Leurs avocats dénoncent un usage illégal des « fiches S »
27 mars 2019
On s’en souvient, le 22 mai 2018 alors qu’une manifestation du service public se termine à Paris, le lycée Arago est occupé par des lycéens et des grévistes afin de tenir une assemblée générale contre le dispositif Parcoursup. Immédiatement la police intervient dans l’établissement pour interpeler et placer en garde à vue 102 occupants dont 40 mineurs.
Parqués pendant des heures dans des bus de la police, puis dans les cellules de différents commissariats parisiens, fouillés des dizaines de fois, empêchés de boire ou d’aller aux toilettes, les conditions de leur privation de liberté, —qui a duré jusqu’à 79 heures pour certains—, sont alors largement dénoncées et critiquées [1]
Nous apprenons aujourd’hui par leurs avocats que certains des lycéens interpelés ce jour-là seraient désormais fichés « s » pour atteinte à la sûreté de l’État. Rappelons que ces fiches théoriquement secrètes sont émises à la discrétion de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure.
Dans un communiqué de presse, les conseils rapportent les déboires d’une étudiante lors d’un voyage scolaire en Italie jeudi 21 mars. La police italienne serait venue interroger ses professeurs :
Depuis lors au moins trois de ces lycéens et étudiants ont constaté, lors de leurs déplacements à l’étranger, qu’ils faisaient systématiquement l’objet de vérifications d’identités prolongées aux postes de frontière ainsi que d’attentes inexpliquées au cours desquelles serait mentionnée à demi-mot l’existence d’une « fiche S » à leur endroit. Ce jeudi 21 mars 2019, l’une des prévenues du lycée Arago, contre laquelle les poursuites avaient été abandonnées à l’audience, a averti son avocat qu’au deuxième jour de son voyage scolaire en Italie, des policiers italiens étaient venus interroger ses professeurs à son sujet. Une telle pratique ne laisse guère de doute quant à l’existence d’un fichage « S », soit « atteinte à la sûreté de l’Etat », la concernant.
Le collectif d’avocats ne manque d’ailleurs pas de recontextualiser cette pratique des services de renseignement au lendemain de l’adoption par le Sénat de la loi anti-casseur et promet contester la légalité de ces fichages devant la juridiction admistrative.
Plus largement, cette pratique révèle la volonté de l’Etat de ficher systématiquement les manifestants et, ainsi, les opposants politiques.
Et cette pratique inquiète d’autant plus qu’elle intervient concomitamment à l’adoption par le Sénat de la proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, qui entend confier au préfet – soit, à l’exécutif sur la base des données du renseignement – la possibilité de prononcer des interdictions administratives de manifester.
Nous entendons saisir les juridictions administratives aux fins de contrôle de ces fichages manifestement illégaux.
Contactée par lundimatin, Me Aïnoha Pascual, l’une des avocates des lycéens précise :
Par définition, les fiches S sont couvertes par le secret défense. Les personnes fichées ne sont donc pas autorisées à accéder à leur contenu et sont donc dans l’incapacité d’en contester la véracité ou la légitimité. Nous avons cependant la possibilité de saisir la formation spécialisée du Conseil d’État afin qu’elle vérifie la légalité de ce fichage ainsi que les mentions qui y figurent. Au vu de la prétendue menace que sont censés représenter ces lycéens et étudiants amateurs d’assemblées générales, on peut espérer que le conseil d’état censure ces fiches qui par ailleurs, ont des effets concrets et directs sur le quotidien des personnes qu’elles visent.
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