Mémo du VIPS: Doubler la mise dans une autre « marche de la folie », cette fois-ci avec l’Iran

« Nous vous écrivons avec un sentiment d’urgence pour vous suggérer d’éviter de doubler la mise vers une catastrophe », a déclaré le VIPS à Donald Trump dans son dernier mémo au président.

3 Janvier 2020

MEMORANDUM POUR : Le Président

De : Veteran Intelligence Professionals for Sanity ([VIPS est un groupe d’anciens officiers de la communauté du renseignement des États-Unis NdT]).

OBJET : Doubler la mise dans une autre « Marche de la Folie » ?

L’assassinat par drone en Irak du commandant de la force iranienne de Al-Qods, le général Qassem Soleimani, évoque le souvenir de l’assassinat de l’archiduc autrichien Ferdinand en juin 1914, qui a conduit à la Première Guerre mondiale. Le Guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a rapidement averti d’une « vengeance sévère ». Il est presque certain que l’Iran exercera des représailles au moment et à l’endroit de son choix. Et l’escalade vers la Troisième Guerre mondiale n’est plus une possibilité lointaine, surtout si l’on considère la multitude de cibles vulnérables qu’offre notre importante présence militaire dans la région et dans les eaux avoisinantes.

Ce que vos conseillers ont peut-être évité de vous dire, c’est que l’Iran n’a pas été isolé. Bien au contraire. Il y a une semaine à peine, par exemple, l’Iran a lancé ses premiers exercices navals conjoints avec la Russie et la Chine dans le golfe d’Oman, dans le cadre d’un défi sans précédent pour les États-Unis dans la région.

A qui ça profite ?

Il est temps d’appeler un chat un chat. Le pays qui s’attend à bénéficier le plus des hostilités entre l’Iran et les États-Unis est Israël (avec l’Arabie Saoudite en deuxième position). Comme vous le savez sans doute, le Premier ministre Benjamin Netanyahou se bat pour son avenir politique. Il continue d’attendre de vous le genre de cadeau qui n’en finit pas. De même, il semble que vous, votre gendre et d’autres conseillers myopes pro-Israël soient aussi sensibles à l’influence des premiers ministres israéliens que l’était l’ancien président George W. Bush. Certains commentateurs qualifient d’incompréhensible le fait que vous ayez pris la responsabilité personnelle de fournir à l’Iran un casus belli. Si l’on se reporte seulement à une dizaine d’années en arrière, on peut facilement distinguer un cheminement.

L’ancien premier ministre israélien Ariel Sharon a joué un rôle énorme pour amener George W. Bush à détruire l’Irak de Saddam Hussein. Habituellement taciturne, le général Brent Scowcroft, conseiller à la sécurité nationale des présidents Gerald Ford et George H.W. Bush, a averti en août 2002 que « l’action américaine contre l’Irak … pourrait transformer toute la région en poudrière ». Bush n’en a pas tenu compte, ce qui a poussé Scowcroft à expliquer en octobre 2004 au Financial Times que l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon avait « embobiné » George W. Bush ; que Sharon l’avait « mis sous sa coupe ». (M. Scowcroft a rapidement été relevé de ses fonctions de président du prestigieux President’s Foreign Intelligence Advisory Board).

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En septembre 2002, bien avant l’attaque contre l’Irak, Philip Zelikow, qui était secrétaire exécutif de la Commission du 11 septembre, a déclaré publiquement dans un moment de franchise inhabituelle : « La ‘vraie menace’ de l’Irak n’était pas une menace envers les États-Unis. Cette menace non déclarée était la menace contre Israël ». Zelikow n’a pas expliqué comment l’Irak (ou l’Iran), qui ne possède aucune arme nucléaire, ne serait pas dissuadé d’attaquer Israël, qui possède quelques centaines d’armes de ce type.

Généraux zombies

Lorsqu’un dirigeant militaire américain docile, selon le principe de Peter, « nous sommes encore en train de gagner en Afghanistan », envoie plus de troupes (la plupart provenant d’un milieu pauvre) qui seront blessées et tuées dans les hostilités avec l’Iran, les Américains sont portés, cette fois, à chercher des réponses dans les médias tout aussi dociles. Était-ce pour Nétanyahou et le régime oppresseur d’Israël ? Beaucoup d’Américains se réveilleront, et il est probable qu’il y aura des réactions brutales.

Les événements pourraient entraîner une montée d’un antisémitisme déjà responsable d’attaques terroristes nationales. Et lorsque les sacs contenant les victimes arriveront de l’étranger, il y aura peut-être pour les familles et pour les Américains qui réfléchissent, une limite à la durée pendant laquelle les médias pro-Israël pourront encore les tromper.

Ceux qui préfèrent penser que le général Scowcroft s’est levé du mauvais pied le 13 octobre 2004, le jour où il a donné l’interview au Financial Times, peuvent tirer profit de mots sortis tout droit de la bouche de Netanyahou. Le 3 août 2010, dans un mémorandum VIPS formel pour votre prédécesseur, nous avons fourni quelques [citations, NdT] « Netanyahou dans ses propres termes ». Nous incluons ici un extrait pour le contexte historique :

« Les calculs de Nétanyahou

Nétanyahou pense qu’il détient les meilleures cartes, en grande partie grâce au fort soutien dont il bénéficie au sein de notre Congrès et de nos médias fortement pro-Israël. Il considère que votre réticence [celle d’Obama] à mentionner publiquement des questions bilatérales controversées lors de sa récente visite est l’affirmation qu’il occupe la position de force dans nos relations.

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Pendant les années d’élection aux États-Unis (y compris à mi-mandat), les dirigeants israéliens sont particulièrement confiants dans le pouvoir dont eux-mêmes et le Likoud jouissent sur la scène politique américaine.

L’attitude de Netanyahou se manifeste dans une vidéo enregistrée il y a neuf ans et diffusée à la télévision israélienne, dans laquelle il se vantait de la manière dont il avait trompé le président Clinton en lui faisant croire qu’il (Netanyahou) aidait à mettre en œuvre les accords d’Oslo alors qu’en réalité il les détruisait.

La bande montre une attitude de mépris – et d’étonnement – envers une Amérique si facilement influencée par Israël. Nétanyahou dit :

“L’Amérique est quelque chose qu’on peut facilement faire bouger. Elle a bougé dans la bonne direction. … Ils ne se mettront pas en travers de notre chemin … 80 % des Américains nous soutiennent. C’est absurde.”

Le chroniqueur israélien Gideon Levy a écrit que la vidéo présente Netanyahou comme “un escroc … qui pense avoir Washington dans la poche et qu’il peut lui jeter de la poudre aux yeux”, ajoutant qu’un tel comportement ” ne change pas au fil des ans. »

Recommandation

Nous avions terminé le premier Mémorandum de VIPS pour le Président (George W. Bush) par cette critique du discours du Secrétaire d’État Colin Powell à l’ONU plus tôt dans la journée :

« Personne n’a le monopole de la vérité, et nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait que notre analyse est “irréfutable ou indéniable” [comme Powell l’a prétendu]. Mais après avoir vu le Secrétaire Powell aujourd’hui, nous sommes convaincus que vous gagneriez à élargir la discussion … au-delà du cercle de ces conseillers clairement déterminés à mener une guerre pour laquelle nous ne voyons aucune raison impérieuse et dont nous pensons que les conséquences involontaires risquent d’être catastrophiques. »

Nous sommes tous dans un moment décisif. Nous vous écrivons avec un sentiment d’urgence en vous suggérant d’éviter de vous précipiter vers la catastrophe.

Pour le Comité directeur des professionnels du renseignement des anciens combattants pour le bon sens :

William Binney, ancien directeur technique, Analyse géopolitique et militaire mondiale, NSA ; cofondateur, SIGINT Automation Research Center ( retraité.)

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Marshall Carter-Tripp, agent du service extérieur et directeur de division, Bureau du renseignement et de la recherche du Département d’État (retraité)

Daniel Ellsberg, (associé VIPS)

Graham Fuller, ancien vice-président, National Intelligence Council (retraité)

Robert Furukawa, Capt, Corps du génie civil, USN-R, (retraité)

Philip Giraldi, CIA, officier des opérations (retraité)

Mike Gravel, ancien adjudant, agent de contrôle top secret, Service de renseignements sur les communications ; agent spécial du Counter Intelligence Corps et ancien sénateur des États-Unis

Matthew Hoh, ancien capitaine, USMC Irak ; agent des services extérieurs, Afghanistan (associé VIPS)

Michael S. Kearns, capitaine, USAF (retraité) ; ancien maître-instructeur SERE pour les opérations de reconnaissance stratégique (NSA/DIA) et les unités de mission spéciale (JSOC)

John Kiriakou, ancien agent antiterroriste de la CIA et ancien enquêteur principal, Comité sénatorial des relations étrangères

Karen Kwiatkowski, lieutenant-colonel, US Air Force (retraité), au Bureau du Secrétaire à la défense, qui surveille la fabrication de mensonges sur l’Irak, 2001-2003

Edward Loomis, informaticien cryptologue et directeur technique de la NSA (retraité)

Ray McGovern, ancien officier d’infanterie du renseignement de l’armée américaine et briefer présidentiel de la CIA (retraité)

Elizabeth Murray, ancienne agente nationale adjointe du renseignement pour le Proche-Orient et analyste politique de la CIA (retraitée)

Todd E. Pierce, MAJ, US Army juge-avocat général (retraité)

Scott Ritter, ancien MAJ, USMC, ancien inspecteur des armes de l’ONU, Irak

Coleen Rowley, agent spécial du FBI et ancienne conseillère juridique de la division de Minneapolis (retraitée)

Lawrence Wilkerson, colonel de l’armée américaine (retraité) ; ancien chef d’état-major du secrétaire d’État ; professeur invité distingué, College of William and Mary ( associé VIPS)

Sarah Wilton, commandant, Réserve navale américaine (à la retraite) et Defense Intelligence Agency (à la retraite)

Robert Wing, ancien agent du service extérieur du département d’État des États-Unis (associé VIPS)

Ann Wright, colonelle de réserve (retraitée) de l’armée américaine et ancienne diplomate américaine qui a démissionné en 2003 pour s’opposer à la guerre en Irak

Source : Consortium News, VIPS

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.