“L’État a recours à des répertoires de violence qui montent en intensité jusqu’à ce qu’il ait réussi à écraser ou discipliner ce qui gêne les classes dominantes”

Le corps du jeune Steve récemment retrouvé dans la Loire, Zineb Redouane morte après le tir d’une grenade lacrymogène, 24 gilets jaunes éborgnés et cinq mains arrachées, des supporters algériens matés pendant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) jusqu’à en perdre un oeil, des militants écolos gazés … non non, on n’est pas à Hong-Kong ou dans l’abominable Russie, mais bien en France, ce qu’ont d’ailleurs parfois tendance à oublier certains de nos médias mainstreams préférés. Depuis le mouvement insurrectionnel des gilets jaunes, notre police, en roue libre, se lâche complètement : elle cogne, éborgne et provoque, protégée par le gouvernement, et se fait la garante du maintien de l’ordre économique, social et politique en France. A un point tel que même la presse étrangère tendance conservatrice comme le quotidien britannique The Independent pointe du doigt le “maintien de l’ordre” à la française. Comme nous le rappelle la marche organisée à Beaumont-sur-Oise il y a maintenant plus d’une semaine en hommage à Adama Traoré et à d’autres victimes de brutalités policières, cette répression systémique en toute impunité existe depuis très longtemps dans les quartiers populaires. Avec le sociologue Mathieu Rigouste, auteur du livre La domination policière, une violence industrielle en 2014 aux éditions La Fabrique, nous avons souhaité en savoir plus et y voir un peu plus clair sur notre État policier, dans un contexte d’une ampleur telle que l’expression “tout le monde déteste la police” n’aura jamais été aussi pertinente.

Peux-tu te présenter et expliquer d’où tu parles ? Qu’est ce qui t’a amené à effectuer des recherches indépendantes sur la police française ?

Chercheur indépendant en sciences sociales, je travaille sur la construction du système sécuritaire et de ce que font les institutions policières et militaires françaises. Au départ, je travaillais sur leurs actions en Afrique puis dans les quartiers populaires. J’ai par la suite élargi mes recherches à l’ensemble des classes populaires. Cela m’intéresse de fabriquer des outils pour permettre aux luttes sociales de s’armer elles-mêmes. Cela doit avoir un lien avec le fait d’avoir grandi en quartier populaire et de s’être construit face à la multiplicité des violences d’Etat et en observant, au quotidien, le système des oppressions et des injustices.

Entretiens-tu des rapports plutôt conflictuels avec la police d’une manière générale ?

J’ai grandi en banlieue parisienne, je ne suis jamais sorti de la précarité mais j’ai une gueule et un nom considérés comme blancs par le système raciste. Dans ces quartiers, si tu traînes dehors, tu subis le contrôle policier aussi mais ce n’est jamais la même violence selon que tu sois considéré comme blanc ou non. Si t’as une capuche et que tu traînes avec des Noirs et des Arabes, tu es traité pareil, jusqu’à ce qu’ils découvrent ou reconnaissent ta gueule ou ton nom. Leur regard change et leur comportement aussi. J’ai vu fonctionner la configuration raciste et systémique de la violence d’Etat au quotidien.

D’un autre côté, je participe à différentes luttes sociales qui ont toutes en commun de subir des pratiques de contrôle, de surveillance et de répression de plus en plus féroces. Je me suis fait tabasser à l’intérieur du commissariat central de Toulouse en 2013, des flics m’ont mis la tête dans les murs, menotté, puis m’ont laissé étalé par terre dans le couloir des gardes à vue, au vu et au su de tous les fonctionnaires en poste cette nuit-là. On ne saura jamais s’ils m’ont tabassé en tant que militant ou parce qu’ils m’ont attrapé dans un quartier populaire où ils ont l’habitude d’aller chasser. Il y a peut-être eu un mélange de tout cela. Cette histoire n’a pas l’air de déranger l’institution judiciaire, justement parce que, comme mes travaux le montrent, c’est le travail normal de la police de distribuer la férocité des classes dominantes. C’est ce que le pouvoir attend d’elle.

Pourquoi le mouvement social des gilets jaunes est-il autant réprimé selon toi ? Est-ce du jamais vu ?

Ce mouvement social est, de base, du jamais vu, de part sa composition sociale et son intensité, sa durée, etc. Des gens ont l’air d’oublier que, depuis le début, c’est un mouvement investi et porté par les différentes strates des classes populaires, des habitant.e.s des quartiers populaires sont présent.e.s et impliqué.e.s, depuis l’origine, et selon les endroits, assez massivement et en première ligne. A Paris et à Toulouse, de décembre 2018 à aujourd’hui, j’ai vu des cortèges propulsés par toutes ces colères associées. C’est un mouvement qui s’est donné des formes ingouvernables et incontrôlables, qui a conçu des capacités d’auto-défense, de contre-attaque, et qui a mis en place des formes de démocratie directe. Il a également critiqué de manière de plus en plus radicale le pouvoir et la société et commencé à imaginer d’autres formes de vie sociale.

Sur ce sujet, je crois que l’État ajuste le niveau de violence précisément, rationnellement et techniquement, face à ce qu’il considère comme menaçant pour lui. Quand il est face à des manifestations auto-encadrées par des bureaucraties syndicales qui ont complètement pacifié et rendue inoffensive la prise de la rue, il n’y a pas besoin d’user de la violence. Dès que l’Etat est confronté à des formes de lutte qu’il n’arrive pas à maîtriser ou à soumettre, il a recours à des répertoires de violence qui montent en intensité jusqu’à ce qu’il ait réussi à écrasé ou discipliner ce qui gêne les classes dominantes.

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“’Il y a une utilisation de pratiques militaro-policières dans les quartiers populaires, mais les institutions expérimentent en fait partout leur déploiement : aux frontières, dans les prisons, dans les stades, au sein des gilets jaunes, même dans les quartiers chics.”

La police s’en prend de plus en plus à des personnes non racisées, au moins depuis les manifestations contre la loi travail en 2016. Depuis le mouvement des gilets jaunes, on a le sentiment que ces problématiques sortent enfin des quartiers populaires. Penses-tu qu’il y ait une prise de conscience générale sur l’état de notre police ? 

Cela a obligé les gens qui niaient les faits dénoncés par les luttes contre les violences d’Etat à constater le fonctionnement et la production de la violence policière. Mais il y a eu aussi automatiquement des réactions des strates privilégiées des classes populaires et des classes moyennes blanches afin de rendre inoffensive cette critique systémique. Ils ont fait émerger un nouveau discours, affirmant que les violences policières sont expérimentées dans les quartiers pour ensuite être appliquées à la “vraie population” ou aux “vrais mouvements sociaux”. Or, la vie dans les quartiers populaires est traversée de mouvements sociaux, tout le temps. Il y a certes une utilisation de pratiques militaro-policières dans les quartiers populaires – c’est en partie l’objet de mon travail – mais les institutions expérimentent en fait partout leur déploiement. Tous les terrains d’exercice des forces de l’ordre servent à faire des retours d’expérience pour restructurer le pouvoir sécuritaire : aux frontières, dans les prisons, dans les quartiers populaires, dans les stades, au sein des gilets jaunes, même dans les quartiers chics.

Le discours qui consiste à dire que les violences policières sont passées des quartiers au « reste de la population » est très problématique. Il y a une différence fondamentale entre le système de violences d’Etat déployé dans les quartiers populaires et contre le mouvement des gilets jaunes par exemple. Dans les quartiers, c’est un système quotidien, local, permanent, avec de nombreux dispositifs : quadrillage du quartier, surveillance et contrôle du quotidien, humiliations, chantages et provocations répétitives, parechocages [plaquer quelqu’un contre un pare-choc], étranglements, tirs à balles réelles, mises à mort, etc. Il y a effectivement des dispositifs qui ont été transférés d’un champ vers l’autre, comme l’utilisation du LBD (lanceur de balle de défense) en tir tendu ciblé haut du torse ou visage, qui existe de façon industrielle dans les quartiers populaires et qui a été employée contre le mouvement des gilets jaunes. Même chose pour le gazage systématique ou l’emploi des grenades de désencerclement pour mutiler… on retrouve ces dispositifs contre les supporters, dans les contre-sommets internationaux, contre certaines mobilisations comme les luttes des migrant.e.s, etc.

Comment interprètes-tu le comportement des policiers envers les supporters d’origine algérienne, issus majoritairement des quartiers populaires, lors de la CAN ? Beaucoup ont, par exemple, écopé de grosses amendes, et l’un d’eux a eu un œil éborgné. 

Bien entendu, le traitement policier de supporters considérés comme algériens n’est pas le même que lorsqu’il s’agit d’encadrer la victoire de la France en Coupe du monde. Le racisme d’Etat structure le pouvoir policier, depuis les état-majors politiques jusque dans les gestes des agents sur le terrain. Il y a eu une préparation idéologique intense dans les médias dominants. On a semé l’idée que des hordes sauvages allaient tout brûler pour mieux légitimer un schéma répressif conçu pour taper fort. La représentation de ceux qu’on a prévu d’écraser comme des corps à la fois barbares et sacrifiables est une technique fondamentale dans l’histoire des sociétés impérialistes.

« Aussi incroyable que cela puisse sembler, la police française a le droit d’utiliser des substances qui brûlent les yeux, la bouche et les poumons de leur population civile, que les traités internationaux interdisent en revanche aux militaires », nous explique The Independent. Comment est-ce possible ?

Les journalistes de The Independent ont une mauvaise analyse de ce qu’est l’Etat et semblent mal connaître l’histoire de l’impérialisme français. Les Etats ne respectent que les lois qu’ils veulent et la base d’une loi, c’est que ceux qui la produisent n’aient pas à s’y soumettre. Ce qu’on appelle la « raison d’Etat » permet aux classes dominantes, dans ou en dehors du droit, de justifier, selon les époques, l’emploi de la torture, l’esclavage, la colonisation, le commerce des armes, l’enfermement, le génocide… La société impérialiste française s’est constituée en déployant des fictions universalistes pour mieux répandre le carnage, le pillage et l’oppression partout autour de la planète. La capacité de ces armes à asphyxier, mutiler et terroriser, c’est exactement ce pourquoi le ministère de l’intérieur dépense des millions d’euros. Je crois que tous les Etats menacés d’être renversés par les classes dominées en viennent tôt ou tard à employer la coercition de masse puis des violences extrêmes et finalement la guerre contre le peuple, s’ils ne sont pas destitués avant par ce peuple.

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“Il y a une impunité policière réelle, programmée par les hiérarchies politiques et mise en œuvre par l’institution judiciaire.”

Après un long silence, les grands médias français ont essentiellement mis la focale sur l’usage des LBD. Pour quelles raisons ? 

A partir du moment où cela a commencé à toucher les corps de personnes plus proches de la classe des journalistes, on a commencé à parler des « violences policières » dans les médias dominants. D’autre part, le rapport de force établi par les luttes des gilets jaunes ont forcé les directions de rédaction à évoquer le sujet. Puis lorsqu’un média a vu que ça buzzait, les autres se sont jetés dessus. La thématique « violences policières » est devenu une marchandise en soi.

Mais se pose aussi la question de comment les médias dominants vont se servir du sujet. Avoir réussi à faire surgir le terme « violences policières » dans les médias mainstream, c’est une véritable victoire obtenue par la lutte, mais il faut voir comment le sujet est traité. Et ce qu’on observe évidemment, c’est que les institutions le recodent pour servir les intérêts et les objectifs de leurs états-majors. La « violence policière » est alors décrite comme accidentelle, résiduelle, elle serait le fruit d’un dysfonctionnement, une anomalie, alors qu’elle est la norme. Et on la replie sur le seul sujet du LBD. L’étape suivante a été, pour une partie de la gauche institutionnelle, de proposer l’interdiction du LBD seulement dans ce qu’ils appellent les « mouvements sociaux », donc d’en conserver l’emploi dans les quartiers populaires, les lieux d’enfermement et aux frontières

Tu évoques l’expression “violence policière”, mais la police détient le monopole de la violence légitime. L’expression est-elle donc si pertinente ?

En fait, la thèse du sociologue Max Weber, c’est que l’État revendique le monopole de la violence légitime, justement parce qu’il n’en dispose jamais complètement. Les classes dominées ne se laissent jamais gouverner sans résistances et sont indisciplinées. La police est une institution chargée d’employer la coercition pour maintenir l’ordre social, économique et politique. Elle est violente par principe. Si on te crie « Police ! » dans la rue, ton corps se raidit. Le seul mot de « police » fait violence. L’idée même de pouvoir être contrôlé est un régime de pouvoir particulièrement violent. Perso, quand je dis “violence policière”, c’est pour qualifier ce type de violence d’État, la distinguer de violences judiciaires, militaires… mais pas pour faire comme s’il pouvait exister une police non-violente.

Qu’est-ce qui légitime la manière de se comporter de la police, sa violence exercée avec un tel sentiment d’impunité : le ministère de l’intérieur, la justice ou l’administration ?

Il y a une impunité réelle, programmée par les hiérarchies politiques et mise en œuvre par l’institution judiciaire. Mais toute l’idéologie policière est construite sur une posture victimaire selon laquelle les flics seraient maltraités par l’État. Dans l’ère sécuritaire, cette posture leur permet de réclamer sans cesse plus de moyens, d’argent, d’armes et d’impunité, tout en dissimulant leur statut de milices privilégiées par l’État.

L’interpellation des lycéens de Mantes-la-Jolie le 6 décembre 2018 a finalement donné lieu à un classement sans suite de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale). Pour Steve, leur enquête “n’établit aucun lien entre l’intervention de la police et les chutes de personnes dont Steve, dans la Loire.” Mais à quoi sert l’IGPN ?

L’IGPN et les services internes de la police ne travaillent pas à lutter contre les violences policières, qui sont le produit du travail policier pour lequel l’État dépense beaucoup d’argent. Ces structures travaillent à encadrer et discipliner le corps policier pour qu’il produise ce qu’on attend de lui. Comme la violence fait structurellement partie de ce travail, la plupart du temps, ces structures récompensent les policiers impliqués dans des affaires de violences. Ils obtiennent les mutations attendues, des avancements de carrière… Ces institutions sont elles-mêmes composées et dirigées par des policiers qui renforcent encore l’esprit de corps très puissant dans ce milieu.

C’est plutôt l’institution judiciaire qui pourrait théoriquement contrôler ces pratiques policières. Mais pour les mêmes raisons, elle les valide la plupart du temps, chaque fois que ces pratiques n’entrent pas en contradiction avec les intérêts du pouvoir et des classes dominantes. Quand on rend un non-lieu sur l’affaire des lycéens, on valide des pratiques d’humiliations et de punition collectives – dont on connaît pour certaines la généalogie coloniale et militaire. Pour tous les policiers de France, il est désormais autorisé de faire ces choses-là, c’est validé. Pour Steve, c’est “homicide involontaire” qui a été retenu, ce qui revient à construire sa mort comme un accident, un dysfonctionnement. Alors que la socio-histoire de la police montre justement que ce sont des pratiques rationnellement et techniquement organisées par l’État qui produisent toutes ces violences.

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Plusieurs figures des gilets jaunes ont été arrêtées lors du 14 juillet, et il y a eu des milliers d’arrestations préventives pendant tout le mouvement des gilets jaunes. Cela illustre t-il la symbiose parfaite entre les pouvoirs policier et judiciaire ?

La chaîne de commandement théorique part du politique, passe par le judiciaire et aboutit au policier. Mais chacun de ces champs dispose aussi d’une autonomie relative et dans l’ère sécuritaire, le pouvoir policier tend de plus en plus à vouloir ordonner les pouvoirs judiciaires et politiques. Je ne crois pas qu’il y ait une symbiose parfaite mais plutôt une collaboration constante entre des institutions dont les fractions dirigeantes peuvent aussi s’opposer et se concurrencer. D’autre part, il y a toujours une différence majeure entre le mythe de la séparation des pouvoirs et le fonctionnement réel du champ judiciaro-politique.

Sur l’affaire de Jérôme Rodriguez [figure des gilets jaunes qui a perdu un oeil lors d’une manifestation], il peut sembler évident qu’une fraction politique demande à une fraction judiciaire de se saisir du dossier pour criminaliser le personnage. Mais au fond, il n’y a même pas vraiment besoin de demander. Les agents des pouvoirs politiques, judiciaires et policières appartiennent à une même classe sociale. Il y a de nombreuses situations dans lesquelles ils n’ont même pas besoin de se coordonner, dans la mesure où ils pensent de la même manière et ont des intérêts convergents. Et là, de toute évidence, ils pensent qu’ils peuvent en finir avec le mouvement de cette façon.

“Une société capitaliste sans police, cela n’existe pas. Une société égalitaire n’a pas besoin de police.

Le corps de Steve vient d’être retrouvé dans la Loire et l’enquête sur Zineb Redouane n’avance pas. Dans les deux cas, de nombreuses zones d’ombre demeurent. Avons-nous affaire ici à des mensonges d’État ?

Oui, mais je cherche en vain des contextes dans lesquels l’État dirait la vérité au « peuple », disons une vérité appuyée sur de l’enquête sincère, honnête et rigoureuse qui servirait à rendre la justice sociale… Il semble que dans l’ère néolibérale-sécuritaire, le prince n’a plus le temps de faire semblant. Mais à chaque époque, les politiques publiques sont structurées par des fictions et des discours mystificateurs. De la politique énergétique à la politique étrangère, dans les domaines économiques, juridiques ou militaires, en fait dans tous les domaines, l’État ment, ça fait partie de sa mission auprès des classes dominantes. Il n’est sans doute pas possible de gouverner une société inégalitaire sans produire des imaginaires chargés de légitimer les injustices. Les classes dominantes racontent ce qu’elles veulent aux classes dominées, c’est la base. L’idéologie dominante, c’est l’idéologie des dominants et donc l’idéologie de leur domination, expliquait Marx.

Est-ce que, selon toi, une police juste, garante de la sécurité des citoyens, serait possible en France et pourrait trouver grâce à tes yeux ? Comme la police de proximité, supprimée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur du gouvernement Jean-Pierre Raffarin, en 2003, par exemple ?

Il y a dans l’histoire beaucoup d’exemples de « polices de proximité ». Ce sont des dispositifs d’occupation des territoires populaires, de contrôle local et intime des classes pauvres. C’est encore une fiction de croire que ce serait la gentille police avec qui on joue au foot. Ces polices ont pour objectif de pénétrer la vie quotidienne de tout le monde dans un quartier. Ces dispositifs servent à alimenter les tribunaux en comparution immédiate, et donc les prisons et le néo-servage carcéral. Historiquement, la police émerge avec l’esclavage, le capitalisme et le colonialisme. Ce sont des systèmes qui se sont construits et ont toujours fonctionné ensemble. Une société capitaliste sans police, cela n’est pas possible parce que les misérables ne se laissent pas faire. Et une société égalitaire n’a pas besoin de police. Peut-être que dans une société d’émancipation, on peut admettre des manières de faire respecter les règles que les habitant.e.s se sont donné.e.s eux-mêmes, mais ce n’est, justement, plus une police.


Interview réalisé par Selim Derkaoui

Les photos sont de Serge D’Ignazio

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