Le manifeste de la jeunesse pour le climat

14 mars 2019

En tant qu’humain·e·s, en tant que génération présente et future, en tant qu’organisations de jeunesse, climatiques, écologistes et syndicales, nous sommes conscient·e·s que nous faisons partie de la nature tout comme la nature fait partie de nous. 31 organisations nationales de jeunesse co-signent ce manifeste et démontrent l’ampleur et la profondeur de la mobilisation.

Depuis des années diverses personnalités et groupes appellent à l’action, tandis que d’autres espèrent le changement. Aujourd’hui, nous n’en faisons plus partie. Atterré·e·s par l’ampleur des catastrophes qui nous menacent et nous affectent déjà, et l’inefficacité patente des politiques entreprises jusqu’alors, nous hurlons. Nous hurlons notre crainte, notre frustration, et notre désespoir, face à l’immensité du défi qui nous revient. Nous hurlons la nécessité d’agir, tout de suite et non demain ou dans dix ans, pour défendre notre droit à l’avenir. Nous hurlons, enfin, que tous les modes d’actions pacifiques sont légitimes pour protéger notre vie.

La situation à laquelle nous sommes confronté·e·s requiert plus que de simples injonctions individuelles. Nous exigeons une action collective pour défendre notre droit à vivre dignement sur notre planète. Nous allons donc agir pour qu’enfin des mesures concrètes, radicales et réalisables rapidement soient mises en place et ainsi nous assurer un droit à l’avenir. Un droit qui est nôtre, mais qui sera également celui de nos enfants. Déclarer l’urgence climatique et sociale constitue le fondement même des transformations à venir.

Face au lot de souffrances inévitables en cas d’inaction politique, nous sommes déterminé·e·s à mener le combat. Perdre n’est pas une option car notre vie, et celle de milliers d’autres plus vulnérables, partout dans le monde, n’est pas optionnelle. Le pacifisme habite la mobilisation de jeunesse pour le climat, et dans ce cadre l’ensemble du répertoire de l’action collective apparaît comme légitime face à la violente passivité des pouvoirs politiques.

Le mouvement Youth For Climate (YFC) se constitue dans chaque pays, en tant qu’organe de coordination des mobilisations. Ces mobilisations sont autonomes, multiples, locales et autogérées. Nous sommes nombreux·ses et nous nous organisons de façon à gagner ce combat. En France, YFC se caractérise par un soutien massif de la société civile de jeunesse ainsi que de nombreuses autres organisations (cf. signataires).

Aujourd’hui, nous appelons chacun·e à se mobiliser de façon pacifique, inclusive et inconditionnelle pour la lutte contre le dérèglement climatique et la destruction du vivant. Car si ce n’est pas nous, qui le fera ? Si ce n’est pas maintenant, quand le fera-t-on ? Nous appelons la jeunesse à se réapproprier ses espaces communs : établissements d’enseignement (primaire, secondaire et supérieur), lieux de travail et d’activité, et lieux de vie. Pour cela, nous encourageons chacun·e à se mobiliser partout en France et à définir ses modes d’actions locaux.

 Nos revendications

Sept revendications, pensées et travaillées par les jeunes engag·é·s au sein de Youth For Climate, vous sont aujourd’hui présentées. Ces dernières incarnent l’aboutissement de réflexions collectives et forment les piliers de notre mobilisation.


1. Déclarer l’urgence climatique afin de limiter le réchauffement climatique à 1.5°C. Cela implique de réduire les émissions françaises de gaz à effet de serre de 10% par an.

2. Créer et appliquer un droit environnemental français, européen et international fort.

3. Inclure dans les parcours scolaires et universitaires un corpus de connaissances relatif aux enjeux environnementaux afin de conférer à chaque citoyen·e une conscience écologique.

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4.Offrir un droit d’accès commun à tou·te·s pour se nourrir, se loger et se déplacer de manière juste, soutenable et compatible avec la trajectoire 1.5°C.

5. Développer la résilience et l’autonomie des territoires face aux menaces climatiques et pénuries énergétiques.

6. Révolutionner notre modèle de production et consommation alimentaire pour être cohérent avec un monde à 1,5°C.

7. Améliorer la démocratie environnementale et locale.


 En voici le détail

1. Déclarer l’urgence climatique afin de limiter le réchauffement climatique à 1.5°C. Cela implique de réduire les émissions françaises de gaz à effet de serre de 10% par an*.

 Dans le cadre de ce plan d’urgence, nous demandons :

  • La provision de mécanismes juridiques contraignants de contrôle des politiques environnementales dans les hypothèses où ces dernières s’éloigneraient de la trajectoire annuelle de réduction de 10% des émissions.
  • Un fléchage environnemental de la création monétaire européenne à l’aide du Pacte Finance-Climat.
  • L’utilisation de nouveaux indicateurs de richesse tenant compte de la dégradation de l’environnement et du bien-être des individus.
  • La mise en place de garde-fous sociaux et environnementaux contraignants au sein de tous les accords de commerce et de libre-échange.

La mise en place d’une véritable fiscalité écologique juste, solidaire et sociale :

  • Le renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale et les flux financiers illicites
  • Une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse, à l’échelle française puis européenne, élargie aux opérations intra-journalières, dont 100% des revenus seraient dédiés à la Solidarité Internationale et la lutte contre le réchauffement climatique.

2. Créer et appliquer un droit environnemental français, européen et international fort.

Dans ce cadre, nous demandons de :

  • Réformer la Constitution Française de 1958 afin d’inclure le droit à l’environnement à l’Article 1 : “La France est une République indivisible, laïque, démocratique, sociale, solidaire et écologique”.
  • Faire évoluer la législation via la mise en place d’un mécanisme juridiquement contraignant de contrôle de projet d’investissement des politiques publiques afin de contrôler la conformité de ces dernières aux changements climatiques.
  • Renforcer l’administration et les juridictions en charge de la protection de l’environnement : renforcer les effectifs humains, leurs connaissances et les moyens matériels.
  • Faire évoluer le droit international conformément aux attentes de la résolution de l’ONU “Vers un Pacte Mondial pour l’Environnement” du 19 septembre 2017, de l’Affaire du Siècle du 17 décembre 2018 et l’appliquer de manière effective dans notre ordre juridique (notion de “bien commun”, “crime d’écocide”, préjudice environnemental, non-régression, pollueur-payeur).
  • Créer un mécanisme indépendant de contrôle de la cohérence des politiques publiques pour le développement durable et des analyses d’impacts systématiques évaluant les conséquences sociales, économiques et environnementales des politiques.
  • Protéger les droits des militant·e·s écologistes, de plus en plus victimes de violences physiques ou de procès non-équitables.

 3. Inclure dans les parcours scolaires et universitaires un corpus de connaissances relatif aux enjeux environnementaux afin de conférer à chaque citoyen·e une conscience écologique.

Dans ce cadre, nous demandons :

  • De soutenir le développement de filières de formation aux métiers de la transition énergétique, notamment par la création de poste d’enseignant·e·s et de conseiller·e·s d’orientation, ce particulièrement dans la filière STI2D. Une formation répondant aux enjeux écologiques doit leur être transmise avant d’exercer leur profession.
  • Au collège et lycée, de mettre en place des modules d’enseignement d’Histoire et de science, consacrés à l’émergence des énergies fossiles dans l’économie mondiale, aux enjeux géopolitiques liés à leur exploitation et commercialisation, et à la compréhension des impacts de notre société sur le climat et l’environnement.
  • Du collège au lycée, de transmettre des savoir-faire et gestes qui permettent une évolution des modes de vie : entretenir un vélo, cuisiner, réparer des objets du quotidien, entretenir un potager…
  • De sensibiliser les lycéen·ne·s et collégien·ne·s par des sorties scolaires gratuites, dans le cadre des heures de cours communes et obligatoires,afin de remettre la ruralité au cœur de notre société et accompagner la transition de cette dernière vers une agriculture plus durable.
  • D’intégrer la formation à la transition écologique dans le tronc commun de toutes les formations de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
  • De mobiliser des fonds pour communiquer activement sur les enjeux écologiques afin de permettre à chaque citoyenne, dont notamment les décideurs·euses économiques et politiques, d’être confronté à la réalité des faits.
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4. Offrir un droit d’accès commun à tou·te·s pour se nourrir, se loger et se déplacer de manière juste, soutenable et compatible avec la trajectoire 1.5°C.

En garantissant l’accès à une mobilité soutenable ; nous souhaitons pour cela :

  • Refonder l’aménagement du territoire pour une mobilité pédestre et cyclable, notamment en développant des infrastructures cyclables adéquates.
  • Remettre en fonction les lignes locales ferroviaires et les rendre accessibles, abordables et progressives pour tou·te·s.
  • Entreprendre un plan général de relocalisation des services de proximité tout en stoppant l’étalement urbain.
  • Développer une couverture haut débit sur tous les territoires.

En garantissant l’accès à une alimentation saine pour tou·te·s, il faut :

  • Organiser et renforcer les circuits courts et locaux sur tous les territoires.
  • Introduire une taxation progressive des produits de consommation en fonction de leur qualité nutritive et leur impact environnemental, incluant notamment la distance et les modes de production.
  • Favoriser une alimentation saine et écologique avec des denrées alimentaires locales, de saison, et issues de l’agriculture raisonnée ou biologique dans les établissements d’accueil de mineurs (écoles, centre aérés…)

Et en garantissant l’accès à un logement digne ; nous souhaitons pour cela :

  • Massifier la rénovation énergétique avec l’objectif rénover la moitié des logements d’ici 2030 en priorisant les logements les plus précaires.
  • Assurer l’accès de tou·te·s à un niveau d’électricité et de chauffage décarbonés suffisants pour répondre à leurs besoins essentiels.
  • Rendre obligatoire la très haute qualité environnementale pour tous les nouveaux logements, sans pour autant engendrer des répercussions sur le coût du logement, déjà trop élevé en France.

5. Développer la résilience et l’autonomie des territoires face aux menaces climatiques et pénuries énergétiques.

Dans ce cadre, nous demandons à :

  • Former les élu·e·s et agents territoriaux à la résilience et l’adaptation.
  • Mettre en place des systèmes de production locaux.
  • Durcir les règles de construction et d’aménagement pour résister aux nouvelles menaces climatiques.
  • Développer des systèmes de climatisation passive et de réseaux de froid, ainsi que favoriser la végétalisation des territoires urbains et péri-urbains.
  • Concrétiser l’engagement des pays industrialisés à consacrer 100 milliards d’euros par an** à la lutte contre les changements climatiques dans les pays dits “du Sud” (contre 56 milliards d’euros aujourd’hui) et à consacrer davantage de fonds aux projets d’adaptation.
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6. Révolutionner notre modèle de production et consommation alimentaire pour être cohérent avec un monde à 1,5°C.

 Dans ce cadre, nous demandons à :

  • Refonder la PAC pour amorcer une véritable transition agro-écologique.
  • Accompagner, à un niveau technique et financier, les éleveurs·euses et agriculteurs·rices français·es pour s’orienter vers d’autres pratiques, alliant revenus dignes et réductions des émissions de gaz à effet de serre.
  • Accompagner l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, en promouvant une agriculture agroécologique locale et de saison et en permettant la culture de semences dites “paysannes”.
  • Mettre en place progressivement des repas systématiquement végétariens et végétaliens dans la restauration collective dans les délais les plus brefs.

7. Améliorer la démocratie environnementale et locale.

 Pour cela, nous demandons à :

  • Renforcer les compétences des collectivités territoriales et des municipalités
  • Mettre en place des budgets participatifs.
  • Instituer des jurys citoyens pour l’évaluation des projets de loi et politiques publiques.
  • Dans les établissement scolaires et d’enseignement supérieur, donner plus de poids aux instances de démocratie propres aux élèves, notamment en ce qui concerne les problématiques liées à l’environnement et la soutenabilité.
  • Introduire un droit d’interpellation des gouvernements et institutions.

 SIGNATAIRES (54)

Organisations nationales de jeunesse (31)

Animafac; Avenir Climatique; Bureau National des Elèves Ingénieurs (BNEI); CliMates;  Coexister; Collectif Jeune du Pacte Finance Climat; Éclaireuses Éclaireurs Unioniste de France; EEUdF – Eclaireuses et Eclaireurs Unionistes de France; ESN France (Erasmus Student Network); Etudiants et Développement; FAGE (Fédération des Associations Générales Étudiantes); Fédération des Maisons Des Lycéen.ne.s; FIDL (Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne); Fondation ELYX / Little Citizens for Climate; Forum Français de la Jeunesse (FFJ); Générations Cobayes; Ingénieurs sans frontières (ISF France); Jeunes Ambassadeurs Pour le Climat (JAC); Jeunes Européens France;   Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC); La Fédération des Etudiants en Psychologie (FENEPSY); La Mutuelle des Étudiants (LMDE); Le Manifeste Étudiant pour un Réveil Écologique; MNL (Mouvement National Lycéen); Poly’RSE; Radio Campus France MAG Jeunes LGBT; REFEDD (RÉseau Français des Étudiants pour le Développement Durable); SGL (Syndicat Général des Lycéens); Together For Earth (T4E); UNEF le syndicat étudiant (Union Nationale des Étudiants de France); Union Nationale Lycéenne (UNL);

 Organisations locales de jeunesse (19)

AED – Association Étude & Développement (Paris); Akènes d’Avenir (Lyon); Assas environnement (Paris); Bureau du Développement Durable – B3D (Toulouse) Clim’Adapt (Paris); Dauphine Durable (Paris); DDX – Développement Durable à X (Saclay); Echo’Logik (bordeaux); Écocampus ENS (Paris); JADS – Les Jeunes Acteur·e·s du Développement Durable (Toulouse); GreenSAT Agrobiopole (Auzeville tolosan); Lemonsea (La Rochelle); LUPA – Les Universitaires Planteurs d’Alternatives (Paris); On the Green Road (Lyon); On Veut Durable (Compiègne); René Sens (Lyon); Sciences Po Environnement; The New Locals (Lyon);

Avec le soutien de (4) :
Citoyen Pour le Climat (CPLC); Touche Pas à Mon Intermittent.e; Notre Affaire À Tous; L’équipe Jeunesse d’ATD quart Monde; Unis pour le Climat;

*10% de baisse des émissions de gaz à effet de serre est un effort correspondant à la baisse entreprise en 20 ans entre 1990 et 2013, mais cette fois-ci annuellement. Il est nécessaire pour obtenir la neutralité carbone bien avant 2050 selon les indications d’un auteur du rapport 1.5° de B&L Evolution.

**Rapport Oxfam : https://www.oxfam.org/fr/rapports/2018-les-vrais-chiffres-des-financements-climat

https://blogs.mediapart.fr/youth4climatefrance