Le bellicisme de gauche arme paradoxale en faveur de l’ extrême droite

Par Dimitris Scarpalezos

 J’étais choqué de voir qu’un de mes amis ex-maoïste a voté R.N. aux dernières élections. Sa justification était la suivante: Quand j’entends Glucksmann et ses tirades moralisatrices pour continuer la guerre à tout prix et à tout risque contre la Russie avec le sang des Ukrainiens (et peut être pas seulement) et quand je vois les prises de position plus réservées du R.N., je conclus qu’au moins avec ceux-là nous n’irons pas vers la guerre mondiale. J’avais beau lui signaler le changement progressif des positions du R.N. vers une “démonisation” de la Russie (qui, fût-elle plus modérée que celle des macronistes ou des bellicistes de “gauche”, montre qu’il ne faut pas s’y fier!) mais l’insistance des “politiquement corrects ” en faveur de la guerre “jusqu’à la défaite de la Russie et pour la condamnation de Poutine par un tribunal international l’a convaincu de voter R.N.

   Le sien est un cas isolé dans les milieux “intellectuels”, mais cette opposition à la guerre est peut-être plus forte dans les couches populaires qui ont une méfiance plus grande  “à ce qu’on nous raconte!” et que les injonctions de “solidarité” avec les Ukrainiens ne touchent pas tellement. 

  La gauche de Jaurès avait une solide tradition pacifiste et se distinguait de la gauche colonialiste ou patriotarde belliciste complice du grand massacre des jeunesses européennes en 1914-18. Mais depuis la chute de l’URSS les manipulations avec les “good guys” et les “bad guys” ont émoussé tous les reflexes pacifistes constitutifs même de la notion de “gauche”  (allant du refus, par Robespierre, des guerres  étrangères jusqu’à Jaurès et les mouvements de protestation contre la guerre du Vietnam).

  En ciblant le “méchant ” Milosevic on a fait avalé la dissolution (plus ou moins provoquée) d’une des fédérations qui respectait le mieux les droits de toutes ses composantes ethniques, le bombardement des infrastructures de la Serbie et la mort de quelques milliers de civils, la purification ethnique violente de la Krajina et la transformation du Kosovo en une des plus grande bases américaines en Europe.

 Avec la démonisation de Saddam,  on a fait avalé une des attaques impérialistes les plus meurtrières de la fin du vingtième siècle.  En ciblant le “méchant Kadhafi ” (pourtant présenté comme un “ami” de Sarkozy qui l’a assassiné) et en assumant la position  “Ni-Ni”    ” Ni Kadhafi  – ni l’Otan”  la gauche politiquement  correcte  a une lourde responsabilité dans la destruction complète d’un pays et la déstabilisation d’un continent qui en a découlé.  Après la mort de Kadhafi le “ni OTAN” a été complètement oublié!

 Aujourd’hui la plus grande partie de la gauche, pour ne pas paraître “poutinienne” , se fait complice enthousiaste d’une des guerres les plus “immorales ” et cyniques de notre siècle qui aurait pu être évitée ou arrêtée plusieurs fois, et que la complicité “moralisatrice” de cette gauche prolonge sans raison compréhensible et avec des risques grandissants de dérapage! 

La fracture qui sépare la gauche européenne de celles du reste du monde, et l’abandon “politiquement correct” de ses réflexes pacifistes  est une catastrophe dont profitent les extrêmes droites rien qu’en laissant croire qu’elles sont moins va-t-en guerre que leurs opposants de gauche. 

Ceci est très probablement faux car on ne voit pas les médias qui favorisent le R.N. se démarquer tellement des désinformations bellicistes qui prolongent l’image “morale” de la “solidarité avec l’Ukraine” (jusqu’à la mort du dernier ukrainien?).

 D’ailleurs, pour ne pas mettre en cause le mariage avec les composantes plus atlantistes de la droite traditionnelle, le R.N. rentre chaque jour davantage dans les rangs sur la question de la guerre en Ukraine ! 

 Ce bellicisme de gauche aura peut-être été un des facteurs importants d’un renforcement extrêmement dangereux de l’extrême droite raciste,  ex-colonialiste et  antisémite en France   (son soutien à Israël n’est pas contradictoire avec un certain antisémitisme d’une partie de cette extrême droite  comme le montre le sionisme “chrétien” des “born again Christians” qui promettent aux juifs d’être brûlés par le feux du ciel s’ils ne se convertissent pas au christianisme lors de la deuxième apparition du Christ qui ne peut avoir lieu qu’en Israël)

 Pour la gauche européenne, l’alternative est plus que jamais : “retour à Jaurès, ou la mort”…

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