C’est avec joie que j’ai pris l’avion pour 13 longues heures de vol vers Pékin avec escale par Helsinki pour survoler la « route du Nord vers l’Asie » – les plaines arctique enneigées, les grands fleuves de Sibérie et les steppes de Mongolie. En partant au Deuxième Congrès Marxiste International j’avais la sensation exaltante d’aller visiter bien sur la seconde puissance mondiale, mais aussi un pays du « marxisme réel » et un des acteurs majeurs de la mondialisation. De pouvoir enfin grâce à ce voyage comprendre la mondialisation.
Modernité des fleurs et des technologies
La propagande occidentale répète souvent le thème de la pollution de Pékin. Mais celle-ci devait être particulièrement basse lors de ces quelques jours de mai : un temps très agréable de soleil chaud comme un été d’Europe de l’Est, une verdure intense, des nuits douces et fraiches. Pékin compte plus de 20 millions d’habitants officiels et environ 8 de plus non officiels. Cependant je m’y suis sentie bien moins oppressée qu’à Paris car ces millions de personnes se répartissent sur une étendue très vaste dont les immeubles sont entrecoupés de nombreux parcs et jardins. Ainsi, avec son architecture de blocs collectifs d’habitat en hauteur, ses arbres le longs de larges avenues, ses nombreux espaces verts autour d’un centre historique, Pékin m’a semblé être une Varsovie 15 fois plus grande.
Mais ce qui m’a le plus frappée, ce furent les kilomètres de rosiers plantés le long des autoroutes urbaines et arborant devant les flots de voiture de magnifiques fleurs crèmes, saumons, roses et rouges, une palette de séduisantes couleurs pastels. Les rosiers sont des arbustes exigeant des soins qui à cette échelle doivent revenir fort cher à la municipalité. Dans ces rosiers urbains et ces espaces verts remplis de fleurs, d’arbustes et d’arbres bien entretenus j’ai admiré les efforts des autorités chinoises de créer une ville vivable malgré sa taille et de lutter contre la pollution et le réchauffement climatique.
La deuxième chose qui m’a frappée est la richesse et la modernité technologique de la Chine. Au service de l’immigration de l’aéroport les étrangers sont appelés à scanner les dix doigts de leurs mains dans un système entièrement automatisé. Le personnel d’aéroport est ainsi réduit à son minimum. Pour acheter partout les Chinois utilisent leur téléphone portable avec un scan numérique. Pour l’achat d’une carte SIM mon étudiant accompagnateur a du enregistrer son identité par reconnaissance faciale – le vendeur a photographié son visage et sa langue et a envoyé par téléphone les données à la compagnie. Montrer sa langue c’est montrer l’intérieur de son corps selon la science médicale chinoise de diagnostic sur la base de l’examen de cette organe. Cette reconnaissance faciale est donc un moyen important de contrôle des individus. Il est probable qu’un tel système ne serait jamais accepté en Afrique et en Europe, même si nous étions des pays socialistes. Cependant il est peut être nécessaire que dans un monde hostile la Chine puisse avoir un certain contrôle du milliard et demi d’individus qui la compose ainsi que celui de ses frontières. Pour acheter mes médicaments traditionnels, une étudiante a effectué la commission sur son téléphone en quelques minutes et en un quart d’heure le paquet arrivait à la porte de ma chambre d’hôtel… En France j’aurais attendu une semaine ou même dix jours. Dans le chapitre de maitrise du territoire numérique, Google est interdit en Chine et les services de type Whatsup accessibles via quelques manipulations informatiques. Mais le Google chinois Baidu est performant et permet d’accéder aux sites occidentaux.
La modernité est visible dans une architecture bien étudiée des quartiers neufs à la fois imposante, mais plus sobre et fonctionnelle que celle que nous imposent les Américains à Varsovie aujourd’hui. Le métro et ses 17 lignes est neuf et très rapide. Les rues sont propres et on pouvait voir une multitudes d’ouvriers employés à l’entretien des espaces publics et des jardins. Côté écologie, si les embouteillages sont pénibles, les voitures sont neuves car elles doivent répondre aux normes anti-pollution les plus drastiques tandis que sur le campus universitaire le ballet des deux roues est silencieux car toutes les mobylettes sont électriques ! Et bien entendu, la petite reine est reine, utilisée par tout le monde, jeune vieux, étudiants, cadres et ouvriers. Mais cette profusion de moyens de transports, grandes berlines neuves, triporteurs et mobylettes électriques, vélos et bus, ne se télescope pas sur la route. Chacun suit la voie qui lui est assignée sur les larges avenues que le piéton traverse par des petits ponts comme dans la Varsovie communiste. C’est ainsi que Pékin m’apparut propre, verte et agréable contrairement au stéréotypes renvoyés par notre propagande.
Le campus de l’Université de Pékin situé dans le nord ouest de la ville fait partie de ces réalisations urbaines des 20 dernières années. Dans un immense parc se côtoient des buildings à l’architecture audacieuse, des bâtiments de 3 étages recouverts de lierre et de vastes immeubles de logement pour étudiants. Entre l’hôtel clinquant style années 90 destiné aux visiteurs de l’Université et les immeubles de banques et d’entreprises subsistaient quelques petites maisons anciennes en briques grises et de modestes logements pour travailleurs des années 60. Je devine que les appartements du temps du socialisme planifié devaient être aussi petits que ceux la Pologne de Gomulka. Mais il est vrai qu’ici comme en Pologne il fallait loger quelques millions de personne en 10 ans et que le travailleur socialiste n’était pas censé passer sa vie devant sa télé dans son appartement : l’entreprise était son domaine et dans son temps libre il/elle allait à l’école, au centre culturel ou s’engageait dans le service citoyen, tandis que les achats se faisaient dans les magasins du centre ville historique afin que le travailleur se réapproprie les espaces urbains construit par l’aristocratie et la bourgeoisie.
Le socialisme avec les caractéristiques chinoises
Mais si la Chine d’aujourd’hui utilise les infrastructures de ces années pionnières, elle est une société entrant de plein pied dans une modernité futuriste. L’ouverture officiel du Congrès marxiste me fournit l’explication du miracle du « socialisme avec des caractéristiques chinoises ». Elle a lieu en grande pompe dans un théâtre de plusieurs milliers de places sur le campus universitaire tout tendu de draperies rouges. Le collectif des orateurs est assis en rangée en face du public. Je me rappelle dans mes souvenirs du temps de l’Union Soviétique ces images d’hommes impassibles assis en rangs dans une tribune lors de cérémonies officielles et combien à l’époque cette vision me rebutait. Aujourd’hui, à entendre le vice président de l’Université de Pékin s’exprimer côté à côté avec d’autres officiels, le Directeur du Comité des Sciences au Ministère de l’Education et du Président de l’Ecole de Marxisme de l’Université, je comprends enfin que ce système met en avant le collectif et non pas comme dans notre culture, le pouvoir de l’orateur seul face aux écoutants.
Parmi les hauts responsables chinois, les étrangers de marque : Samir Amin, David Harvey, Massimo d’Alema. Seules deux femmes sont présentes, une militante communiste chinoise vivant en Angleterre et Daria Mitina responsable du Parti Communiste Unifié de Russie. Seule Daria aura le privilège d’être citée dans la liste des « professeurs honorés » étrangers déroulée par le président de séance. Mais il ne faudrait pas en conclure à un verrouillage machiste du système politique chinois : les femmes de mon âge, de 45 ans occupent de hauts postes de présidentes de facultés, directrices de départements d’études et d’enseignements de plusieurs universités chinoises, de responsables régionales de parti, d’éditrices et rédactrices en chefs de revue. Elles prendront la parole dans les 25 séminaires du Congrès en nombre égal aux hommes. Nous remarquons aussi que les femmes sont surreprésentés dans les métiers techniques du Congrès : ce sont des jeunes femmes qui tiennent les appareils photos et les caméras des télévisions et des agences médias. Le lendemain j’aurais le plaisir de répondre à une série de questions pointues la politique internationale de la Chine posées par une équipe de jeunes femmes qui me filment pour l’agence Centre Internet d’Informations Chinois www.china.com.cn
Tous les discours des orateurs de la cérémonies d’ouverture convergent vers une réflexion centrale : Marx y est honoré comme le plus grand penseur de tous les temps, les idées maitresses des discours du leader actuel du Parti Communiste Chinois Xi Jinping sont citées comme lignes directrices vers la construction de l’avenir. Mais ce qui prime est une immense fierté que la Chine soit devenue « la seconde puissance mondiale », ayant en deux décennies « aboli la pauvreté de 700 millions de personnes » cela sans capitalisme mais dans le cadre du « socialisme aux caractéristiques chinoises ». Ces discours sont des descriptions précises et directes, pas du tout métaphoriques, contrairement au stéréotype de discours “chinois” que j’avais en tête, stéréotype hérité certainement du maoïsme 68tard européen.
- Première traduction en chinois des écrits de Marx de 1920 conservé à la Bibliothèque du Département de Marxisme
Liu Qao président du Département de management de l’Université de Pékin explique ainsi l’origine des réformes de 1978 décidant de la construction « de l’économie socialiste de marché ». Il brosse le tableau précis de certaines réformes clés comme la réforme agraire permettant la vente contractualisée aux paysans, l’autorisation de produire les matériaux de construction pour les logements dans les villages et la réforme du droit de propriété qui a consacré la primauté à la production de biens plutôt qu’à leurs distribution. Li Yinning, grand économiste et Directeur du Centre des Réformes Structurels va encore plus loin dans l’éloge des paradigmes libéraux de l’économie : il fustige « la chute de l’Union Soviétique et des pays d’Europe de l’Est » qui n’ont pas su « adopter la théorie des avantages comparatifs » et arriver à la « compétitivité et à l’innovation » nécessaires pour sortir de la pauvreté des millions de personnes ce que la Chine a su faire. Je ne conteste pas les innovations chinoises, mais je pense qu’il fait de mauvais procès à cette pauvre Pologne Populaire qui ruinée par les nazis avaient quand même su mettre fin à l’analphabétisme et construire les infrastructures de base dont le capitalisme occidental utilise aujourd’hui à son profit. Hongong Yu, président de l’Ecole de marxisme nuance l’opinion de son prédécesseur et démontre que l’économie planifié de 1949 à 1978 avait su sortir de l’analphabétisme les 80% de Chinois ce qui fut bénéfique pour la productivité du système post-1978. Il rappelle l’augmentation la population de 940 millions en 20 ans qui explique pourquoi malgré les progrès « nous nous sentions pauvres ». Le professeur finit par conclure que « la Chine a été bénie du ciel » précisément parce qu’elle a sur prendre le virage des réformes de marché indispensable à une allocation de ressources meilleures que celle pendant l’économie planifiée. Mais je suis chagriné de l’entendre encore une fois citer « la chute de l’Europe de l’Est ». Décidément les camarades chinois oublient la formidable pression impérialiste exercée sur nous et les ravages de la seconde guerre mondiale, absente comme je peux le constater, dans la tradition communiste chinoise, alors qu’elle est fondatrice de la mémoire soviétique. Les militants et les chercheurs étrangers, notamment Samir Amin, insistent sur la crise mondiale du capitalisme qui exacerbe l’agressivité de l’impérialisme occidental. Samir Amin met en garde les Chinois que leur pays ne devienne après la Russie une cible de choix de la violence occidentale précisément parce que leur puissance les appelle à un leadership mondial que l’Occident ne leur pardonnera jamais.
Tout au long de ce séjour j’ai l’impression que pour les camarades chinois, l’Europe de l’Est est déjà morte, victime de sa soumission à l’impérialisme occidental alors que l’Afrique est absente physiquement et par la force des choses de la réflexion globale. D’ailleurs, les rares délégués africains sont des militants du Forum du Tiers Monde de Samir Amin, alors que le monde arabe est bien présents à travers des militants de plusieurs parts de gauche d’Egypte (communiste, socialiste, nasseriste), du Liban, du Maroc et du FPLP Palestinien. D’ailleurs, je ne peux participer l’après midi au panel consacré aux relations entre la Chine et le monde arabe (et confidentiellement intitulé « la Pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises dans une nouvelle ère du marxisme ») car logiquement les organisateurs ne prévoient pas de présence occidentale et la traduction n’est faite qu’entre l’Arabe et le Chinois. Je voudrais apprendre l’Arabe mais d’ici là je décide de défendre l’honneur de la Pologne Populaire dans le séminaire « sur la mission de la jeunesse pour le futur de l’humanité » ou mon intervention est prévue.
- Débat dans la Grande salle de l’Ecole de Marxisme
Je regrette qu’il me soit impossible d’assister aux pas moins de 25 séminaires comportant 15 intervenants chacun, principalement des professeurs des universités chinoises, des facultés de marxisme, des éditeurs et des responsables d’enseignement marxiste au PCC. La plupart des séminaires ont comme sujet le système chinois, « le socialisme avec les caractéristiques chinoises », les réformes chinoises, le marxisme et la philosophie chinoise, la recherche sur le marxisme. Le débat qui a lieu entre les intervenants chinois tournent autour du chemin à choisir pour consolider les acquis du développement et comment continuer à construire une société socialiste. D’une certaine manière, l’alternative est posée entre la société de consommation déjà pleinement développée et la réflexion de ce que devrait être une société socialiste. Parfois, en tant qu’étrangers nous avons l’impression d’assister un peu passivement à un débat inter-chinois alors que nous nous efforçons d’alerter nos hôtes sur les convulsions du monde capitaliste “extérieur” en violente décomposition. La Chine peut elle continuer à ignorer l’agressivité impérialiste en continuant placidement son chemin ou doit elle prendre la mesure du danger qui la guette et mettre en place une contrer-attaque ? En d’autre terme, doit-elle assumer le leadership mondiale et devenir le “contre-monde” à l’Occident ?
Débat sur le socialisme réel passé et défis de l’avenir
Au séminaire sur les « missions de la jeunesse » se succèdent des responsables pédagogiques chargés de développer l’enseignement marxiste dans leurs universités et de jeunes doctorants et assistants chercheurs à qui les 5 minutes de temps alloués ne laissent que trop peu d’espace pour présenter leurs travaux scientifiques. Les sujets abordés sont passionnants et en phase avec la réflexion mondiale : les défis du changements climatiques, la question des réfugiés et des migrations, le terrorisme, l’écologie… Manifestement, ces jeunes ouverts et dynamiques appliquent les lignes directrices du leader Xi Jinping que rappellent un des chercheurs : la recherche de la stabilité sociale, la construction d’une vie en harmonie avec la nature, la coexistence pacifique des peuples et une société prospère. Avec 70% de la population sortie de la pauvreté, la fierté non dissimulée des intervenants chinois est plus que légitime. Mais parfois certains rappellent que c’est l’application réelle du marxisme qui a permit ce développement et donc « la régénération de la nation chinoise » par Mao Zedong… Ce n’est pas un hasard que les rares qui mentionnent le rôle de Mao soit issus des écoles militaires ou des membres du PCC et non des universitaires… C’est à cela aussi que j’utilise mes 5 minutes : je rappelle le soutien que Wladyslaw Gomulka a apporté à la « voie chinoise vers le socialisme » dès 1950 et la réciproque aide chinoise en 1956. Je décris les réalisations majeures de la Pologne Populaire (réforme agraire, industrialisation, construction des infrastructures et haut niveau d’éducation de la population) que les multinationales capitalistes utilisent si bien aujourd’hui depuis 25 ans à leur profit. Mais j’expose également quelques explications sur les raisons de la « chute de l’Europe de l’Est » qui nous est tant reprochée : le manque de vision et de valeurs communistes dans ce qui était déjà dans les années 80 une société de consommation ainsi que le manque de réponse aux aspirations des femmes à l’égalité de pouvoir (aucune femme au CC du POUP en 1988) et des jeunes à la liberté individuelle, notamment sexuelle, aspirations qui ont pu faire apparaitre le modèle occidental comme plus émancipateur et attractif. Je n’ai hélas pas eu le temps de dépeindre le désastre du « capitalisme de choc » que nous avons subi ainsi que les luttes que la gauche renaissante mène en Europe de l’Est en résonance avec les luttes de la périphérie méditerranéenne depuis 2008. Je décide de trouver un espace d’expression dans le séminaire « L’expérience chinoise vue par le monde » où le débat continue tandis que le camarade grec Dimitri Konstantakopulos alerte l’assistance sur l’impossibilité de construire un socialisme dans un seul pays et que le Sénégalais Chérif Salif Sy leur brosse le tableau des méfaits du FMI et de la Banque Mondiale en Afrique.
Nous continuons le débat sur les valeurs d’une société supposément en devenir communiste, alors qu’il ne peut échapper à personne qu’au premier abord la Chine semble être une société de consommation capitaliste comme une autre : les jeunes passent leur temps scotchés sur leur portable, les magasins et la consommation sur internet bat son plein de même que la société de spectacle. Tout le monde est bien habillé de vêtements très individualisés quoique les femmes d’une façon moins sexy qu’en Europe. La télévision diffuse son lot de jeux et de shows stupides, mais aussi des films dont l’action se passe dans la Chine sous occupation impérialiste, plus rarement sous l’épopée maoïste. Alors que nous cherchons à acheter mes médicaments dans une pharmacie traditionnelle d’un supermarché ouvert dimanche matin (!) je demande à mon « étudiant ange gardien » quelle sera sa profession lorsqu’il va finir ses études, tout en mangeant un excellent gâteau dans une luxueuse pâtisserie du quartier. Ma surprise est grande lorsqu’il me répond qu’il veut travailler à la Banque Mondiale ou au FMI ! A mon objection que ce sont des institutions impérialistes qui ont détruit l’Europe de l’Est et l’Afrique, il me répond que le but est de les réformer. Je lui souhaite sans ironie bon courage, sachant qu’il faudra au gouvernement chinois insuffler une rigueur idéologique exemplaire à ces jeunes qu’il compte envoyer pour changer le système impérialiste de l’intérieur, sinon ils vont se laisser acheter par le mirage de l’universel occidental, comme nos ainés des Parti Communistes est européens à la fin des années 80 « fric et frime ».
Je suis plus à l’aise dans la soirée culturelle qui se déroule samedi soir au grand théâtre sous les feux des projecteurs et les caméras avec la participation d’une équipe de présentateurs de télévision connus dans tout le pays. Pour honorer Marx les organisateurs du Congrès ont concocté une magnifique soirée musicale digne des grands moments de l’éducation populaire communiste alors que le peuple était appelé à s’approprier gratuitement l’écoute des grandes œuvres du patrimoine mondial et national. Nous avons droit à un orchestre classique qui interprète des extraits d’œuvres classiques occidentales (Verdi), Russes (Chostakovich) et chinoise accompagnées de voix d’opéra sublimes et puissantes masculines et féminines de grands artistes d’opéra. Un hommage aux amis russes avec une « Katioucha » en Chinois, à la culture révolutionnaire française avec un chœur de « Misérables » et une lecture en poème du Manifeste Communiste en 15 langues par des étudiants. Je me régale d’entendre des chants classiques révolutionnaires chinois comme « La Longue Marche », « La Défense de la Rivière Jaune » ainsi que des chansons traditionnelles sublimés par l’orchestre de musique classique “européenne”. Un rappel de l’universalité de la culture qui est tout ce qui a toujours été la puissance du communisme dans ses réalisations.
Le débat sur l’avenir continue le lendemain au séminaire « L’expérience chinoise vue par le monde ». A coté de responsables d’universités prônant le projet « Une ceinture une route » pour résoudre les contradictions du système capitaliste mondial, je suis surprise d’entendre un intervenant déclarer que la voie chinoise contient ses propres contradictions en germe car « plus nous sommes puissants, plus nous sommes en danger », puis citer… Mao, Lénine et Staline sur les dangers de l’impérialisme et finir par conclure que « l’humanité partagée est de lutter contre l’impérialisme » avant que le modérateur ne lui coupe le micro. Mais Xi Jianking, éditeur de revue économique et militant du PCC, ne se laisse pas faire et invite l’assistance à « dépasser le socialisme de marché », car « la seule façon de résoudre les contradictions de l’impérialisme est la révolution socialiste » ! Il n’est pas isolé, certains jeunes se pressent autour de lui pour discuter tandis que les délégués turc et indien rappellent que la classe ouvrière d’un pays dominant ne peut rester en paix tant que d’autres vont souffrir dans le monde du colonialisme. Le Dr Baldwiner Singh du Pendjab souligne même la mauvaise image de la Chine auprès des classes populaires indiennes ou africaines lorsque qu’elle exporte des produits de grande consommation bon marché et fait ainsi la concurrence aux produits locaux des pays sous développés.
J’en profite pour prendre la parole et faire exister aux yeux de nos hôtes la désastreuse situation de la jeunesse en Afrique, en Europe autant à l’Est qu’à l’Ouest (Grèce, Espagne, France…) soumise au chômage, la précarité, la déqualification et au désespoir de voir leur vie se déliter dans des pays en déliquescence gouvernés par des pseudo élites corrompues. Je décris les luttes puissantes des jeunes Tunisiens, des Africains de l’Ouest, des mouvements sociaux de Grèce, d’Espagne et des Balkans, de France des 10 dernières années. Les « Nouvelles Routes de la Soie » sont un beau projet, mais outre qu’il n’atteint pas l’Afrique, il risque d’arriver trop tard alors que nos sociétés se décomposent et que nos jeunes ont besoin de soutien physique et idéologique dans leur combat contre nos capitalistes agressifs. Et encore je n’avais pas le temps de parler de la répression anti marxiste en Pologne et de la guerre civile en Ukraine, ni de la Syrie et des énormes souffrances auxquelles ce pays a été soumis. J’ai pu cependant l’exprimer le dernier jour lors d’un séminaire de débriefing au cours duquel les organisateurs du congrès ont demandé aux étrangers quels conseils nous pourrions leur donner et quelles sont nos propositions de coopération future. Ma proposition de formation des jeunes au marxisme dans nos pays européens et africains fut bien accueillie par l’assistance et soutenue par les délégués des partis communistes indiens et japonais.
En marche vers l’impérialisme destructeur
La sensation que nos sociétés sont en marche vers une autodestruction qui sera celle de nos vies ne m’a plus quitté alors que j’admirais les réalisations chinoises dans l’architecture, l’urbanisme, les technologies ainsi qu’au soin apporté au patrimoine culturel et historique. J’ai pu le vérifier alors que les jours suivants nous avons visité les grandes réalisations de l’Empire du temps ou la Chine était le plus grand Etat du monde : Grande Muraille, le Temple du Ciel, la place Tian anmen et le Palais du Musée ou Cité Interdite, magnifiques musées tous soigneusement conservés, embellis, mis en valeurs et visité par des centaines de milliers de personnes venus en voyages organisés jusque des villages les plus reculés pour comprendre leur histoire et leur culture.
- Place Tian Anmen
Je pensais alors à nos infrastructures dégradés y compris en Europe de l’Ouest, aux universités et hôpitaux sans moyens, à la pauvreté affligeante des sans domicile de Paris, au chômage de longue durée dégradant et aux migrations chaotiques dissolvant la cohésion sociale des sociétés périphériques. Je remarquais en outre que la France était simplement absente de la réflexion comme un pays qui n’existerait plus. D’ailleurs, la première langue étrangère apprise par les étudiants est le Russe et la seconde… l’Allemand, outre l’apprentissage d’un Anglais opérationnel mais non pas culturel et de l’Arabe dont les spécialistes sont nombreux et de bon niveau.
La Chine avec sa tradition millénaire d’un art de vivre en accord avec la nature (que l’on pense à la médecine, au feng shui, au taoïsme, à l’art des jardins, la cuisine au 5 éléments…) a tout ce qu’il faut, en plus du savoir de ses ingénieurs et techniciens pour relever les défis écologiques. La question est plutôt ce que nous, citoyens d’une civilisation occidentale entrée en décadence allons devenir. Comment allons nous stopper la violence destructrice de nos “élites” barbares dirigée contre la Russie et la Chine et comment allons-nous rassembler nos forces pour résister ensemble, reconstruire un contre pouvoir et soutenir ces pays remparts contre l’impérialisme de nos “élites”.
C’est ce que Samir Amin a déclaré, alors qu’à la session finale il était félicité par le vice Président de l’Université de Pékin pour son statut de « professeur associé » de l’Université et un « véritable ami de la Chine » – Si la Chine entre dans la mondialisation financière, ce sera sa fin car ces outils de l’impérialisme seront retournés contre elle. Et l’Ouest, la Triade (États-Unis, Allemagne, Japon), n’acceptera jamais une Chine forte et la combattra tout comme il attaque la Russie. La guerre est plus que probable dans une telle situation. La seule façon d’y remédier serait de construire une nouvelle Internationale des Travailleurs et des Peuples qui renforceraient la résistance de ceux qui sont en lutte en bas (en Europe, Afrique et Amérique Latine et Asie) et le contre pouvoir des pays qui construisent une alternative à la domination occidentale (Chine et Russie). Une tâche en forme de défi pour les forces de la gauche en Europe que je vous présente ici comme nécessaire à notre survie même.