Les États-Unis, la droite et les médias tentent un coup d’État contre le président colombien Gustavo Petro

Par Jun 10, 2023
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Le président colombien Gustavo Petro a dénoncé le fait que des secteurs de l’opposition cherchent à le renverser par des manœuvres judiciaires, dans une stratégie similaire à celle subie par son homologue péruvien Pedro Castillo en décembre dernier et à celle à laquelle le président mexicain Andrés Manuel López Obrador fait face ; pour l’instant.

Au milieu d’un bombardement médiatique, Petro a affirmé que sa campagne électorale n’a pas reçu d’argent des trafiquants de drogue et que son gouvernement ne fait pas d’interceptions téléphoniques illégales et n’accepte pas de chantage ; il a fait cette affirmation après la diffusion d’audios dans lesquels jusqu’à vendredi 2 juin 2023, l’ambassadeur au Venezuela, Armando Benedetti, menaçait de révéler des dons présumés de millions de dollars à sa campagne électorale.

Les audios de l’ex-ambassadeur publiés par le magazine Semana – dans une de ses habituelles séances de terrorisme médiatique – ne sont que le début d’un scandale de dimension internationale, dans lequel on tente également d’impliquer le gouvernement vénézuélien, surtout depuis la normalisation des relations entre les deux pays.

Ces jours, en Colombie, la course est ouverte pour la nomination d’un nouveau procureur général, choisi parmi trois candidats proposés par le président, et c’est ce que la droite tente d’éviter, assure Petro.

Le 14 mai, Petro s’est exprimé sur la rumeur grandissante d’un prétendu coup d’État à son encontre. Trois jours plus tôt, l’ancien président de l’Association des officiers retraités des forces militaires (Acore), John Marulanda, avait affirmé que les troupes de réserve pourraient contribuer à le démettre de ses fonctions et à l’évincer.

Pour de nombreux analystes, la main des services secrets américains est derrière tout cela, car les choses ne vont pas bien en Ukraine, la Chine continue de se consolider en tant que meilleur partenaire commercial de l’Amérique latine et, malgré toutes les difficultés, Lula promeut résolument la « pénétration » des BRICS en Amérique du Sud.

Le président de la Chambre des représentants, David Racero, a annoncé le gel des débats sur les réformes du gouvernement en matière de santé, de retraite et de travail, et le Conseil national électoral a ouvert une enquête sur la campagne du président. Les conseillers insistent sur la nécessité de créer une fantaisie collective sur la corruption du gouvernement progressiste.

Une destitution « légère » (empêchant le président de mettre en œuvre son programme de gouvernement et ses réformes) conduira à la même crise, mais au ralenti, et c’est précisément ce que le département d’État et la droite mexicaine tentent de faire avec le président Andrés Manuel López Obrador par le biais du lawfare (N.d.T. instrumentaliser politiquement la justice, et l’utiliser comme moyen de pression contre les gouvernements). Ils n’arrivent pas à le démettre de ses fonctions, mais ils font tout ce qu’ils peuvent pour paralyser son gouvernement.

Que « le soulèvement soit prêt à déclencher l’un des plus grands conflits de ces 20 dernières années en Colombie » est précisément ce qui suscite l’inquiétude – la peur du peuple, du soulèvement populaire – et semble être le but des manœuvres des services de renseignement américains.

Comme en Argentine et au Mexique, le pouvoir judiciaire colombien est entré en jeu pour affaiblir – et peut-être démolir – le gouvernement de Gustavo Petro.  Tous les prétextes sont bons pour mettre en place un cadre juridico-médiatique, aujourd’hui contre le premier président de gauche de l’histoire du pays, qui tente des réformes structurelles, rappelle l’analyste Pedro Brieger.

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Profitant du scandale, l’ancien candidat présidentiel d’extrême droite Federico « Fico » Gutiérrez a appelé à la démission de Petro, tandis qu’il a été annoncé que Milton Rengifo Hernández serait le nouvel ambassadeur colombien au Venezuela en remplacement de Benedetti.

La Coca

Gustavo Petro, dans un discours très différent de celui des gouvernements précédents – et de celui des États-Unis – a expliqué que la région la plus touchée par le problème de la drogue, créé par les organisations transnationales illégales et la forte demande des consommateurs dans les pays occidentaux, était l’Amérique latine.

« Les études indiquent qu’en Amérique latine, un million de Latino-Américains sont morts des suites des conflits provoqués par l’économie illicite, la plupart d’entre eux étant des Colombiens, la plupart d’entre eux étant d’origine humble. Les pauvres d’Amérique latine tombent sous les balles assassines, dans des guerres invisibles mais profondes, si intenses qu’elles ont fait de notre continent le plus violent du monde », a déclaré le président colombien.

Dans le même ordre d’idées, il a indiqué que nous devions réfléchir à la manière de passer d’une économie à une autre, en faisant directement référence à la substitution des cultures illicites.

Il a ajouté qu’il fallait chercher des alternatives pour les paysans qui, pendant des années, ont survécu et continuent de survivre en cultivant la feuille de coca, base de la cocaïne consommée aux États-Unis. Sur le plan international, il a entériné son idée de transformer la politique antidrogue des 30 dernières années.

« Nous avons convoqué tous les président.e.s d’Amérique latine pour évaluer l’impact de ce que l’on appelle depuis 50 ans la politique de guerre contre la drogue, née sous l’administration Nixon aux États-Unis et qui s’est répandue sur tout le continent », a-t-il déclaré.

Il a indiqué que la nouvelle politique devrait se concentrer sur la santé publique – en considérant les toxicomanes et les personnes avec des addictions comme des personnes souffrant d’un problème de santé qui devrait être traité par le secteur public, en plus de la prévention – et sur la légalisation.

L’Amazonie

Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a convenu avec M. Petro, lors de la retraite des présidents sud-américains à Brasilia, de renforcer la lutte commune contre les crimes environnementaux et le crime organisé en Amazonie, qui s’étend sur les territoires des deux pays. À l’issue du sommet sous-régional, les présidents ont convenu de la nécessité de lutter contre les exploitants forestiers et miniers illégaux, les occupations de terres et le trafic de stupéfiants dans la région amazonienne.

« Nous allons vers un accord des pays amazoniens pour revitaliser l’Amazonie. Il comprend la défense scientifique, politique et militaire du troisième pilier climatique de la planète », a écrit M. Petro, ce qui n’a pas plu aux États-Unis. Les deux présidents ont également discuté de mesures visant à « renforcer » l’Organisation du traité de coopération amazonienne (Organización del Tratado de Cooperación Amazónica OTCA), qui comprend également la Bolivie, l’Équateur, la Guyane, le Pérou, le Suriname et le Venezuela, afin de préserver la plus grande forêt tropicale du monde.

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Lula accueillera un sommet des pays amazoniens en août 2023 dans la ville de Belém, capitale du Pará, où sera présenté « l’itinéraire de revitalisation de la forêt tropicale », a déclaré M. Petro. Au milieu de la forêt tropicale, la ville de Belém accueillera également la conférence sur le climat COP30 en 2025.

Le monde entier a tiré la sonnette d’alarme sur la détérioration de l’Amazonie, l’un des poumons de la Terre, dont la majeure partie du territoire est située au Brésil. Après le gouvernement d’extrême-droite de Jair Bolsonaro, pointé du doigt pour ses politiques « anti-environnementales », Lula est reparti pour un troisième mandat en janvier avec la promesse de renforcer les mécanismes de protection des ressources naturelles et la proposition d’éradiquer la déforestation illégale en Amazonie d’ici 2030.

Trop de questions

Les questions sont trop nombreuses : cela annonce-t-il une guerre civile en Colombie ou aboutira-t-il à une destitution à la Pedro Castillo ? Une destitution, si elle aboutit, précipiterait une crise grave qui conduirait à une reprise de la guerre. C’est peut-être ce que veulent les États-Unis.

Pour certains analystes, derrière tout ce scandale se cache la main velue des services de renseignement américains, qui ont besoin de porter un coup au progressisme afin d’au moins ternir la décision de Lula du Brésil de promouvoir l’entrée de l’Amérique du Sud dans le BRICS. Dans l’urgence pour les Etats-Unis d’arrêter la Chine dans leur arrière-cour, tout est permis. Pas de surprise : Benedetti a demandé la protection du département d’État américain.

Les médias de droite construisent déjà ce qu’ils prétendent être le plus grand scandale politique de ces 20 dernières années. Mais la tension se manifestera également dans la rue.

Le moment choisi pour ce scandale, alors que des questions centrales du programme de gouvernement de Petro sont en jeu, est si opportun qu’il est difficile de croire qu’il s’agit d’un accident. Il convient également de se demander ce qu’un personnage comme Benedetti, structurellement de droite et habile à se placer sur le devant de la scène, mais pour son propre compte, faisait dans le gouvernement de Petro. Est-il possible de gouverner à gauche avec des politiciens de droite à des postes clés ?

Les Américains n’ont d’autre choix que de taper sur la table et d’ »africaniser » : la même chose que ce qu’ils font sur le « continent mère » pour arrêter les Chinois.

Il ne s’agit pas de n’importe quel conflit dans n’importe quel pays. Il doit s’agir d’une explosion d’une mégatonne, d’une guerre civile en Colombie, de sorte que toute la région environnante soit touchée : l’Équateur (qui leur échappe), le Pérou, le Venezuela et le Brésil lui-même (un conflit grave en Colombie « justifierait » le retour de la doctrine de la « sécurité nationale » et le rôle prépondérant des militaires dans la politique nationale).

Les audios

Benedetti et son ancienne chef de cabinet, Laura Sarabia, sont impliqués dans une affaire d’abus de pouvoir et d’écoutes téléphoniques présumés, un fait bombardé par les médias hégémoniques au moment où le président cherche à faire approuver par le Congrès plusieurs réformes dans les domaines de la santé, du travail et des retraites, dans le cadre du programme de justice sociale de son gouvernement, auquel s’opposent la droite et les milieux d’affaires.

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Les audios publiés par le magazine Semana, condensés dans une vidéo de près d’une demi-heure, sont une compilation explosive, nauséabonde et éditée par la personne qui était le bras droit du président Gustavo Petro pendant la campagne et son ancien ambassadeur au Venezuela. Benedetti affirme détenir des informations sur les crimes commis autour du financement et menace de les rendre publiques.

Benedetti et la secrétaire Laura Sarabia, qui appartenaient il y a encore quelques jours au cercle proche de Petro, ont été écartés du gouvernement vendredi après avoir été éclaboussés dans une affaire d’écoutes illégales et de conspiration qui a déjà commencé avec ce tremblement de terre politique.

Comme pour Pedro Castillo

Ils cherchent à suivre le même chemin que pour Pedro Castillo, a déclaré le président, dans la deuxième accusation de ce type après que des militaires à la retraite ont appelé le mois dernier à son renversement, tout comme le Congrès péruvien l’a fait avec Castillo. M. Petro a fait allusion aux accusations de l’ancien procureur Néstor Humberto Martínez contre le commissaire à la paix Danilo Rueda, qu’il a accusé d’être accommodant avec l’Armée de libération nationale (ELN), dans un article publié dans le journal El Tiempo.

Benedetti a joué un rôle clé dans la victoire du premier gouvernement progressiste de l’histoire du pays et a présenté M. Petro à son ancienne secrétaire particulière, Laura Sarabia, qui est devenue par la suite la cheffe de cabinet de M. Petro. Elle a souligné qu’il existe des actions malveillantes révélées par une personne qui cherchait à nuire à un gouvernement qui s’était engagé en faveur du changement.

Benedetti a tweeté : « J’ai été un élément fondamental du projet politique actuel du président Petro. Cependant, n’étant pas satisfait de ce qui me correspondait politiquement, dans un acte de faiblesse et de tristesse, je me suis laissé emporter par la rage et la boisson ».

En retweetant ce tweet, M. Petro a indiqué : « Nos rivaux politiques se sont empressés de porter des accusations contre moi dans le cadre de la commission d’accusations ; cependant, dans aucune interview ou dans les audios, il n’a été démontré que j’avais commis un crime. Il s’agit d’une simple tentative de coup d’État en douceur pour mettre fin à la lutte contre l’impunité ». Une simple tentative ?

Traduit de l’espagnol par Evelyn Tischer

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