Masques et protection : inhaler moins de coronavirus signifie tomber moins gravement malade

Par Monica Gandhi,
University of California, San Francisco

En réduisant la dissémination du virus dans l’environnement des personnes infectées lorsqu’elles toussent ou parlent le port du masque ralentit la propagation du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de l’épidémie de Covid-19. Des expériences en laboratoire, à l’hôpital et au niveau national dans certains pays démontrent que les masques fonctionnent effectivement. En se basant notamment sur ces preuves, les autorités sanitaires ont, dans de nombreux endroits, fait du port du masque une norme. Les Centres de contrôle et de prévention des maladies recommandent par exemple aux citoyens américains de couvrir leur visage (ndlr : et les autorités françaises font de même, certaines communes l’ayant même rendu obligatoire à l’extérieur).

Je suis médecin spécialiste des maladies infectieuses et professeur de médecine à l’université de Californie, San Francisco. Lorsque le port du masque a commencé à être recommandé ou à être rendu obligatoire par les gouvernements ou sur les lieux de travail, mes collègues et moi avons remarqué une tendance intéressante. Dans les endroits où la majorité des gens avaient respecté le port du masque, les personnes infectées par la Covid-19 semblaient considérablement moins susceptibles de développer une forme sévère de la maladie, en comparaison des personnes travaillant dans des endroits où le port des masques était moins généralisé. Autrement dit les gens semblent tomber moins malades s’ils portent un masque.

La dose de virus lors de l’infection détermine la gravité de la maladie

Lorsqu’un virus respiratoire pénètre dans notre organisme, il commence immédiatement à détourner les cellules à proximité desquelles il arrive pour les transformer en machines à produire des virus. Pour stopper la propagation virale, le système immunitaire se met en branle et tente d’arrêter ce processus.

La gravité de la maladie que vous allez développer suite à une infection virale a beaucoup à voir avec la quantité de virus (l’« inoculum viral », ou dose virale) à laquelle vous aurez été exposé·e initialement. Si la dose lors de l’exposition est très élevée, la réponse immunitaire peut être dépassée. Entre le fait que le virus s’empare d’un grand nombre de cellules et les efforts considérables déployés par le système immunitaire pour contenir l’infection, l’organisme subit alors de nombreux dommages, ce qui peut avoir pour conséquence que la personne infectée tombe très malade.

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En revanche, si la dose initiale du virus est faible, le système immunitaire est capable de contenir le virus en employant des mesures moins drastiques. Dans ce cas, la personne présente moins de symptômes, voire aucun.

Ce concept de lien entre dose virale et gravité de la maladie existe depuis près d’un siècle. De nombreuses études sur les animaux ont montré que plus la dose de virus administrée à un animal est élevée, plus il est malade. En 2015, des chercheurs ont testé ce concept chez des volontaires humains en utilisant un virus de la grippe non mortel. Ils ont obtenu le même résultat : plus la dose de virus de la grippe administrée aux volontaires était élevée, plus la maladie était importante.

En juillet dernier, des chercheurs ont publié un article montrant que la dose virale était liée à la gravité de la maladie chez les hamsters exposés au coronavirus SARS-CoV-2. Les hamsters ayant reçu une dose virale plus élevée sont tombés plus gravement malades que les hamsters ayant reçu une dose plus faible.

Sur la base de ces recherches, il semble donc que hautement probable que, si vous êtes exposé au SARS-CoV-2, plus la dose sera faible, moins le risque que les symptômes de la maladie soient graves sera élevé. Alors, comment peut-on réduire la dose d’exposition ?

Les masques réduisent la dose virale

La plupart des chercheurs et épidémiologistes spécialisés dans les maladies infectieuses pensent que le coronavirus se propage principalement par gouttelettes et, dans une moindre mesure, par aérosols. Des recherches ont démontré que les masques chirurgicaux ou en tissu peuvent arrêter la majorité des particules qui pourraient contenir le SARS-CoV-2. Certes, aucun masque n’est parfait. Cependant l’objectif n’est pas de bloquer 100 % du virus, mais de réduire la quantité de particules que vous pourriez inhaler. Or presque tous les masques y parviennent.

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Des expériences menées en laboratoire ont en effet démontré que les bons masques en tissu et les masques chirurgicaux sont capables de bloquer au moins 80 % des particules virales qui pénétreraient autrement dans le nez et la bouche. Ces particules et d’autres contaminants se retrouvent piégés dans les fibres du masque, c’est pourquoi les CDC recommandent, si possible, de laver votre masque en tissu après chaque utilisation.

La dernière preuve démontrant que les masques réduisent la dose virale a été à nouveau obtenue grâce à des expérimentations sur les hamsters. En plaçant des masques chirurgicaux sur les tuyaux qui amenaient l’air dans leurs cages, les chercheurs ont créé un groupe de rongeurs « masqués ». Un autre groupe de hamsters, dont les tuyaux d’arrivée d’air étaient dépourvus de masque, tenait lieu de témoin « non masqué ». Des hamsters infectés par le coronavirus ont été placés dans des cages à côté des hamsters masqués et non masqués, et de l’air a été pompé depuis les cages des « infectés » vers les cages des hamsters non infectés, masqués et non masqués.

Comme prévu, les hamsters « masqués » se sont avérés moins susceptibles d’être infectés par le Covid-19. Qui plus est, ceux des hamsters masqués qui ont été infectés, on développé une forme plus bénigne de la maladie que leurs homologues non masqués.

Le port du masque accroît le taux de cas asymptomatiques

En juillet, le CDC estimait qu’environ 40 % des personnes infectées par le SARS-CoV-2 sont asymptomatiques. Un chiffre confirmé par un certain nombre d’autres études.

Cependant, dans les endroits où tout le monde porte un masque, le taux d’infections asymptomatiques semble être beaucoup plus élevé. Fin mars, une épidémie de Covid-19 s’est déclarée sur un bateau de croisière australien, le Greg Mortimer. Après que le premier cas de Covid-19 a été identifié, les passagers ont tous reçu des masques chirurgicaux et le personnel a reçu des masques N95 (ndlr : masques filtrant au moins 95 % des particules de diamètre inférieur à 2,5 µm. L’équivalent européen est le FFP2, dont le taux de filtration est de 94 %). L’utilisation des masques a été très bien respectée. Résultat : même si 128 des 217 passagers et membres du personnel ont au final été testés positifs pour le coronavirus, 81 % des personnes infectées sont restées asymptomatiques.

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Deux foyers épidémiques plus récents ont eux aussi apporté d’autres preuves. Le premier s’est déclaré dans une usine de transformation de fruits de mer en Oregon et le second dans une usine de transformation de poulet en Arkansas. Dans ces deux endroits, les travailleurs ont reçu des masques et ont été tenus de les porter en permanence. Près de 95 % des personnes infectées travaillant dans ces deux usines se sont avérées asymptomatiques.

Il ne fait aucun doute que le port du masque généralisé ralentit la propagation du coronavirus. Pour mes collègues et moi-même, un faisceau convergent d’indices indique que les masques protègent également leur porteur, qu’il s’agisse des résultats des expérimentations menées en laboratoire, des études de cas telles que les flambées épidémiques qui se sont déclarées sur des bateaux de croisière et dans les usines de transformation des aliments, ou encore de certains principes biologiques connus de longue date.

Les outils mis en place pour lutter contre cette pandémie ont deux objectifs : ralentir la propagation du coronavirus, et sauver des vies. La généralisation du port du masque permet de les atteindre tous les deux.

* Monica Gandhi, Professor of Medicine, Division of HIV, Infectious Diseases and Global Medicine, University of California, San Francisco Monica Gandhi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
University of California apporte des fonds en tant que membre fondateur de La Conversation US.

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