Les experts climat du Giec tirent, une nouvelle fois, la sonnette d’alarme. Dans un projet de rapport, qui sera publié en février 2022 et qui est beaucoup plus alarmant que celui de 2014, les experts mettent en garde sur les effets graves du réchauffement climatique.
Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt, alerte un projet de rapport des experts climat de l’ONU obtenu par l’AFP, ce mercredi 23 juin.
Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assure le Giec, et devenir une réalité palpable bien avant 2050.
« La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes », note le résumé technique de 137 pages. « L’humanité ne le peut pas. »
Les « conséquences graves » d’un réchauffement de 1,5 degré
Le rapport d’évaluation complet de 4 000 pages, bien plus alarmiste que le précédent de 2014, a pour vocation d’éclairer les décisions politiques. Même si ses principales conclusions ne changeront pas, il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, après son approbation par consensus par les 195 Etats membres. Trop tard cependant pour les cruciales réunions internationales sur le climat et la biodiversité prévues fin 2021, notent certains scientifiques.
Parmi ses conclusions les plus importantes, figure un abaissement du seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable.
En signant l’accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à +2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, si possible +1,5 °C. Désormais, le Giec estime que dépasser +1,5 °C pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ».
Et selon l’organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de +1,5 °C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40 %.
Déjà trop tard pour certaines espèces
« Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre », martèle le Giec, alors que la prise de conscience sur la crise climatique n’a jamais été aussi étendue.
Le climat a déjà changé. Alors que la hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint 1,1 °C, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées. Et les êtres vivants – humains ou non – les moins à blâmer pour ces émissions sont ceux qui en souffriront le plus.
Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut-être même déjà trop tard : « Même à +1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens dont un demi-milliard de personnes dépendent.
Parmi les espèces en sursis figurent les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne. Sur place, les modes de vie ancestraux des peuples vivant en lien étroit avec la glace pourraient aussi disparaître.
Migrations des habitants de zones côtières
Agriculture, élevage, pêche, aquaculture…. « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent », observe aussi le rapport, pointant les aléas climatiques comme « principal moteur ».
Or l’humanité n’est, à ce stade, pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. Même en limitant la hausse à 2 °C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici dix ans.
En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par la hausse du niveau de la mer, qui entraînera à son tour des migrations importantes.
Pénuries d’eau, canicules extrêmes
A +1,5 °C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions à + 2 °C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.
Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (est du Brésil, Asie du Sud-Est, Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météo simultanées, voire plus : canicule, sécheresse, cyclone, incendies, inondation, maladies transportées par les moustiques…
Il faut de surcroît prendre en compte les effets amplificateurs d’autres activités humaines néfastes pour la planète, note le rapport : destruction des habitats, surexploitation des ressources, pollution, propagation des maladies…
« Chaque fraction d’un degré compte »
Au-delà de +2 °C, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest (qui contiennent assez d’eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres) pourraient par exemple entraîner un point de non-retour, selon de récents travaux.
C’est pour cela que « chaque fraction d’un degré compte », insiste le Giec, alors qu’un autre point de rupture pourrait voir l’Amazonie – un des poumons de la planète avec les océans – transformée en savane.
En dépit de ses conclusions alarmantes, le rapport offre une note d’espoir. L’humanité peut encore orienter sa destinée vers un avenir meilleur en prenant aujourd’hui des mesures fortes pour freiner l’emballement de la deuxième moitié du siècle.
« Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement », plaide le rapport. « Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation. »