Où sont les poètes ?

Quand le romantisme chantait la Grèce

Dans la première partie du XIXème siècle, la guerre d’indépendance de la Grèce contre l’Empire Ottoman a largement inspiré le romantisme français. Les jeunes artistes parisiens reconnaissaient dans la lutte du peuple grec leur propre idéal de liberté.

Il fut un temps où tout ce que la France comptait d’écrivains, de poètes, de peintres, regardait la Grèce. Un temps où la quête de la liberté artistique épousait la cause de la liberté politique. C’était le temps où Victor Hugo faisait rimer « Homère » avec « notre mère ».

« Depuis assez longtemps, les peuples disaient :« Grèce!
Grèce ! Grèce ! Tu meurs. Pauvre peuple en détresse,
A l’horizon en feu, chaque jour tu décrois.
En vain, pour te sauver, patrie illustre et chère,
Nous réveillons le prêtre endormi dans sa chaire,
En vain nous mendions une armée à nos rois. »
Victor Hugo

En lutte depuis mars 1821, les révoltés grecs proclament l’indépendance de la Grèce contre l’occupant ottoman, l’année suivante, à Epidaure. Inspirés des principes révolutionnaires français, les insurgés gagnent immédiatement la sympathie des cercles intellectuels du continent. Pour les artistes progressistes de Paris, Londres où Rome, l’Acropole est à libérer de ses chaînes. La démocratie doit retrouver son antique berceau.

L’exemple Byron

Surtout, la jeunesse européenne se découvre un nouveau héros. Parti en 1823 soutenir la cause hellène, Lord Byron meurt lors du siège de Missolonghi, le 19 avril 1824. Le poète anglais devient un martyr. Et peu importe que ce soit une mauvaise fièvre qui l’ait terrassé. Pour les romantiques, Byron est mort au combat, tombé au champ d’honneur. Che Guevara avant l’heure.

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Dès lors, le philhellénisme s’organise. Un comité parisien de soutien au peuple grec voit le jour à Paris en décembre 1824. Il comptera parmi ses membres Chateaubriand et La Fayette, notamment.

Immédiatement, les jeunes talents de la « Nouvelle Athènes » rivalisent de créativité pour chanter la gloire des insurgés. La Grèce devient un sujet privilégié, nourrissant l’orientalisme en vogue. Delacroix, à l’aube de sa carrière, présente sa Scène des massacre de Scio cette même année 1824, puis La Grèce sur les ruines de Missolonghi, deux ans plus tard, après que la ville ait été reprise par les Turcs.

La plume pour panser les plaies

Révoltés par le sort que les Ottomans firent subir aux assiégés de Missolongui, les plus grandes plumes françaises interpellent les gouvernements européens. « Que pourrions-nous faire pour nous montrer digne d’exécuter le testament de votre gloire ? », écrit alors Chateaubriand. « Que sont à tant de hauts faits, à tant d’adversités, d’inutiles discours ? Une seule épée tirée dans une cause si sainte aurait mieux valu que toutes les harangues de la terre. »

Lamartine, qui avait déjà consacré un poème à Byron dans ces Méditations poétiques, compose une « Invocation pour les grecs ».

« N’es-tu plus le Dieu des armées ?
N’es-tu plus le Dieu des combats ?
Ils périssent, Seigneur, si tu ne réponds pas !
L’ombre du cimeterre est déjà sur leurs pas !
Aux livides lueurs des cités enflammées,
Vois-tu ces bandes désarmées,
Ces enfants, ces vieillards, ces vierges alarmées ?
Ils flottent au hasard de l’outrage au trépas,
Ils regardent la mer, ils te tendent les bras. »

Alphonse de Lamartine

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En 1828, Victor Hugo publie Les Orientales. Des images de la Grèce en lutte surgissent à chaque page. Dès le premier vers du poème « Enthousiasme », le jeune auteur de 26 ans s’exclame « En Grèce! En Grèce! Adieu, vous tous! Il faut partir! » Comme si l’art pouvait suppléer l’action.

Vaine poésie? Affectation d’écrivain? Pourtant, près de 40 ans plus tard, devenu une légende vivante, icône républicaine, Victor Hugo reçoit une lettre, lui demandant de prendre position pour le peuple crétois dans sa lutte contre la Turquie. « Par tes chants splendides des Orientales, tu as déjà grandement travaillé à créer le peuple héllène moderne », peut-il y lire. La lettre est signé Zimbrakakis, représentant des Crétois en révolte.

Où sont les poètes ?

C’était le temps où la littérature et la politique cheminaient d’un même pas. Un temps où plumes et pinceaux s’attachaient à écrire l’Histoire. Quelques jours après la fin officielle de la Révolution grecque, en février 1830, la bataille d’Hernani renversait la table littéraire. Les Modernes supplantaient les Anciens, avant de soulever Paris lors des « Trois Glorieuses » de juillet.

Alors que la Grèce se débat depuis plusieurs années avec une crise financière et économique insoluble, alors que le mouvement transnational des Indignés rassemble une part de la jeunesse du continent, où sont les romans, les films, témoignant, pour les générations futurs, du moment européen que nous vivons ? Sur les étagères des librairies, la Grèce est présente, plus que jamais. Ouvrages d’économistes, de sociologues, d’universitaires de tous bords. Changement d’époque, où les experts ont remplacé les poètes

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