Le «Mal-être Français»

Par Danielle Riva
5 Mars 2018

La France de Macron est, ces derniers jours, non seulement saisie de froid mais aussi d’attentisme pour ne pas dire d’absentéisme depuis qu’il est arrivé au pouvoir. En effet dès l’élection de ce Président, la France de « gauche » se remarque par sa non-réactivité politique globale, malgré quelques mobilisations çà et là contre les « ordonnances ». Pour le comprendre, il faut revenir en arrière.

Un peu d’histoire politique

Le paysage politique français s’est gangréné sous les yeux incrédules des Français à partir des deux dernières présidentielles.

Celle de Sarkozy, qui avec ses manières de maffioso a tout fait pour décrédibiliser la fonction présidentielle, et y compris celle de chef de parti des Républicains. Le successeur reconnu de Chirac à la tête du RPR devait être Juppé. Le RPR se transforme en UMP « union pour la majorité présidentielle » une force politique dédiée à l’élection de Juppé pour la présidence de la république. Mais celui-ci est condamné pour corruption à la place, il est vrai, de Chirac qui était maire de Paris à l’époque des faits retenus. Sarkozy en a profité pour ravir la place à Juppé. Il a surtout montré un goût immodéré pour l’argent. Il a fait l’objet de plusieurs enquêtes de justice sans avoir été condamné jusqu’à présent. Aimant se mettre en scène devant la presse « people », il était l’ami de tous : Berlusconi, Poutine, « Angela » Merkel, Bush puis Obama, et Kadhafi qu’il a reçu à l’Elysée, même si ensuite, sur les conseils de « BHL » (Bernard Henri Levy, cet intellectuel qui sillonne le monde pour dénoncer la main de Moscou et vanter les bienfaits de la civilisation étasunienne), il va le bombarder et détruire la Libye dans une guerre sous pavillon américain et dont les effets néfastes se font sentir encore aujourd’hui dans le Sahel. « Nicolas » a réintégré la France dans le commandement militaire de l’Otan, et marque ainsi une rupture avec la politique traditionnelle de la France.

Celle de Hollande – le « joyeux ni-ni » (ni droite, ni gauche) qui aimait les femmes – s’est fait élire sur un programme de gauche pour réaliser une politique de droite. Il se rend immédiatement à Berlin pour refuser la politique d’austérité. Il en revient pour la mettre en place. Les Français ne le lui ont jamais pardonné. Puis, la sortie du livre de confidences à deux journalistes du Monde « Un président ne devrait pas dire ça – les secrets d’un quinquennat » (octobre 2016), , a définitivement tué politiquement Hollande. Peu après sa parution, il ne recueillait plus que 4 % d’avis favorables comme chef de l’Etat. Il lui était dès lors difficile de se représenter pour l’élection en avril 2017, alors que même des militants du Ps parlaient de le destituer. Il est vrai qu’il annonçait dans ce livre, qu’il fallait pour le Ps « Un acte de liquidation, un Hara Kiri»

Macron, « l’héritier prétendant au trône »

Dans ce livre un élément à l’époque n’a pas vraiment retenu l’attention. Hollande avait envisagé sa succession non pas pour 2017, mais pour 2022, en faveur d’un petit dernier arrivé depuis peu au gouvernement : Emmanuel Macron, Inspecteur des Finances (il est alors adhérent du Ps), qui de la Banque Rothschild, monte au Cabinet du Président Hollande et finit par être nommé Ministre de l’économie, de l’Industrie et du Numérique. Le ver était dans le fruit.

Macron se rend compte très rapidement que la vie politique est en décomposition tant à gauche qu’à droite. Intelligent, arriviste, doué d’une certaine force de séduction, jeune et donc vierge de toute « affaire » politique, Il peaufine son personnage et en 2016, bien que membre du gouvernement, il fonde son mouvement « en marche », malgré l’interdiction de Manuel Walls.

Au Ps, lors des primaires de janvier 2017, les chefs de courants vont s’affronter : Hamon, Walls, Montebourg, Peillon. Montebourg est éliminé et il se retire de la vie politique nationale, ainsi que Peillon. Restaient en piste Hamon et Walls. Le cas Walls est intéressant. Il représentait le courant « droite » du Ps. Il voulait transformer le Parti en abandonnant la référence au socialisme. Il est d’abord l’ami de Macron. Puis il comprend que celui-ci est un redoutable manœuvrier. Et Walls ordonne à Hollande de ne pas se représenter : car pensant à sa propre candidature et élection, il lui fallait préserver l’appareil du parti, auquel il était resté fidèle.

Contre toute attente, c’est Hamon qui gagne les primaires et qui va conduire une campagne désastreuse autour du thème « le revenu universel » et la « fin du travail », alors que les Français attendaient une campagne sur l’emploi, premier sujet de leurs préoccupations. A part Martine Aubry et quelques autres personnalités du bureau politique du Ps, Walls et les « hollandistes » qui veulent maintenir Hollande comme candidat, agissent contre Benoit Hamon et sèment la zizanie chez les électeurs du Ps.

A droite les primaires, un exercice nouveau de démocratie, dans un parti qui a toujours été connu pour se ranger comme « un seul homme » derrière le Président, ont conduit les Républicains à la catastrophe.  Ils avaient, hélas, choisi un notable de province qui confondait argent public et argent privé. Il versait un salaire à sa femme, dont l’enquête a prouvé qu’elle n’exerçait aucune fonction « d’assistante » politique, et des primes injustifiées à ses enfants étudiants.

Restaient alors en compétition, Marie Le Pen, avec de très bons sondages et Jean Luc Mélenchon, deux fortes personnalités antagoniques : « les extrêmes ».

L’usure des forces politiques traditionnelles était visible. C’est le moment que choisit Macron pour rejeter Walls hors de son chemin. Avec son programme du « ni-droite, ni-gauche » et qui est devenu par la suite « et à droite et à gauche », la « marche » s’est faite à un train d’enfer. La défaite de son principal challenger, Marine Le Pen qui chute lors du dernier débat pour la présidentielle, lui ouvre une voie royale vers la victoire. Peut-être que l’image de son père se dressant devant elle en la menaçant comme le commandeur dans Don Juan de Mozart, lui a fait perdre ses esprits. En effet jamais Jean Marie Le Pen n’a eu une stratégie de conquête du pouvoir, à l’inverse de sa fille. Il lui suffisait d’être une force de nuisance autant pour la droite que pour la gauche.

Au premier tour, en pourcentage des inscrits, le résultat est une élection très serrée, mais aussi une représentation très fidèle de ce que pensaient les Français : Macron 18,2% – Marine Le Pen 16,14% – François Fillon 15,16% – Jean Luc Mélenchon 14,84%. Pour une abstention de 22,23%. La France est divisée en 4 blocs quasi égaux. Le candidat du Ps, Hamon, n’a été crédité que de 4,82%. Il obtient moins que Deferre le candidat de la SFIO en 1965 avec ses 5,01%, face à Pompidou 44,47% et un Pcf à 21,27%. Le recul du Ps est sans pareil !

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Au deuxième tour, en pourcentage des exprimés : Macron 20743128 voix (66,1%) – Marine Le Pen 10638475 voix (33,9%). C’est un record historique pour le Front National indépendamment de son échec.

 

Macron Président

Une fois élu et une cérémonie d’investiture à la Bonaparte devant la pyramide du Louvre, les sourires « charmeurs » et les « yeux doux » cessent. Macron s’est vite révélé avec son projet de gouvernement de l’Etat qui ressemble à celui d’une entreprise : un Président, un Conseil d’administration (le gouvernement), des actionnaires (les députés élus). Le mode de recrutement des élus est « moderne ». Après s’être inscrits auprès de l’équipe de campagne de Macron, ils sont sélectionnés selon des critères de « compétence » comme lors d’une demande d’emploi ! Pour l’essentiel ce sont des managers d’entreprises, de PME, de Startups, d’avocats, des cadres de grandes entreprises, bref des représentants de la petite et moyenne bourgeoisie, souvent en rupture avec les Républicains ou le Parti socialiste.  Quand cette partie de la bourgeoisie voit ses avantages remis en question, elle lâche le peuple pour défendre ses propres intérêts.

Ici, petit rappel de ce qui s’est passé en Italie. L’élection de Berlusconi, l’homme d’Affaires, annonce l’arrivée d’« affairistes » au pouvoir. Il va gérer le pays comme « ses entreprises ». Et pour cela, il a fondé un parti créé à la base par des groupes de fans de football du « Milan AC » possédé par « il cavaliere » lui-même. Par la suite, la formule « mouvement citoyen internet » lancée par Beppe Grillo, contre la « casta » corrompue « de droite et de gauche », deviendra un modèle.

Très rapidement, Macron a concentré le pouvoir entre ses mains, y compris en malmenant les membres de son gouvernement qui seront « évalués » tous les six mois et en menaçant les députés qui voudraient discuter les mesures mises en place. Aucune contestation, n’est tolérée.

Son programme est dans la suite « logique » de la politique de Hollande et d’un Parti (socialiste) libéral. Oui, Macron n’invente rien. Il applique résolument les mesures issues d’une « commission pour la « libération de la croissance française » (2008), à laquelle il a participé comme rapporteur. Il avait été choisi par son président, Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand et fondateur de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Ces 316 « réformes » ont un contenu très simple : « tout privatiser ».

Son premier « combat » de président va être de casser le code du travail. Devant les mobilisations – moins importantes que les précédentes contre la loi El Khomri sous Hollande – il a utilisé la technique des « ordonnances ». C’est un dispositif légal(anti-démocratique) inscrit dans la Constitution par le Général de Gaulle, qui permet de faire passer une mesure décidée par le gouvernement sans débat parlementaire. Walls l’avait utilisée pour faire passer la loi « El Khomri », qui remettait en cause les avantages acquis du droit du travail, comme les règles sur : le licenciement économique, les heures supplémentaires ou les visites médicales au travail. Tout le monde a compris que la loi « El Khomri » était alors, celle du Ministre Macron.

Depuis la menace des « ordonnances » est devenue permanente pour désamorcer tout mouvement de grève ou de grogne. Macron ne s’est-il pas défini lui-même comme un « jupitérien » (mai 2017) dominant l’Olympe avec suffisance ? Aujourd’hui il prévient le mouvement syndical de nouvelles ordonnances, s’il appelle à la grève contre la privatisation de la SNCF, et de la remise en cause du statut des cheminots. On ne peut que s’inquiéter du devenir de la « démocratie » sous ce régime autoritaire et qui ne tolère aucun débat dans ses rangs ou dans la population.

Bref, Macron, ce n’est rien d’autre que la soumission d’un pays, qui jusque-là, avait résisté aux « marchés » et à l’austérité pour défendre son modèle social d’Etat providence, bien qu’il soit largement écorné. Par contre une soumission très active d’élites « européistes » et « mondialistes » qui participent pleinement aux changements dans le seul but de consolider leur pouvoir et leur richesse. En 2016, la France a été le pays européen le plus généreux en matière de distributions aux actionnaires : 47 milliards (contre 34 en Allemagne). Macron a beau refusé d’être présenté comme « le candidat des riches ». Il l’est.

Maintenant, la France est un petit pays pour un ambitieux tel que Macron. En se proclamant pour une « souveraineté européenne », Macron a surtout la perspective de reprendre la main sur l’Europe en profitant d’une certaine déstabilisation d’Angela Merkel : « France is back » a-t-il clamé partout. Pour une autre politique ? Non bien sûr. Plutôt pour consolider le pouvoir de la finance, ses principaux donneurs d’ordre. N’oublions pas qu’il a été banquier dans une banque d’affaires.

En définitive, Macron veut avant tout « réconcilier » le Travail et le Capital. D’autres avant lui l’ont tenté. On sait ce que cela a donné en Europe, même si les circonstances historiques sont différentes : la destruction du mouvement ouvrier, des pouvoirs dictatoriaux, le fascisme et le nazisme. Ou aux Etats unis, une Nation pour qui, encore aujourd’hui, toute mesure sociale est considérée comme un danger « communiste ».

Or cette politique vient de loin. Elle vient de l’échec du « programme commun » : un programme de nationalisations entre le PCF et le Ps  (1972/1978),  rédigé après le « printemps de Prague » et l’invasion en 1968 de la Tchécoslovaquie par les Russes ; et du « tournant de la rigueur » de Mitterrand en 1983. C’est en effet à partir de ce moment-là que commence à se structurer le « courant libéral » dans le Ps. Avec des hommes comme Jacques Delors, ex-président de la commission européenne (1985/1995), Pascal Lamy, ex président de l’OMC (2005/2013), et, avant son effondrement « sexuel », DSK, Dominique Strauss-Kahn, ex directeur du FMI (2007/2011), le Ps ne pouvait plus prétendre un retour à l’orthodoxie socialiste des pères fondateurs. Il n’a pas eu le courage de faire son Bad Godesberg comme les Allemands qui ont renoncé en1959 au projet socialiste. La direction du Parti « socialiste » Français a été hypocrite jusqu’à sa déconfiture.

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La rupture est apparue aux yeux de tous en 2005 avec le référendum sur la Constitution européenne. Hollande et la direction du Ps était pour le OUI, une majorité des militants de base et de Français pour le NON qui finalement a obtenu nationalement 55% des votes. Ce fut une campagne extraordinaire. Une majorité de Français, sur tout le territoire, se sont emparés du texte – prétendu très difficile – et en ont tiré la conclusion qu’il fallait dire Non. Ils s’attendaient à ce que le Ps reprenne leur analyse. Or le vote des militants dans le Ps a donné un quasi 50/50, un tout petit plus en faveur du Oui. Mais il n’est pas certain que le Oui l’ait emporté ! Hollande est le secrétaire du Ps à ce moment-là et il y a eu de fortes suspicions sur d’éventuelles manipulations des résultats du vote interne, surtout dans certaines régions comme Marseille, où les votes ont été recomptés et recomptés sans aboutir à un chiffre réel.

Pendant toute la période, de la présidence « socialiste » la France subit la destruction de son appareil industriel et le développement de l’orthodoxie financière « globalisée ». Pour la bourgeoisie financière qui est à la tête des multinationales et des banques : peu lui importe la Nation, le territoire, elle se dresse contre tout ce qui peut l’empêcher d’être encore plus puissante et riche : droit du travail, redistribution sociale, vente au privé des secteurs encore publics, etc. Elle veut échapper à tout contrôle.

Et peu à peu dans le cadre de cette construction européenne anti-sociale, la France a rejoint la cohorte des Etats européens plus ou moins dociles, face à l’action politico-économique de l’Allemagne. Plus ou moins, dans la mesure où elle tire de cette « alliance » avec l’Allemagne, un certain profit à la différence de l’Italie de Renzi ou de la Grèce de Tsipras.

Toutefois, si la France n’est pas la Grèce détruite par la troïka, loin de là, l’attaque de son modèle social est sans précédent. Cette profonde transformation politico-économique : la remise en cause des partis ; du clivage : droite/gauche qui remonte à la Révolution de 1789 ; la faiblesse des syndicats, laisse les Français, plus généralement ceux de « gauche », perplexes et désenchantés. Pour l’instant, ils ne voient pas d’issue politique crédible.

Quelles résistances face au libéralisme ?

Un cycle historique vient de se terminer avec l’élection de Macron.

L’implosion des partis s’est faîte toute seule. C’est très simple. A droite, chez les Républicains, il y a : ceux qui ont rejoint Macron (comme le premier ministre E. Philippe) ; ceux qui le soutiennent (comme Juppé) ; ceux qui durcissent le ton et veulent rénover le parti sur les thèmes du Front National (Wauquiez) ; et ceux qui refusent Wauquiez pour défendre « la démocratie » et leur place au sein des Républicains (Valérie Pécresse présidente de la région Ile de France) ; ceux qui s’effacent en attendant des jours meilleurs.

A gauche : même chose. Il y a : ceux qui ont rejoint Macron (Gérard Collomb ancien maire Ps de Lyon et président de la région, Le Drian, ancien Ministre de la Défense) ; ceux qui l’ont combattu puis soutenu (Walls) ; ceux qui restent fidèles à Hollande (Le Foll ex ministre de l’agriculture) ; ceux qui ont lutté contre Hollande (les « Frondeurs » soutenus par Martine Aubry) ; ceux qui créent leur « mouvement » comme Hamon (« générations ») ; ceux qui se taisent ou disparaissent du paysage politique pour se recentrer sur leur fonction d’élu.

Mitterrand avait réuni autour de sa personne tout un éventail de petits groupes et tendances « socialistes » ou « radicales de gauche » pour former le Ps. Tout cela a volé en éclat, en l’absence d’une personnalité aussi forte et charismatique que celle de Mitterrand.

L’extrême gauche est devenue inaudible, en raison surtout de son choix politique de soutien à un Islam communautariste qui s’affirme contre une France qui demeure toujours à leurs yeux : une « République coloniale ».

Le centre a disparu soit avec Macron (Bayrou), soit avec les Républicains. Il en va de même pour les écologistes.

Le Front National, lui-même est bousculé. Philippot le second de Marine Le Pen a quitté le parti pour créer « les Patriotes » en critiquant la position ambigüe du FN sur l’euro : en sortir ou pas ? alors qu’il militait pour une solution claire : « en sortir ». Ensuite, Marine le Pen est sans arrêt contestée en premier par son père et par sa nièce absente pendant toute la campagne électorale mais qui semble annoncer son retour. Une nièce très réactionnaire, genre « Tea party » américain.

Quant au mouvement syndical, il traverse la pire période de son histoire. Il doit affronter un bouleversement sans précédent du « travail » lui-même : désindustrialisation de l’appareil productif, développement du tertiaire, précarité, chômage, révolution informationnelle, numérique, robotique, ubérisation du travail, développement des contrats à courte durée, du travail à la tâche. Et aussi à un patronat décidé à inverser le rapport Capital/travail en faveur du Capital.

Or, le mouvement syndical est divisé entre une CFDT qui depuis son congrès de Brest (1979) a décidé de « recentrer » son programme sur un « accompagnement » des restructurations industrielles et libérales. Et une CGT, syndicat de luttes de classe qui a vu ses bataillons ouvriers réduits quasiment à rien avec ces restructurations.

La CFDT (Confédération Française du Travail) est de « sensibilité macroniste ». Elle a participé au courant rocardien « réaliste et pragmatique » de la « deuxième gauche » et joue un rôle non négligeable auprès du Ps.  Elle a toujours la même tactique. Elle dénonce les projets du patronat ou du gouvernement, obtient quelques petits aménagements, puis elle signe, comme lors de la loi El Khomri. Pour la CGT (Confédération Générale du Travail), par contre, pas question « d’accompagner » les réformes, mais plutôt de lutter pas à pas pour de nouveaux avantages pour les salariés ou de meilleures compensations en cas de perte d’emploi.

Enfin, depuis bien longtemps, il n’y a plus d’intellectuels combattifs pour la justice sociale aux côtés du mouvement ouvrier. Cette figure historique de l’Intellectuel combattant si particulière à la France, ces « compagnons de route », tels que JP Sartre, qui remontent à Zola avec son « j’accuse » (Janvier 1898) pour défendre le militaire Juif Dreyfus, condamné au bagne précisément parce qu’il était juif. Elle a cédé la place à ceux, trop nombreux qui ont accepté le libéralisme, son hédonisme et ses facilités, ou se concentrent sur eux-mêmes.

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Ne reste alors que la France Insoumise comme opposition un tant soit peu concrète, malgré certaines ambiguïtés de Mélenchon quant à son programme.

Mélenchon a été trotskiste (OCI, les « Lambertistes ») avant d’adhérer dans les années 1990 au courant gauche du Ps, comme Jospin (ex premier ministre de J. Chirac et candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2002 face à Jacques Chirac et JM Le Pen), ou Cambadelis (ex secrétaire du Ps), et tant d’autres qui ont préféré le pragmatisme à la Révolution. Il est aussi Franc maçon, ce qui explique son attachement à la République.

En 2005, alors au Ps, il mène campagne pour le Non au référendum sur la Constitution européenne, ainsi que d’autres forces comme Attac. Il avait voté Oui en 1992 pour le traité de Maastricht qui fonde l’U.E. En 2008, refusant la candidature de Ségolène Royale à l’élection présidentielle, il quitte le Ps en plein congrès sans se battre, affaiblissant ainsi un possible renforcement du courant de gauche (Peillon, Montebourg, Hamon, Emmanuelli etc.) contre la politique de Hollande secrétaire du Ps qu’il poursuit de sa haine, jusqu’à en faire une « affaire personnelle ».

Il fonde avec d’autres petites forces (comme MARS, Eric Coquerel) le Parti de Gauche qui pratique une politique du rassemblement à l’italienne, pour finir par donner naissance au Front de Gauche (Parti communiste Français – éclaté en plusieurs groupes et tendances -, parti de gauche, gauche unitaire (scission du NPA) et le mouvement « Ensemble » lui-même issu d’une coalition). Mélenchon est élu en 2009député européen, et réélu en 2014. Candidat en 2012 à la présidentielle, il fait 11% ce qui n’est pas négligeable.

Il emprunte à Montebourg, son projet d’une sixième république (donner aux institutions un caractère plus démocratique) et fonde le « mouvement pour une 6ème république ». Et s’inspire autant du M5S italien avec son fonctionnement « citoyen internet » et le « clic » informatique décisionnel (oui/non), que du populisme « chaviste » et de Podemos. Mais le mouvement est une machine très lourde à gérer, le pouvoir est très concentré et difficile à cerner, et limité dans son projet politique. La rénovation des Institutions de la République n’est pas un thème très mobilisateur, même s’il peut être important.

Jean Luc Mélenchon est un homme pressé qui veut absolument arriver à la porte du pouvoir, il abandonne le « Mouvement pour la sixième république », contesté pour son manque de transparence, et annonce en 2016 la création d’un autre « mouvement » : la France Insoumise. Un mouvement autour de lui, sur son programme auquel il faut adhérer sans discussion et qui refuse toute tactique d’alliance (comme le M5S Italien). Il annonce dans la presse la dissolution du Front de gauche, « il est mort », sans en avoir discuté avec les autres forces qui le composent ! C’est, pense-t-il, le seul moyen d’être élu à l’Elysée.  Il joue sur sa réputation de battant, de seul adversaire de Macron et de « forte gueule ».

Certains points de son programme sont peu clairs : « sortir ou non de l’euro ? de l’Europe ? Un plan A (avec Varoufakis) qui propose de modifier le statut de la BCE (Banque centrale européenne), une sortie négociée des traités européens, l’arrêt des privatisations du secteur public, ou en cas d’échec (qui est prévisible) un plan B, c’est-à-dire une rupture avec l’Europe par une sortie directe de tous les traités. Mais avec quelles alliances ? On en parle moins avec le départ de la Grande Bretagne et les problèmes qui se posent à elle.

Son programme promet une « République sociale ». C’est une évocation très 3ème République (1870/1940), lorsqu’elle tenta d’approcher le volet social d’une République qui était d’abord un système politique, notamment avec les réformes du gouvernement Clemenceau, (1906-1909). Beaucoup de militants à « gauche » sont d’accord. Mais son inspiration « populiste de gauche » assumée, dénature et brouille la question du combat de classe. Il nie les classes, les remplacent par « ceux d’en haut » et « ceux d’en bas ». Et ses « followers » (ses fans sur Facebook et You tub, ne sont nullement obligés d’adhérer en payant une cotisation, marque essentielle pourtant de l’adhésion à un projet politique) ont volontiers adopté l’indigent « dehors, dégage, qu’ils s’en aillent tous ». Mais il ne suffit pas de dire « Nous contre Eux ».

Enfin, beaucoup n’acceptent pas son envie irrésistible d’un pouvoir solitaire, même s’il s’en défend. Son numéro risible de doublure par hologramme lors d’un meeting qui le rend visible instantanément à Lyon et à Paris, « deux Mélenchon » pour le prix d’un ! exprime un certain orgueil du personnage.

Au premier tour de la présidentielle 2017, Mélenchon se retrouve en 4ème position derrière François Fillon.  C’est une catastrophe pour lui, au point qu’il refuse le résultat en direct devant la presse en laissant entendre que ce résultat avait été manipulé par le 1er Ministre intérimaire Bernard Cazeneuve, soutien de la candidature Hamon ! Mélenchon disparait des écrans télé pendant plusieurs jours sans comprendre que son refus de toute alliance avec ses ex-compagnons de route a été l’élément décisif de son échec. Or il maintient jusqu’à présent plus que jamais sa volonté de faire cavalier seul. (A la Di Maio du mouvement M5S qui vient de remporter un grand succès en Italie en devenant la première force politique ?)

Les Français pour qui la « gauche » est toujours une référence politico-historique très actuelle, restent dans l’attente d’une proposition de rassemblement, même sur un programme minimal, anti capitaliste, social et solidaire avec les exclus. Ils attendent surtout une réponse claire contre le libéralisme de Macron et celui de l’Union Européenne.

Une grande épreuve attend le pays dans les jours à venir : celle de la privatisation de la Sncf. Les promesses, les appels des uns et des autres au mouvement de résistance pour conserver le secteur public vont être déterminants, qu’il s’agisse de l’avenir politique de Mélenchon (unitaire ou non ?), ou de la présence, ou non, d’un Etat providence en France.