La présidente de la Banque centrale européenne propose de revoir les critères de Maastricht

19 mai 2020

Dans une interview, Christine Lagarde a salué le projet de relance de 500 milliards d’euros proposé lundi par les dirigeants français et allemand. Elle a aussi appelé à moderniser le Pacte de stabilité et de croissance.

«Les propositions franco-allemandes sont ambitieuses, ciblées et bienvenues», déclare la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) dans un entretien accordé lundi à quatre quotidiens européens : Les Echos pour la France, Corriere della Sera pour l’Italie, Handelsblatt pour l’Allemagne et El Mundo pour l’Espagne.

Elle fait référence au plan de relance proposé par le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel. Il vise la création d’un fonds de relance temporaire d’un montant de 500 milliards d’euros constitué par des emprunts de la Commission européenne au nom des 27 Etats membres de l’Union européenne.

L’argent obtenu serait ensuite reversé sous forme de «dépenses budgétaires» aux Etats européens et «aux secteurs et régions les plus touchés». Pour Christine Lagarde, cette démarche «témoigne de l’esprit de solidarité et de responsabilité évoqués» (par la chancelière allemande).

Décrivant, à propos de la crise qui frappe le Vieux Continent, un choc «considérable, inégalé en temps de paix», la présidente de l’institution de Francfort anticipe pour la zone euro, «dans le scénario le plus sévère, une chute du produit intérieur brut de 15 % sur le seul deuxième trimestre».

Dans cet interview la présidente de la BCE estime aussi que cette crise est une bonne occasion de «moderniser» le Pacte de stabilité et de croissance – aussi connu sous le nom de «critères de Maastricht» – suspendu depuis le 20 mars.

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Revoir et simplifier les critères de Maastricht

«Je crois que les termes du Pacte de stabilité et de croissance devront être revus et simplifiés avant que l’on songe à le réinstaurer, lorsque nous serons sortis de cette crise», affirme ainsi Christine Lagarde qui suggère de «réexaminer» des propositions «innovantes» déjà formulées par le Fonds monétaire international (FMI) qu’elle a dirigé de 2011 à 2019.

Ce Pacte fixe les règles budgétaires aux Etats ayant adopté la monnaie unique européenne, notamment le respect d’un déficit public inférieur à 3% du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays membre de la zone euro. Il limite aussi l’endettement de chaque Etat à l’équivalent de 60% de son PIB.

Cependant, à l’exception de l’Allemagne et des Pays-Bas, aucune économie significative de la zone euro ne respecte ces critères. La dette de la France, par exemple, représente actuellement près de 100% de son PIB et devrait atteindre 115% de celui-ci d’ici la fin de l’année.

Celle de l’Italie, troisième économie de l’Union européenne (à 27) ainsi que de la zone euro, dépasse 130% de son PIB et devrait encore se dégrader en 2020. Quant au Portugal et à l’Espagne ils affichent respectivement des ratios dette/PIB pour le moment proches de 100%.

Les recettes du FMI

Dans cet entretien, la présidente de l’institution monétaire de Francfort ne précise pas en quoi consisterait la modernisation du Pacte de stabilité ; mais le FMI, auquel elle fait allusion, a suggéré, à plusieurs reprises, de prendre en compte non pas le solde budgétaire brut mais le solde primaire, c’est-à-dire l’équilibre budgétaire hors impact de la conjoncture, croissance ou récession.

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Cette méthode avantagerait des pays comme l’Italie qui a été acculée à une rigueur en réalité plus sévère qu’en Allemagne mais dont les comptes ont été plombés par deux décennies de croissance atone. Toutefois, ces nouvelles règles lui permettraient seulement de présenter plus facilement un budget dans les clous de Bruxelles sans régler le problème de son endettement et de sa faible croissance.

Fin janvier, lors d’une conférence donnée à Bruxelles, Vitor Gaspar, directeur du Département des finances publiques du FMI rappelait qu’au cours des vingt dernières années, l’excédent primaire structurel moyen en Italie était de 1,5% du PIB potentiel, contre 0,9% pour l’Allemagne.

C’est-à-dire que, contrairement à une idée reçue très en vogue en Europe du Nord, l’Italie a bien serré les cordons de la Bourse, mais que sa faible croissance a dégradé ses comptes en raison de rentrées fiscales insuffisantes. Autrement dit, l’Italie n’a pas dépensé trop mais elle n’a pas gagné assez.

Interrogée sur le jugement rendu récemment par la Cour constitutionnelle allemande et appelant la BCE à justifier sa politique de rachat massif de dette publique européenne, Christine Lagarde a simplement répondu que l’institution monétaire demeurait «imperturbable» dans son objectif de stabilité des prix.

Quant à un éventuel refus de la Banque centrale allemande de participer aux rachats de dette d’Etat, la dirigeante de la BCE a martelé que «toutes les banques centrales nationales d[evai]ent participer pleinement aux décisions et à la mise en œuvre de la politique monétaire de la zone euro».

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