Les incendies en Grèce, révélateurs de la crise sociale que vit le pays

Par Laury-Anne Cholez
Aug 4, 2021

La Grèce vit une situation climatique calamiteuse. Les chaleurs intenses et record favorisent le développement de nombreux feux de forêt et le pays ne parvient pas à satisfaire la consommation électrique du fait de l’usage immodéré des climatiseurs. L’impuissance de l’État est aussi montrée du doigt.

C’est la pire canicule en trente ans. Depuis quelques jours en Grèce, les températures atteignent des records dépassant les 40 °C dans le Péloponnèse, à Athènes ou dans les îles. L’Institut de météorologie grec a qualifié ce phénomène d’historique.

Pour se rafraîchir, les Grecs font tourner ventilateurs et climatiseurs, ce qui entraîne de fortes surcharges sur le réseau électrique, souvent vétuste. L’électricité a été coupée plusieurs heures sur l’île de Rhodes et des câbles électriques ont été endommagés dans la région de l’Attique, en raison de la chaleur.

Lundi 2 août, le Premier ministre, Kyriákos Mitsotákis, a demandé à ce que les habitants fassent des efforts pour limiter leur consommation aux heures de pointe, surtout le soir, entre 18 et 23 heures. Il a également conseillé de régler le climatiseur à 26 °C maximum, d’éteindre les chauffe-eau électriques et les lumières.

« Le réseau électrique grec est totalement vétuste, car l’État n’a plus d’argent »

Des petits gestes qui ne font que cacher l’impuissance et l’absence d’anticipation du gouvernement, comme l’explique Lydia Papandréou, une Franco-Grecque dont la famille vit dans le village de Piges, dans le Péloponnèse. « Le réseau électrique grec est totalement vétuste, car l’État n’a plus d’argent. Et c’est très compliqué pour les personnes les plus fragiles de vivre sans climatisation avec des températures de 40 °C », explique-t-elle à Reporterre.

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Les 10,7 millions de Grecs ne sont pas les seuls à devoir faire des efforts : les touristes sont aussi invités à limiter leur consommation. « Le réseau électrique du pays est sous pression en raison de la très forte demande puisque nous sommes au pic de la saison touristique et que nous avons plus de 2-3 millions de visiteurs supplémentaires en ce moment dans notre pays, nous demandons aux consommateurs de ne pas gaspiller de l’énergie qui n’est pas nécessaire », a déclaré le ministre de l’Environnement et de l’Énergie, Kostas Skrekas.

La Grèce est un pays très touristique, qui avait accueilli 34 millions de visiteurs en 2019 avant la crise du Covid-19. Un secteur qui représente 18 % du produit intérieur brut (PIB) et qui emploie plus de 900 000 personnes. Mais, face à cette canicule, les autorités ont dû se résoudre à fermer l’après-midi tous les sites archéologiques en plein air jusqu’au vendredi 6 août, notamment la célèbre Acropole d’Athènes

« Cela fait dix ans qu’on est en crise et que l’État n’investit plus »

Cette vague de chaleur exceptionnelle a entraîné de nombreux feux dans toutes les provinces, d’Athènes à Patras, en passant par Rhodes et le Péloponnèse. « Nous ne parlons plus de changement climatique, mais d’une menace climatique », a déclaré le vice-ministre de la Protection civile et de la Gestion des crises, Nikos Hardalias, à la chaîne de télévision Star.

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Pour Lydia Papandréou, le changement climatique n’est pas le seul responsable. « Tous les ans, c’est la même rengaine durant l’été. C’est facile de mettre l’absence d’investissement des autorités sur le dos du changement climatique. Cela fait dix ans qu’on est en crise et que l’État n’investit plus, car le Fonds monétaire international (FMI) passe en premier. Résultat, il n’y aucun désherbage et on ne remplit plus les bornes incendies. Il ne faut pas s’étonner que les feux partent aussi vite. »

Elle met en avant deux problèmes : tout d’abord l’exode rural, qui vide les campagnes et laisse les champs à l’abandon, sans entretien et donc très exposés aux incendies. Mais aussi l’appétit des promoteurs immobiliers. « En Grèce, on ne peut pas construire sur une forêt, sauf si celle-ci a brûlé. Les promoteurs se sont fait une spécialité d’incendier certaines zones, notamment dans la banlieue d’Athènes », assure-t-elle.

Elle rappelle le terrible incendie qui a ravagé en 2018 le quartier de Mati, en périphérie de la capitale, où plus d’une centaine de personnes avaient trouvé la mort, piégées dans leur maison ou leur voiture. La justice avait d’ailleurs lancé des poursuites pénales pour « incendie et homicide par négligence » à l’encontre de seize personnes, dont des élus locaux et des responsables des pompiers. Dans ce quartier, beaucoup d’habitations étaient construites illégalement sur des terrains où la forêt avait déjà été brûlée pour de la spéculation immobilière, comme l’expliquait Le Monde.

Dans un entretien donné au journal allemand Der Spiegel, l’historien spécialiste des feux Stephen J. Pyne a confirmé que de nombreux incendies en Grèce étaient d’origine humaine, bien qu’accentués par la sécheresse. Il estime qu’avec la crise financière, les services de pompiers ont été démantelés et affaiblis et ne sont plus assez puissants pour faire efficacement face aux grands incendies. « Les incendies incontrôlés sont une autre expression du fossé qui se creuse au sein de la société grecque. »

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