Roland Diagne, Collectif Afrique
Pour vaincre la première phase de la lutte pour l’indépendance africaine, l’impérialisme Français a utilisé :
– les massacres de masses parfois génocidaire : Thiaroye en 1944, Sétif en Algérie en 1945, Madagascar en 1947-1948, Cameroun en 1955-1971, Algérie en 1954-1962, etc.
– les assassinats des leaders : Um Nyobé, Félix Moumié, Osendé Afana, Ernest Ouandié, Olympio, Thomas Sankara, etc.
– les coups d’état : Mamadou Dia, Modibo Keita, Laurent Gbagbo, etc.
– la mise en place de la Françafrique par le biais d’accords multilatéraux et bilatéraux: la zone CFA, les accords économiques au profit des monopoles capitalistes Français, la présence des bases militaires, les interventions militaires dans les affaires intérieures des pays africains, le mercenariat des barbouzes, etc.
– l’encadrement par les “experts conseillers” Français des régimes néocoloniaux et de “l’élite” aliénée.
– la construction d’une histoire coloniale officielle par l’impérialisme et ses valets africains assimilés qui occulte l’histoire pré-coloniale et magnifie l’histoire coloniale comme “mission civilisatrice”.
– le façonnement ainsi d’une “élite” vassalisée africaine aliénée qui singe le mode de vie et de pensée de “l’élite” colonisatrice.
Le pré-carré Françafricain a été ainsi édifié dans le cadre d’une division du travail au sein du camp capitaliste impérialiste contre le camp socialiste communiste.
Diktats libéraux au nom de la dette pour renforcer le néocolonialisme
A partir des années 79/80, c’est la mise en place des plans libéraux d’ajustement structurel sous l’égide des institutions de Brettons Woods (FMI, Banque Mondial, GATT/OMC) qui libéralise les économies par la réduction de la place et du rôle de l’État et en les ouvrant à la “mondialisation” capitaliste au nom de la dette et du paiement des intérêts de celle-ci.
Ce diktat économique libéral impérialiste pour récupérer la dette et ses intérêts va produire des luttes sociales et politiques qui vont déboucher sur la généralisation au plan politique du passage des dictatures militaires et/ou civiles à la mise en place accélérée, après la “chute du mur de Berlin”, des régimes de multipartisme et de joutes électoraux.
Pour accroître la mainmise des monopoles capitalistes Français sur les économies africaines dans la perspective du passage à l’euro après le référendum de Maastricht, l’impérialisme Français impose la dévaluation de 50% du franc CFA qui a permis des OPA à des coûts divisés par deux des secteurs économiques stratégiques tout en maintenant la détention de 65% puis 50% des réserves de change dans le compte d’opération du trésor français.
La domination de la pensée unique libérale a été écrasante dans la période 1980 jusque dans les années 2010 alors qu’en Asie et en Amérique du Sud la critique et l’opposition au libéralisme datent pour la première dès les premières expériences révolutionnaires asiatiques par exemples en Chine, au Vietnam, en Corée du Nord, même dans les pays capitaliste comme la Corée du Sud et au Japon et pour l’Amérique du Sud à partir de 2000 avec pour référence la formidable résistance Cubaine à l’impérialisme Yankee.
Deux pays de l’Afrique de l’ouest, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, constituent les “modèles” politique et économique de la Françafrique. Au Sénégal, c’est par le coup d’état contre le président du conseil, Mamadou Dia, qu’est singé le pouvoir présidentiel de la Véme République française qui perdure jusque de nos jours et la Côte d’Ivoire fut le mirage économique de la Françafrique avant de sombrer dans la “crise de la conjoncture” qui a ouvert les vannes morbides de l’ethnicisme ivoiritaire.
Les productions de matières premières agricoles ou/et minières continuent à être directement cédées aux firmes impérialistes comme à l’époque coloniale. C’est maintenant au tour même de la grande distribution impérialiste de venir s’emparer de ce secteur en reléguant les commerçants locaux au rôle de sous-traitants.
Le libéralisme néocolonial véritable instrument d’intégration des économies africaines dans la “mondialisation” impérialiste a suscité dans la période du “moins d’état, mieux d’état” un véritable engouement pour l’émergence d’un capitalisme endogène africain.
A la différence de la période 1960-1980 où les étudiants sortants des universités devenaient dans le cadre de “l’africanisation des cadres” des fonctionnaires des nouveaux États, l’élite intellectuelle était invitée à devenir des “opérateurs économiques, des managers d’affaires” des économies extraverties, c’est-à-dire des intermédiaires entre les firmes impérialistes et les consommateurs locaux. Les économies africaines sont des marchés où tout ce qui est produit ailleurs se vend et tout ce qui est localement produit peine à trouver acquéreur.
Évidemment, la dévaluation du franc CFA et l’appropriation des secteurs économiques clefs (télécommunication, eau, électricité, terre, ports, mines, etc) vont reléguer ces “opérateurs économiques” au rang de “nègres sous-traitants”. L’illusion de l’enrichissement personnel et individuel dans une économie semi-coloniale va prendre un coup sérieux avec les faillites qui vont faire de l’économie informelle le principal moyen de survie des populations.
De la critique de la corruption au rejet de la servilité volontaire
Mais c’est surtout l’étalement au grand jour de la corruption en milliards de francs CFA des hommes et femmes politiques qui va commencer à sonner le glas de la “gouvernance” néocoloniale. Même une partie des bourgeoisies nationales ressent de plus en plus le besoin d’échapper à la prédation de la “mal gouvernance” qui enrichit ceux qui gouvernent et leurs maîtres impérialistes.
Plus la crise du capitalisme mondial fait baisser tendanciellement les taux de profits, plus les groupes impérialistes font pression pour s’accaparer du maximum de profit. Ce qui se traduit par l’explosion exponentielle de la corruption dans les néo-colonies.
L‘illusion de la “réussite individuelle” s’épuisant sous les coups de boutoirs de la dure réalité de l’oppression nationale impérialiste, une partie de plus en plus grandissante de la jeunesse intellectuelle se rebelle contre la “mal gouvernance” néocoloniale et s’oriente de plus en plus vers le patriotisme et l’action collective.
Cette prise de conscience souverainiste, patriotique et anti-libérale en cours s’opère dans une contexte où les chefs de la gauche révolutionnaire historique se sont largement discrédités en s’engageant dans la lutte des places dans les gouvernements néocoloniaux. Ces organisations historiques de la gauche ont quasiment toutes connu des scissions entre opportunistes participant aux pouvoirs néocoloniaux et partisans de la lutte des classes restés fidèles aux idéaux anti-impérialistes.
La seconde phase de la libération nationale en Afrique est en train de se frayer un chemin sur la base de la jonction entre jeunesse en rébellion et révolutionnaires de la gauche historique sur fond de monter en puissance des revendications populaires d’appropriation nationale des richesses, de redéfinition du rôle économique de l’État stratège du développement national et d’ouverture économique aux pays vraiment émergents qui battent en brèche l’écrasante hégémonie prédatrice de l’impérialisme occidental françafricain, eurafricain et usafricain.