Intervention Jean-Pierre Page
Conférence syndicale internationale
FNIC-CGT, 5 et 6 décembre 2018, Paris
Chers camarades,
Nous avons l’habitude de dire que la responsabilité d’une organisation syndicale estaussi d’expliquer dans quel monde nous vivons. Nous avons à le faire en veillant à être cohérent, clair quant aux contenus de nos objectifs et nousteniraux principes que nousdéfendons. Je voudrai donner mon opinion à ce sujet !
Le monde est devenu synonyme d’instabilité, de confrontations, de conflits sans fins. Cette situation est attisée par la crise systémique d’un système incapable de répondre aux besoins de l’humanité, celui d’un capitalisme prédateur, un néolibéralisme destructeur qui entend s’imposer par la contrainte. A qui fera t’on croire par exemple que pour faire la paix et répondre aux besoins humains, il faut augmenter les budgets militaires, celui de l’OTAN et mettre sur pieds l’armée européenne ?Nous avons donc besoin d’identifier clairement les causes des guerres, agir contre celles-ci et non pas uniquement contre leurs conséquences.
Les guerres ne sont pas le résultat du destin ou d’un châtiment divin, nous n’y sommes pas prédestinés. Elles sont toujours le résultat de stratégies de domination, de calculs partisans, souvent de visions géopolitiques que l’on entend imposer par la force au nom d’intérêts égoïstes, d’intérêts de classes. Elles sont le résultat de décisions politiques pas d’une sorte de fatalité. Le paradoxe c’est que pour cette simple raison, elles peuvent être mises en échec si bien sur l’on agit avec la volonté politique nécessaire. C’est là au fond toute la question qui nous concerne !
La paix est sans aucun doute le sujet qui permet de rassembler le plus parce que les peuples savent de par leur expérience ce en quoi les guerres sont monstrueuses.Elles détruisent les vies, celles de leurs familles, tout comme les richesses produites par leur travail, leurs cultures et leurs valeurs. Le capitalisme décide des guerres, les peuples les subissent ou résistent. Le mouvement syndical doit faire le choix de résister! Cela doit être pour lui une exigencecar elle est inséparable de son combat contre toutes les formes d’exploitation et d’aliénation.
Comme l’illustra la première guerre mondiale il y a toujours eu dans le mouvement syndical des approches différentes. La CGT elle même n’y échappa pas. Il fallu mettre en échec « l’union sacrée » que défendait certains dans le mouvement ouvrier. Il fallu souvent agir à contre courant, s’opposer aux guerres coloniales défendre le droit des peuples à disposer d’eux mêmes, respecterleur souveraineté, leur indépendance comme nous l’avions fait en d’autres temps pour nous mêmes.Le combat pour la paix est inhérent au combat des syndicalistes que nous sommes, mais ils nous imposent la clarté.
Les gouvernements capitalistes particulièrement celui des USA[1], les sociétés multinationales imposent des politiques de coercition, de racket et de pillage, sans parler des mal nommés « paradis fiscaux » qui hébergent l’argent des guerres, des marchands d’armes, de la drogue, de la corruption mondialisée. Ne sont ce pas- là des sujets sur lesquels le syndicalisme se devrait d’intervenir pour faire pression, encourager les résistances, afin de peser sur les décisions, pour répondre aux besoins des peuples et des travailleurs?
Les dirigeants occidentaux aiment se prévaloir de valeurs morales universelles – ou supposées telles pour donner des leçons à toute la planète. Ils distribuent les bons et les mauvais points, les châtiments et les récompenses, ils organisent délibérément le chaos.Contre cela il faut écarter cette vision étriquée d’un monde qui serait binaire, celui d’un monde normal que serait l’Occident et le reste du monde qui ne le serait pas. Le discours officiel en Occident n’est il pas d’inverser les responsabilités d’attribuer à son adversaire la responsabilité de ses propres compromissions. Mais notre problème n’est-il pas qu’une partie du Mouvement syndical adhère à cette vision partisane, alors que c’est contre cette suprématie qui n’est autre que celle de l’impérialisme, que nous devons agir.
Par conséquent, ilne peut y avoir de compromis et d’arrangement avec l’adversaire de classe, de l’avoir cru des syndicalistes se sont fourvoyé et se fourvoient encore. Vouloir tergiverser, partir de bons sentiments, porter des jugements de valeur, n’est ce pas au fond considérer qu’il pourrait y avoir un capitalisme à visage humain, c’est au bout du compte faire le choix de l’impuissance.
C’est pourquoi, il faut mener la bataille dans les pays ou les décisions se prennent, là ou les industries d’armements sont florissantes, là ou le complexe militaro industriel exerce son influence. Pour notre part, cela doit être d’abord ici en France, car là sont les causes du problème !
La situation au proche Orient en est un très bon exemple. Comment, ignorer la complicité du gouvernement français et des institutions européennes leur collusion avec Israël, Trump et leurs lobbys quand Macron signe pour 18 milliards de contrat avec l’Arabie Saoudite? Comment syndicalementdéclarer son soutien aux peuples palestinien, syrien, libanais, yéménite et iranien et se taire, ou encore rester muet quand la CES affirme « qu’elle n’est pas contre les interventions militaires, si elle peuvent permettre le règlement des conflits »et qu’elle s’oppose tout comme la CSI à la campagne internationale BDS ?Comment concilier notre lutte pour les droits inaliénables des peuples de cette région martyre et le maintien de relations syndicales avec la Histadrut, ce syndicat fantoche et corrompu affilié à la CSI et à la solde du régime criminel de Netanyahu?
Faut-il rester silencieux quand de nombreuses déclarations l’affirment : il ne fait aucun doute qu’Israël se prépare à de nouvelles agressions à Gaza et sans doute au Sud Liban. Ne faut-il pas dès maintenant construire la mobilisation unitaire du mouvement syndical international par des initiatives concrètes afin d’empêcher et prévenir les nouveaux massacres et destructions qui se préparent ?
Cette démarche devrait également inspirer notre conduite dans d’autres régions du monde ! Comme en Corée pour encourager le processus en cour, en Amérique Latine contre les sanctions et les menaces d’interventions militaires contre le Venezuela, le Nicaragua, Cuba, ou encore en solidarité avec le peuple, les travailleurs et le mouvement syndical Brésilien. Mais notre démarche ne peut être uniquement contre, comment ne pas soutenir de grands projets de coopération mondiale, facteur de paix et de développement, comme la route de la soie dont la Chine a pris l’initiative ?
Nous avons besoin d’alliances syndicales internationales largespour s’opposer à toutes lesformes d’hégémonies! Pour donner du sens à un véritable internationalisme, rien ne saurait se faire à sens unique! Nul ne peut prétendre qu’il règlera seul les problèmes. Dans ce sens comment parler d’unité syndicale mondiale en faveur de la paix, et faire preuve d’ignorance, d’ostracisme, d’arrogance et d’hostilité vis a vis d’une organisation syndicale internationale aussi combative que la FSM ou certains de ses affiliés?
Le mouvement syndical,doit lever le drapeau de la lutte pour la paix comme il l’a fait tout au long de son histoire. Reprendre le mot d’ordre d’Henri Barbusse « Guerre à la guerre». Il faut réaffirmer la nécessité de sortir de l’OTAN, exiger le démantèlement de celle-ci,avoir pour la France comme pour chaque pays, une politique de désarmement et de sécurité collective indépendante, mettre en échec ce projet d’intégration en faveur d’une arméeeuropéenne, qui de surcroit sera une armée allemande.
Le syndicalisme international doit faire face à des défis, certains touchent à son existence. Si les risques existent, les opportunités également. A l’échelle mondiale nous représentons une grande force de courage et d’intelligence collective, celle de 500 millions d’affilés, présente sur tous les continents. C’est notre responsabilité de mettre en mouvement ce potentiel avec confiance et audace. Cette conférence, j’en suis certain va nous y aider !
[1]Une étude récemment a révélé que les Etats-Unis avaient dépensé 5 900 milliards
de dollars depuis le 11 septembre 2001 pour leur « guerre contre la terreur ». Engagée dans 76 pays, soit 39% des Etats de la planète, cette guerre du Bien contre le Mal a coûté une fortune colossale qui correspond au PIB annuel cumulé de la France et du Royaume-Uni.