Les racistes de Bolivie prennent le pouvoir

Une nouvelle fois, les USA et leur système médiatique mondial viennent de frapper un gouvernement progressiste. C’est en Bolivie. Les « forces démocratiques » en insurrection contre le gouvernement légal ont commencé par faire des pogroms contre les indiens, tabassé des gens dans la rue, incendié les maisons de militants et ministres, attaché à un arbre le directeur de la télévision et ainsi de suite. Puis l’armée a envahi le palais présidentiel pour « réaliser la démocratie et protester contre la violence du pouvoir d’Evo Morales ».

Le chef des putschistes n’a jamais été élu par personne. Mais c’est un démocrate paraît-il. Il s’inscrit dans le profil du crétin vénézuélien, Guaido, « président de fait » reconnu par Macron mais détesté par tout le monde au Venezuela. Y compris l’opposition de droite, surtout depuis les révélations sur ses liens avec les narco-trafiquants. Le fasciste bolivien s’appelle Camacho, un beau gosse de riches, pourri d’argent sale.

Dans « un souci d’apaisement », le président Morales a appelé à de nouvelles élections qui devaient être organisées par un Tribunal électoral renouvelé. Malgré, cela l’opposition a continué les meurtres d’indiens et les incendies de maisons de dirigeants de gauche en réclamant la démission immédiate de Morales et son exclusion du futur scrutin. Ce qui prouve l’inutilité des concessions à de telles personnes.

Selon France 2 et la propagande Macroniste, Morales, pourtant élu et reconnu comme tel, était un « dictateur soutenu par le seul Maduro » ce qui suffirait à le disqualifier. C’était les éléments de langage des faux comptes de la CIA sur les réseaux sociaux toute cette soirée-là. Ce qui en dit long sur le point où en sont rendus certains médias en France qui les suivent avec ou sans ordre de le faire. Bien sûr, France 2, le service de l’information politique du régime Macroniste, ment. Toute l’Amérique du sud est consternée, de droite ou de gauche, car tout le monde sait que les tireurs de ficelles nord-américains du putsch bolivien exigent une obéissance absolue que le gouvernement soit de droite ou de gauche. Et personne n’aime vraiment leur obéir. Il existe aussi une droite nationaliste dans cette région. Si bien que seuls les éléments les plus corrompus liés aux pires trafics se vendent aux agents des USA.

Plusieurs gouvernements ont donc condamné le putsch. Le Mexique a également offert l’asile politique à Evo Morales. Cela, France 2 n’a pas été autorisé à dire, selon des sources dans la rédaction qui préfèrent rester anonymes. Sur place, en Bolivie, un massacre raciste est à craindre car les « amis de la démocratie », surtout ceux de santa Cruz sont coutumiers des viols et meurtres d’indiens jusque dans la rue. Mais aussi d’humiliations sexistes et raciales absolument inouïes. Rien de tout cela n’affectera la pseudo « communauté internationale » et autres faiseurs de phrases sur les droits de l’homme.

En tous cas une nouvelle fois est prouvée le caractère intrinsèquement mauvais des États-Unis d’Amérique. Ce pays a été en guerre pendant 233 ans sur ses 240 ans d’existence. En Amérique du sud, depuis le début du nouveau siècle, les USA ont manigancé ou tenté des coups d’États avortés dans une longue série de pays : Honduras, Paraguay, Salvador, Nicaragua, Brésil, Venezuela, Guatemala par exemple. Mais leur contrôle du système mondial de l’information ne permet pas au public d’accéder à cette vue d’ensemble.

En France, radio et télé du gouvernement dressent un mur entre les faits et l’info. Il faut donc suivre sur les réseaux l’évolution de la situation sans jamais manquer d’intervenir sur les réseaux internationaux, diffuser l’information et contrecarrer le soutien des médias aux violences racistes des putschistes et de leurs commanditaires aux USA. Quand nous recevons un coup il faut le rendre.

Certes, le peuple a perdu en Bolivie. Mais il est inutile et nuisible de rester prostrés à pleurer. Il faut s’inscrire dans l’occasion qui se présente. Donc il faut en faire un matériau pour continuer la lutte en faisant connaître aux nouvelles générations ce que sont les USA et le système médiatique qu’ils dominent. Tout ce qui aura été appris au calme, comme nous y sommes en ce moment, restera dans les esprits quand il faudra réagir ou quand d’autres évènements comparables se produiront. La lutte ne s’arrête pas. Des révolutions citoyennes sont en cours dans une dizaine de pays. La vague n’est pas contrôlable par le système. Si incertaines que soient les issues, l’avenir reste ouvert. Il dépend de ce que nous faisons.

La marche du 10 novembre contre la haine des musulmans s’est déroulée en masse et sans aucun accroc. Une marche digne, ponctuée de drapeaux tricolores et conclue par une vibrante Marseillaise. Un moment d’unité républicaine voulu comme tel par des milliers de gens calmes et mesurés. Des gens de toutes opinions sur tous les sujets y compris la religion. Un moment de bonheur partagé. La France, celle de tous ses enfants, unis pour se protéger mutuellement, comme elle est belle !

Pourtant toute la soirée, sur les réseaux sociaux, et dans les médias de l’officialité, une poignée de haineux se déchainèrent à propos d’une soi-disant étoile juive vue sur un petit gamin (au milieu de vingt mille manifestants !) sans qu’on comprenne bien quel était leur sujet d’indignation. Puis il s’est avéré ensuite que c’était un bobard, l’étoile jaune n’ayant rien à voir avec les indignations de commande. Je ne le mentionne que pour souligner à quel niveau est la déception de ceux qui auraient tant voulu que les participants à cette manifestation soient la caricature qu’ils espéraient. Cela aurait confirmé leur incroyable indifférence à la situation de haine créé dans notre pays contre les musulmans ou supposé tels. Une indifférence dont ils ne se rendent pas toujours compte (mais certaine fois c’est au contraire le masque hypocrite de celui-ci) qu’elle est une forme de racisme.

J’identifie le plan à l’œuvre. Il s’agit de refuser à une partie de la population du pays sa citoyenneté française sous prétexte de religion. Je reconnais certains de ces accents-là. Ils se comportent comme s’ils voulaient plonger ce pays dans l’état où leurs ancêtres de l’OAS ont plongé autrefois d’autres populations. Aurore Bergé, Marine Le Pen et autres du même acabit, assumé ou caché, ont glapi sans succès. La France est notre bien commun, nous l’avons illustré. La CGT, la LDH et les insoumis ne se sont pas laissés impressionner. Nous étions là et bien là.

La plupart des médias de droite et d’extrême droite glosèrent sur la « gauche divisée » au motif que le seul PS restait écroulé dans son coin. Ce lamentable parti annonça une conférence de presse et une autre marche avant d’annuler la première sans commentaire et de renoncer à la seconde sans qu’on sache pourquoi. Bienveillant et amitieux, les médias de l’officialité ne partagèrent pas l’énorme éclat de rire qui nous secoua devant cette novelle manifestation d’incohérence du parti de François Hollande. Pourtant, les mêmes avaient appelé à des rassemblements contre l’antisémitisme dans tout le pays après qu’un comptables d’extrême droite des Yvelines avait tagué 80 croix gammées attribuées par Le Parisien et le PS aux gilets jaunes.

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Faute de savoir par quel bout prendre l’attaque, le système se concentra sur les « remous à LFI », prenant comme prétexte deux ou trois déclarations plus ou moins maîtrisées par leurs auteurs mais fournissant une matière première pour alimenter l’égout ordinaire. Evidemment, je fus de nouveau une cible de choix, certains n’hésitant pas de fil en aiguilles à m’attribuer tout et n’importe quoi. Assumant leur devoir d’information, les médias officiels firent dire au texte ce qu’ils voulaient lire dans le terme « lois liberticides ». On se serait cru dans un congrès du MJS en train de se battre pour une virgule.

La tentative de meurtre à la mosquée de Bayonne, les proches d’Éric Zemmour, les vomis du Front national et de LREM après les meurtres de la préfecture de police, tout cela n’existait plus. On les voyait tous arcboutés à dénigrer et à tenter d’asperger de fiel surtout la France Insoumise. Le rubricard du journal Le Monde, qui a pourtant suivi pendant dix ans le Front national, omit tranquillement de rappeler que c’est Jean-Marie Le Pen qui qualifia la loi contre le voile à l’école de « loi liberticide ». Personne n’embêta donc sur ce thème cette brave madame Le Pen, désormais non seulement dédiabolisée mais quasi sanctifiée. Marianne aussi concentra ses coups, ou ce que sa rédaction croit être tel. L’hebdomadaire remonta jusque dix ans en arrière pour retrouver des citations de moi sur le voile comme s’il ne s’était rien passé depuis lors ni en France ni à Marianne.

Le but de la manœuvre était de transformer la marche contre la haine des musulmans en marche pour l’islam ou certain de ses rites, ou pire : pour certains de ses prêcheurs les plus violents. Ce qui naturellement n’a rien à voir ensemble, cela va de soi. Mais on voit mieux la main des tireurs de ficelles ultimes en le sachant : l’extrême droite et ses réseaux. Ceux qui ont acheté Andréa Kotarac contre une investiture à la métropole de Lyon aimeraient continuer à faire leurs courses dans nos rangs sous le prétexte d’une laïcité désormais confondue avec la lutte contre la croyance musulmane prise comme un bloc, ainsi que les populations censées y appartenir. Et la laïcité ainsi complètement dévoyée de son sens sert évidemment à habiller des cheminements en forme de ralliements qui sans cela seraient trop visiblement honteux.

Le soir venu, après cette impeccable démonstration d’unité populaire dans la rue, les médias hésitèrent sur le niveau de harcèlement à donner contre l’évènement. TF1 resta distant, France 2 comme toujours en mode propagande gouvernementale. Rien de neuf sous le soleil. Le comptage comme d’habitude fut également disputé. Les porte-paroles du mouvement annoncèrent 50 000 présents, la préfecture de police voit 10500 participants et le comptage indépendant de « l’institut » Macroniste payé par les médias : 13 500. Aucune importance : plus personne ne croit ni aux médias ni aux chiffres de comptage des manifestations de qui que ce soit. Nous étions là, et bien là, actifs et conscient d’écrire un moment important de l’Histoire de notre pays. Un moment de fraternité et d’égalité. Un échec total pour les racistes et les néo-lepénistes de tous poils.

Quelle idée se fait-on de ce qu’est l’humanité ? Je ne propose pas un sujet de dissertation. J’entre dans le commentaire de la semaine qui vient de s’écouler. Vue de mon balcon. Une semaine comme celle-ci se vit si intensément ! J’étais dans la mêlée quand j’ai reçu l’un de ces chocs dont je sais qu’ils me réorientent profondément. À l’Assemblée, mes camarades bataillaient contre le massacre de l’aide médicale pour les migrants. Juste avant, on avait eu la discussion au groupe parlementaire insoumis sur la suite de l’actualité après notre signature du texte de l’appel à la marche contre l’islamophobie. Une discussion grave, sérieuse, sans aucune tension personnelle, juste le souci de penser juste et d’agir de même. Évidemment, avec la volonté de déjouer la malveillance médiatique qui, pour entrer dans sa logique du buzz permanent, nous invente des « déchirements » chaque fois que nous ne sommes pas tous d’accord et que nous en parlons librement.

Je bouclais la journée du mardi et du mercredi à Paris et me voilà mis en chemin pour un périple de Genève à Bruxelles puis Marseille. À Genève pour un passage dans ce monde à part, celui de la science, au CERN, dans la machine où jaillissent des particules élémentaires. Je ressors plus ébranlé qu’un atome d’hydrogène après ses onze mille tours en une seconde dans le grand anneau de 27 kilomètres qui court à cent mètres sous terre dans ce coin. À Bruxelles pour un forum de la gauche européenne sur le moment de révolutions citoyennes dans le monde. À Marseille pour la marche contre le logement indigne un an après l’effondrement des immeubles rue de Noailles et les 3500 personnes délogées.

Peut-être est-ce le passage au CERN qui m’aura ouvert les yeux sur le sens que je donne à cette séquence. De quoi fût-il question sinon de la manière d’assumer la condition humaine. Au CERN, des sachants et savants du monde entier coopèrent. Non seulement pour discuter de théorie à propos de la nature intime de la réalité mais pour construire et faire fonctionner une machine d’une totale simplicité conceptuelle et d’une infinie complexité technique et matérielle. La pointe la plus avancées de la recherche théorique n’est rien sans la pointe la plus avancée de la mise au point technique et matérielle. Et puis, les productions du CERN ne rapportent pas un euro à ceux qui les réalisent. D’ailleurs ceux-là ne demandent rien. Tout ce qui se découvre ici devient aussitôt accessible gratuitement à tous. Le brevet CERN est juste destiné à empêcher une appropriation lucrative par d’autres.

J’ai tourné une petite vidéo à propos de cette visite. Mais ici je veux dire comment je ressentis sur place cette forme particulière d’enthousiasme que suggère en beaucoup d’entre nous le sentiment d’être impliqué dans un projet tellement plus grand que soi pour le profit de tous. Dans ces moments, je ne fis que peu de pauses pour consulter mes listes sur Telegram, Signal et WhatsApp. J’y trouvais le suivi de mes tâches de président de groupe à l’assemblée. Mais aussi l’interminable séries des épisodes les plus navrant de mauvaise foi et de racisme hypocrite qui ont précédé la marche du 10 novembre. Je mis ma tête dans les particules avec une énergie décuplée.

À la cafète du CERN, il y avait des jeunes chercheurs qui vinrent me toucher la main et faire des selfies pour l’humour. On fit des blagues et on parla de physique dure. On parla projet de vie.  La moyenne d’âge sur le site est de 28 ans. Sauf exception, personne ne meurt après, je rassure. Les gens vont bosser ailleurs dans des centres et des entreprises de très haut niveau. Mon ami Jean-Marie Brom, physicien accompli et coauteur de la machine avec plusieurs milliers d’autres, était tout autre. Je crois qu’il avait laissé vingt ou trente ans d’usure de vie cent mètres sous terre. Je lui vis l’air joyeux et mutin d’un jeune homme tandis qu’il faisait de l’humour avec les jeunes chercheurs à propos de la théorie des cordes. Sans que je puisse expliquer, sachez que tous trouvaient ça beau comme objet théorique mais sans illusion expérimentale. Ce qui les navrait sans excès. L’intéressant était autant leur attitude décontractée devant les aléas du savoir que l‘objet de leur conversation. Quant à moi, je devais sans doute leur apparaître aussi banal qu’un muon mais aussi improbable qu’un Bozon de Higgs.

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Jean-Marie m’offrit du chocolat en barre aux armes du CERN. On rentra pour que je monte dans l’avion d’une compagnie d’aviation belge, Brussel Airlines, plus pagailleuse que le Thalys lui-même, mais bien moins accueillante, ce qui n’est pas peu dire. Mais le Thalys est en retard sauf exception de 30 minutes au maximum. Brussel Airlines le fut de deux heures. Sans compter le reste du mépris ordinaire pour le pauvre voyageur qui n’a pas le choix.  Sans me plaindre de ma soirée mise en miette, je contactai quelques-unes des nombreuses personnes auprès de qui je dû m’excuser de mon absence (je n’oubliais jamais de mentionner le nom de la compagnie car pas mal prennent l’avion aussi).

Puis je me vouais à la lecture. En main le super bouquin d’Alexis Corbière : Jacobins !. Un plongeon dans dix biographies de figures plus ou moins commune de la grande révolution de 1789. Je n’en dis pas davantage ici. Mais le thème des rêveries aux pauses venait de lui-même. Dans la fureur de l’action politique révolutionnaire comme dans la conception d’une machine de 27 kilomètres de long, voici ce petit singe nu qui veut accomplir une idée inachevée pour toujours de ce qu’il est avec les autres de son espèce. Dans le grand anneau du CERN, l’être humain a réalisé le point le plus froid de tout l’univers matériel. Dans les remous inouïs de la grande révolution, en moins de deux ans, des êtres humains ont fait naître une idée unique dans l’univers social de tous les temps : la similitude des humains et l’égalité de leurs droits. Je méditais Saint-Just en cochant les pages de mon livre, quand enfin l’avion se posa à Marseille. Ses mots rappelés par Corbière m’aideraient à franchir les obstacles pour le 10 novembre : « les malheureux sont les puissances de la terre. Ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent. »

On se souvient qu’il aura fallu attendre plusieurs mois pour que les médias de l’officialité commencent à parler de la violence policière dans les manifestations de gilets jaunes. C’est seulement un an après le début du mouvement que le mur du silence sur la répression judiciaire commence à se fissurer. L’œuvre désastreuse pour la démocratie de Nicole Belloubet enjoignant les tribunaux de réprimer aussi durement que possible est désormais un sujet d’embarras assez largement partagé. Même les classes dirigeantes qui sont en effet capable d’exiger « la fermeté » sont aussi capables d’être écœurées par sa mise en œuvre et la réputation que cela donna à notre pays. Car à l’étranger et dans la bonne société, le spectacle d’une France capable de réprimer comme une vulgaire autocratie du tiers monde ne fait pas bon genre. Et là, c’est vraiment trop gros pour être dissimulé.

Remercions Le Monde d’avoir accepté de l’admettre dans une enquête documentée. Selon ses propres termes, la répression judiciaire contre les gilets jaunes est « sans précédent ». Les chiffres collectés par Le Monde sont enregistrés sur huit mois, de novembre 2018 à juin 2019. Ils sont sidérants : dix mille gardes à vue, trois mille cent condamnations dont mille à de la prison ferme. C’est la première fois dans l’Histoire moderne de la France qu’un mouvement social doit subir un traitement d’une telle férocité. Nicole Belloubet inscrit son nom au panthéon des plus sinistres figures de la répression des grands mouvements sociaux de l’Histoire de notre pays. Elle ne fusille pas, mais comme eux elle détruit la vie des gens qui tombent sous la main de sa morgue de classe.

Quelques chiffres doivent attirer spécialement notre attention, en plus de ceux que je viens de donner, car ils indiquent l’ampleur de la répression. Quatre-cent peines de prison ferme ont été prononcées avec mandat de dépôt. Autrement dit, quatre-cent condamnés ont été jugés « trop dangereux » pour que le caractère suspensif de l’appel s’applique à eux. On comprend qu’il s’agissait de les empêcher de retourner en manifestation, fusse en détruisant leur vie sociale. Même manœuvre si on regarde de près ce que sont devenues les dix mille personnes d’abord détenues en garde à vue. En tout, à la sortie de ces dix mille détentions provisoires, il y a eu cinq mille trois cent poursuites judiciaires. Cela signifie déjà que la moitié des gardes à vue n’avait aucune justification par un quelconque soupçon de délit. Cela confirme donc l’utilisation massive des arrestations préventives comme moyen de dégarnir les manifestations.

Ces gardes à vue ont donc fonctionné comme les lettres de cachet d’ancien régime où le bon plaisir du prince suffisait pour embastiller les récalcitrants. Ceux qui ont été capturés et qui sont ensuite sortis de détention sans autre suite, n’avaient pas le cœur à engager des procédures contre cette forme d’abus de pouvoir. Nicole Belloubet a donc vu la faille et elle l’a bien exploitée. Ce n’est pas tout. Parmi ces cinq mille poursuites, quatre-cent dix ont nécessité de saisir le juge des mineurs. Il y avait donc quatre-cent dix enfants parmi les gilets jaunes envoyés au tribunal. Rien n’arrête la hargne d’une ministre qui est déjà capable de fermer les yeux sur des centres de « mise à l’abri » qui sont en fait des camps de rétention de réfugiés comme l’a révélé notre eurodéputée Manon Aubry !

On peut dire à bon droit que nous venons de vivre à l’occasion du mouvement des gilets jaunes une justice d’exception. Rien de tout cela n’est arrivé sans que le sommet du pouvoir soit informé et qu’il décide de lui-même un de rendre la violence judiciaire incontournable. Cela a été organisé méthodiquement. Dès le début, le 22 novembre 2018, Nicole Belloubet a adressé une circulaire aux parquets dans laquelle ses intentions sont affichée sur le ton du commandement. Il s’agit d’utiliser l’appareil judiciaire pour mater la révolte populaire. Dans cette circulaire, elle recommandait aux magistrats l’utilisation d’incrimination pour des délits si larges et si mal définis que n’importe qui peut être poursuivi pour n’importe quoi. Ainsi avec ce motif : « participation à un groupement en vue de la préparation de violences et de destructions ». Avocats et magistrats savent désormais que cette inculpation peut servir à justifier une condamnation basée sur aucun autre fait que la présence à une manifestation où des troubles ont eu lieu, même si la personne capturée n’y a aucune participation personnelle concrète. Telle est la méthode Belloubet pour rendre légal l’arbitraire le plus absolu. Elle et elle seule en est responsable.

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Cette « justice » d’exception, a été rendue dans des conditions elles aussi exceptionnelles. Au plus fort de la mobilisation, de nombreux tribunaux ont mis en place des audiences spécifiques réservée pour les gilets jaunes, au détriment des autres affaires. Ainsi par exemple, le tribunal de Bordeaux a accumulé un retard de 3 mois sur les affaires de droit commun pour se consacrer aux taches de répression politique exigée par la ministre. À Paris, le nombre d’audiences en comparution immédiate a été doublé pour l’occasion. Et alors qu’en temps normal, on ne juge pas plus de 15 personnes dans une audience de comparutions immédiates, le seuil a été relevé à 19 personnes. Résultat : on a jugé des gilets jaunes à la chaîne, toute la journée et toute la nuit jusqu’au petit matin.

Ces conditions sont évidemment bien loin de ce que l’on appelle la « Justice ». Où sont passé le principe de procès équitable, les droits de la défense et la dignité des personnes ? De fait, comme il l’a fait avec la police, le pouvoir macronien a bien abaissé l’autorité et le crédit de l’institution judiciaire. On ne compte plus les témoignages de ceux qui sont entrés dans la salle d’audience persuadé qu’ils seraient entendus et que l’abus de pouvoir dont ils se sentaient victime serait redressé. Ils ont dû subir une humiliation de plus. Le Canard enchaîné a raconté comment quelqu’un a été jugé et protestait contre le fait qu’il n’ait pas eu d’avocat. « Qu’est-ce que ça aurait changé » aurait déclaré le juge, selon le palmipède. Pour Belloubet, les tribunaux doivent jouer le rôle de bras vengeur de l’oligarchie effrayée. Pour finir, elle cale même l’organisation de la carte des tribunaux sur les résultats électoraux de son nouveau parti.

La reconstruction d’un État impartial, d’une justice et d’une police soustraites aux agents de connivence de la macronie désormais infiltrés de toute part, seront une des tâches les plus urgentes si le pays décide de se débarrasser du régime actuel.

Pendant que tout le cirque médiatique était occupé à ses causes particulières, Macron pouvait continuer sa guerre économique contre le peuple. Cette fois-là, il s’agissait de spolier les chômeurs. C’est une des cibles de prédilection de son gouvernement depuis le début du quinquennat. Déjà, dans une loi nommée sûrement par ironie « avenir professionnel », les macronistes avaient voté tout un arsenal pour surveiller et punir les chômeurs. C’était la création notamment d’un « journal de bord » pour les inscrits à pôle emploi, c’est-à-dire un livret dans lequel ils sont tenus de rendre compte de leurs activités de recherche d’emploi. Les conseillers pôle emploi se voient ainsi transformés en une absurde corporation à mi-chemin entre la police et le surveillant de collège. Puis le décret d’application de cette loi a changé les critères de « l’offre raisonnable d’emploi ». Les parlementaires endormis par les ronrons rassurant des ministres dans la discussion à l’Assemblée ont été bien grugés. En fait, dorénavant, les chômeurs seront contraints d’accepter des baisses de salaires illimitées.

À cela s’ajoute l’embauche de centaines de fonctionnaires à pôle emploi uniquement affectés à des postes de contrôle des chômeurs. On aimerait que le même zèle soit utilisé dans la chasse aux fraudeurs fiscaux. La fraude et l’évasion fiscales représentent 1400 fois celle aux indemnités chômage. Pourtant, dans ce domaine, on supprime des postes : encore 1666 en moins dans le budget pour 2020. Ainsi va la macronie avec cette façon de servir les riches voleurs et d’humilier les pauvres chômeurs.

Le démantèlement de l’assurance chômage est préparé de longue main par Macron. Il a commencé par la transformation de son mode de financement. En 2019, le principe du financement par une cotisation sociale a été supprimé. Tout le financement a été basculé vers la CSG. On a déjà dit l’absurdité et l’injustice de cette mesure. Elle revient à faire payer les retraités pour un risque qu’ils n’encourent plus : le chômage. Cela a évidemment contribué à la colère populaire contre le président de la République.

Mais par-dessus tout, il s’agit d’un changement profond de philosophie. La caisse de l’assurance chômage était gérée paritairement par les organisations patronales et les syndicats de salariés. La légitimité de cette gestion démocratique par le monde du travail venait du financement par les cotisations des salariés. Mais depuis que ce mode de financement a été changé, l’État a repris la main. Il l’a repris pour le pire. Muriel Pénicaud a imposé à l’assurance chômage des coups de rabot sur les indemnités pour économiser 2,5 milliards d’euros.

Le 1er novembre 2019, la durée minimale pendant laquelle il faut avoir travaillé dans les 24 derniers mois pour avoir le droit à une indemnité est passé de 4 à 6. Cette décision technocratique va faire perdre tout droit à une indemnité à 700 000 personnes. Mais ce n’est pas tout. Le 1er avril prochain, des nouvelles règles de calcul pour le montant des indemnités vont entrer en vigueur. Aujourd’hui, cette indemnité est calculée sur la base du salaire moyen des jours travaillés. Après la réforme, ce sera le revenu moyen sur les deux dernières années c’est-à-dire en prenant en compte des périodes non travaillées. Mécaniquement, cela fera baisser les revenus d’environ 850 000 chômeurs.

Enfin, la réforme de Pénicaud va aussi supprimer dans la plupart des cas les compléments de salaires versés par l’assurance chômage lorsque le retour à l’emploi se fait dans un temps partiel avec un très petit revenu. Cette réforme est une machine à créer des pauvres. La justification est toujours la même : les chômeurs sont dans cette situation de leur faute. Il y a du travail disponible pour eux, si seulement ils s’en donnaient la peine. Ce préjugé est insultant et méprisant pour celles et ceux qui subissent le chômage. Il est aussi ignorant. En partant des derniers chiffres de pôle emploi sur les fameuses « offres non pourvues », on obtient une offre disponible pour 20 à 40 chômeurs. En partant de ceux, deux fois plus élevés, donnés par Pénicaud sans qu’on sache d’où ils sortent, on arrive à une offre pour dix chômeurs.

En imaginant qu’acculer les gens, les pousser dans la misère pouvait d’être d’une quelconque utilité pour les faire accepter un emploi, il serait impossible de régler plus de 10% du problème de cette façon. Par contre, et cette fois ce n’est pas une vue de l’esprit, la méthode Pénicaud va broyer les individus, les pousser à bout. Car le chômage tue. 14 000 personnes par an en meurent notamment à cause du stress, de la dépression, du manque de sommeil. Être au chômage, pour beaucoup de gens, c’est se retrouver au bord du gouffre. Pénicaud et Macron veulent les pousser dedans.

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