Les partis politiques français sur l’Ukraine

par le Professeur
Dimitris Skarpalezos

En observant les positions des principaux partis français, on constate une série de comportements paradoxaux qui prouvent que la démocratie n’est pas concevable dans un climat de « réalité virtuelle » :

Le parti « Républicain », qui représente la droite traditionnelle, suit la ligne des néoconservateurs américains dans tous les conflits géopolitiques, très éloigné aujourd’hui de la tradition patriote de De Gaulle, qui fit tout pour empêcher son pays de se soumettre aux plans géopolitiques des États-Unis et mît tout en œuvre pour protéger l’indépendance de la France.

Le dernier moment de fierté nationale pour la droite française fût lorsque Chirac a refusé de suivre les États-Unis dans la guerre en Irak.

Le Parti socialiste s’est depuis longtemps aligné à tout égard avec les « Démocrates » américains et avait sur sa liste européenne Raphaël Glucksmann, un agent de l’influence américaine actif en Géorgie et en Ukraine. Le parti de Macron est un fervent soutien de la politique néoconservatrice américaine tout en s’identifiant idéologiquement à la tendance « moderniste » des « Démocrates » américains.

Les écologistes verts, sur la question de l’Ukraine, gobent toute la propagande en faveur du régime ukrainien ; ils sont également sous l’influence des Verts allemands sur ce sujet, prêts à voter pour toute « aide » à l’Ukraine « victime de l’invasion non provoquée de Poutine ». Le récit d’une « invasion non provoquée » a également été adopté par le Parti communiste français, qui craint plus que tout d’être étiqueté « poutiniste ». L’extrême droite de Le Pen, bien qu’elle ne réagisse pas à ce discours, fait tout son possible pour résister aux envois d’armes et d’argent, mais finit généralement par céder pour ne pas être enregistrée comme instrument de Poutine. Aujourd’hui, cependant, avec la victoire de Trump, il est plus probable qu’elle devienne le premier parti à se prononcer en faveur de l’abandon du régime ukrainien et de la conclusion d’une paix aux conditions de la Russie.

Enfin, « La France Insoumise » a du mal à ne pas se soumettre au discours contre la Russie, principalement en raison des actions d’anciens ou actuels partisans de la faction trotskyste officielle qui diabolisent la Russie, accepte sans se plaindre la glorification de Bandera et ne parle que de résistance à « l’impérialisme russe », devenant ainsi un traducteur en langage marxiste de la propagande américaine sur ce sujet (et sur beaucoup d’autres à l’exception de la question palestinienne). Bien que comme parti, ils n’aient pas une grande influence, ils sont précieux pour le régime car ils fournissent une « alternative de gauche », un alibi pour la soumission au récit des néoconservateurs américains qui ont guidé la politique étrangère américaine jusqu’à la défaite des « Démocrates ».

Read also:
World Leaders Call on the UK to Free Julian Assange

Mélenchon lui-même, bien qu’il considère l’invasion russe comme inacceptable, avait mis en évidence les provocations contre la Russie avec l’invitation à rejoindre l’OTAN et avait soutenu quelque chose que personne d’autre au parlement français n’avait osé soutenir, à savoir que des référendums soient organisés sous contrôle international en Crimée et dans les quatre provinces ukrainiennes revendiquées par la Russie, afin que ceux qui sont directement concernés puissent décider s’ils voulaient être sous domination ukrainienne ou russe. Lorsqu’il proposa cela devant deux mille étudiants, leur réaction fut un accueil enthousiaste et prolongé de la nouvelle génération, tandis que les cadres du parti, eux, répondaient froidement. Mais au Parlement européen, les responsables du parti votèrent presque toutes les résolutions « en soutien » à l’Ukraine.

Les seules voix du « monde politique » qui réagissent au discours officiel sont quelques Gaullistes « à l’ancienne » comme les anciens ministres Dominique de Villepin et Luc Ferry, certains « patriotes » d’extrême droite et quelques dissidents trotskystes de « tendance lambertiste ».

Aujourd’hui, quand Trump a compris que cette guerre est une impasse pour les intérêts américains et que la défaite finale de l’Ukraine semble inévitable, et qu’il veut donc clore le dossier, le monde politique français est dans une mauvaise posture, car sans l’aide et le soutien américains, le soutien à l’Ukraine se retrouve encore plus dans l’impasse.

L’alliance qui soutient Trump n’a aucune cohérence idéologique interne, car elle a réuni presque tous ceux qui n’avaient pas une conscience claire de ce qui était en jeu, mais qui étaient dégoûtés par le mélange de pseudo-démocratie et d’hyper-capitalisme avec les multinationales pharmaceutiques qui caractérisaient les « Démocrates » et surtout l’administration Biden, et ainsi certaines choses qui auraient pu être cachées lors d’un changement de pouvoir plus calme commencent à être révélées.

La création d’une réalité virtuelle présentant le soutien indéfectible au régime ukrainien comme la seule position décente a commencé dès les premiers jours du coup d’État de Maïdan. L’image officielle était qu’il s’agissait d’une « révolution » du peuple contre un président soumis à la Russie, et lorsqu’un documentaire de P. Moreira, « Les Masques de la Révolution », est apparu, montrant la participation américaine à la « révolution » avec la présence armée de néo-nazis aux slogans et emblèmes fascistes, le massacre d’Odessa par des néo-nazis avec la complicité du gouvernement, et la réaction des russophones à la « révolution », ce documentaire ne fut jamais diffusé à cause de la pression des nationalistes ukrainiens, tandis que le public était bombardé de documentaires de propagande sur la barbarie des Russes en Russie et en Ukraine. Ceux qui ont fait des documentaires montrant à la fois la barbarie des nationalistes ukrainiens et le bombardement du Donbass par l’armée ukrainienne risquaient de perdre leur emploi, comme Anne-Laure Bonnell. La diabolisation de Poutine, qui n’était pas si populaire auprès du public français, fut une arme clé, et chaque mesure antidémocratique en Russie fut exagérément promue, tandis que le fait que des mesures antidémocratiques étaient prises en Ukraine, où les communistes et d’autres dissidents étaient interdits en tant qu’ « anti-nationaux », les partisans du dialogue assassinés, etc., les mesures contre la langue, la religion et la culture des russophones étaient cachées au public. Tandis que le régime ukrainien glorifie Bandera, l’assassin de masse pro-nazi et antisémite, ils essaient de nous convaincre que le principal soutien de l’extrême droite est « Poutine ». En réalité, une partie de l’extrême droite « patriote », qui ne veut pas que son pays soit impliqué dans les intérêts des autres, a été favorablement traitée par la Russie, tandis qu’une autre, plus « pro-occidentale » de l’extrême droite, comme celle de Milley en Argentine, Bolsonaro au Brésil, les néo-nazis d’Ukraine, l’extrême droite de Pologne, de Lituanie, etc. ont obtenu le soutien et la bénédiction de l’Occident. La tragédie dans le cas de la France est que la  gauche qui avait une tradition d’antiracisme et de soutien aux minorités, ainsi que d’hostilité aux coups d’État, n’a pas réagi à un coup d’État contre un président démocratiquement élu avec la collaboration des Américains et des néo-nazis, alors qu’ils sont choqués par toute remise en question du génocide nazi des Juifs et réagissent à toute implication antisémite, ils n’ont pas réagi à la glorification de l’un des plus massacreurs fanatiques de Juifs avec des centaines de milliers de victimes juives par les bataillons de son parti dans le cadre d’un « génocide par balles », un génocide où plus d’un million de Juifs ont été massacrés en Ukraine par les nazis et les nationalistes ukrainiens.

Read also:
Suspension de l’aide américaine à l’Ukraine : Marine Le Pen condamne la décision «brutale» de Donald Trump

Ils n’ont pas réagi au massacre d’Odessa des syndicalistes communistes par des néo-nazis, ils n’ont pas réagi au terrorisme néo-nazi contre la population russophone et à la délégitimation de la langue de plus d’un tiers de la population du territoire ukrainien, tandis qu’ils sont prêts à soutenir tout mouvement séparatiste (ce qui ne dérange pas l’Occident) justifié par le « droit de chaque peuple à l’autodétermination ».

La création de cette réalité virtuelle fut facile car une poignée d’ « oligarques » français (c’est-à-dire de grands capitalistes) contrôlent tous les médias de masse et les quelques médias « de gauche » tels que Mediapart ont suivi le discours des trotskystes qui ont collaboré avec la ligne pro-ukrainienne et antirusse.

L’inertie (ou même la complicité) des mouvements de gauche sur cette question et l’attitude des intellectuels les plus connus ont créé un piège duquel seul celui qui a le courage de dire aujourd’hui « j’ai eu tort », peut s’adapter à la réalité actuelle. Et je ne vois nulle part ce courage nécessaire. Ainsi, en France, peut-être plus que dans n’importe quel autre pays occidental, les partis ont du mal à réviser leur position et sont en réalité des instruments de l’ancien dirigeant « de l’Empire », désormais défait, sans qu’ils sachent comment s’adapter à la nouvelle réalité.

Le véritable et grave danger est qu’ils veuillent poursuivre la guerre avec les « Anglais, Polonais, Lituaniens, etc. » afin qu’il n’apparaisse pas qu’ils avaient eu tort. La faible qualité du personnel politique dominant en France rend ce danger très grave, surtout si l’on prend en compte que la France est une puissance nucléaire et que sa participation ouverte à la guerre aura des conséquences différentes de celle de la possible participation de la Lituanie. Il est fort probable que cela ne se produise pas, mais nous sommes dans l’ère où « l’ancien met du temps à mourir et le nouveau n’est pas encore né », une époque de monstres et d’absurdités, où tout est possible !

Read also:
Biden Shift Shows Pressure Can Work

We remind our readers that publication of articles on our site does not mean that we agree with what is written. Our policy is to publish anything which we consider of interest, so as to assist our readers  in forming their opinions. Sometimes we even publish articles with which we totally disagree, since we believe it is important for our readers to be informed on as wide a spectrum of views as possible.