Plans de coalition, rencontres secrètes : la macronie cherche à se maintenir au gouvernement

Le camp macroniste aimerait profiter de l’absence de majorité absolue pour se maintenir au gouvernement. Cependant, les divisions s’approfondissent en son sein et aucune formule viable de coalition ne semble pour le moment se dégager.

Par Antoine Weil
10 juillet, 2024

A l’issue des élections législatives, la macronie a sauvé les meubles mais ressort considérablement affaiblie du scrutin avec 168 sièges (répartis entre Renaissance, le Modem, Horizons, l’UDI et le Parti radical) contre 245 sièges avant la dissolution, et ce même si le « grand désistement » et le renouveau du front républicain lui ont permis de rester en vie. Pourtant, les ténors du camp présidentiel assurent depuis dimanche être en capacité à gouverner et affichent leur refus d’abandonner le pouvoir, malgré les interpellations du NFP qui demandent à former un gouvernement.

Le camp macroniste ne veut pas lâcher le pouvoir

Ce mardi matin sur France Inter, Yaël Braun-Pivet, l’ancienne présidente de l’Assemble nationale déclarait ainsi : « avec les centristes, l’UDI et Les Républicains, nous sommes capables de représenter une autre force politique alternative ». Un propos qui va dans le sens de celui de Sylvain Maillard, chef du groupe Renaissance à l’Assemblée lors de la précédente législature, qui a proposé ce lundi « une alliance, qui nous permette, sur des items et des projets très clairement identifiés, de pouvoir gouverner le pays dans les trois prochaines années ».

Dans le même sens, Emmanuel Macron a choisi de refuser la démission de Gabriel Attal, maintenant l’ensemble de ses prérogatives, comme celle de déclencher un état d’urgence ou prendre des mesures budgétaires, alors qu’un gouvernement démissionnaire aurait pu seulement gérer les « affaires courantes » en attente d’être remplacé. Finalement, les macronistes, à commencer par leur aile droite, ont choisi de durcir le ton depuis ce mardi en annonçant qu’ils voteraient une motion de censure contre tout gouvernement comprenant un ministre de la France Insoumise ou reprenant le programme du NFP. Une façon de se démarquer nettement d’un éventuel gouvernement issu de la gauche et de tenter de lui faire obstacle.

Autant d’expressions de la volonté de la macronie d’éviter de rendre le pouvoir. La manœuvre permet également de gagner du temps pour colmater les divisions qui s’expriment en interne mais également pour espérer que celles qui existent au sein du NFP s’approfondissent. En ce sens, la campagne médiatico-politique de diabolisation de LFI fait son grand retour ces derniers jours, et s’étend désormais à EELV, avec des sorties médiatiques de figures comme Gérald Darmanin ou Maud Brégeon ciblant notamment Sandrine Rousseau et Marine Tondelier ces derniers jours pour leur soutien aux mobilisations à Sainte-Soline ou l’invitation du rappeur Médine.

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Minée par les divisions, la macronie cherche des alliés avant tout à droite

A un potentiel gouvernement NFP, Macron souhaite toujours opposer un « large rassemblement clairement démocrate et républicain », défendu dès le lendemain du premier tour, selon L’Opinion. Un projet de coalition pour lequel le Président aurait demandé à des proches de s’entretenir avec la droite comme avec la gauche, en missionnant notamment François Bayrou pour prendre rendez-vous avec la dirigeante des Écologistes Marine Tondelier. Ce dernier aurait également échangé avec François Hollande, dans l’objectif clair de rallier des organisations de la gauche de gouvernement, Parti Socialiste en tête, à l’éventuelle coalition macroniste. A droite, Xavier Bertrand s’est fait l’avocat d’un tel projet, en appelant à ce qu’une « personnalité LR » soit au centre de ce gouvernement.

Si cette perspective semble plébiscitée par la mal nommée « aile gauche » de la macronie, autour de Sacha Houlié, qui veut s’organiser en groupe parlementaire autonome, d’autres macronistes défendent plutôt la construction d’un bloc Ensemble-LR. Parmi eux, des poids lourds de la macronie comme Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Aurore Bergé, en plus des partisans d’Edouard Philippe au sein d’Horizons. Une possibilité évoquée continuellement depuis 2022 mais renforcée ces derniers jours, malgré les positions de Laurent Wauquiez, candidat possible pour 2027, et Bruno Retailleau, chef de LR au Sénat, qui refusent une telle alliance et ont réaffirmé l’autonomie du parti de la droite traditionnelle.

En effet, Olivier Marleix, l’ancien président du groupe LR à l’Assemblée nationale, a appelé Macron à « nommer un premier ministre issu des Républicains » ce mardi. Dans le même temps, Gérard Larcher, président LR du Sénat, était reçu ce mardi soir à l’Elysée, selon Le Monde, sans que le contenu de leurs échanges ne soit encore connu. Du côté des députés du groupe LR, la division primerait, mais, selon Politico, près de la moitié des députés LR (39 au total) et divers droites (16 députés) seraient prêts à participer à une majorité de gouvernement avec le bloc central ou bien adhérer à un groupe affilié au camp présidentiel comme Horizons. Une hypothèse qui, tout en permettant d’obtenir une majorité au Sénat, aurait la limite de ne rassembler qu’autour de 230 députés, très loin de la majorité absolue à 289 sièges.

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Macron joue la montre et utilise les mécanismes du régime pour rester central

Les difficultés à trouver une alternative viable à un gouvernement de gauche, minoritaire mais qui aurait pour lui la légitimité d’être sorti premier des urnes, explique les hésitations nombreuses ces derniers jours. Un gouvernement d’alliance avec la droite apparaîtrait comme anti-démocratique et risquerait de faire face à une motion de censure RN-NFP. Dans ce cadre, Macron pourrait chercher à jouer la montre, en maintenant Attal au gouvernement jusqu’à ce qu’un candidat au poste de Premier ministre bénéficiant d’une majorité ne lui soit présenté, voire en prolongeant cet interrègne, avant qu’une motion de censure ne démette Attal.

Macron souhaiterait notamment attendre la formation des groupes parlementaires, dont l’échéance est fixée au 18 juillet, pour tabler sur des débauchages d’ici là puis s’entretenir avec les présidents des groupes respectifs. L’Opinion évoque ainsi l’option de : « laisser chaque représentant de groupe venir avec ses priorités et ses lignes rouges pour élaborer un programme commun et choisir un Premier ministre pour le porter. Avec une date butoir pour aboutir, fixée à la rentrée de septembre, après la clôture des Jeux paralympiques de Paris et avant l’ouverture officielle de la nouvelle session parlementaire ».

Comme le souligne le Professeur de droit public, Julien Boudon, l’article 8 de la Constitution, qui affirme que « le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement » est suffisamment flou pour laisser une latitude importante au chef de l’Etat. Pour le chercheur, ce dernier « n’a aucune obligation juridique » et c’est essentiellement « la logique politique qui prévaut » dans ses décisions. [1] Si les mécanismes anti-démocratiques du régime peuvent permettre à Macron de se maintenir le temps de trouver une issue favorable, cette « logique politique » pourrait lui imposer de nommer dans un premier temps un gouvernement de gauche, le temps de préparer une alternative pour reprendre la main.

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En tout état de cause, le gouvernement à venir sera minoritaire, fragile et soumis aux aléas d’une situation éruptive, dans un contexte international marqué par les tendances à la crise, le renforcement de la pression des marchés financiers et les guerres. Un paysage dans lequel les travailleurs, la jeunesse et les quartiers populaires ne doivent se faire aucune illusion sur la capacité d’un éventuel gouvernement de gauche à arracher des revendications à la hauteur sur les salaires, les retraites ou contre le durcissement autoritaire du régime. Plus que jamais, face la crise de leurs institutions, c’est dans nos propres forces et dans les armes du monde du travail que nous devons placer notre confiance.

[1Dans le même sens, à la veille du deuxième tour le chercheur en droit Cyprien Fluzin rappelait la possibilité pour Macron d’adopter une telle stratégie : « l’article 8 stipule seulement que le Président nomme le Premier ministre, mais ne donne aucune indication sur le calendrier ni sur la manière dont le Président doit faire son choix. En pratique, Emmanuel Macron pourrait donc soit refuser la démission du gouvernement, soit l’accepter mais retarder la nomination d’un nouveau Premier ministre, maintenant de facto le cabinet sortant en place aussi longtemps qu’il le souhaite. Le président pourrait justifier cette situation en reprochant au parlement de ne pas s’être mis d’accord sur une alternative durable. Cette situation pourrait être tolérée temporairement, éventuellement jusqu’à la fin de l’été, mais toute tentative de maintenir le statu quo plus longtemps déclencherait une nouvelle crise.}

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