10 février 2019
Je suis fatigué de suivre le chemin des réformes démocratiques, je n’ai plus d’argent et mes voisins se sont noyés dans l’alcool. Et sur ma télévision, le vent des changements futurs hurle de façon inquiétante et les têtes des présentateurs m’effraient avec les conquêtes de la démocratie. Je veux faire demi-tour et retourner en arrière. Je veux un pays où il n’y ait pas de terroristes, de prostituées, de racketteurs, de gouverneurs, de présentations, de dollars et de système pluripartite. Ben oui, on se demande bien pourquoi on a chassé un parti, pour en laisser des dizaines d’autres nous pressurer ? Qu’est-ce qu’on a gagné à jeter dehors une bande de fonctionnaires si c’est pour en voir se multiplier quantité d’autres ?… Ainsi, pour devenir libres, il nous fallait devenir miséreux ?! Et à qui avons-nous payé pour notre liberté et donné tout ce que nous avions ? Aux oligarques, aux politiciens, aux gangsters, aux bureaucrates, ou est-ce la même chose ? Je souhaite à nouveau qu’on me parle toute la journée à la télévision des succès du socialisme, au lieu de me faire peur avec les échecs du capitalisme.
Laissez-moi retourner en URSS ! Je saurai retrouver mon chemin, car nous avons peu à peu tout abandonné sur cette route pour voyager plus légers. Je reprendrai tout cela en parcourant à l’envers le chemin de nos réformes et je ne retournerai pas en URSS les mains vides. Dans un passé lointain, j’ai prêté de nombreux serments : d’enfant d’octobre, de pionnier et de jeune communiste, et je ne sais pas pourquoi je les ai tous brisés. Et ensuite j’ai vendu ma patrie…
Dans cette vie passée, en URSS, j’ai juré à l’Armée rouge d’être fidèle à ma patrie socialiste. J’ai rompu le serment et je dois maintenant répondre face à mes camarades, qui ont également de leur côté trahi leur patrie et doivent répondre devant moi. Je me demande souvent pourquoi j’ai alors enfreint mon serment militaire et je ne me suis pas précipité pour défendre les richesses du socialisme. C’était une trahison massive de nos idéaux socialistes et l’adhésion aux idéaux capitalistes, que nous sommes également prêts à rejeter aujourd’hui.
En vérité, j’accepterais de me souvenir de mon serment militaire et de m’acquitter de mon devoir, mais ma patrie ne me donne pas de mitraillette et fouille même par les rues les autres passants pour leur prendre leurs armes. Apparemment, la patrie n’attend plus d’acte héroïque de notre part, elle a été offensée et est fatiguée d’attendre. Et nous sentons à nouveau que la patrie est en danger et nous cherchons comment nous enfuir. Je ne veux pas aller en Amérique, je veux aller en URSS !
J’irai courageusement jusqu’à la dernière goutte de mon sang aux samedis communistes et porterai les bannières les plus lourdes lors des défilés du 1er mai. Je le jure, croyez-moi, si vous pouvez encore me croire ! Il n’est jamais trop tard pour apprendre le communisme et il n’est même pas besoin d’apprendre, il suffit de répéter. Me lever le matin en écoutant les paroles de l’ancien hymne, manger une tranche de saucisson soviétique, acheter un ticket de tramway pour trois kopecks et passer fièrement la porte de ma chère usine. Je serai héros du travail socialiste, parole d’honneur, et j’achèterai sans rechigner des billets pour la loterie patriotique !
Je veux retourner en URSS, où nous sommes tous encore ensemble, tous vivants, où l’on n’a pas encore tiré, fait exploser, bombardé, divisé. Si nous avons abandonné tout cela pour des centaines de variétés de saucisses de mauvaise qualité, de baskets et de bière en cannettes, alors reprenez tout, merci, je n’en veux plus. Je veux revenir en 1980, rassembler dans un même lieu tous les politiciens d’aujourd’hui, encore jeunes et intacts, leur raconter tout sur les vingt années suivantes et voir comment ils changeront d’avis.
Il vaudrait mieux encore inverser à nouveau le cours des fleuves de l’URSS que tout le pays à la fois. De retour dans le passé soviétique, je passerai volontiers toutes les normes du GTO [Prêt pour le Travail et la Défense, sorte de brevet de secourisme], rapporterai les déchets de papier, ferraille, cotisations au Komsomol et argent pour aider l’Afrique opprimée. Prenez tout, ça ne me dérange pas. Ce n’était pas du tout cher payé pour une vie tranquille. Je ne peux plus prendre le chemin des réformes. Je pense que bientôt, presque tout le monde voudra retourner en URSS et qu’ils iront en rangs serrés, peut-être même menés par notre gouvernement. Oui, il faut que Lénine soit de nouveau en vie, que le Parti redevienne l’honneur et la conscience, que les enfants entrent au Komsomol et fassent du sport.
Il faut remettre tous les riches au niveau des pauvres. Fabriquer de la vodka à 4 roubles 12 kopecks la bouteille, et avec les Ukrainiens, les Biélorussiens, les Estoniens et les autres peuples frères, boire et boire jusqu’à oublier l’inimitié et se réveiller en URSS. Alors les enfants d’aujourd’hui vivront déjà dans le socialisme. Et nos petits-enfants commenceront à construire le communisme, pas tout de suite, bien sûr, mais ce sera un début.
C’est le vrai bonheur – ne rien avoir et ne rien perdre !
Je veux retourner en URSS. Je vous attendrai tous là-bas…
Alexeï Vinogradov
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* VK (V Kontakte) est le Facebook russe, un texte quasiment anonyme, on ne sait rien sur l’auteur
Titre original : Я ХОЧУ ВЕРНУТЬСЯ В СОЦИАЛИЗМ, В СССР
Traduction : Marianne Dunlop pour Histoire et Société