Néolibéralisme et Environnement en Europe Ou Le problème c’est le bouchon!

Par Franklin Frederick

Ce samedi 20 juillet, plus de dix mille personnes ont participé à une manifestation dans la petite ville de Melle, dans le Poitou, en France. Du 16 au 21 juillet, le Melle est devenu un « village de l’eau », rassemblant des citoyens français – surtout des paysans – pour protester contre l’agriculture industrielle et son impact sur le sol et l’eau, en particulier contre les « méga bassines », des réservoirs artificiels géants utilisés par l’agro-industrie française pour irriguer ses plantations. L’agro-industrie semble être aussi destructrice en France qu’au Brésil.

L’Union européenne sera-t-elle capable d’affronter son agro-industrie et ses pratiques sur son propre territoire ? Les Français mobilisés dans le Poitou savent bien que non, c’est pourquoi la manifestation du samedi 20 est aussi une manifestation contre le néolibéralisme et le fascisme qui ont gagné tellement de voix lors des dernières élections françaises et dans toute l’Europe. Il semble que les Français soient de plus en plus mécontents des « solutions » présentées par le gouvernement français et l’Union européenne aux problèmes environnementaux et sociaux urgents de notre époque.

Un exemple récent de ces « solutions » proposées par le néolibéralisme est la loi entrée en vigueur le 3 juillet dans l’Union européenne, selon laquelle tous les bouchons de bouteilles en plastique doivent être attachés à la bouteille et ne peuvent être séparés. Cette mesure vise à freiner l’augmentation de la pollution plastique, car ces bouchons sont parmi les éléments les plus courants que l’on trouve dans les écosystèmes partout dans le monde. Il semble que ce soit Coca Cola qui ait été le premier à introduire cette mesure pour augmenter la capacité de recyclage de ses produits, puisque les bouchons de ses bouteilles sont toujours fabriqués à partir de matériaux recyclés. Nous pouvons être rassurés : les Européens prennent des mesures fondamentales pour réduire la pollution plastique qui s’étend sur la terre et les océans !

Ce que nous ne savions pas, c’est que le problème c’étaient les bouchons ! Il a fallu que des dirigeants visionnaires de Coca Cola trouvent cette solution simple et efficace pour que les législateurs de l’UE la transforment en loi !

C’est le niveau des « solutions » proposées par l’Union européenne pour contenir des problèmes graves tels que la pollution plastique ! Mais des mesures comme celle-ci sont parfaitement en ligne avec le néolibéralisme dominant et, en tant que telles, sont les seules qui peuvent être acceptées ou même discutées.

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Le fait que l’Europe occidentale dispose d’un excellent système public d’approvisionnement en eau et que les bouteilles d’eau en plastique sont donc totalement inutiles et ne sont qu’un luxe coûteux, et que leur production devrait donc être supprimée, n’effleure pas l’esprit des législateurs européens. Il s’agirait pourtant d’un pas vers la réduction de la production de polluants plastiques et de leur impact sur le réchauffement climatique, puisque la matière première pour leur production est le pétrole. La fixation du bouchon sur les autres boissons embouteillées en plastique pourrait être une mesure complémentaire. Le plus important est de réduire la production de plastique dès maintenant, et l’arrêt de la production et de la commercialisation de l’eau en bouteille dans les pays où elle n’est pas nécessaire serait un premier pas.

Le 17 juillet, la ministre portugaise de l’environnement et de l’énergie, Maria da Graça Carvalho, a envoyé une lettre ouverte à la Commission européenne pour l’avertir des problèmes d’eau en Europe. Cette lettre a été signée par 20 autres pays de l’UE. Dans le texte de ce document, la ministre écrit :

« L’eau est une ressource stratégique et vitale qui joue un rôle fondamental dans le maintien de la vie et la régulation des écosystèmes, assurant le bon fonctionnement de notre économie et de notre société et le bien-être de nos citoyens.

Dans le même temps, l’eau est soumise à une pression croissante dans toute l’Europe. La crise climatique, avec l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes, devrait exacerber cette pression et accroître les risques liés à l’eau, avec des impacts graves et transversaux. De plus en plus de régions d’Europe sont déjà confrontées à une limitation des ressources naturelles en eau douce, qui sont devenues insuffisantes pour répondre à leur demande.

Les sécheresses, les pénuries d’eau et les inondations ne sont plus une anomalie en Europe. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, environ 20 % du territoire européen et 30 % des Européens souffrent chaque année du stress hydrique. Le coût économique est estimé à environ 9 milliards d’euros par an, sans compter les dommages causés aux écosystèmes, et pourrait atteindre 65 milliards d’euros par an d’ici la fin du siècle. Les pertes sont principalement ressenties dans l’agriculture et les systèmes alimentaires, le secteur de l’énergie et l’approvisionnement public.

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En ce qui concerne les inondations, une étude publiée par la Commission européenne en 2021 a estimé le coût total de l’atténuation des risques d’inondation pour la période 2016-2021 à au moins 14 milliards d’euros.

Des actions concrètes sont donc nécessaires pour renforcer la sécurité et la résilience de l’eau dans l’ensemble de l’Union européenne. Il s’agit d’un défi commun. Il doit être une priorité absolue dans l’agenda de l’UE et se traduire par une approche globale au niveau de l’UE. »

L’avertissement est clair et l’initiative de la ministre portugaise est importante et doit être soutenue. Mais comment répondre à ce défi commun dans un cadre néolibéral ? Dans sa lettre, la ministre poursuit :

« Une plus grande articulation est nécessaire au niveau européen, couvrant l’eau dans toutes ses dimensions : ressources en eau douce et salée, protection des écosystèmes, consommation humaine, agriculture et systèmes alimentaires, énergie et industries. Ce défi nécessite d’adapter les activités aux ressources en eau existantes, d’assurer l’efficacité de l’offre et de la demande, de promouvoir la protection de l’environnement et le maintien des écosystèmes, d’intégrer les ressources conventionnelles et non conventionnelles et de veiller à ce que la résilience soit assurée de manière juste et équitable, dans le respect de la diversité de l’environnement hydrologique et hydrogéologique de l’Europe.

Le renforcement de la gestion de l’eau dans l’Union européenne nécessitera la mobilisation stratégique des connaissances, de la technologie et de l’innovation, des outils de planification et de gestion intégrées et de la surveillance (disponibilité, consommation) ».

Jusque-là, je pense que nous pouvons être entièrement d’accord avec les propos de la ministre. Cependant, le problème vient juste après, lorsque la ministre écrit:

« La transition vers la résilience de l’eau nécessite également un investissement plus important dans l’adaptation des activités et des territoires aux scénarios de changement climatique, en utilisant des instruments financiers traditionnels et innovants capables de mobiliser et de stimuler l’investissement privé. »

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Dans la lettre de la ministre, il n’y a pas un mot sur la nécessité de renforcer et d’investir dans le SECTEUR PUBLIC, en particulier dans les compagnies publiques d’eau européennes, qui jouent un rôle fondamental dans tout ce processus. Il n’y a pas non plus un mot sur la nécessité de contenir la dévastation et les impacts environnementaux et climatiques causés par le secteur privé. Selon la ministre, le secteur privé doit être mobilisé pour investir dans des solutions – dans la mentalité néolibérale, le secteur privé est toujours la solution et le problème, ce sont les bouchons !

C’est pourquoi la réunion du Poitou est si importante.

En ce moment, nous devons être très clairs, que ce soit en Amérique du Sud ou en Europe : le néolibéralisme est le fascisme en civil. Et le fascisme, c’est le néolibéralisme en bottes et en uniforme.

Lorsque le néolibéralisme parvient à imposer l’autoritarisme du marché dans toutes les sphères de décision politique et sociale, sans rencontrer de résistance ou presque, il se présente comme « civilisé » et « nécessaire », le fameux « il n’y a pas d’autre alternative ». Mais lorsque les gens s’organisent et que leur résistance remet en cause le projet autoritaire du marché, le néolibéralisme sort son uniforme de l’armoire et commence à mettre ses bottes.

Après la victoire de la gauche aux élections françaises, la réunion du Poitou poursuit le combat politique pour la défense de la planète.

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