La France intervienne au Moyen-Orient contribuant a la radicalization. Maintnenant, elle “analyse”!

Djihadisme : Olivier Roy répond à Gilles Kepel

Depuis que le politologue, spécialiste de l’islam, a émis l’hypothèse d’une révolte nihiliste générationnelle à l’origine du djihadisme européen, le débat fait rage. Dans “L’Obs”, il répond à la polémique.

Par Marie Lemonnier

(Article initialement publié le 6 avril 2016)

 

« Islamisation de la radicalité » ou «radicalisation de l’islam»? C’est pour avoir soutenu que la radicalité des jeunes Occidentaux candidats au djihad préexiste à leur islamisation, qu’Olivier Roy est l’objet d’une âpre controverse. Gilles Kepel lui a en effet récemment consacré dans «Libération» une tribune assassine ironiquement titrée «“Radicalisations” et “islamophobie” : le roi est nu». Dans un grand entretien accordé à «L’Obs», Olivier Roy lui répond. Et livre ses analyses sur le salafisme, les quartiers, la laïcité, la sexualité sous Daech, la polémique Kamel Daoud… Extraits.

Kepel – Roy, le clash
« Visiblement, Gilles Kepel s’est lancé dans un combat pour l’hégémonie sur l’islamologie française et la recherche sur le radicalisme. Il me fait un très grand honneur en me désignant comme son rival numéro un. Seulement, il se déconsidère en menant une guerre d’ego, alors qu’un tel champ d’étude ne peut être abordé qu’en travaillant de manière collective et multidisciplinaire. L’humilité s’impose […] Cependant, vous ne comprendrez rien à la dureté actuelle du monde de la recherche si vous n’avez pas en tête les enjeux financiers et de pouvoir qui s’y jouent. Les derniers attentats ont amené gouvernements et fondations à débloquer des sommes considérables. Il y a un marché concurrentiel. De ce point de vue, Kepel est un Rastignac professionnel de très haut niveau. […]»

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“Radicalisation de l’islam” ou “islamisation de la radicalité”?
« Il y a une radicalisation de l’islam, c’est évident […] Alors pourquoi je fais la distinction entre les deux ? Parce que la radicalisation djihadiste, pour moi, n’est pas la conséquence mécanique de la radicalisation religieuse. La plupart des terroristes sont des jeunes issus de la seconde génération de l’immigration, radicalisés récemment et sans itinéraire religieux de long terme. Prenez-les tous, les Abaaoud, les Abdeslam, ils ne deviennent pas djihadistes à l’issue d’un parcours de radicalisation religieuse. Mais encore une fois, quand ils se radicalisent, ils en empruntent le répertoire. […]»

Le salafisme, antichambre du djihadisme ?
« […] Jusqu’à maintenant, nous disions, moi y compris, qu’ils devenaient salafis une fois qu’ils étaient djihadistes. Mais je commence à avoir de sérieux doutes, parce que lorsqu’on regarde leur pratique religieuse après qu’ils ont décidé de rejoindre Daech, elle n’est pas particulièrement salafiste.[…] A-t-on vu Abaaoud demander à sa cousine de lui ramener de la viande hallal ? Non, il a mangé son McDo comme tout le monde.[…] Je ne nie pas du tout que le salafisme pose des problèmes de sociabilité importants, mais je ne crois pas à cette doxa de l’antichambre. Parce qu’il faudrait alors montrer qu’il y a une continuité entre la société salafisée et les jeunes radicaux djihadistes. Or ces jeunes ont un mépris complet pour celle-ci. […]»

L’affaire Kamel Daoud
« J’avais précisément refusé de signer la tribune contre Kamel Daoud, […] qui en tant qu’écrivain a le droit d’écrire ce qu’il écrit et d’être excessif, de même que chacun a le droit de critiquer ses opinions. Ce que j’attaque, c’est l’idée qui traîne désormais partout qu’un musulman harcèle parce qu’il est musulman, et qu’un Européen harcèle parce qu’il a une pathologie particulière. Je ne comprends pas cet essentialisme. Qu’on nous dise qu’il y a une culture musulmane machiste, oui ; que la société algérienne soit une société où les femmes ont beaucoup de mal à aller dans l’espace public, oui. Mais qu’ensuite on nous décrive les musulmans, où qu’ils aillent, comme se trimballant avec un petit logiciel culturel de violeur potentiel dans la tête, non. […] Le machisme est la chose la mieux partagée au monde. Regardez Donald Trump […]»