par Franklin Frederick
Le récent scandale des eaux minérales de Nestlé et de leur filtration illégale a attiré l’attention de nombreux écrivains de la nouvelle génération en France.
Le thème de l’eau en bouteille n’est pas nouveau dans notre littérature. Rappelons-nous qu’Honoré de Balzac a été le premier auteur à nous ouvrir les yeux sur la réalité de l’industrie de l’embouteillage et de ses fausses promesses dans son ouvrage Les illusions perdues, publié il y a de nombreuses années mais qui reste d’actualité et toujours un best-seller.
C’est la ville de Vittel et l’engagement de ses courageux citoyens et citoyennes, qui ont crée le Collectif EAU 88 pour lutter contre l’épuisement des nappes de la région par l’embouteillage d’eau de Nestlé, qui a renouvelée l’intérêt de nos écrivains.
Quand en 2017 l’apprivoisement en eau de la population de Vittel était menacé par l’épuisement des nappes pour satisfaire aux besoins de l’embouteillage d’eau et les autorités ont proposé de construire un pipeline pour alimenter la ville avec l’eau d’une autre région, livrant ainsi l’eau des nappes locales pratiquement à Nestlé, l’indignation face à cette solution complètement folle a été immédiate. Une forte campagne menée par le Collectif EAU 88 a attiré l’attention de l’auteur de théâtre Eugène Ionesco, qui a dénoncé le projet de pipeline dans sa pièce satirique Délire à deux, mettant en scène Nestlé et les autorités locales.
C’est grâce à Émile Zola, toujours combatif et engagé, que la lutte du Collectif EAU 88 a acquis une visibilité internationale. Émile Zola a accompagné les membres du Collectif Renée-Lise Rothiot et Bernard Schmitt au Canada en 2019 pour une rencontre internationale réunissant des militants des États-Unis, du Canada et du Brésil dans la lutte pour la défense de leur eau. Zola a alors eu l’occasion de découvrir en détail les luttes des citoyens des villes de Guelph au Canada et de São Lourenço au Brésil contre l’exploitation de l’eau par Nestlé. Émile Zola s’est aperçu que les problèmes de Guelph et de São Lourenço étaient similaires à ceux de Vittel et que dans tous ces cas les autorités civiles se sont toujours rangées du côté de l’entreprise, au détriment des mouvements sociaux et de l’environnement. De retour en France, Zola a publié Les Trois Villes : Guelph, São Lourenço, Vittel – la première étude qui a comparée et dénoncée les pratiques de Nestlé dans des différents pays.
Le livre de Zola a eu un fort impact sur Victor Hugo. Enragé par les révélations de l’auteur sur la situation à Vittel, Hugo a décidé lui aussi d’aborder la même question sous un autre angle et a écrit L’homme qui rit, un roman à clef, l’histoire d’un entrepreneur dans l’industrie de l’embouteillage qui rit, immergé dans des profits exorbitants, des efforts de la population d’une petite ville pour empêcher son contrôle sur une source d’eau locale. Émile Zola en fait une critique très élogieuse dans Le Gaulois : « L’Homme qui rit est supérieur à tout ce que Victor Hugo a écrit depuis dix ans. Il y règne un souffle surhumain. »
Mais c’est le récent scandale de l’eau minérale filtrée illégalement avec la complicité des autorités qui a suscité l’engagement et l’indignation de plusieurs des jeunes écrivains français les plus talentueux.
Eugène Ionesco, soutien de la première heure du Collectif EAU 88, est revenu sur la scène dénonçant la collusion des autorités avec Nestlé dans sa pièce Ce Formidable Bordel ! Et la jeune promesse des lettres françaises, le polyvalent Jean Paul Sartre, n’est pas en reste en lançant sa pièce Les Mains Sales, acclamée par le public et la critique lors de sa création au théâtre Antoine à Paris.
Louis Ferdinand Céline a publié l’étonnant roman, sans doute déjà une des œuvres majeures du siècle, Voyage au fond d’un puis. Dans ce livre, Céline nous fait voir, sans tra-lá-lá, les conséquences pour une petite communauté où les nappes sont exploitées jusqu’à l’épuisement. Avec un langage incisif et des images fortes, Céline nous transporte dans le monde sombre de la sécheresse et de la soif, où l’angoisse et la souffrance dominent.
Enfin, l’ouvrage qui aborde le plus profondément le problème de l’industrie de l’embouteillement d’eau dans toutes ses dimensions est À la Recherche des Sources Perdues de Marcel Proust. Le premier roman d’un cycle qui comptera apparemment plusieurs volumes, a été publié récemment sous le titre Du côté de chez Nestlé. C’est un livre nostalgique, mélancolique et triste, écrit avec une virtuosité sans pareil, déjà un classique incontournable de la littérature française contemporaine. Les lecteurs de Proust attendent avec impatience la publication annoncée du deuxième tome, À l’ombre des entreprises privées.
Les Illusions Perdues de Honoré de Balzac a été publié en 1837
Délire à deux est de 1962 et Ce Formidable Bordel ! est de 1973, tous les deux de Eugène Ionesco.
Les Trois Villes : Lourdes, Rome, Paris de Émile Zola sont publiées respectivement en 1894, 1896 et 1898
L’homme qui rit de Victor Hugo est de 1869 et la critique de Zola a été publié la même année dans Le Gaulois.
Le Mains Sales de Jean-Paul Sartre a été écrite en 194 et créée le 2 avril de la même année au théâtre Antoine à Paris.
Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline est de 1932
À la Recherche du Temps Perdu de Marcel Proust est publié de 1913 à 1927 en sept tomes.
Du côté de chez Swann et À L’ombre des jeunes filles en fleurs sont les deux premiers volumes de la Recherche.
En 2019 a eu lieu au Canada la Conférence International « All Eyes on Nestlé », avec la participation de Renée-Lise Rothiot et de Bernard Schmitt pour le Collectif EAU 88 – https://www.defenddemocracy.press/leau-et-les-nouvelles-puissances-coloniales-un-conte-de-plusieurs-villes/
Un procès historique à l’encontre de Nestlé pour avoir « abandonné illégalement » des déchets et conservé des décharges sauvages aura lieu les 26, 27 et 28 mai 2025 au Tribunal judiciaire de Nancy.
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