Miri Reguev met la culture au pas des « valeurs nationales »
J’ai a plusieurs occasions ecrit dans cette chronique sur notre ministre de la culture [sic] la generale (cadre de reserve) Miri Reguev, en particulier ses saillies sur le poete Mahmoud Darwish et ses menaces de mettre au pas les acteurs cuturels dont la loyaute serait douteuse. Cette semaine Reguev a par deux fois fait les titres des medias. Le 22 Octobre elle declarait a la television que Yitshak Rabin – « que j’aimais beaucoup beaucoup » n’a pas du tout été la victime d’une campagne de haine de la droite et d’appels au meurtre de ses dirigeants. Par contre, a-t-elle insiste, c’est la droite qui est systematiquement l’objet d’appels au meurtre de la part de la gauche. Celle que les media denomment la commissaire a la culture n’a pas été capable d’apporter un seul exemple confirmant ses propos.
C’est pour mettre fin a cette soit-disant campagne de haine de la gauche, que Reguev vient de rediger un projet de loi que la Knesset doit voter dans les prochaines semaines. Le nom de ce projet transpire la conception goebelsienne de la culture : la loi sur l’allegeance dans la culture. « Cette loi ne traite pas de la liberte d’expression, mais de liberte de financement » a declare la commissaire. En d’autres termes, il ne s’agit pas de fermer des theatres , des muses ou des galeries d’art, mais de leur couper les vivres et de conditionner les financements publics au degre d’allegeance aux « valeurs nationales ». Comme Reguev l’avait dit a plusieurs occasions dans le passe quand elle a sanctionne des activites culturelles : « Cette piece porte atteinte aux valeurs fondamentales du public israelien et de l’Etat », «il s’agit de films qui remettent en question nos valeurs et nos symboles » etc etc.
Selon Reguev – ainsi que le gouvernement d’extreme droite qui la soutient – l’Etat a des valeurs bien definies et se doit de mettre les acteurs de la culture au service inconditionnel de ces valeurs. «Nos valeurs » ne cesse de repeter la commissaire, refusant d’accepter qu’une societe est faite d’individus defendant des valeurs diverses et parfois contradictoires. La conception qui s’affiche derriere la loi sur l’allegeance dans la culture est celle d’un regime totalitaire.
La commissaire a la culture a dors et déjà cible les institutions qui ne defendent pas « nos valeurs » : la cinemateque de Tel Aviv, le Festival d’Israel, le festival de cinema de Jerusalem, le festival de cinema de Haifa, le Festival de cinema du sud d’Israel, le theatre pour enfants el-Mina, le theatre arabe el-Midan, l’ensemble de la production cinematographique israelienne – toutes ces institutions ont été a differentes occasions expressement nommees par Reguev comme « problematiques » ou carrement anti-nationales. Une fois liquidees, il ne restera plus rien de la culture israelienne, si ce n’est, pour l’instant, ceux qui ne parlent pas (les orchestres symphoniques) et quelques groupes rocks resolument apolitiques.
L’ancien President du parlement, Abraham Burg, a plusieurs fois parle de la fascisation du regime israelien. Miri Reguev et sa loi sur l’allegeance en sont une nouvelle confirmation.
Publie dans Sine Mensuel, Novembre 2018