breznik, chercheuse, Mirovni Institut (Institut de la paix), Ljubljana, Slovénie – Aurelio Juri, ex giornalista, ex sindaco di Koper-Capodistria, ex parlamentare nazionale ed europeo, sempre attivista pacifista (Slovénie) –  Christiane Combe, professeur certifiée de biologie-géologie (F.-19) – Jean-Pierre Combe, ingénieur de l’Ecole Polytechnique et officier de réserve spécialiste d’Etat-Major (F.-19) – Gilliatt de Staërck, syndicaliste des transports (F.-35) – Varban Todorov, Prof. assoc. d’histoire, Bulgaria, Sofia – Pierre Boutry, Paris, président du Cercle Ernest Renan, https://cercleernestrenan.com/, Paris – Jean-Luc Pujo, président des Clubs Penser la France (F.-92) – Bernard Colovray, militant C.G.T. du Livre (F.-69) – Rose-Marie Serrano, enseignante retraitée, diplômée E.S.I.T. (russe), F.-93 – Lucas Gastaud, agrégé de mathématiques, syndicaliste (F.- 80) – Alexis Kurkdjian, ingénieur informaticien F- 92 – Luc Wajs, militant syndical C.G.T. F-13 – Yannick Dutertre, ingénieur territorial, syndicaliste C.G.T. Services publics, Bagnolet (F.-93) – Elisabeth Loucif, professeur des écoles retraitée (F.-06) – Jean-Pierre Réau, professeur de mathématiques (F.-94) – Baptiste Poisson, ouvrier métallurgiste, F.-44 – Jo Hernandez, ouvrier E.D.F., anc. secrétaire de l’U.D.-C.G.T. du Tarn – François Crech’riou, enseignant en lycée professionnel, Guyane française – Odile Hage, ancienne adjointe au maire de Douai (F.-59) – Pierre Peuch, militant associatif (F.-19)– Pauline Detuncq, journaliste, diplômée de Sciences politiques à l’I.E.P. de Paris (F.-93)  – Guillaume Suing, agrégé de Sciences de la vie et de la Terre, F.-59 – Frédéric Mathieu, adjudant en retraite de l’Armée de l’air (F.–88) – Anna Bagdasaryan, professeure, Ouzbékistan – Luc de Goustine, écrivain, éditeur – Damien Parrot, dessinateur projeteur, militant C.G.T. (F.-19) – Vladimir Caller, journaliste (B.) – Gilles Figueres, docteur en sciences, directeur de recherche – Isabelle Figuères, professeure agrégée de S.V.T. – Laetitia Meignan, Médaillée olympique de judo – Didier Olmos, technicien de maintenance en bâtiment (F. -18) – Mylène Sallette, gestionnaire Education nationale, retraitée (F.-18) – Rémy Menneret, bachelier scientifique (F.-74) – Robert Nazarian, éducateur spécialisé en retraite (F.-06) – Thérèse Gaud, enseignante en élémentaire, Sartrouville (F.-78) – Jacques Delepine, ingénieur territorial (F.-27) – Killian Rodriguez, doctorant en microbiologie (F.-42) – Sylvie Guduk, professeur des écoles retraitée (F.-59) – Marc Aranda, ouvrier forestier (F.-35) –

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Merci de faire circuler cet appel auprès de toute personne susceptible de le lire avec intérêt. Pour toute signature, adresser vos nom, prénom et département (ou pays) de résidence, ainsi que votre (vos) titre(s) universitaire(s), syndicaux ou associatifs, à Georges Gastaud, gastaudcrovisier2@gmail.com

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Traduction russe (cf ci-dessous traduction anglaise)

(traductions en attente en anglais, en grec, en bulgare et en espéranto, traductions demandées en allemand, italien, espagnol, portugais, arabe, polonais, roumain, chinois, etc.).

ОБРАЩЕНИЕ ФИЛОСОФОВ, ПРЕПОДАВАТЕЛЕЙ ФИЛОСОФИИ, СТУДЕНТОВ И ИССЛЕДОВАТЕЛЕЙ ФИЛОСОФИИ И / ИЛИ ДРУЗЕЙ ФИЛОСОФСКОЙ НАУКИ.

ОТКАЖЕМСЯ ОТ САМОУБИЙСТВЕННОГО ДВИЖЕНИЯ К МИРОВОЙ ВОЙНЕ И НАШЕГО ПОЛНОГО УНИЧТОЖЕНИЯ ! 

Ежедневно основные средства массовой информации представляют мировую ситуацию, – от Донбасса до Корейского полуострова, включая Тайвань, как своё грубо манихейское виде́ние; что которое напоминает нам о том, как подготавливалось и что́ именно последовало за августом 1914 года. Вот этот «медиа-туннель» без всякого света в его конце, вопреки якобы плюралистическим «Западным ценностям», и призван оправдать политическую, военную, идеологическую и экономическую эскалацию, которая с каждым днем глобализирует так называемый российско-украинский конфликт; и это в контексте, когда уже имеется возможность доставлять ядерное оружие гиперзвуковыми ракетами, которое может уничтожать целые народы, если не всё человечество сразу, и даже – уничтожить все формы сложной жизни на нашей планете!

МИР ВО ВСЕМ МИРЕ СЕЙЧАС НЕОБХОДИМО ЗАЩИТИТЬ ! 

Эта совершенно безответственная эскалация, вызванная новым священным союзом (ведущим прямо к войне), который простирается от ультраправых до Соц-Партии, от макронистов до евроэкологов, что исключает любые геополитические дебаты, изолируя всех тех, кто находится на периферии системы, кто свободен от евроотформатированных политических и профсоюзных движений и кто осмеливается напоминать об очевидном факте: если однажды Атлантический альянс поддерживаемый ЕС, который стал его «стратегическим партнером» (следовательно, и Макронистская Франция), перейдёт определенный порог эскалации в утверждении собственной гегемонии, – то он будет напрямую воевать и с Российской Федерацией и даже с Китайской Народной Республикой. Да, тот самый Китай, эта «мастерская мира», а ныне крупнейшая экономика планеты и ведущая ядерная держава, не откажется фактически следовать за Вашингтоном в его многолетней попытке изолировать Москву? По этому случаю мы и напоминаем об этих неоспоримых фактах и истребительных последствиях, которые может реально повлечь за собой Третья Мировая война в своей ядерной ипостаси. И всё это примерно через 78 лет после военных преступлений Хиросимы и Нагасаки, когда наши поджигатели войны с «чистыми руками» отвергают любые рациональные дебаты и довольствоются выкриками о “трусости”. Они забывают, что на самом деле те же конформизм и “правильное мышление” уже в августе 1914 года полностью были на стороне войны и что Жан Жорес, этот профессор философии, который был также великим борцом за Социальную Республику, секуляризм и анти-империалистическую борьбу, поплатился жизнью за свою бесстрашную защиту мира во всем мире. Они так же скрывают тот факт, что в 1938 году господствующие круги Франции, от антисемитских ультраправых до внутрисистемных левых, дружно поддержали позорные Мюнхенские соглашения. И сейчас мы видим, как наши экзальтированные медиакраты из евроатлантических правых и левых с изящной одновременностью осуждают «мюнхенский дух», который будто бы обитает в нынешних мужественных защитниках деэскалации. Кто осмеливается осуждать, вопреки вала воинственной ортодоксии, поставки оружия без порогов и лимитов, кто выступает за переговоры и осуждает попытки любого происхождения, направленные на расширение геополитического конфликта от Украины до Тайваня и от Балкан до Грузии через Молдову. «Деэскалаторы», которыми мы в действительности и являемся, считают, что Французская Республика должна срочно восстановить свой полный военно-политический суверенитет, который она всё ещё демонстрировала при Генерале Де Голле, и что она также должна восстановить свою дипломатическую автономию которую в 2003 году опять обосновывали Жак Ширак и Доминик де Вильпен. Тогда они отказались поддержать англо-американское вторжение в Ирак. И Франция действительно должна восстановить свою роль реально независимого государства, выступающего за международную многовекторность. Наша страна должна не вливаться в милитаристскую и глубоко иррациональную псевдодипломатию, столь дорогую Вашингтону, Лондону и Брюсселю, а – умножать инициативы в сторону диалогов по линиям Восток-Запад и Север-Юг.

Итак, наша искренняя привязанность к народу Франции прежде всего требует основания движения против общего течения, борьбы за деэскалацию на Украине и на всех других нынешних театрах военных действий, которые вполне могут привести к Мировой войне, – в частности в Индо-Тихоокеанском регионе; ведь в случае очередной континентальной, а затем глобальной, ядерной войны наша страна наверняка будет атомизирована в числе первых! Что же касается сторонников подлинно народного интернационализма, то они не могут не признать правоту движения масс против удушающей евроатлантической опеки, что вызвает справедливое негодование, в вчастности – в Азии, Африке и Латинской Америке. На планете десятилетиями бушуют войны, господствуют удушающие разруха, и нищета. Таков наш мир – от расчлененной бывшей Югославии до замученного Ближнего Востока, от разрушенной Ливии до Южной Америки, где люди доведены до отчаяния множественными фашистскими переворотами.

АНТИЭКСТЕРМИНИСТСКОЕ ТРЕБОВАНИЕ ЗАПРЕТА ИСТРЕБЛЕНИЯ ЭТО ЦЕНТРАЛЬНЫЙ И КАТЕГОРИЧЕСКИЙ ИМПЕРАТИВ ЛЮБОЙ ОТВЕТСТВЕННОЙ И ПРАВОВОЙ МЕЖДУНАРОДНОЙ ПОЛИТИКИ ! 

Как бы трудно это ни было, в нынешнем медийном климате мы, друзья и / или практики философского учения, обязаны напомнить главный геополитический императив, сформулированный Иммануилом Кантом ещё в 1799 году в своем Трактате о вечном мире: Предварительная статья № 6: «Ни одно государство не должно во время войны допускать такие враждебные действия, которые сделают невозможным взаимное доверие к последующему миру: такие, как использование тайных убийц (percussores), отравителей (venefici), нарушение капитуляции и подстрекательство к измене (perduellio) в противоположном государстве. Это бесчестные военные хитрости. Ведь и во время войны должно

оставаться хоть какое-нибудь доверие к образу мыслей врага, потому что

иначе нельзя заключить мир и враждебные действия превратятся в

истребительную войну (bellum infcernecinum). Война есть печальное,

вынужденное средство в естественном состоянии (когда нет никакой

судебной инстанции, приговор которой имел бы силу закона) утвердить

свои права силой, когда ни одна из сторон не может быть объявлена неправой (так как это уже предполагает судебное решение) и лишь исход войны (подобно тому как это имеет место в так называемом суде божьем) решает, на чьей стороне право. Карательная война (bellum punitivum) между государствами немыслима (поскольку между ними нет отношения высшего к низшему). Отсюда следует, что истребительная война, в

которой могут быть уничтожены обе стороны, а вместе с ними и всякое право, привела бы к вечному миру лишь на гигантском кладбище человечества.» Кант показывает здесь, что отсутствие абсолютного отказа от истребительной войны может привести, a fortiori, к ликвидации любой формы права (Vertifgung alles Rechts). Это составляет единственный, пожалуй самый главный категорический императив любой международной политики, претендующей на соответствие закону. Что, заметим попутно, примиряет дорогой Канту моральный формализм с неизбежным принятием определенной степени «плотского» материализма. И было бы фактическим противоречием утверждать, что в силу того, что человек не знает, что такое право, пренебрегая правом на существование человечества, позволить себе играть в «русскую рулетку» с физическим существованием человеческого рода, неизбежным субъектом всякого прошлого, настоящего и будущего права. Таким образом, мы можем видеть, насколько фальшивы, софистичны и антигуманистичны позиции таких «философов» на телевидении, которые фанатично «оправдывают» военный жесткий, даже политический экстерминизм, во имя бог знает каких «прав человека», противопоставляя их самих самому человеку. В самом деле, как едко напоминают убеждённые материалисты Энгельс и Маркс в Немецкой идеологии – «Предпосылкой всей истории является, очевидно, существование живых людей»…

ОТКАЖЕМСЯ ОТ СУИЦИДАЛЬНЫХ ДЕЙСТВИЙ ! 

Конечно, речь не идет о капитуляции когда государство ведет несправедливую войну против страны и/или части ее населения. И каждый может, в зависимости от его политического анализа, который он считает справедливым, осудить нынешнюю российскую интервенцию на Украине и/или осудить непрекращающиеся бомбардировки Народных Республик Донбасса, которыми Киев занимался с 2014 по 2022 год (особенно с помощью явно неонацистского батальона «Азов», вооружённого Западом до зубов!). Или переосмыслить историю Минских соглашений, о которых Франсуа Олланд и Ангела Меркель недавно в свою очередь цинично признали, что у них не было других целей, кроме как подписав их гарантировать выигрыш времени для того, чтобы позволить НАТО вооружить Киев и поставить свои войска в наступательную позицию против России…

Более того, как это вообще возможно – воспользоваться карательной войной, позволяющей государству, провозглашающему себя «лагерем добра», и верить в правомерность безграничной эскалации, которая может привести к Мировой войне на уничтожение? Правомерно ли заранее подрывать любые переговоры, предложенные третьими сторонами, странами или ООН, и предлагать России в условиях будущего «мира» только возможность ее унизительного поражения, которое возможно будет сопровождено… её полным территориальным расчленением (ибо такие безумные планы уже открыто циркулируют в Вашингтоне!)… Короче говоря, ни одно государство никогда не будет и не должно иметь «права» поступать так, как те пьяные автомобилисты, чьи машины на полном ходу сталкиваются друг с другом и каждый только и делает ставку на то, что другой отвернёт первым и что один из двух гоночных автомобилей всё же отклонится от прямолинейного курса к роковому столкновению! Никто больше не имеет права делать ставки на то, что противник, особенно если у него есть непреодолимое ядерное оружие, в конце концов «струсит». Это тот тип глупой ставки, которую ни Кеннеди, ни Хрущев, под конец не решились сделать в 1962 году во время кризисов Берлина и Кубы. И это тем более безумно то, что сегодняшняя Россия тоже верит в то, что она… олицетворяет Лагерь Добра!… Хорошо … Права Москва или нет, не имеет большого значения с той точки зрения, о которой здесь идёт речь, а именно с точки зрения риска всеобщей экстерминации человечества Мировой войной. Тут однако фактом является и то, что Россия чувствует себя окруженной и подверженной экзистенциальной угрозе со стороны постоянно растущего давления со стороны ЕС-НАТО на своих границах, и что русский народ уже однажды пережил в августе 1991 года ту капитуляцию, после которой страна стала слишком открытой и беззащитной, что оказалась губительным для её сильно обедневшего, униженного и территориально раздробленного населения. Более того, если, как утверждают некоторые, игнорировав в одностороннем порядке наш исторический долг мая 1945 года по отношению к СССР.1.0, разглагольствованиями о том, что Российское государство реально рудшим худшим в мировой истории, – то это ещё более глупо было бы со стороны Запада доводить ситуацию до предела, забывая, что Россия может уничтожить Европу (и сравнять с землей Францию!), даже если это означает, что она сама может быть уничтожена американцами. Но, возможно, некоторые люди надеются, что ядерная зима, которая, вероятно, станет результатом американо-французско-русско-китайской войны, в которой будут задействованы хотя бы лишь несколько процентов существующих ракетно-ядерных запасов всех сторон, может обеспечить будущее решение нынешней проблемы глобального потепления? Кто же не видит, напротив, что есть необходимость в оперативном обязательстве для всех – восстановить пригодную для жизни планету и что это требует, наоборот, МИРНОГО взаимопонимания всех стран!

МИРНЫЙ МИР ИЛИ АТЛАНТИЧЕСКАЯ ЕВРОПА, – ТАКОВ ВЫБОР !

Выбор этот тем более необходим, что, кроме страшных страданий, налагаемых на украинскую и русскую молодежь, нынешняя война подпитывает глубокий социальный кризис в Западной Европе, где она одновременно служит предлогом для накопления колоссальных капиталистических сверхприбылей и увеличения колоссальныех расходов на вооружение. И это в то время, когда в самой Франции власть попирает чаяния большинства народа в отношении пенсий и покупательной способности. Разве не было бы лучших дел с точки зрения социальной защиты, заработной платы, образования, здравоохранения, научных исследований, даже уважения к тем самым «демократическим ценностям», которые, как утверждает Елисейский дворец, экспортируются с помощью пушек ‘Цезарь’ и новейших наступательных танков? Итак, осмелимся обличить этот воинственный Священный Союз и его объективно экстерминистский дискурс. Осмелимся напомнить, вслед за философом Аленом, что «сила вещей» спонтанно ведет к воинственной эскалации (особенно когда за ней стоит всесильный Рынок!), что нужно более решительно «желать мира», ибо эскалация реально может победить вполне. Осмелимся призвать к созданию Фронта против войны на уничтожение и не боясь бросить вызов воинствующей партии, которая, чтобы навязать свою мировую гегемонию, возмутительно заставляет человечество к «выбирать», по яркому выражению Маркса, между «бесконечным страхом и концом, полным страха».

ИНИЦИАТОРЫ: Жорж Гасто, доцент философии, бывший профессор C.P.G.E. (Подготовительные Курсы для ‘GrandesEcoles’) ученый, автор, в частности, книги «Марксизм и универсализм» (62) – Квентин Бетранкур-Куайе, студентмагистратуры I политологии (13) – Катрин Казенав, профессор философии, P.E., доктор эстетики (13) – Жан-Франсуа Дежур, профессор философии, профсоюзный деятель (59) – Марион Гандильо, сертифицированный профессор философии (81) – Винсан Лапакельри, студент магистратауры III философии (33) – Говэн Леконт-Шевийяр, преподаватель философии (Академия Лилля) – Франклин Ньямси, доцент философии, доктор Лилльского университетаIII, президент Института свобод Африки (Академия Руана) – Вильям, студент, обладатель степени магистра философии –Тристан Ребуд, обладатель степени магистра философии, (33) – Анатоль Савосик, студент степени магистра современной философии Гренобльского университета – Стефан Риалс, почетный профессор политической философии Университета Пантеон-Ассас, почетный старший член Академического института Франции –Габриэль Рокхилл, философ, директор семинара по критической теории, профессор Университета Вилланова (США) –Марк Вандепитт, философ, Дён, Бельгия – Ив Варгас, почетный профессор философии, автор (93);

Присоединяются к воззванию : Жан-Поль Батисс, доцент по английскому языку, бывший профессор Реймского Университета (51) – Робер Шарвен, доцент юридического факультета, почетный декан, почетный профессор Университета Ниццы – Франсис Комбс, поэт и издатель (93) – Борис Диффер, доктор исторических наук, Бордо –Орельен Джаман, математик CNRS (Национальный Научно-Исследовательский Центр) – Брюно Дрвески, университетский профессор, историк и геополитик – Вэнсан Фламан, специалист по классической Литературе (59) – К.-П. Жендро, психолог и психоаналитик, Сан-Франциско, США – Пьер Женибрель, студент магистратуры I политических наук (59) – Дйан Гиллард, главный редактор теоретического журнала ‘Etincelles’ (82) – Фади Кассем, доцент поистории, выпускник политических наук (59) – Жильда Ландини, выпускница исторического факультета, организатормарксистских кафе в Париже (78) – Дмитрий Лепихов (92), обладатель степени магистра II современной истории, Университет Нижней-Нормандии – Анн Морелли, историк, почетный профессор Свободный университет Брюсселя – Натали Саж-Праншер, доцент истории, архивист-палеограф, доктор исторических наук (19) – Оливье Рубенс, эссеист и юрист (95) –Мари-Кристин Сеген, преподаватель литературы на свободном Факультете Тулуза (31) – Жоэль Вуйльстекер, профессор S.V.T. (Наук о Жизни и Земле), профсоюзный деятель (62) – Антуан Ватан, доцент экономических и социальных наук, доктор экономических наук (92) – Жан-Клод Виллам, физик и космолог (29) – Тома Варэ, учительматематики (06);

ДОПОЛНИТЕЛЬНЫЙ СПИСОК (12-4-2023): Андре Прон, доктор наук, эколог, бывший вице-президент Университета Прованса – Ким Буа, представитель международного профсоюза, бывший борец Сопротивления диктатуре Франко(Испания) – Жерар Жюган, юрист – Тьерри Саладэн, доктор медицины, секретарь AFRAV (82) (АссоциацияФранкофонии-Авенир)– Жак Кмесяк, журналист (62) – Абду Элимам, лингвист, Испания – Шанталь Алье, Марсель13004, психолог, магистр современной литературы, DEA (Диплом о повышении квалификации) по психопатологии –Паскуаль Морено Торрегроса, Dr. Инженер-агроном, доктор экономических наук, Политехнический университетВаленсии (Испания) – Лаллали Надя (Яхья-Шериф), Профессор университета социальных наук и автор – Тьерри Руссо,социолог – Лион (69)– Жан-Мишель Карре, французский кинорежиссер, режиссер, особенно многих фильмов о России и Китае – Доминик Дюпон, учитель музыки, пенсионерка, Париж – Одиль Элье, антрополог, Франция – Шарлотт Муффанг, физиотерапевт на пенсии, Париж VIII – Димитри Константакопулос, греческий журналист и писатель, член редакционного правления ‘Defend Democracy Press’, бывший советник премьер-министра Греции Андреаса Папандреу повопросам отношений между Востоком и Западом и контролю над вооружениями – Франсуаз Каррас, секретарь (93 года) – Доктор Сильви Остете, хирург-стоматолог Париж Франция – Мохамед Эллуз, бывшийполитзаключенный в Тунисе, правозащитник, адвокат на пенсии из коллегии адвокатов Льежа.

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TRADUCTION EN ANGLAIS

APPEAL INITIATED BY PHILOSOPHERS AND PHILOSOPHY PROFESSORS, SUTDENTS AND RESEARCHERS AND/OR FRIENDS OF THE PHILOSOPHICAL TEACHING AGAINST THE SUICIDAL MARCH TOWARDS AN ANNIHILATIVE WORLD WAR !

Everyday, mainstream media provide a manichean view of the international situation, from the Donbass to the Korean Peninsula or Taiwan, one reminiscent of that preceding and following August 1914. This narrow-mindedness, opposed on paper to the supposedly pluralistic values of the West, aims at justifying the political, military, ideological and economic escalation of the russo-ukrainian conflict, globalizing it on a daily basis in a context wherein nuclear weapons – and hypersonic missiles – can obliterate entire populations, if not humanity in its entirety and all other forms of complex life with it.

WORLD PEACE DESPERATELY NEEDS TO BE DEFENDED ! – This irresponsible escalation pioneered by a new warmongering “Sacred Union”, spanning from the right-wing of the Socialist Party and the “macronists” to the euro-ecologists, prohibits any geopolitical debate by excluding all those who, going against the grain of EU-formatted parties and unions, would dare to state the obvious : past a certain threshold of escalation and provocation, the Atlantic Alliance, followed by its “strategic partner” the EU, will directly face the Russian Federation, if not the People’s Republic of China. The same PRC, the “Workshop of the World”, now the first world economy and a major nuclear power, refused to follow Washington in its attempt to isolate Moscow. When one recalls these indisputable facts and evokes the annihilative consequences of a potential nuclear Third World War, some 78 years after the war crimes at Hiroshima and Nagasaki, our “free thinking” warmongers reject any form of rational debate and are content to merely disparage what they view as “cowardice”. They tend to forget that conformism and political correctness were in fact already firmly on the side of warmongers in August 1914, and that Jean Jaures – professor of philosophy, and staunch supporter of anti-imperialism, laïcité and the social republic – paid for his unwavering defense of peace with his life. They also tend to forget that in 1938, the upper classes, from the antisemitic fascist forces to the mainstream left, supported the shameful Munich Agreement as one. Right and left-wing atlanticist “mediacrats” condemn, with a certain anachronism, the “Munich spirit” of those who currently bravely defend peace ; those who stand against the warmongering doxa and oppose the limitless delivery of weapons, advocate for negotiations and condemn all attempts to enlarge the conflict from Ukraine to Taiwan, from the Balkans to Georgia or Moldova. Us ”de-escalators”, believe the French Republic must immediately reclaim its full political and military sovereignty which still stood under Charles de Gaulle and reestablish its tradition of diplomatic autonomy which it demonstrated no later than in 2003, when Jacques Chirac and Dominique de Villepin refused to support the US-Britain invasion of Iraq. France must indeed reclaim its role as an independent State acting for multilateralism. Instead of disappearing into Washington, London and Brussels’ militaristic and irrational “anti-diplomacy”, our country should multiply initiatives in favour of East-West and North-South dialogue. Above all, a sincere attachment to the French people would require campaigning for de-escalation in Ukraine and all other international theaters which may lead us into another world war, especially in the Indo-Pacific, as in the occurrence of a continental, then global, nuclear war, our country would be amongst the first to be struck Finally, those acquainted with popular internationalism cannot ignore the massive and legitimate rejection of the euro-atlantic tutelage in Asia, Africa and Latin America. It has plagued the planet for decades, leaving only ruin, resentment and misery in its wake. For examples, one need only look at divided ex-Yugoslavia, the martyred Middle East, the rising fascists golpes in South-America, or at Libya, a country left utterly destroyed.

THE ANTI-ANNIHILATION REQUIREMENT, AN ESSENTIAL CATEGORICAL IMPERATIVE FOR ANY LAW- ABIDING INTERNATIONAL POLICY ! – as difficult as it may seem in today’s media landscape, we have the duty – as friends and/or practitioners of the philosophical teaching – to reiterate the geopolitical imperative Immanuel Kant formulated in Perpetual Peace: A Philosophical Sketch : Preliminary article n°6: "No State Shall, during War, Permit Such Acts of Hostility Which Would Make Mutual Confidence in the Subsequent Peace Impossible: Such Are the Employment of Assassins (percussores), Poisoners (venefici), Breach of Capitulation, and Incitement to Treason (perduellio) in the Opposing State" These are dishonorable stratagems. For some confidence in the character of the enemy must remain even in the midst of war, as otherwise no peace could be concluded and the hostilities would degenerate into a war of extermination (bellum internecinum). War, however, is only the sad recourse in the state of nature (where there is no tribunal which could judge with the force of law) by which each state asserts its right by violence and in which neither party can be adjudged unjust (for that would presuppose a juridical decision); in lieu of such a decision, the issue of the conflict (as if given by a so-called "judgment of God") decides on which side justice lies. But between states no punitive war (bellum punitivum) is conceivable, because between them a relation of master and servant does not exist. It follows that a war of extermination, in which the destruction of both parties and of all justice can result, would permit perpetual peace only in the vast burial ground of the human race. Therefore, such a war and the use of all means leading to it must be absolutely forbidden. Here, Kant demonstrates that the refusal of a war of extermination and all which could lead to it, especially if it should result in the abolition of all law and the “vast burial ground of the human race”, constitutes one if not the essential categorical imperative of any international policy claiming to abide by law. It should be noted that this article reconciles Kant’s moral formalism with the unavoidable acceptance of a certain degree of “carnal” materialism: it would indeed be contradictory to authorize, in virtue of who-knows-what law which exists in spite of humanity’s right to exsitence, a State to play Russian roulette with the very physical existence of mankind, the central subject of any past, present and future law. Therefore, the speeches of television “philosophers” who justify their die-hard military posture in the name of abstract “human rights”, reveal their false, anti-humanist and sophistic nature. Indeed as Marx and Engels, two self-described materialists, mischievously wrote in the German Ideology: “The first premise of all human history is, of course, the existence of living human individuals”

REFUSE SUICIDAL GAMBLES! – It is certainly not a matter of immediately surrendering when a State wages an unjust war against another country and/or part of its population. Everyone can decide, according to their own political analysis of the situation, to excoriate the Russian intervention in Ukraine and/or condemn the endless bombings of the People’s Republics in the Donbass from 2014 to 2022 by the Kiev regime, its neo-Nazi Azov Regiment, and its repeated infringements of the Minsk agreements. François Hollande and Angela Merkel in turn cynically admitted that the goal of this agreement was to buy time to allow NATO to arm Ukraine and organize its troops in view of facing Russia. Furthermore, how can one claim to be a ”Force of Goodness” and believe to be legitimized to pursue an endless escalation, which can degenerate into an annihilative world war? Is it reasonable to undermine any and all negotiations proposed by a neutral State or by the UN, and to offer Russia as its only outcome a humiliating defeat, one which could possibly be paired with the complete dismembering of its territory… In other words, no State shall ever have the “right” to act like a tipsy driver rushing at another, each betting that the other will weaken first and deviate before the final crash. Similarly, none have the right to further bet that the enemy, equipped with unstoppable nuclear weapons, will finally back down. This kind of stupid gamble, which Kennedy and Khrushchev excluded in 1962 during the Cuban missile crisis, is all the more insane considering that Russia also believes to incarnate Goodness! Whether Moscow is right or not does not matter in our present consideration of the tangible risks of an annihilative world war, as the fact of the matter is that Russia feels surrounded and existentially threatened by the ever increasing pressure of NATO and the EU at its borders. It is also a fact that the Russian people have already suffered from disastrous pauperization and humiliation following the capitulation of August 1991. Moreover, if, as some claim, the Russian State is indeed one of the worst in history,– forgetting the unilateral debt of May 1945 we owe the USSR for defeating fascism – it would be even more stupid to push it to its limits, as Westerners do, to destroy Europe, at the risk of being annihilated by the US itself. Perhaps some secretly wish for a nuclear winter, using only a small percentage of the nuclear powers’ collective arsenal, to tackle the issue of global warming? They are unable to see that the reconstruction of a habitable planet requires on the contrary the pacific entente of all countries  !

PACIFIC WORLD OR ATLANTIC EUROPE, ONE MUST CHOOSE ! – Besides the terrible suffering imposed on the Russian and Ukrainian youth, the current war has also caused a deep social crisis in Western Europe, wherein it serves as an excuse for huge capitalistic profits and colossal military spending. This crisis takes place at a crucial moment, in which the French government is stomping out aspirations concerning retirement pensions and purchasing power held by the majority of its people. Are there no better means in the Elysée’s hands to sustain social protection, wages, education, healthcare, research than exporting brand new Caesar canons ? In that case, let us dare to fight the sacred warmongering union and its objectively annihilative speech. Let us remind ourselves, after the philosopher Alain that “the flow of things” spontaneously leads to military one-upmanship (especially when its foundation resides in the almighty Market). One must resolutely “want peace” for it to durable succeed. Let us dare to call for the construction of a Front Against the Annihilative War without fearing the warmongering party which, in order to impose its global hegemony, scandalously asks for humanity to “choose” between, as Marx once said, “an endless dread and an end filled with dread”.

INITIATORS : Georges Gastaud, professor of philosophy, former scientific teacher in preparatory classes, author of Marxism and universalism (62) – Quentin Bétrancourt-Couaillet, master student in political sciences (13) – Catherine Cazenave, professor of philosophy, PhD in esthetics (13) – Jean-François Dejours, professor of philosophy, unionist (59) – Corentin Delhermet, certified philosophy professor, Versailles academy, masters in history of philosophe (Lille) – Marion Gandiglio, professor of philosophy (81) – Vincent Lapaquellerie, University student in philosophy (33) – Gauvain Leconte-Chevillard, professor of philosophy (Lille) – Franklin Nyamsi, professor of philosophy, Doctor from the University of Lille, president of the Institute for the Africa of Liberties (Rouen) – William, student with philosophy Masters – Tristan Reboud, masters in philosophy, apprentice carpenter – Anatole Sawosik, master student in philosophy in Grenoble – Stéphane Rials, emeritus professor of political philosophy Panthéon-Assas University, senior member of the Institut Universitaire de France – Gabriel Rockhill, philosopher, professor at Villanova University – Marc Vandepitte, philosopher, Belgium – Yves Vargas, honorary professor of philosophy, author, France (93) – Mudar Kassis, professor of philosophy, University Bjr Zeit, Palestine – Pierre-Olivier Povard, bachelor in philosophy, national secretary of the Mouvement pour la Paix – Who joins the appeal : Jean-Paul Batisse (06) – Robert Charvin, President Emeritus, professor at Nice University – Francis Combes, poet and book-publisher (93) – Boris Differ, doctor in history, Bordeaux – Aurélien Djament, mathematician at the C.N.R.S – Bruno Drweski,  University professor, historian – Vincent Flament, agregation in classical studies (59) – Diane Gillard, chief editor of Etincelles theorical journal (82) – Fadi Kassem, agregation in history, graduated from Sciences Po (59) – Annie Lacroix-Riz, historian, emeritus professor in contemporary history, Paris VII University – Gilda Landini, agregation in history, organiser of Cafés Marxistes in Paris (78) – Dmitro Lepikhov, master degree in contemporary history, Basse-Normandie University – Anne Morelli, historian, honrary professor at Université Libre de Bruxelles – Nathalie Sage-Pranchène, agregation in history, doctor in history (19) – Olivier Rubens, essayist and jurist (95) – Marie-Christine Seguin, university lecturer at Faculté libre de Lettres, Toulouse (31) – Joël Vuylsteker, biology professor, unionist (62) – Antoine Vatan, agregation in economic and social sciences, doctor in economy (92) – Jean-Claude Villame, physicist and cosmologist (29) – Thomas Waret, professor of mathematics (06) –

COMPLEMENTARY LIST (12-4-2023) : André Prone, doctor in sciences, environmentalist, former vice-president of the Université de Provence (F) – Quim Boix, international unionist director, former resistance fighter against Francoist regime (E.) – Gérard Jugant, jurist, 13 (F.) – Thierry Saladin, doctor in medicine, secretary of l’A.F.R.A.V. (82) – Jacques Kmieciak, journalist (62) – Abdou Elimam, linguist (E.) – Chantal Allier, Marseille, psychologist, degree in Modern languages,  D.E.A. de psychopathology – Pascual Moreno Torregrosa, Dr. engineer in agronomy, doctor in Economic Sciences, Universitat Politécnica de Valencia (E.) – Lallali Nadia (Yahia-Chérif), university professor in social sciences, author – Thierry Rousseau, sociologist, Lyon (F. 69) – Jean-Michel Carré, French cineaste, film director notably of many films on Russia and China – Dominique Dupont, music professor de musique, retired from high school teaching, Paris – Odile Hélier, anthropologist, France – Charlotte Muffang, physiotherapist, retired, Paris – Dimitri Konstantakopoulos, journalist and Greek writer, member of drafting committee DefendDemocracy.Press, PM Andréas Papandréou’s former advisor on East-West relations and arms control –  Françoise Carrasse, administrative secretary (F. – 93) – Dr Sylvie Haustete, dental surgeon, Paris – Mohamed Ellouze, lawyer of the bar in Liège, retired, former political prisoner in Tunisia, human rights activist (B.) –Lena Grigoriadou, teacher, Montreuil (93) – Jany Sanfelieu, professor of classics, retired – Jean-Michel Toulouse, former hospital director (F) – Georges Bériachvili, pianist, doctor in musicology, France- Géorgie – Dr Jean-Claude Houseaux, retired general practitioner (84, F.) – Dimitrios Scarpalezos, university lecturer in mathematics at Université Paris-Diderot (P7) – Eddy Sebahi, teacher and activist (69, F.) – Patrice X. Petit, research supervisor C.N.R.S., doctor in sciences, Paris – Prof. Dr Zbigniew Wiktor, emeritus professor in political sciences Université de Wroclaw, Poland – Dominique Mutel, English professor, Arras (F) – Jean Greffioz, retired sports teacher (F) – Denis Lemercier, retired university lecturer retraité, CGT unionist and Mouvement de le paix (F)– Serge Niémetz, normalien (Saint-Cloud), agrégé des lettres, linguist, literary translator, Paris – Johan Hoebeke, doctor in Sciences, research supervisor C.N.R.S. (retired), co-author of L’homme, un Loup pour l’homme?, Louvain (B.) – Mihai Dinu Gheorgiu, sociologist (France et Roumanie), emeritus professor émérite (Iași, Roumania) – Dragan Pavlovic, spécialiste en anesthésiologie et en Médecine de soins intensifs, professeur adjoint d’anesthésiologie, Halifax, Canada, ancien directeur de recherches à l’Université Ernst-Moritz-Arndt, Greifswald (D), prof. de physiopathologie à l’Université européenne de Belgrade (Serbie), rédacteur-en-chef de Dialogue, International Journal for Arts and Sciences (Paris) – Natalie Bouqueniaux, psychologist C.M.-P. de Créteil (F) – Prof. Iskra Baeva, University St. Kliment Ohridski, Sofia, Bulgaria – Rastko Mocnik, sociology professor retired, Unversity Ljubljana, Slovenia – Guéorgi Gluhchev, Assoc. Prof., mathematician, PhD, Bulgarian Academy of Sciences – Stefka Katsarova, Area Sales Manager at Caproni J.S.C., Kazanlak, Bulgaria – Maja Breznik, researcher, Mirovni Institut (Institut of peace), Ljubljana, Slovenia – Aurelio Juri, ex giornalista, ex sindaco di Koper-Capodistria, ex parlamentare nazionale ed europeo, sempre attivista pacifista (Slovénie) – Christiane Combe, certified professor of biology-geology (F., 19) – Jean-Pierre Combe, engineer at Ecole Polytechnique and reserve officer d’Etat-Major (19) – Gilliatt de Staërck, transports unionist (F., 35). Varban Todorov, Prof. assoc. history, Bulgaria, Sofia – Pierre Boutry, Paris, president of Cercle Ernest Renan, https://cercleernestrenan.com/ – Jean-Luc Pujo, president of Clubs penser la France (92) – Bernard Colovray, C.G.T. unionist du Livre (F-69) – Rose-Marie Serrano, teache, retired, bachelor in E.S.I.T. (russe), F (93) – Lucas Gastaud, agregation in mathematics, unionist (80) – Alexis Kurkdjian, informatics engineer (92) – Luc Wajs, C.G.T. unionist (13) – Yannick Dutertre, territorial engineer, C.G.T. unionist Public Services, Bagnolet (93) – Elisabeth Loucif, school teacher, retraited (06) – Jean-Pierre Réau, professor in mathematics (94) – Baptiste Poisson, metal worker, 44 – Jo Hernandez, worker E.d.F., former secretary U.D. C.G.T. du Tarn – François Crech’riou, teacher in vocationnal school, French Guyana – Odile Hage, former deputy mayor in Douai (59) – Pierre Peuch, activist, F. (19)– Pauline Detuncq, journalist, graduated from Sciences Po Paris (F. 93) – Guillaume Suing, agregation in Sciences de la vie et de la Terre, F., 59 – Frédéric Mathieu, retired warrant officer in Air Force (F. – 88) – Anna Bagdasaryan, teacher, Ouzbekistan – Luc de Goustine, writer, publisher – Damien Parrot, illustrator, design, C.G.T. unionist (19) –

[1] Philosophe, militant communiste.

[2] Dans l’Essai de 1985 (qui n’a pas trouvé d’éditeur) Matérialisme et exterminisme. Repris dans un article éponyme paru dans La Pensée (écrit en 1987 et tardivement paru en 1989) et explicité dans Mondialisation capitaliste et projet communiste, livre publié en 1997 au Temps des cerises, et réédité chez Delga en 2022 sous forme actualisée. L’expression « stade » du capitalisme n’est pas totalement rigoureuse car l’exterminisme est moins une phase spéciale du capitalisme-impérialisme, sous lequel nous continuons hélas de vivre, que l’exacerbation asymptotique de l’une de ses dimensions présentes ab ovo. Il ne faut cependant pas minimiser la différence existant entre la « puissance » et l’ « acte » d’un prédicat donné (pour reprendre un célèbre distinguo aristotélicien).

[3] Lénine, mais on trouverait des formules analogues, à la même époque sous la plume de Jaurès…

[4]  Cf à ce sujet le Manifeste de la Commission Environnement et Agriculture du P.R.C.F. – www.initiative-communiste.fr

[5] Y compris le belliqueux général légionnaire Thierry Burckard, que Macron a nommé chef d’état-major des armées françaises en 2021…

[6] Cf à ce sujet le stupéfiant récit prémonitoire relevant du « merveilleux scientifique » que fit, dès les années 1930, J.-H. Rosny Aîné (l’auteur de la Guerre du feu) en exploitant la thématique d’avenir (hélas !) d’une Terre livrée à l’insolation radicale et quasi privée d’eau de surface. Malgré leurs efforts, les derniers ilots humains subsistants y cèdent pas à pas la place à des formes de vie totalement a-humaines. Cf La guerre des règnes, éditions Bragelonne, préface de Serge Lehmann. La nouvelle s’appelle La mort de la Terre, p. 687.

[7] Formulation canonique des traités européens successifs.

[8]  Sous réserve que ces études n’aient pas pour effet indirect, voire pour but inavoué, de minorer l’antagonisme infrastructurel fondamental persistant entre Capital et Travail ainsi que son corollaire moderne, l’antagonisme entre impérialismes et peuples dominés…

[9] Cf notamment son grand, prophétique et sombre discours à la tribune de l’O.N.U. en tant que président du Mouvement des Non-Alignés en 1979 (de mémoire).

[10] « La (les) patri(e)s ou la mort, le socialisme ou mourir, nous vaincrons ».

[11] Hérité à vrai dire de l’écrivain pacifiste Romain Rolland, Prix Nobel de Littérature, fondateur de la revue Europe et compagnon de route des communistes.

[12] J’emprunte cette saisissante expression à Bernard Teper, le président de l’UFAL (Union des familles laïques).

[13] L’anthropologie d’inspiration marxiste a montré qu’il n’y a pas lieu d’opposer l’historicité constitutive de l’essence humaine et l’existence de fondamentaux relativement stables, ou mieux, récurrents, et sans cesse reproduits par l’histoire elle-même (du moins jusqu’à nos jours) hérités de l’évolution biologique, et qui fournissent le cadre général de ladite historicité : « On peut distinguer l’homme de l’animal par la conscience, la religion et tout ce que l’on voudra, eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu’ils commencent à produire leurs moyens d’existence, pas en avant qui procède de leur organisation corporelle elle-même. En produisant leurs moyens d’existence, eux-mêmes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même », est-il indiqué dans L’Idéologie allemande, le texte fondateur du matérialisme historique. En l’occurrence, l’homme se produit en produisant ce qui ouvre un espace à la construction de sa liberté. C’est pourquoi il serait stupide et suicidaire de détruire les bases anthropologiques générales de sa liberté en croyant « élargir » cette dernière. Déjà Kant expliquait dans sa célèbre Préface à la Critique de la raison pure que la « colombe légère » s’imaginerait à tort pouvoir voler plus commodément si n’existaient pas l’attraction universelle et la résistance de l’air… Dit autrement, on ne commande à la nature et à l’histoire qu’en leur obéissant et, dans ce domaine aussi, la pensée magique et la conception idéaliste du mythe de Prométhée que cultivent les transhumanistes constituent autant d’obstacles rédhibitoires à l’émancipation véritable de l’humanité.

[14] Il serait sans pertinence, voire de mauvaise foi, de nous accuser de « psychologiser » l’exterminisme. Non seulement parce que nous appelons sans cesse à le rapporter à ses conditions d’existence socioéconomiques, politiques et idéologiques, conformément à la méthodologie du matérialisme historique, mais parce que le concept de « pulsion de mort » n’a pas proposé par Freud à n’importe quel moment : son approche clinique puis théorique, notamment dans  les Essais de métapsychologie, est consécutive à l’examen par Freud, Ferenczi et les psychanalystes d’alors, des névroses de guerre et autres cauchemars traumatiques qu’a massivement suscités la tuerie de 14/18, c’est-à-dire la première expression mondiale de l’exterminisme moderne. Bref, quand nous invitons à examiner sous l’angle sociopolitique la « pulsion de mort », nous ne faisons qu’inviter les marxistes à refaire en marxistes ce que Freud a fait, et bien fait, en freudien…

[15] Un énoncé que F. Engels, puis Lénine, complèteront en déclarant que « la guerre continue la lutte des classes nationale ou internationale par d’autres moyens ».

[16] Discours prononcé à Camagüey à l’occasion du 30ème anniversaire du triomphe de la Révolution cubaine.

[17] Lequel allait bientôt se détacher de Gorbatchev sur sa droite en adoptant une ligne ouvertement thatchérienne, antisoviétique et contre-révolutionnaire menant, en 1991, à l’interdiction du PCUS et à la dislocation totalement illégale et anticonstitutionnelle de l’U.R.S.S. – En 1990 pourtant, le référendum sur le maintien de la Fédération socialiste des peuples soviétiques s’était conclu par un « Oui » prononcé par le peuple à 76% des voix. Sans commentaire.

[18] Cf la partie III de Mondialisation capitaliste et projet communiste, Delga 2022. Le titre de cette partie est Pour une analyse révolutionnaire de la contre-révolution.

[19] Tel fut l’enjeu réel des tragiques évènements contre-révolutionnaires dits « de Tienanmen » qui tendaient objectivement, et peut-être un peu davantage, au renversement du P.C.C., clé de voûte de l’unité chinoise. Le coup d’arrêt non seulement militaire, mais politique, qui fut alors porté par Deng Xiaoping et par Li Peng fut à l’origine d’un rebond idéologique partiel du P.C.C. dans une Chine dont la dérive mondialiste de type néolibéral et la maltraitance de masse à l’encontre de ses ouvriers et de ses paysans sapaient à toute vitesse les bases sociales de la République populaire.

[20] A noter que la dénonciation du caractère ultra-négatif pour les peuples de la contre-révolution antisoviétique n’exempte personne – mais il s’agit là d’un tout autre exercice – du devoir de méditer sans autosatisfaction sur les échecs, manquements et déviations qu’a connus la première expérience socialiste de l’histoire, et pas seulement en U.R.S.S. – Derechef nous nous référons à la partie III du livre récemment réédité chez Delga, Mondialisation capitaliste et projet communiste.

[21] Auteur notamment du livre La troisième course aux armements paru aux Editions sociales à la fin des années 1980.

[22] Et de classe, car qui sont donc ces hommes débordant d’orgueil qui condamnent l’humanité en général ?

[23] On ne parle pas ici des militants associatifs sincères de l’écologie mais de l’idéologie pseudo-écolo et réellement belliciste d’Europe-Ecologie/Les Verts.

[24] En toute rigueur conceptuelle sinon pour la communication…

[25] 1er chap. du T. V, intitulé Fin(s) de l’histoire, Delga, 2019.

[26] Marx établit dans Le Capital que le capitalisme est une sorte de « marteau sans maître » (sinon sans « MaîtreS »), pour nous référer au titre d’un opus de Boulez.

[27] Mais aussi, de manière rarement questionnée, avec les hyper-massacres de civils perpétrés par l’incritiquable aviation anglo-américaine à Dresde, Hiroshima, Nagasaki, sans oublier nombre de villes françaises rasées par les bombardiers U.S. lors de notre « libération » (Nantes, Le Havre, Caen, Bayeux, Noisy-le-Sec, etc.).

[28] L’historien est-allemand Kurt Gosweiler, dont la famille a subi la persécution antisémite, a fait la lumière sur ces sujets, et seule la mauvaise foi doublée d’aveuglement antisoviétique qui régit l’« enseignement » de l’histoire contemporaine en France peut nier le flamboyant caractère de classe du nazi-fascisme.

[29] La R.F.A. est le seul pays que la « construction européenne » assortie du démantèlement concomitant de l’U.R.S.S., de la R.D.A. et du Traité de Varsovie, ait étendu et consolidé alors que tous ses voisins ont éclaté (partie balte de l’U.R.S.S., Yougoslavie fédérale, Tchécoslovaquie) et que la plupart des Etats occidentaux, hors pays scandinaves et Pays-Bas, connaissent d’énormes tensions internes favorisées par le délitement des Etats nationaux et par le néolibéralisme qui accroît les différentiels de développement interrégionaux : Espagne tenaillée par les euro-indépendantismes basque et catalan, Grande-Bretagne déchiquetée par son aller-retour éprouvant par la case Europe, Italie écartelée par l’écart croissant de développement entre le Nord industriel et le Mezzogiorno paupérisé,  Belgique transformée en fiction par la scission Flandres-Wallonie-Bruxelles, France en proie au « Pacte girondin » macroniste avec des poussées euro-autonomistes, voire indépendantistes frappant à des degrés divers la Corse, la Bretagne et l’Alsace-Moselle. Inutile de dire que ce sont les classes aisées des métropoles centrées sur la finance, la pub, la communication et le tourisme friqué qui profitent de cette dénationalisation des peuples alors que les classes populaires, ouvriers, employés, petits et moyens fonctionnaires, cadres moyens, artisans et petits paysans, souffrent doublement de cet euro-broyage qui menace à la fois leur emploi, leur cadre de vie (mort de la ruralité, mais aussi des centres-villes des villes petites et moyennes, désertification médicale et scolaire, envol des prix de l’électricité, disfonctionnement général des services publics privatisés, concurrence mondialisée sur les salaires accélérée par le passage des entreprises au tout-numérique et au tout-anglais, gentrification des villes et envol des loyers, etc. Le symptôme de tout cela aura été en France la salutaire crise des Gilets jaunes.

[30] Dans son Fragment d’un Traité du Vide. Cf Hatier, Edition Brunschicg des Pensées et opuscules de Blaise Pascal, un homme qui portait contradictoirement en lui, comme la bourgeoisie de robe de son époque dont son père avait été un chef de file politique, les sombres nuées du jansénisme et les lumières de l’avenir.

[31] Cf Le développement du psychisme, du chercheur soviétique en psychologie animale et humaine Alexis Leontiev. Cf aussi l’Essai sur l’origine du langage et de la conscience du marxiste et chercheur vietnamien Trân Duc Tao.

[32] Ce fut le cas de manière foudroyante, par ex., au Néolithique : le passage de certains chasseurs-cueilleurs à l’agriculture, donc à des formes de sédentarité du reste non exclusives, à l’élevage en enclos (les Sumériens parlaient d’« Uruk au mille enclos »), puis à la Ville-Etat et à l’usage de l’écriture, aura permis une extraordinaire explosion démographique liée au remplacement de l’économie de prédation par l’ainsi-dite économie de production.

[33] Cf sur le site internet de l’auteur www.georges-gastaud.com l’article étudiant la signification anthropologique du mythe moderne de la « terraformation de Mars.

[34] Il est significatif que, au XIXème siècle, les militants du mouvement ouvrier se soient proclamés adeptes du « socialisme ». Ce terme en dit long sur une société qui, au rebours de la tâche au long cours des sociétés humaines qui consiste à individualiser les individus tout en les socialisant, tend à désocialiser les individus en les sur-individualisant. Car l’expression « société socialiste » qui devrait pourtant faire figure de pléonasme, passe presque aujourd’hui pour un oxymore aux yeux des capitalistes et de leurs suiveurs des catégories sociales nanties…

[35] Les bolcheviks durent édifier le primo-socialisme soviétique « à main nue » et ils le firent dans une extrême précipitation encerclés qu’ils étaient, au sortir d’une guerre mondiale suivi d’une guerre civile (et de l’intervention de 14 puissances occidentales hostiles, dont la France de Clémenceau) dès le milieu des années 1920 par le militarisme japonais et par le primo-fascisme européen émergents. En Russie soviétique même, ils étaient pressés par le risque permanent de la disette.

[36] … comme s’il existait encore de vraies forêts vierges sur Terre ou comme si « Prométhée » lui-même ne travaillait pas toujours, en dernière analyse, à partir des matériaux et des lois physiques, chimiques et biologique fournis pas le monde naturel.

[37] …et pas seulement leurs « équilibres », soit dit en passant), tout en réinventant la ville et en mettant en place des formes plus sûres de production énergétique (vraisemblablement en prenant appui sur les énormes ressources du monde microphysique : en ce sens, rien ne serait plus « utile » qu’un nouvel élan général de la recherche fondamentale s’accompagnant d’un grand rebond de la dialectique de la nature chère à Engels, de l’ontologie scientifique et dia-matérialiste émergente et de la théorie dia-matérialiste de la connaissance !

[38] L. Sève a expliqué que toute révolution de la production s’accompagne de diverses manières de révolutions dans le mode de production du psychisme des individus. Déjà le Manifeste de 1848 déclarait que, sous le communisme, « le développement de chacun (deviendrait) la clé du développement de tous ». Ce que Lénine avait ainsi décliné devant le premier congrès des Komsomols : « le programme du socialisme c’est : 1°) de s’instruire, 2°) de s’instruire, 3°) de s’instruire encore et toujours ».

[39] Delga 2017, préface de Domenico Losurdo.

[40] Publié en 1973 aux Editions sociales par Jacques Debouzy, préface de Georges Cogniot.

[41] Camus a sur Sartre le grand « avantage » de n’avoir jamais été « compagnon de route » du P.C.F. et d’avoir, en réalité, refusé toute activité anticolonialiste. A l’inverse, Sartre et Beauvoir, ces existentialistes de gauche, ont pris tous les risques contre le colonialisme, pour le féminisme, et pendant tout un temps, contre la menace de guerre antisoviétique. Cela reste, on en conviendra, impardonnable !

[42] Ceux qui assènent que l’histoire ne comporte pas de sens global (sans parler de l’évolution naturelle…) ne voient-ils pas le paradoxe dans lequel ils tombent ? On n’échappe pas au sens, pas plus qu’à la vérité, à la morale ou au langage, en disant qu’il n’y en a pas et le sens ne peut que gagner la course contre le non-sens…

[43] « Les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur libération ». Charles de Gaulle, lors de de sa visite d’Etat de 1944 à Moscou.

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