Les Gilets Jaunes. Lettre de Paris

par Danielle Riva

C’est un mouvement composite qui rejette les syndicats et les partis : “ni droite ni gauche”.

Il est essentiellement composé de Français qui vivent dans les zones à la périphérie des grandes villes, dans les zones rurales. La politique de “réorganisation et de modernisation” de l’Etat c’est à dire de réduction des dépenses de l’Etat, a transformé certaines zones rurales en “désert”. On ferme les écoles, la poste, l’hôpital de proximité, la caserne de militaires, la caisse des impôts, puis cela entraine la fermeture des magasins locaux concurrencés par les grandes chaînes des hyper marchés à l’entrée des villes. Comme il y a moins de clients les cafés, les boulangeries, ferment aussi.

Bref pour se déplacer, aller au travail, conduire les enfants à l’école, se soigner, etc. c’est de plus en plus loin ce n’est plus possible sans voiture car il n’y a pas de transports en commun ou peu. Alors reste la voiture et donc il faut remplir le réservoir. Dans les années 1990 le gouvernement avait dit aux Français “il faut acheter des voitures au diesel, c’est moins cher”. Aujourd’hui on leur dit “il faut changer de voiture et aller vers soit l’électrique ou l’hybride”.

L’origine de cette révolte c’est que l’essence le diesel, pour la voiture ou pour chauffer la maison devient très cher. L’Etat a décidé “pour la transition énergétique” de taxer de 7 cts d’euros le diesel. Mais cela vient après l’augmentation de la vie en général.

Le salaire moyen d’un Français est de 1700 euros par mois. Mais près de 10 millions de Français ne touchent que 800 à 900 euros par mois ou les minima sociaux de 480 euros mensuels. L’augmentation du carburant a été de trop. C’est ce “qui a fait déborder le vase”. Sans voiture pas de déplacement pour aller ou chercher du travail, à l’hôpital, à la mairie etc..

Read also:
(Counter)Reforms: Turning Europeans into semi-Slaves

La politique économique de Macron favorise les entreprises et il ne fait que suivre en cela la politique de Hollande qui leur a donné 40 milliards. Plus de 20 milliards annuels sont donné aux entreprises pour favoriser “le travail”  Les entreprises ont en fait amélioré leur rentabilité et leurs trésoreries avec cet argent. Peut d’entreprises ont investi. Et le chômage est stable autour de 10%.

Les retraités ont été taxés de 1,7% supplémentaires, au nom de “la solidarité générationnelle” en contrepartie, le salarié ne payera plus les retenues pour le chômage..

Alors ça a éclaté.

Des “citoyens” ont décidé que “trop c’est trop”. C’est un mouvement hétéroclite qui rassemble surtout les catégories moyennes et classes populaires qui vivent en “périphérie”. Les uns par peu du déclassement, et l’ensemble parce que la vie est trop chère et qu’ils voient que l’Etat se désengage, privatise, et qu’ils vivent dans ce qu’on appelle “les déserts territoriaux”.

Des analyses de sociologues ont montré que c’est le Front national de Marine Le Pen qui remporte les suffrages dans ces zones “oubliées”.

Certes il y a des meneurs qui doivent être au Front National. D’ailleurs Marine le Pen a été la première à soutenir les “gilets jaunes”. Mais ils ne sont pas hégémoniques.

L’extrême gauche s’est divisée. La France Insoumises est divisée. Melenchon les soutient et appelle à manifester avec eux, d’autres ne veulent pas défiler “avec le Front National”. Le NPA participe  sur un mot d’ordre du “pouvoir d’achat”. Les syndicats sont divisés aussi. La CGT reproche aux gilets jaunes de ne pas avoir soutenu les grèves de cheminots pour la défense du secteur public, ou les grèves sur les retraites, mais laisse libre ses militants d’y aller ou pas. La fédération Cgt de la chimie vient de lancer un appel à bloquer les centrales pétrolières. la Cfdt ne voit en eux que “quelque chose de dangereux” et l’incapacité du gouvernement à dialoguer.

C’est un mouvement spontané qui s’est rapidement coordonné grâce à Facebook et autres réseaux sociaux. Des leaders ont surgi, certains sont au Front National, mais la majorité se déclare a-politique. Pour la plupart c’est la première fois qu’ils s’organisent. Il y a une forte référence à la Révolution Française. Certains proposent déjà de se réunir en assemblée constituante. Très rapidement ils sont passés du refus de la hausse des taxes et des impôts à “Macron démission”. Tous rejettent Macron, sa personne et sa politique. Et il y a un consensus dans le pays sur cela. Les sondages sur les élections européennes donnent 25 % à Marine Le Pen et 18% à Macron, avec un taux d’abstention record. Ce ne sont que des sondages mais ils donnent une image assez réelle du pays en ce moment.

Les gilets jaunes sont déterminés à organiser une grande manifestation le 24, une “montée à Paris” devant l’Elysée. Ces “gens sont en colère” et il y a quelques violences, plus de 500 blessés lors des blocages d’autoroutes, de centres commerciaux, de citernes de pétrole..

Personnellement je suis réservée. Oui il faut participer à ce mouvement tout en n’ayant pas d’illusions. Il ne faut pas le laisser entre les mains de Marine le Pen.   Et très souvent, dans l’histoire, ce genre de mouvement de classes moyennes en voie de prolétarisation est dangereux. S’il n’est pas rejoint par d’autres couches sociales, les salariés, il peut basculer vers la droite réactionnaire ou vers la gauche révolutionnaire. Or la “gauche” Révolutionnaire, socialiste ourépublicaine est elle-même en très mauvais état.

La France vit certainement ce qui s’est passé en Italie, en Autriche et aux Usa avec l’élection de Donald Trump. 30 ans d’atteintes aux droits du travail, de politiques d’austérités, de désindustrialisation, et de haine sociale des “riches” contre “les pauvres”, ont mis à mal le lien entre l’Etat et le “peuple”, l’idéal  démocratique et et les solidarités.