Par Florian Bardou
Depuis plusieurs mois, défenseurs des droits humains, magistrats et universitaires alertent l’opinion. À un an de l’élection présidentielle, ils pointent du doigt une série de signaux inquiétants pour la démocratie
Partira, partira pas? En mouvement ou statique? Jusqu’à la dernière minute, la passe d’armes entre le gouvernement et les syndicats autour de la manifestation du 23 juin a ressemblé à un effarant dialogue. Depuis les débordements lors de rassemblements contre la loi travail, notamment autour de l’hôpital Necker dans le XVe arrondissement, le 14 juin dernier, l’opposition était forte entre les représentants syndicaux et l’exécutif. Jusqu’au dernier moment, le gouvernement brandissait la menace d’une interdiction dénonçant la violence réelleou fantasmée des «casseurs», menace à laquelle se refusait obstinément les opposants à la loi travail.
Dans la matinée du 22 juin, l’annonce de l’interdiction de la manifestation syndicale par la préfecture de police vers 9 heures a donc logiquement provoqué une levée de boucliers,notamment à gauche jusqu’au sein de la majorité socialiste. Bien qu’éphémère cette interdiction de manifester constituait un précédent depuis la guerre d’Algérie. La dernière interdiction de ce type remontait à 1962, lorsque la CGT, la CFTC et quatre autres organisations syndicales avaient appelé à manifester contre l’OAS, place de la Bastille. Or, sous la Ve République, jamais un cortège syndical n’avait été empêché de marcher contre une loi sociale.
«C’est totalement inédit», observe à ce propos dans Marianne l’historienne des mouvements sociaux Danielle Tartakowsky. Sa stupéfaction en dit beaucoup: qui aurait imaginé en 2012, quand le candidat Hollande revendiquait «le droit de manifester autant que nécessaire», que la gauche une fois au pouvoir se prononcerait en faveur de l’interdiction d’une manifestation?
Est-ce comme le pointe du doigt l’ex-ministre écologiste du Logement Cécile Duflot, très critique de l’action gouvernementale, le symptôme d’une dérive «vers une forme d’autoritarisme», sept mois après l’instauration de l’état d’urgence?